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le shofar
revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique
N° d’agréation P401059
SEPTEMBRE/OCTOBRE 2007 — n°287 / Tichri 5768
synagogue
beth hillel
bruxelles
Le pardon: conjugaisons de
l’amour et de la raison.
n°287
SEPTEMBRE/OCTOBRE 2007 /
tichri 5758
N° d’agréation P401059
re vue mensuelle de l a
communauté isr aélite
libér ale de belgique
EDITEUR RESPONSABLE : 
Rabbin Abraham Dahan
COMITÉ DE RÉDACTION : 
Rabbi Abraham Dahan, Rabbi
Floriane Chinsky, Ralph Bisschops,
Serge Boruchowitch, Gilbert
Lederman, Philippe Lewkowicz,
Jacqueline Wiener, Emmanuel Wolf
Le Shofar est édité par la
COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE
DE BELGIQUE A.S.B.L.
N° d’entreprise : 408.710.191
Synagogue Beth Hillel
80, rue des Primeurs,
B-1190 Bruxelles
Tél. 02 332 25 28
Fax 02 376 72 19
www.beth-hillel.org
[email protected]
CBC 192-5133742-59
RABBINS : Abraham Dahan
et Floriane Chinsky
ONT EGALEMENT COLLABORÉ a
cette livraison : 
Henri Lindner et Monique Ebstein
CONSEIL D’ADMINISTRATION : 
Avishaï Ben David, Ralph Bisschops,
Patrick Ebstein, Paul-Gérard Ebstein,
Ephraïm Fischgrund, Josiane
Goldschmidt, Gilbert Lederman,
Philippe Lewkowicz, Willy Pomeranc,
Elie Vulfs, Serge Weinber, Jacqueline
Wiener-Henrion, Emmanuel Wolf.
Mise en page : 
www.inextremis.be
Les textes publiés n’engagent que
leurs auteurs.
Image de couverture : R. Bisschops
Sommaire
05
Le mot du président
Demain à Beth Hillel
par Philippe Lewkowicz
07
JUDAÏSME
Beth Hillel dans la tradition juive : Quelle est la
date de SimHat Torah?
T’auras ta simHa à SimHat Torah
par Rabbi Floriane Chinsky
09
Le pardon
12
Le pardon dans le Judaïsme, conjugaisons de
l’amour et de la raison.
07
Par Jacqueline Wiener – Henrion
Par Rabbi Abraham Dahan
15
L’appel universel de Yom Kippour
Entretien avec Rabbi Albert Dahan
Par Ralph Bisschops, Dr. phil.
18
Les fêtes de Tichri
à Beth Hillel
20
«L’enfer, c’est les autres»? Et le paradis?
Par Henri Lindner
15
22
Agenda
24
Être plus Beth Hillel en 5768
27
Soukkot: Exubérance et réflexion
Extraits talmudiques
Par Rabbi Floriane Chinsky
Par Ralph Bisschops
20
29
Un peu d’humour
30
CULTURE
Naissance et développement du Judaïsme
Libéral
Par Rabbi Abraham Dahan
34
Nelly Sachs
Ethique et modernité
Par Monique Ebstein
34
41
COMMUNAUTÉ
Nouvelles d’Israël et d’ailleurs
43
Informations utiles
Pour l’organisation de vos Simhot
Un nom: Solange!
Un numéro: 0497.57.47.27!
le shofar
L e mot d u pr és i d ent
Demain à Beth Hillel
par Philippe Lewkowicz
En juin dernier vous receviez le remarquable numéro de clôture de la saison
du Shofar dont le thème
était notre Judaïsme Libéral; j’en profite pour adresser toutes mes félicitations
à l’équipe de rédaction et
plus particulièrement à sa
coordinatrice Jacqueline
Wiener.
-l’organisation d’événements communautaires
où le public répond de
plus en plus présent :
Yom Hashoa, action Levovitch, visite de groupes étrangers, ...
