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Février 2015
BAISSE DU COURS DU PÉTROLE :
QUELLES CONSÉQUENCES ?
Évolution du cours du pétrole en dollars
Depuis juin 2014, le cours du BRENT n’a cesde diminuer. Il s’est établi à 62,2 dollars le baril en
décembre dernier contre 118,8 dollars le baril en juin 2014, soit une baisse de 9,31 % par mois en
moyenne entre ces deux périodes. Cette diminution quasi constante succède à une période, pour
ainsi dire, de stabilité débutée en avril 2011 durant laquelle le prix du baril s’enregistrait à 110 dollars
le baril en moyenne.
Aujourd’hui, il atteint son niveau le plus bas depuis mai 2009
1
et sa cotation continue de décélérer : il
a été relevé, dernièrement, à 48,4 dollars le baril. Ainsi, depuis juin 2014, le cours du BRENT s’est
effondré de 56,7 %.
Comme toutes les matières premières, le prix du pétrole répond aux fluctuations de l’offre et de la
demande. Actuellement, la baisse des cours de cette matière première provient en grande partie de
l’accroissement de l’offre conjuguée à une baisse de la demande.
Les causes
L’élément déclencheur de la chute des prix du pétrole est la révision à la baisse, intervenue en juin
dernier, des prévisions de demande de cette matière première : ces dernières ont en effet été
divisées par deux, le retard du rebond de la croissance mondiale n’ayant pas été anticipé. Ainsi, il a
été révélé que la demande de pétrole était en réalité nettement inférieure à l’offre qui a continué,
quant à elle, de s’accroitre.
- La production mondiale de pétrole a augmenté de 2 millions de barils par jour (mbpj) en un
an alors que la hausse de la demande ne s’est établie qu’à 0,7 mbpj
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, notamment, en raison
d’un contexte économique peu dynamique : la demande chinoise et celle des pays
émergents semblent durablement inférieures aux prévisions du premier semestre.
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Données INSEE
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- En outre, l’offre a été supérieure de 1 mbpj aux prévisions du fait de l’accroissement de la
production libyenne et nord-américaine. L’apparition de sources non conventionnelles
(schiste, sables bitumeux, etc.) a, en effet, accru l’offre de pétrole.
Il faut également noter que le pétrole n'est pas tout à fait une matière première comme les autres et
le mode de fixation de son prix est caractéristique du marché sur lequel il s’échange. Outre le fait que
son prix reflète les coûts de production, comme pour tous les biens, le pétrole étant une ressource
naturelle non renouvelable, son prix intègre également une rente de rareté. À cela s'ajoute une rente
non concurrentielle qui tient à la forme d'organisation en cartel de ce marché, ainsi que de
nombreuses taxes pesant sur le prix final du pétrole.
Ainsi, l’autre facteur explicatif de la baisse des prix est la modification du comportement des pays de
l’OPEP. En particulier, ils auraient laissé filer les prix afin de rendre l’exploitation des sources non
conventionnelles moins rentable, leurs coûts de productions étant plus élevés que ceux du pétrole
« conventionnel ». Le marché tente donc de fixer un prix qui forcera les producteurs « non
conventionnels » à réduire leur offre. Les membres de l’OPEP n’ont, en effet, aucun intérêt à court
terme à réduire leur offre : s’ils procédaient ainsi, ils risqueraient de transférer leurs parts de marché
vers les pays à production « non conventionnelle » qui, eux, ne réduiraient pas leur production.
Une stabilisation, voire une hausse des prix, est envisageable à moyen
terme
Étant donné qu’il n’existe réellement aucune donnée transparente sur les coûts de production du
pétrole et que les stocks se sont fortement accrus, la poursuite de la baisse du prix du pétrole est
possible à court terme.
Néanmoins, à moyen terme, l’évolution des prix dépendra principalement des risques géopolitiques.
Par exemple, si en Libye et en Irak, la production a continué de progresser, cet accroissement résulte
d’un effet de rattrapage : pour ces mêmes raisons géopolitiques, la production dans ces pays s’était
arrêtée au plus fort des tensions. Une nouvelle interruption de la production n’est pas à exclure, ce
qui pourrait stabiliser voire accroitre les prix.
De même, compte tenu de la perte de rentabilité, les producteurs non conventionnels et en
particulier de pétrole de schiste, pourraient réduire leur offre. Étant donné que l’exploitation des
puits de pétrole de schiste est plus rapide et nécessite des investissements initiaux moins lourds, les
producteurs ont la possibilité d’ajuster leur production dans des délais relativement courts. Par
conséquent, la croissance de la production américaine de pétrole pourrait ralentir en 2015,
soutenant une hausse des prix. Cependant, ce raisonnement suppose que le gouvernement
américain ne subventionne pas les producteurs domestiques.
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Répercussions de la baisse des prix dans la zone euro
Effets théoriques sur la croissance d’une zone importatrice
Plus la composante « consommation énergétique » est importante dans la consommation totale, ce
qui est généralement le cas, plus l’impact d’une baisse des cours du pétrole sera grand. Le principal
effet direct de la baisse des prix du pétrole sur une zone importatrice est la réduction, de fait, de sa
facture énergétique. D’autres impacts indirects sont également à noter.
