Indications et modalités de mise en route de l`oxygénothérapie

publicité
1
Indications et modalités de mise en route de
l’oxygénothérapie
Dr. Boubou CAMARA, Clinique des Voies Respiratoires, Hôpital Larrey
CHU Rangueil-Larrey, Toulouse
[email protected]
Introduction
L'oxygénothérapie consiste en l'administration d'oxygène additionnel dans les voies aériennes,
à un niveau de concentration supérieur à ce qui est observé dans l'air ambiant (de 21 à 100 %).
L'apport d'oxygène aux tissus dépend de la ventilation alvéolaire, de la qualité des échanges
gazeux (membrane alvéolo-capillaire), de son transport et du niveau de son extraction
tissulaire. Les deux principaux mécanismes d'hypoxie tissulaire sont l’hypoxémie artérielle et
le défaut de transport de l’oxygène
Indications de l'oxygénothérapie
L'oxygénothérapie est indiquée en traitement de l'hypoxie et de l'hypoxémie, ou chez les
patients à risque de développer une hypoxie [1]. Le recours à l'oxygénothérapie doit
cependant être envisagé avant la mise en évidence ou la confirmation de l'hypoxémie. Il y a 2
cas de figures :
- Hypoxémie documentée : dans le cadre d’une détresse respiratoire aiguë ou au cours de
l'insuffisance respiratoire chronique décompensée, l'oxygénothérapie additionnelle est
indiquée chez l'adulte quand la PaO2 (pression partielle d'oxygène dissous dans le sang
artériel) est inférieure à 60 mmHg (8 kPa) et/ou la SaO2 (saturation artérielle en oxygène) est
inférieure à 90 %. Une étude ancienne montre que la survenue d'une hypoxémie chez un
patient hospitalisé est responsable d'une augmentation significative de la mortalité dans les 4 à
7 mois suivants [2].
- Hypoxémie probable : Il existe de nombreuses situations cliniques au cours desquelles la
survenue d'une hypoxémie est possible (hypotension artérielle, état de choc, atteinte
cardiovasculaire, bas débit cardiaque et acidose métabolique, polytraumatisé, choc
hémorragique, troubles de conscience, défaillance multiviscérale, intoxication, pathologie
obstétricale aiguë, prise en charge extrahospitalière de tout patient en état grave) [2]. Ainsi,
2
l'oxygénothérapie à haute concentration (> 15 l/min) devra être quasi-systématique chez les
patients pris en charge en extrahospitalier, pour une pathologie médicale ou chirurgicale
mettant en jeu le pronostic vital, y compris chez des patients insuffisants respiratoires
chroniques [3]. Le risque de survenue d'un arrêt cardio-circulatoire hypoxique est plus
important et son occurrence plus rapide, que celui de l'installation d'une carbonarcose.
- Oxygénothérapie de longue durée (OLD) : Les indications de l'OLD s'appuient
principalement sur deux études du début des années 1980, celles du NOTT (Nocturnal
Oxygen Therapy Trial Group) [4] et du MRC (Medical Research Concil) [5], qui ont prouvé
une action bénéfique significative sur la survie, le retentissement hémodynamique et la qualité
de vie. L'oxygénothérapie s'applique à des malades atteints d'une insuffisance respiratoire
chronique (IRC) dont la PaO2 est inférieure ou égale à 55 mmHg lors de plusieurs contrôles
sur plusieurs semaines, en dehors d'un épisode de décompensation, sous traitement médical
optimal. La présence d'une hypercapnie chronique associée est un argument supplémentaire
en faveur de la mise sous oxygène au long cours. Si la PaO2 est comprise entre 56 et
59 mmHg, l'existence conjointe de signes d'insuffisance cardiaque droite, et/ou d'une
polyglobulie, et/ou d'hypertension artérielle pulmonaire secondaire documentée, et/ou d'accès
de désaturations nocturnes constituent aussi un critère reconnu d'oxygénothérapie de longue
durée [6, 7]. L'OLD doit être prescrite et surtout observée 10 à 12 heures par nuit pour une
durée totale d'au moins 15 heures sur 24 [4, 7]. Il n’ y a pas de preuve que des durées moins
longues aient une efficacité sur la survie.
Complications – effets secondaires
L’hypercapnie : Une oxygénothérapie à haut débit est susceptible d'induire la survenue, ou la
majoration d'une hypercapnie chez un patient insuffisant respiratoire chronique. Toutefois, y
compris chez ces patients IRC, l'hypoxémie reste plus dangereuse que la majoration de la
capnie. Par ailleurs, la présence d'une hypercapnie n'est pas spécifique d'une décompensation
aiguë d'insuffisance respiratoire chronique, 50 % des patients âgés hospitalisés pour un
œdème pulmonaire cardiogénique sont hypercapniques à l'admission, y compris en l'absence
d'insuffisance respiratoire chronique [8].
Atteinte pulmonaire toxique : Une atteinte pulmonaire toxique liée à la production de
radicaux libres a été évoquée à partir d'expérimentations animales en cas d'administration
prolongée d'oxygène à des FIO2 > 50 % (Fraction inspirée d’oxygène). La survenue d'une
telle atteinte chez l'homme reste controversée.