-action sociale : Bikkour
Holim, invitations à des
repas
communautaires…
Comme nous sommes avant
Je voudrais donc consacrer
tout une synagogue, je dois
ce premier mot de l’année à
la suite logique du numéro précédent. Nous aussi préciser avec plaisir que chaque Shabavons une idée de ce que nous sommes. Que bat, il y a toujours minyan et que le plus
voulons-nous faire de cette identité ? Quelles souvent, on ne doit même plus se poser la
question.
sont les actions qu’elle induit ?
Quels moyens devons-nous
Les appels que
De manière plus discrète, samettre en œuvre ?
nous recevons
chez aussi que les appels que
Je voudrais limiter ici mon
sont de plus en nous recevons sous différenformes sont de plus en plus
propos à l’action collective de
plus nombreux et tes
nombreux et proviennent de
notre communauté. En effet,
tous les horizons. Ils concerproviennent
depuis l’inauguration de notre
nent aussi bien les passages
nouveau bâtiment, beaucoup
de
tous
les
de la vie ; mariage, naissance,
de choses ont changé, notre
horizons.
bar/bat mitzvah et malheureunouvelle infrastructure nous a
sement aussi décès, que les asdonné l’outil nécessaire pour
rencontrer des besoins nouveaux ou qui ne pects sociaux privés : rencontre, visite aux
s’exprimaient pas dans toute l’amplitude personnes en détresse, questionnement personnel …
que nous connaissons depuis.
Ainsi, pour ne parler que des éléments les
plus remarquables, citons :
-notre Talmud Torah, qui accueille chaque
année près de 60 enfants et qui constitue
notre mission prioritaire.
-l’enseignement pour adultes, les cours
d’initiation et de midrash sont assidûment suivis.
Ce développement encourage bien sûr tous
les acteurs et bénévoles de la communauté
et, en premier lieu, les rabbins qui se consacrent sans compter au bénéfice de celle-ci.
Devons-nous continuer et trouver les ressources pour répondre positivement à ceux
qui viennent nous voir, à ceux qui voient dans
5
J UDA Ï S M E
Beth Hillel le lien avec le judaïsme qui leur manquait
jusqu’ici ? Unanimement, les
rabbins et le conseil d’administration ont répondu oui.
Les moyens humains
sont là, les moyens
matériels aussi,
mais aucun des
deux en suffisance
pour rencontrer les
ambitions que nous
avons tous pour notre
communauté.
Nous préparons donc pour
l’année qui vient, des activités, des fêtes merveilleuses
de Soukkot, Hannoucah,
Pourim, des rencontres, un
voyage et des moyens de
communication qui sont
autant de portes pour que
celui qui le désire puisse les
franchir et trouver - ou retrouver - la joie d’un
judaïsme vivant, ouvert et actualisé car inspiré par les traditions de nos pères et l’audace
de leurs lectures.
Les moyens humains sont là, les moyens matériels aussi, mais aucun des deux en suffisance
pour rencontrer les ambitions que nous avons tous
pour notre communauté.
Jusqu’ici, la vie de Beth
Hillel a toujours été une
succession de rencontres et
de petits miracles; faisons
tous ensemble en sorte que
cela continue, nous avons
confiance en vous.
Pensez-y en ce début d’année, veille des fêtes de
Tichri.
Au nom du conseil d’administration, je présente à tous les lecteurs du Shofar, à toute
la communauté, à l’Etat d’Israël et à ses citoyens une belle année 5768 dans la paix, la
santé et la prospérité.
Chana Tova
6
Le site de Beth Hillel est ouvert
Découvrez le sur :
www.beth-hillel.org
Vous y trouverez e.a. l’agenda, les parashot, des infos, des photos et
plein d’autres choses utiles.
Le site n’est bien sûr pas parfait, nous voulons l’améliorer,
n’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions et critiques
en écrivant à
[email protected]
Bonnes visites
■
le shofar
Beth Hillel dans la tradition
juive : Quelle est la date de
SimHat Torah?
