Compte-rendu de l’atelier de discussion scientifique PACTE avec le groupe de projet AFSP PopAct 30 mai 2013 Intervenant : Stéphane Cadiou (Université de Nice Sophia Antipolis, ERMES) Discussion : Pierre Bréchon (PACTE, IEP Grenoble), JosuaGräbener (PACTE, IEP Grenoble) Dans le cadre des séances de l’atelier organisées en coopération avec le groupe de projet de l’AFSP PopAct, nous recevions Stéphane Cadiou sur « une opinion à prendre à compte ? Les ressorts de la participation des commerçants aux politiques urbaines”. L’intervention se situe au croisement entre deux axes de réflexion de PopAct : comment les élus construisent-ils des publics (axe 1) et comment ces publics influencent-ils l’action publique urbaine (axe 4) ? Plus précisément, S. Cadiou interroge la circularité de la relation entre opinion publique et action publique à partir des modes d’intervention et de mobilisation des commerçants dans l’espace urbain : quels sont les processus de communication politique entre citoyens organisés et pouvoirs publics ? Quels sont les enjeux publics posés par l’expression de ces intérêts sociaux ? Au-delà des différentes démarches de proximité et de consultation qui se multiplient dans l’action publique locale, la mobilisation des commerçants et leur prise en compte par les élites politiques urbaines permet de s’interroger sur le modalités de prise en compte (outils, sondages, etc.) de cette opinion, alors même qu’ils sont soumis à des demandes contradictoires dans des sociétés urbaines de plus en plus complexes et différentiées. A partir de l’analyse des relations entre commerçants et élites politiques urbaines à Nice, ce projet de recherche se situe ainsi au croisement entre sociologie urbaine, sociologie de l’action publique et sociologie de l’action collective, avec deux objectifs plus généraux : 1) approfondir la connaissance localisée des milieux économiques, au-delà de l’analyse de l’activité des chambres consulaireset d’une attention centrée sur l’échelle nationale ; 2) explorer la relation entre élus, opinion et secteur d’activités pour identifier, non pas les logiques de coopération et d’action collective, mais d’analyser plus précisément « le patronat », souvent considéré a priori comme acteur collectif auquel on prête une influence considérable sur l’action publique locale. Reposant sur un riche matériau d’enquête, l’analyse du terrain combine un travail sur les archives administratives et privées, des études économiques et données sur le secteur d’activités, des entretiens auprès des commerçants, élus et responsables administratifs, et enfin de l’observation participante (assemblées générales, réunions en mairie etc.) La présentation s’organise autour de trois grandes étapes : 1) comment se construit et émerge une représentation identifiée des commerçants ?, 2) comment ces demandes sont-elles appréhendées par les pouvoirs publics ?, 3) comment se stabilisent les relations entre commerçants et élus, comment se mettent-elles en ordre ?Au final, S. Cadiou rend compte de l’émergence et de la stabilisation d’un espace local d’intermédiation entre commerçants et pouvoirs publics, qui repose sur la constitution de relais et la stabilisation de canaux d’accès garantis qui structurent le contenu et les formes de la mobilisation des commerçants. Caractérisé par un faible degré d’intégration, cet espace local d’intermédiation facilite le traitement sectorisé des enjeux et des demandes sociales dans un double rapport de dépendance entre commerçants et pouvoirs publics et attribue à chacun des droits mais aussi des devoirs. Pour les pouvoirs publics notamment celui de l’écoute et de la présence lors des réunions de commerçants notamment, pour les commerçants celui d’une certaine modération dans les revendications tant sur la portée des demandes que sur leur forme. Soulignons cependant que les élus n’hésitent pas à produire de la désintermédiation, via la réalisation de sondages d’opinion auprès de population cible dont les résultats sont ensuite utilisés dans les discussions avec les commerçants. En outre, cet espace d’intermédiation est très sectorisé et n’inclut pas les enjeux liés à l’urbanisme commercial, la financiarisation des activités marchandes et la standardisation de l’offre commerçante. Contrairement aux travaux soulignant le rôle croissant des formes de consultation et de participation du public, ce travail rend compte du rôle central des espaces d’intermédiation politique entre un groupe professionnel et les représentants politiques. La discussion engagée par Pierre Bréchon et JosuaGräbener a permis d’approfondir certains aspects de la présentation, tout en revenant sur le cadre d’analyse proposé par le groupe de projet PopAct. Tout d’abord la question de l’opinion, qui nécessite un travail approfondi de caractérisation : de quelle opinion parle-t-on, a fortiori à l’échelle locale ? Peut-on se limiter à la prise en compte de l’opinion exprimée à travers des médiateurs institutionnels, et comment appréhender d’autres formes d’opinion pour explorer les mobilisations d’un groupe professionnel, au-delà d’un groupe de pression mobilisé au niveau local ? D’une manière plus générale, comment l’opinion des citoyens est-elle saisie et prise en compte à l’échelle locale ? Cette interrogation, au cœur de l’intervention de S. Cadiou, plaide pour la réintégration de cette question de recherche dans le projet PopAct. Ensuite, la discussion porte sur la question de l’articulation entre jeux d’échelle, pour lier les trajectoires individuelles et les formes de l’action collective, ainsi que l’imbrication des échelles de la régulation politique (locale et nationale). Enfin, la discussion s’engage sur les conditions de l’engagement individuel d’une part, et sur les ressources échangées (symboliques, matérielles, etc.) surtout d’autre part.