Lyme : être ou ne pas être, telle est la question

Journal Identification = MET Article Identification = 0599 Date: December 22, 2016 Time: 1:40 pm
Éditorial
mt 2016 ; 22 (6) : 352-3
Lyme : être ou ne pas être,
telle est la question !
Emmanuel Andrès1, Thomas Vogel1, Anne Bourgarit2
1Centre hospitalier régional universitaire de Strasbourg, Strasbourg, France
2Hôpital Jean Verdier, Université Paris 13, Bondy, France
`
Al’orée de 2017, à l’heure de la
toute-puissante médecine scien-
tifique et factuelle, il nous a
semblé opportun, à travers ce der-
nier éditorial de l’année 2016 de
Médecine Thérapeutique, de mettre
en lumière le combat «fratricide »,
quoique à fleurets mouchetés, qui
se mène autour de la maladie de
Lyme [1], la «grande simulatrice »
des XXeet XXIesiècles au même titre
que la syphilis dans les siècles
passés.
La France de 2017, tout comme
celle du siècle des Lumières, que
peuplaient grands philosophes,
scientifiques et médecins, est friande
de renouveau, de polémiques et de
remises en question [2]. Ces der-
nières semaines, le débat médical
s’est ainsi enflammé autour de la
maladie de Lyme, opposant ce que
l’on pourrait appeler les «septiques »
et les «convaincus »[3, 4].
Les «convaincus »(les profes-
seurs Jaulhac, Christmann et Hans-
mann) s’appuient sur les données
robustes de la médecine factuelle
[5], sur les études prospectives ran-
domisées, se soumettant ainsi à
une méthodologie éprouvée mais
également au dictat du petit p,
avec comme arguments : la bonne
sensibilité et spécificité des tests
diagnostiques validés [5], la non-
significativité statistique des traite-
ments des formes chroniques... [6].
Les «septiques »(les professeurs
Perronne et Montagnier) réfutent ces
données, ou du moins l’interprétation
qui en est parfois faite [7, 8]. Ils
affûtent leurs arguments et surfent
sur la vague des mécontents de tous
bords, qui sont légion dans notre pays
de nos jours. Ils s’appuient sur les
données – ou plutôt sur les «incon-
nues »– actuelles de la science et de
la clinique : quid des formes vues aux
microscopes électroniques alors que
les tests sont négatifs ? Quid de la via-
bilité de l’ADN trouvé dans certains
tissus ? Quid des formes chroniques
et de leur traitement ? [7-9].
Pour le «non-initié », qu’il soit
patient ou professionnel de santé,
la maladie de Lyme est devenue un
terrain mouvant, une énigme, une
incertitude... une sorte de «patate
chaude »oserions-nous même écrire.
Ainsi, que faire en pratique devant un
patient qui souffre et qui ne trouve
pas la solution à ces maux, per-
suadé qu’il est d’avoir une maladie
de Lyme ? Les preuves actuelles sont-
elles suffisantes pour que le praticien
prenne une décision, en toute légi-
timité et en toute quiétude, pour le
bien de son patient ? Ou au contraire,
n’est-on pas dans l’incertitude la plus
totale pour revenir à un certain empi-
risme et à l’«Art médical »de nos
anciens maîtres.
Les médias, la «grande »presse,
les sociétés savantes (telles la Société
de pathologie infectieuse de langue
franc¸aise), et même l’Académie de
médecine occupent le terrain et/ou
y ont été appelés pour tenter de
faire avancer les choses (dans le bon
sens bien sûr), documenter les faits
et émettre un avis voire une recom-
mandation [6-8]. Le gouvernement et
les autorités franc¸aises de santé sont
aussi de la partie et un plan natio-
nal contre la maladie de Lyme a vu le
jour [7] !
doi:10.1684/met.2016.0599
Tirés à part : E. Andrès
352
Pour citer cet article : Andrès E, Vogel T, Bourgarit A. Lyme : être ou ne pas être, telle est la question ! mt 2016 ; 22 (6) : 352-3 doi:10.1684/met.2016.0599
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À côté de ces initiatives louables, des dérives se sont
hélas, comme souvent, faites jour avec la classique «théo-
rie du complot »... le rôle de l’industrie pharmaceutique
qui est montré du doigt... le tout entretenu par Internet et
le besoin d’informations 24 heures/24.
En 2016, le praticien de terrain reste sur sa faim :
quels tests pratiquer dans les différentes populations ou
aux divers stades de la maladie ? Quid de la prolonga-
tion de l’antibiothérapie ? Quel traitement pour les formes
chroniques ?
La période des vœux approchant, on ne peut souhaiter
que 2017 soit une année faste pour la maladie de Lyme et
surtout pour les patients en souffrance.
J’en profite pour présenter nos meilleurs vœux aux
lecteurs et longue vie à Médecine Thérapeutique.
Références
1. http://www.lyme-sante-verite.fr/La_maladie.B.htm#La_maladie.B;
site consulté le 31 octobre 2016.
2. http://www.liberation.fr/debats/2016/09/06/la-france-
empoisonnee-par-ses-polemiques_1486797; site consulté le
30 octobre 2016.
3. http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/05/27/25026-maladie-
lyme-plainte-collective-apres-annees-polemiques; site consulté le
30 octobre 2016.
4. http://www.leprogres.fr/sante/2016/09/21/lyme-tiques-et-
polemique; site consulté le 30 octobre 2016.
5. Shapiro ED. Lyme Disease. N Engl J Med 2014; 370:
1724-31.
6. Berende A, Hofstede H, Vos FJ, et al. Randomized trial of longer-
term therapy for symptoms attributed to Lyme disease. N Engl J Med
2016 ; 374 : 1209-20.
7. http://ffmvt.org/pr-christian-perronne-pour-lyme-les-choses-sont-
en-train-de-bouger/; site consulté le 31 octobre 2016.
8. http://www.sciencesetavenir.fr/sante/maladie-de-lyme-la-drole-d-
annonce-du-pr-luc-montagnier_30694; site consulté le 31 octobre
2016.
9. Melia MT, Auwaerter MG. Time for a different approach to
Lyme disease and long-term symptoms. N Engl J Med 2016 ; 374 :
1277-8.
mt, vol. 22, n6, novembre-décembre 2016 353
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