T’auras ta simHa à SimHat Torah
par Rabbi Floriane Chinsky
Beth Hillel, une tradition au
sein de la grande famille du
judaïsme
A Beth Hillel, nous portons notre réflexion sur l’identité juive
d’aujourd’hui et de demain, nous
essayons de créer les maillons
nécessaires entre le passé et
l’avenir. Mais pourquoi ne faisons-nous jamais rien comme
les autres ? A cette question, une
seule réponse juive est possible,
et c’est évidemment une autre
question : pourquoi les autres ne
font-ils jamais rien comme nous ? A ces deux
questions bien sûr, l’esprit juif formé par le
Talmud ou l’humour juif qui s’en inspire ne
répondra que d’une seule façon : ces questions sont mal formulées.
En réalité, notre tradition se fonde d’une part
sur la Torah (les sifré torah, la torah écrite),
et d’autre part sur les décisions rabbiniques
tissées les unes aux autres, à travers les âges
(la torah orale, les responsa). Ces décisions
se complètent, se recoupent, se contredisent,
et ceci pour une raison bien compréhensible :
elles essaient toutes de faire vivre dans leur
présent les mêmes principes éternels, mais
elles le font dans des réalités historiques,
géographiques et sociologiques très différentes. Voilà comment, à travers les siècles, des
rabbins et des communautés
ont pu suivre des chemins divers, sans que jamais le tissu
social de notre peuple n’en
soit affecté. Ainsi, chaque
synagogue a ses options, et
il appartient à chaque rabbin d’accompagner les communautés dans leur identité
juive, de décider en fonction
des réalités sociales de l’époque. C’est le concept de mara
déatra : « maître du lieu ».
Un rabbin étranger ne peut
imposer un avis. Seul le rabbin en charge de
faire grandir le lien entre une communauté
spécifique et l’identité juive en général peut
prendre une décision, qui ne sera pas nécessairement la même dans une autre communauté. Il n’y a pas de recette stéréotypée de
l’identité juive. La question du redoublement
ou non des fêtes en est une illustration.
Certaines communautés fêteront cette
année SimHat Torah un jour après nous,
pourquoi ?
Nous aimons notre tradition, nous aimons
nos fêtes. Pour elles, nous sommes prêts à
faire le maximum. Faire pour le mieux, ce
n’est pas toujours faire plus. En célébrant les
fêtes durant un jour et non deux (ce qui ra-
7
J UDA Ï S M E
8
mène SimHat Torah au jour précédant), nous nous sommes à nouveau confrontés à la nénous rattachons à l’ancienne tradition du cessité d’examiner ce qui sert au mieux la floraison de « la tradition de nos
peuple d’Israël, au calendrier
Chaque
ancêtres ».
israélien actuel et au calenComment prendre soin de la
drier, somme toute, de la masynagogue a
tradition de nos ancêtres ?
jorité des communautés juives
ses options, et
L’orthodoxie a pris le parti de
dans le monde.
il appartient à
conserver les deux jours de fêA la période du Second Temtes en dehors d’Israël, le mouple, nous avons été confronchaque rabbin
vement massorti laisse les
tés à des complications liées
d’accompagner communautés déterminer la
à la détermination de la date
des fêtes. Nos Sages ont su les communautés meilleure façon pour elles de
porter la tradition et le mouveprendre leurs responsabilités
dans leur
ment libéral a voulu ne conseret ont institué un second jour
ver qu’un seul jour.
de fête, pour être certains
identité juive.
A chacun de rechercher la
qu’Israël serait en mesure que
meilleure façon de contribuer à faire briller
la célébration ait lieu au moment voulu.