3
Autres complications : Les incendies et les brûlures représentent l'essentiel des autres
complications surtout chez les patients poursuivant une intoxication tabagique pendant
l'oxygénothérapie. Il ne faut pas méconnaître la contamination bactérienne des dispositifs
d'humidification (risque de légionellose), les lésions muqueuses liées à la sécheresse des
sécrétions, le risque de dilatation aiguë de l'estomac, avec quelques cas rapportés de rupture
gastrique (manœuvres de réanimation avec usage de sondes nasales à oxygène à des débits
élevés).
Modalités pratiques d'administration de l'oxygène
En ventilation spontanée, l'administration d'oxygène peut se faire par lunettes, masque simple
ou sonde pour les faibles débits (≪ 6 l/min), au masque Venturi (FIO2 = 24 à 60 %) ou à
haute concentration pour les débits plus importants [3].
- Choix de l'interface d'administration : Les lunettes à oxygène sont des dispositifs avec
deux petits embouts permettant de relier le système d'approvisionnement en oxygène aux
narines du patient. Les sondes nasales sont fait d'un petit tuyau souple introduit profondément
dans une narine et devant arriver jusqu'au pharynx. Les risques sont : introduction trop
profonde avec cathétérisation de l'œsophage et insufflation gastrique (risque potentiel de
rupture gastrique), introduction pas assez profonde avec fuites buccales. La tolérance peut
être médiocre. Les masques à haute concentration se présentent sous la forme d'un masque
facial en plastique transparent, sous lequel est placé un réservoir souple. De part et d'autre du
masque sont placées des ouïes permettant l'expiration, et qui peuvent être munies d'une ou
deux valves en caoutchouc souple. Une troisième valve souple est quant à elle toujours placée
entre le masque et le réservoir. Ces valves vont permettre d'une part d'éviter que le patient ne
réinhale ce qu'il a expiré, et d'autre part de n'inspirer dans la mesure du possible que le débit
de gaz frais (oxygène pur) et le contenu de la réserve. Le masque Venturi est un système qui
permet en théorie l'administration d'oxygène à une FIO2 précise. La partie supérieure se
présente comme un masque classique, mais le raccordement à l'oxygène s'effectue par une
chaussette sur laquelle s'adaptent des embouts perforés de couleurs différentes, ou une molette
graduée, qui vont déterminer la FIO2 par une calibration de la fuite à partir du débit administré.
- Les sources d'OLD à domicile
4
L'administration de mélanges gazeux enrichis en oxygène peut se faire à partir de trois
sources de gaz provenant de stockage gazeux, liquide, ou de concentrateurs d'oxygène [8].
Les concentrateurs ne peuvent pas fournir de débit supérieur à 5 l/min.
Posologies
L'objectif de l'oxygénation est d'obtenir une saturation artérielle en oxygène (SaO2) ≥ 90 %,
dans des conditions normales de pH et de température. Ce niveau de saturation correspond à
une PaO2 de 60 mmHg, il doit être la priorité du clinicien, y compris chez le patient
hypercapnique. Dans l'IRA, une fois l'objectif de SaO2 atteint, à l'aide d'un haut débit initial,
on pourra diminuer les niveaux d'oxygène, dans l'IRC le débit doit être ajusté sous contrôle
des gaz du sang pour atteindre une PaO2 d'au moins 60 mmHg et la majoration de
l'hypercapnie respectée si elle n'induit pas de retentissement clinique [7]. Dans le cadre de
l'IRC, la mise en route d'une OLD est synonyme de traitement à vie, quel que soit
ultérieurement le niveau de PaO2 en air ambiant. La durée doit être supérieure à 15 heures par
jour, afin de conserver l'effet de l'OLD sur l'espérance de vie de ces patients [6, 9].
Bibliographie
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
Kallstrom, T.J., AARC Clinical Practice Guideline: oxygen therapy for adults in the
acute care facility--2002 revision & update. Respir Care, 2002. 47(6): p. 717-20.
Bowton, D.L., P.E. Scuderi, and E.F. Haponik, The incidence and effect on outcome of
hypoxemia in hospitalized medical patients. Am J Med, 1994. 97(1): p. 38-46.
Gut-Gobert, C. and E. L'Her, [Indications and practical issues concerning oxygen
therapy]. Rev Mal Respir, 2006. 23(1 Suppl): p. 3S13-23.
Continuous or nocturnal oxygen therapy in hypoxemic chronic obstructive lung
disease: a clinical trial. Nocturnal Oxygen Therapy Trial Group. Ann Intern Med,
1980. 93(3): p. 391-8.
Long term domiciliary oxygen therapy in chronic hypoxic cor pulmonale complicating
chronic bronchitis and emphysema. Report of the Medical Research Council Working
Party. Lancet, 1981. 1(8222): p. 681-6.
Dautzenberg, B., [Indications for and modalities of long-term oxygen therapy]. Rev
Prat, 2001. 51(10): p. 1079-85.
[Guidelines for the clinical management of COPD, 2003 update: organisation and
argumentation]. Rev Mal Respir, 2003. 20(3 Pt 2): p. S7-9.
L'Her, E., et al., Noninvasive continuous positive airway pressure in elderly
cardiogenic pulmonary edema patients. Intensive Care Med, 2004. 30(5): p. 882-8.
Lacasse, Y., et al., Nocturnal oxygen therapy in patients with chronic obstructive
pulmonary disease: a survey of Canadian respirologists. Can Respir J, 2007. 14(6): p.
343-8.
Téléchargement