Au niveau de la consommation, la baisse des cours du pétrole a un effet sur le pouvoir d’achat des
ménages, ce qui peut avoir deux conséquences :
- D’une part, dans un contexte de croissance économique, on observe un accroissement de la
consommation en :
o Produits pétroliers : il est notamment estimé qu’une baisse des cours du pétrole de
10 % induit une hausse de la demande de l’ordre de 0,25 %. Par conséquent et de
manière linéaire, une baisse de 56,7 % devrait accroître la demande mondiale de
1,42 %
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.
o Et/ou autres biens et services : à revenu constant, une baisse des prix du pétrole
importé permet soit d’acheter plus de pétrole, soit d’en acheter la même quantité
laissant plus de revenu disponible pour l’achat d’autres biens et services.
- D’autre part, dans un contexte de stagnation-récession, le surplus de pouvoir d’achat se
traduit en épargne.
Au niveau des finances publiques, la baisse des prix du baril peut avoir pour conséquence de réduire
certaines recettes fiscales. En effet, en France, si la taxation des produits pétroliers est assise sur les
volumes (TICPE) elle l’est également sur la valeur via la TVA. Les recettes fiscales pourraient diminuer
si les consommateurs choisissent l’épargne à l’accroissement de consommation. Dans ce cas, l’État
pourrait être tenté de créer une nouvelle taxe ou d’élargir une taxe existante.
Au niveau de la production, la baisse des cours du pétrole diminue les coûts de productions
directement et indirectement. En supposant que le baril de Brent demeure à 70 dollars, la baisse des
prix des produits énergétiques s’accentuerait (-4,1 % en juin 2015 en glissement annuel, après -2,5 %
en novembre 2014).
Certains secteurs dépendent fortement de l'approvisionnement en pétrole. Il s'agit, notamment, des
transports, de l'industrie ou encore de la chimie. Ainsi, une baisse du prix du pétrole profite
directement à ces secteurs en desserrant la pression sur leur marge et se propage dans toute
l'économie : elle touche les fournisseurs et leurs coûts de production, qui se répercutera sur le prix
final et les consommateurs et la croissance économique.
Enfin, le maintien des prix du pétrole à un faible niveau affecte les anticipations des agents
économiques notamment en matière d’inflation : ils peuvent anticiper une nouvelle baisse de
l’inflation ce qui pourrait se traduire en spirale déflationniste.
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Néanmoins, certains effets peuvent être atténués en pratique
Tout d’abord les consommateurs de pétrole n’ont pas le même comportement face à une baisse des
prix du pétrole suivant la conjoncture économique. Actuellement, celle-ci pousse les agents
économiques à la prudence et les incite à épargner. Par conséquent, dans ce contexte et à revenu
constant, une baisse du prix du pétrole se traduira par un accroissement de l’épargne, plutôt que par
l’accroissement de consommation des autres biens et services. Dans ces conditions, la baisse des prix
du pétrole résultant d’une diminution de la demande mondiale ne permet pas de relancer la
croissance économique d’une zone.
Ensuite, la zone euro fait face à une désinflation résultant de la mauvaise orientation de la
conjoncture économique. Dans de nombreux pays de la zone euro, les carnets de commandes se
sont dégarnis, la pression fiscale est élevée sur les entreprises et les ménages, et l’accroissement du
taux de chômage maintient la consommation à un niveau bas. Ainsi, le taux d’inflation annuel de la
zone euro
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s’est établi à -0,2 % en décembre 2014, contre 0,3 % en novembre. Il s’agit du taux le plus
faible enregistré depuis septembre 2009. Par conséquent, les effets de la baisse des cours du pétrole
sur les marges des entreprises sont compensés par ceux de la conjoncture actuelle qui a tendance à
resserrer ces mêmes marges.
Enfin, l’accompagnement de la politique monétaire de la baisse des prix est très limité actuellement
dans la zone euro. En effet, une réponse optimale des autorités monétaires suppose que celles-ci
puissent ajuster les taux d’intérêt. Or, ceux-ci sont déjà très bas : le taux directeur s’établit à 0,05 %,
ce qui laisse une marge de manœuvre infime à une nouvelle baisse de ce taux.
En outre, la dépréciation de l’euro atténue les effets de la chute du prix du pétrole sur l’évolution des
prix au sein de la zone euro. Depuis le printemps 2014, le taux de change de l’euro se déprécie :
entre mars et octobre 2014, la monnaie unique a perdu en moyenne 5 % de sa valeur par rapport à
l’ensemble des partenaires de la zone euro. L’euro a baissé de 10 % par rapport au pic de 1,3927
dollar atteint début mai
5
. Ainsi, la baisse de l’euro, si elle favorise les exportations, impacte
négativement les importations en les renchérissant.
Une certitude demeure : après la chute des prix du pétrole interviendra fatalement une remontée de
ces mêmes prix. Il faut donc s’y préparer car ce retournement pourrait se produire sans crier gare.
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Données EUROSTAT
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CEPII le blog novembre 2014
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