Lorsque le calendrier perpétuel a été fixé, la notre tradition.
question s’est posée de l’intérêt de conserver A notre époque où célébrer ne serait-ce qu’un
cette pratique. Les Sages ont alors répondu seul jour de fête est difficile pour beaucoup,
par un principe qui nous touche profondé- nous choisissons de concentrer notre énergie
ment : « prenez soin de la tradition de vos pour faire de ce jour là un évènement qui porpères qui repose entre vos mains », de peur tera la tradition de nos ancêtres, qui « repose
entre nos mains ». C’est de cette
que d’autres circonstances
façon que nous faisons ensemtragiques n’amoindrissent la
Il
n’y
a
pas
ble de SimHat Torah l’expresconnaissance de la Torah et ne
de recette
sion de notre identité, de la joie
portent atteinte aux fêtes. Cela
de la célébrer ensemble, de la
s’est traduit, à l’époque, par la
stéréotypée de
fierté d’être un peuple structuré
conservation du deuxième jour
l’identité juive. non pas autour de slogans ou
des fêtes dans des circonstand’icônes, mais autour d’un texte
ces où les Juifs déterminaient
eux-mêmes les modalités de leur travail, de- vivant au sens toujours renouvelé : la Torah.
puis l’époque du Talmud jusqu’au Moyen Age.
■
Désormais intégrés dans la société globale, Hag SaméH ! Bonne fête à tous !
Envie de nous écrire ?
de participer à la rédaction du Shofar ?
N’hésitez pas et contactez nous !
le shofar
Le pardon
Par Jacqueline Wiener – Henrion
Le pardon. Que de
nombreux méandres
de la pensée humaine
se cachent derrière ce
substantif ! Il y en a
tant, des pardons ! Il y
a ceux requis, quémandés, où l’auteur de leur
expression
attend,
passivement ou non,
que l’interlocuteur accède à la requête. Il y a
ceux accordés, avec ou sans contrepartie. Il y a
les authentiques et les factices, les altruistes et
les égotistes, les normatifs et les spontanés. Il
y a ceux qui ont pour objet de ne pas plus longtemps tenir rigueur d’une offense et ceux qui
ont pour objet de considérer une faute comme
non avenue ou de moindre importance.
Il y a aussi, ailleurs, selon un autre cheminement de l’esprit, celui de l’être responsable :
le pardon éthique.
Celui où ce n’est pas tant l’absolution implorée, la psychanalysante repentance ou une
générosité masochiste qui comptent mais
bien le prétexte à exigence de remise en cause de soi dans un but noble : celui d’essayer
de faire mieux, d’être mieux, de donner de soi
mieux qu’auparavant.
Le pardon prend sens, alors, non en terme de
coups de balai sur le passé mais comme volonté sincère de perfectibilité dans le futur.
Certaines situations humaines sont bien fort
éloignées de ce pardon éthique là et posent
question par rapport à l’échelle de valeurs qui
permettent, selon le sens commun générale-
ment admis, de « pardonner ».
Franz Ehrmanntraut,
par exemple. On lui a
« pardonné ». En effet,
il est décédé de sa belle mort en 1971. Chez
lui, dans son lit, en
Allemagne, où il avait
été renvoyé après
avoir été gracié, puis
libéré à l’occasion du
traité franco-allemand de l’Elysée de 1963.
Robert Nitsch aussi, on lui a « pardonné »,
tout comme à Albert Fuchs.
Ces trois types là figurent parmi d’autres
noms, dont ceux des professeurs Otto
Bickenbach et Eugen Haagen. Ces derniers
poursuivirent, après avoir également été graciés puis relâchés, leur carrière de médecin et
chercheurs en Allemagne, où ils décédèrent,
à l’instar de leurs sinistres acolytes, dans les
années septante.
Nous avons découvert l’application d’une notion de pardon à ces infâmes personnages en
parcourant, cet été, les allées documentées
du musée du camp du Struthof, à Natzweiler,
non loin de Strasbourg.
