Lycée franco-mexicain – Cours Olivier Verdun
générosité. Dans Malaise dans la civilisation, il montre qu’il y a un conflit permanent entre la
civilisation et la sauvagerie que serait la satisfaction de nos pulsions. La société, dans cette
perspective, se présente comme un remède, un recours devant pallier les inconvénients de la
guerre permanente de tous contre tous . Elle est du côté de la morale et de la civilisation qui
signifient d’abord, pour le petit barbare polymorphe qu’est l’enfant, souffrance, contrainte,
discipline. En ce sens, la nature est faite d’instincts individuels, la vie en société est un acquis
culturel, donc l’individu existe en quelque sorte antérieurement à son entrée dans la société.
On peut interpréter ce primat de l'intérêt et des tendances asociales comme une structure de la
subjectivité, comme le prix à payer en quelque sorte de l'identité. L’intérêt, ce serait d’abord
cette irréductible présence à soi, cette solitude ontologique que la vie en société tente
d’aménager, de réguler, autant que faire se peut, avec plus ou moins de bonheur : ce qui fait
fonctionner les sociétés humaines, c’est l’argent, l’intérêt, les rapports de force et de pouvoir,
l’égoïsme, le narcissisme ; ce qu’il a fallu d’égoïsmes bien réglés pour que je reçoive mon salaire
à la fin du mois et que je puisse le dépenser tranquillement ! Comme le souligne André Comte-
Sponville dans L’amour la solitude, vivre, c’est d’abord assumer cette solitude constitutive de
notre être et renoncer à l’illusion de la fusion : l’amour, la vie avec les autres ne seraient qu’une
solitude partagée et la sagesse consisterait à apprendre à s’aimer, c’est-à-dire à vivre cette
solitude-là, pour aimer les autres et partager leur propre solitude.
2) La thèse de Hobbes et la distinction de l'état de nature et de l'état de société
On peut interpréter ce primat de l'intérêt autrement, à la façon de Hobbes, à la lumière de la
question politique et juridique.
Selon Hobbes, la guerre de tous contre tous est la condition naturelle de l'humanité
lorsque les hommes vivent sans maîtres reconnus et incontestés. La vie de l'homme en société est
dominée par la vanité, l'orgueil, le désir de l'emporter sur le voisin, de faire reconnaître sa
supériorité. Vivant au milieu de ses semblables. Chacun, à l'état de nature, a un droit sur toutes
choses. Ce droit illimité de chacun découle de la guerre de tous contre tous et il est
simultanément la source de cette guerre. Chacun, dans l'état de nature, est juge de la conduite
nécessaire à sa propre conservation. Les désirs et les passions des hommes ne sont pas en eux-
mêmes des péchés; la moralité, le bien et le mal, le péché n'ont pas de sens dans l'état de nature.
Ces maux ont leur source dans la nécessité, ils n'appellent pas la guérison de la grâce mais celle
de l'art.
La raison humaine, constatant l'absurdité de cette guerre, va chercher les moyens de la
paix. Chacun devra donc s'engager par contrat avec chacun à renoncer à ce droit naturel illimité
sur toute choses, droit transféré à un souverain, à charge pour ce dernier de défendre la paix
civile, fût - ce par la force. Le fondement de la souveraineté est le droit de l'individu. La
source de ce droit de l'individu est l'humble nécessité de se conserver, d'éviter la mort. Le droit
naît de la nécessité de fuir le mal. Le contrat qui, en idée et non pas à titre de fait historique, est
nécessaire pour instituer la société politique arrache les individus à leur condition naturelle.
Fonction opératoire du concept de contrat : l'homme est placé au principe de la politique; le
contrat est conclu entre les hommes eux-mêmes et il s'opère en faveur d'un tiers qui est l'autorité
politique, laquelle est édifiée par ce désistement général auquel tous consentent; la multitude est
alors unie en un Etat ou une République.