RÉUNION DU JEUDI 28 FÉVRIER 2002 3
BIQ (2001-2002) n° 2
Présidence successive de M. Marc COOLS,
doyen d’âge, et de Mme Françoise BERTIEAUX,
présidente.
- La réunion est ouverte à 14h15’.
INTERPELLATION DE MME DOMINIQUE BRAECK-
MAN A MM. JOS CHABERT ET DIDIER GOSUIN,
MEMBRES DU COLLÈGE RÉUNI COMPÉTENTS
POUR LA POLITIQUE DE LA SANTÉ,
concernant “les politiques intersectorielles (notamment
via ‘Ville et Santé’) à mettre en oeuvre pour répondre
aux problèmes de santé publique liés aux intoxications
par le plomb”.
Mme Dominique Braeckman .- Le plomb est un métal
connu de longue date mais il n’a été abondamment utilisé qu’à
partir de la révolution industrielle. Dans les années 60, il a été
reconnu comme cause d’un problème de santé publique. Très
répandu dans notre environnement quotidien, notamment dans
les vieilles peintures et dans l’eau, il peut contaminer l’orga-
nisme par différentes voies: digestive, respiratoire, conjoncti-
vale, placentaire.
Les principales victimes sont les enfants. Or, la capacité
d’absorption digestive et pulmonaire et cérébrale sont propor-
tionnellement plus importantes chez l’enfant que chez l’adulte.
Le plomb peut être la cause de retard de croissance et avoir
des effets sur le système nerveux, les reins, l’audition. Une
grave intoxication au plomb peut conduire au coma et le décès
n’est pas exclu, même s’il est rare.
Les signes permettant de diagnostiquer le saturnisme ne
sont pas évidents. L’identification des sources d’intoxication
s’effectue au domicile des personnes contaminées et si leur
éviction s’impose, elle reste malheureusement exceptionnelle.
Les conseils aux familles sont importants, surtout si des réno-
vations non professionnelles sont prévues car elles exposent les
habitants à davantage de poussières riches en plomb.
En 1991, une enquête ayant pour but d’estimer la présence
de saturnisme chez les jeunes enfants résidant dans les anciens
quartiers bruxellois a démontré que l’intoxication par le plomb
représente un problème de santé publique bien réel. La source
principale incriminée est la présence d’anciennes peintures au
plomb accessibles sous forme d’écailles et de poussières.
En 1926, un arrêté royal interdisait déjà l’emploi de pig-
ments de plomb pour toute peinture intérieure et objets
d’ameublement. Mais, il faut attendre les années 1970 pour que
soit effectivement interdit le plomb dans les peintures. Dès
lors, dans les habitats anciens, les teneurs en plomb par
gramme de peinture peuvent atteindre plusieurs centaines de
milligrammes.
Si on sait que les habitants de maisons vétustes sont les
principales victimes et qu’une alimentation carencée en fer est
un facteur favorisant le risque d’intoxication, on peut poser
comme postulat que le saturnisme touche davantage les popu-
lations les plus fragilisées. Le dépistage des personnes intoxi-
quées, de leur habitat et la prévention de cette intoxication sont
essentiels.
L’étude de 1991 proposait quelques actions à court terme
parmi lesquelles l’information des parents aux différentes sour-
ces d’intoxication, le dépistage systématique des familles à ris-
que par voie de questionnaire, la recherche des causes
d’intoxication et l’introduction de la notion de risque saturnin
dans les textes légaux concernant le logement en termes de
salubrité et de rénovation.
En 95 et 96, des enquêtes réalisées par l’ISP, l’ONE et
l’hôpital Saint-Pierre dans les quartiers à risque ont montré que
les résultats de l’enquête de 91 se confirment avec des augmen-
tations liées notamment au fait que le dépistage a été effectué
sur des publics à risque. Ce dépistage a été possible grâce à un
ciblage des enfants à risque sur base des critères mis en évi-
dence lors de l’enquête de 1991.
Cela fait quelques années que le plomb a quitté l’essence,
des rénovations ont eu lieu et on peut espérer que les anciennes
peintures commencent à disparaître totalement. L’ensemble de
l’habitat bruxellois n’a certes pas été rénové mais des actions
de sensibilisation ont été menées avec notamment des brochu-
res.
Le réseau des amenées d’eau va, prochainement, se confor-
mer à une directive européenne qui prévoit des limitations de
plomb par litre d’eau.
Pourtant le tableau de bord de la santé des Bruxellois indi-
que que si on applique les résultats de l’étude de 91 à l’ensem-
ble de la Région, un dépistage des 20.000 enfants de moins de
6 ans habitant des secteurs statistiques similaires devrait entraî-
ner plus de 8000 contrôle de plombémie. Mille enfants nécessi-
teraient un suivi rapproché; 1.200 enfants intoxiqués
sérieusement devraient être suivis médicalement.
Sur le terrain, des actions ont été entreprises: la création de
l’asbl Risque a permis le décloisonnement des approches épi-
démiologiques, environnementales et toxicologiques. Son
action se concentre sur la question du plomb dans l’eau et
l’analyse des teneurs en plomb dans les dents de lait tombées.
D’autres associations travaillent à la prévention, au dépis-
tage et au suivi de ces recherches et mettent en avant la néces-
sité de nouvelles normes de salubrité.
Les spécialistes de l’ambulance verte ont déjà eu l’occasion
d’aborder le saturnisme mais n’ont pu effectuer des dépistages
systématiques. Cet outil est idéal pour faire le lien entre les
questions environnementales, de logement, médicales et socia-
les.
Malgré le travail accompli, il faut aller plus loin.
En France, les Ministres de la Santé et de la Recherche, en
collaboration avec l’Inserm, ont inscrit la lutte contre le satur-
nisme dans un plan gouvernemental très large.
Ce problème est, au niveau institutionnel, un beau cas
d’école: s’agit-il d’une compétence de santé publique, d’envi-
ronnement, de logement, sociale?