Le Struthof, c’est ce camp alsacien dont nous
avions déjà évoqué l’existence dans un précédent Shofar1, au moment où la Belgique apprenait avec effarement –c’était fin décembre
2005-, au fil de quelques entrefilets publiés
dans les grands quotidiens, que six de 86
Juifs cobayes de la médecine nazie strasbourgeoise découverts dans des bassines de
1 « Les cobayes de la médecine nazie : de Malines à Struthof », JWH, Shofar 2006
9
J UDA Ï S M E
10
formol de la Faculté de Médecine avaient été à conviction de leurs méfaits figés dans les
vitrines du camp alsacien transformé en mudéportées de Malines…
Les uns, donc, de ces abjectes absous étaient sée qui pour l’heure, resurgissaient…
Au-delà de l’impossible pardon
des hommes qui avaient œuvré
pour la Shoah qui a déjà fait
notamment à Mauthausen ou
Au-delà de
beaucoup d’encre, des
Buchenwald avant d’atterrir à
l’impossible pardon couler
repentances officielles qui se
Natzweiler où tantôt ils s’entraînaient au tir sur des cibles pour la Shoah, des succèdent et des réconciliahumaines, tantôt participaient réconciliations qui tions qui se poursuivront, de
tels dénis de responsabilité,
aux pelotons d’exécution2.
se poursuivent, longtemps encore, nous heurLes autres étaient des médecins qui procédaient à des exde tels dénis de teront.
Parce qu’aux comportements
périmentations médicales sur
responsabilité, de tels hommes a été appliqué
des Juifs rapatriés pour ce faire
d’Auschwitz.
longtemps encore, un concept erroné de pardon.
Jamais celui ci ne devrait, au
Pardonné, donc, Eugen Haagen,
le virologiste de réputation in- nous heurteront. minimum, s’éloigner de l’association entre une volonté,
ternationale! Intégré dans les
services d’hygiène du Reich dès 1933, sa dé- de la part de leur auteur, de comprendre
couverte d’un vaccin du typhus lui avait valut les actes qu’ils ont accomplis et leur décid’être inscrit sur la liste des candidats au Prix sion sincère de les assumer dans une persNobel de Médecine en 1936. En 1937, il adhéra pective de finalités dorénavant altruistes,
au Parti Nazi. Dirigeant l’Institut d’Hygiène de bienveillantes et constructives, à défaut de
l’Université du Reich à Strasbourg pendant réparatrices.
l’Occupation, il mena des expériences sur Or donc comment comprendre, accepter,
le typhus au Struthof. Ses cobayes humains interpréter le peu de cas qui fut fait de ces
étaient maintenus sur des paillasses, sans crimes gravissimes aux peines individuelleboire ni manger. Ce maître dans l’art de gué- ment absoutes ?
rir inoculait à ses victimes le virus du typhus Les héritiers politiques et judiciaires de ceux
tantôt par scarification, tantôt par voie intra- qui accordèrent leur pardon à ces gens, au début des années soixante, sont-ils interpellés,
musculaire.
Pardonné encore, Otto Bickenbach, res- aujourd’hui, dans le cours de l’Histoire dont
ponsable de la section médecine à l’Univer- ils participent par de telles interprétations de
sité de Strasbourg ! Lui, il mena une série la commuabilité de sentences ?
d’expériences, dès le printemps 1943, sur le A la veille de Yom Kippour, peut-être aussi
phosgène, un gaz de combat. Il administrait faudrait-il s’interroger sur la portée univeraux déportés des anticoagulants à des doses selle à donner au sens des dix jours qui le
diverses, puis les obligeait à s’empoisonner précèdent.
Car à Natzweiler, au camp du Struthof, cet
eux-mêmes à l’aide d’ampoules de phosgène.
Pardonnés ils furent, comme bien d’autres été, personne ne semblait percevoir l’incomgardes-chiourmes ou brillants docteurs mensurable incongruité de ces retours déd’alors. Mais ce sont ceux là, leur nom, leur bonnaires en outre-Rhin à une paisible vie
■
visage, aux photographies et autres pièces civile… 2 « … Pas un seul des quelques survivants du Lager Struthof qui ne se souvienne de Franz Ehrmanntraut… Reculer les bornes de la brutalité était chez lui une vocation. Voir enfoncer les crocs dans la
chair des déportés, les voir déchirés par les bêtes furieuses qu’il lançait contre eux était sa distraction préférée… » - extrait de la déposition d’un survivant au procès de Metz, juillet 1954.
DANS LE CADRE DE LA
JOURNEE NATIONALE DU MARTYR JUIF DE BELGIQUE
L’UNION DES DEPORTES JUIFS EN BELGIQUE –
FILLES ET FILS DE LA DEPORTATION
VOUS APPELLE A PARTICIPER AU
51ème PELERINAGE
A L’ANCIENNE CASERNE DOSSIN
A MALINES
LE DIMANCHE 9 SEPTEMBRE 2007
A 11H00
RASSEMBLEMENT DEVANT LA CASERNE DES 10H30

DEPART DES AUTOCARS A 9H30
 BRUXELLES : PLACE ROUPPE,
 ANTWERPEN : ROMI GOLDMUNTZ CENTRUM
POUR VOIR LE FUTUR, IL FAUT REGARDER DERRIERE SOI
Isaïe
11
J UDA Ï S M E
Le pardon dans le
Judaïsme, conjugaisons de
l’amour et de la raison.
Par Rabbi Abraham Dahan
12
Yom Kippour, pour la plupart des Juifs, et même
des non Juifs, c’est la fête
du pardon. Qui n’a retenu
cette scène cocasse et
surréaliste dans le film
‘Le Grand Pardon’ à la
synagogue un jour de Kippour? Cependant, le mot
Kippour ne signifie pas
‘pardon’, mais littéralement ‘expiation’. Il y a dans
la racine KPR l’idée de reconnaître ses faiblesses et
ses fautes, d’interroger sa
conscience et de s’engager
à réparer. C’est d’ailleurs
l’expression essentielle de
la très abondante liturgie
de Yom Kippour: «Car en
ce jour il y aura expiation
pour vous, afin de vous purifier de toutes vos
fautes devant l’Eternel…»
L’Amida des jours de semaine compte douze
demandes adressées au Créateur. La première demande le discernement, l’intelligence, la
seconde la tchouva, la conscience et la repentance, c’est-à-dire une intelligence qui ne soit
pas seulement mathématique et la troisième
seulement, la demande de pardon. Et c’est
significatif.
Le pardon est certes une exigence de la tradition d’Israël. Dieu c’est le «Av Harakhamim»,
le père de miséricordes
abondant en pardon.
Mais le texte liturgique que nous venons de
mentionner rappelle que
Dieu ne peut pardonner
que les fautes commises envers Lui: «Lifné
Adonaï titharou», devant
l’Eternel vous serez purifiés. Des fautes commises envers le prochain,
le Créateur n’y peut rien.
Elles exigent réparation.
C’est pourquoi les dix
jours qui vont de Roch
Hachana à Yom Kippour
portent le nom de «Asseret yemé tchouva»,
les dix jours consacrés
au repentir. Et cela va
même plus loin, puisque du 1er Eloul au 10
Tichri, toute cette période de quarante jours
est consacrée à faire en sorte d’obtenir réparation, de régler autant que faire se peut les
conflits et de se mettre en paix avec nos prochains. Ce temps est désigné par la tradition
comme des «Yamim Nora’im», des jours terribles, redoutables, parce qu’ils nous mettent
en face de nous-mêmes comme devant un miroir de vérité, sans retouches possibles.
Le pardon n’est donc pas automatique. Dans
beaucoup de cultures et de religions, il suf-
le shofar
sous prétexte d’amour des
fisait pour l’obtenir de réciter
Il n’y a pas de
animaux, on revendiquera une
certaines formules, d’accomplir certains rituels ou de se gomme magique qui charte des droits de l’animal,
mettant ainsi sur le même plan
confesser. Pour le judaïsme,
supprimerait les l’homme et l’animal. C’est faux
ce n’est pas le cas. L’accent est
mis sur la notion de tchouva effets qui découlent et c’est dangereux. Il existerait
des droits de l’animal comme
qui implique un réel examen
d’un acte.
existent les droits de l’homme.
de ses actes, une interrogation
C’est une confusion entre dede sa conscience et le devoir
voir et droit. Nous avons des devoirs envers
d’agir pour le bien.
La racine CHOUV exprime l’idée de retour, l’animal, certes, mais il ne peut y avoir de
revenir de ses chemins négatifs, renoncer à droits de l’animal. N’y aurait-il pas un amour
ses mauvais choix, choisir le bien et entrer des animaux qui cacherait mal la haine des
dans l’action bonne. Alors seulement peuvent hommes?
s’ouvrir les portes du pardon et d’une vie plus Ainsi en est-il du pacifisme, qui trouve
vraie. Cette notion de tchouva est spécifique aujourd’hui beaucoup d’adeptes, animés des
au Judaïsme. Elle implique l’idée que l’hom- meilleures intentions. Cependant, tout le
me peut changer. Aujourd’hui encore, pour monde sait qu’il est des situations où il faut
beaucoup de spécialistes, avant dix ans un se défendre, même si la violence la plus légiêtre humain est fait et ne varie plus. L’ensei- time est toujours signe d’échec et porteuse
gnement juif sur ce point est si surprenant de dérives.
que le midrach rapporte que dix choses ont Ainsi en est-il pour le pardon. Sous prétexte
été prévues avant la Création, comme pour de charité et d’amour, on l’accordera sans
déroger aux lois de la nature, et l’une d’elle exiger la reconnaissance de la faute, la dec’est la tchouva, la capacité de changer tout mande de pardon et la réparation. Comme
pour ce que nous venons de citer, c’est faux
au long de sa vie.
La formule qui résume toute la liturgie de et c’est dangereux.
Kippour est frappante par sa profondeur. Mais notre antique Tora va encore plus loin.
«Tchouva ou tfila ou tsedaka ma’avirim et Le pardon, même quand il est mérité, n’efface
roah hagzéra», la tchouva, la prière et l’acte jamais les conséquences de la faute, car les
bon font passer la souffrance du décret. effets de la cause sont inéluctables. Il n’y a
pas de gomme magique qui
Tchouva, le retour, c’est aussi
la réponse, trouver la réponse Selon les rabbis, il y supprimerait les effets qui déd’un acte. Dans notre
à son problème; tfila, la prière,
aurait une alchimie coulent
tradition, quand Moïse obc’est l’expression, exprimer
son problème; tsedaka, la cha- de la vraie tchouva tient le pardon d’Israël, cela
ne supprime pas la sanction.
rité-justice, c’est l’action bonqui pourrait
Le pardon permet de la vivre
ne, agir. Cela correspond à une
inverser la faute autrement, de l’alléger, de
formule actuelle que les psy’s
connaissent bien: connais ton volontaire en faute l’adoucir, de l’apaiser…
«Eternel, Eternel, Dieu de miproblème, reconnais-le, expriinvolontaire et la séricorde et de grâce, lent à
me-le et agis-le.
Le pardon se mérite. Il n’est faute involontaire, à la colère, grand en amour et
en Vérité, qui lève la faute, le
jamais inconditionnel et il n’y
a pas de pardon tout azimut. son tour, en mérite. crime, le manquement, mais
qui n’efface pas» (Ex. 34, 6-7).
Nous vivons une époque de
grande confusion où le bien se confond trop C’est la remarquable formulation que donne
souvent avec sa caricature. Par exemple, la Tora des attributs divins: l’amour, la grâce,
13
J UDA Ï S M E
l’allègement de la faute, mais d’une part la
vérité est exigée et d’autre part les effets de
la faute ne sont pas effaçables. La loi semble
implacable. Et pourtant, les rabbis, dans la
liturgie de Yom Kippour, s’arrêteront au premier «venaké», et il efface. Donc, quand le
pardon se mérite vraiment, la faute peut être
effacée!
Il y aurait un moment de la conscience,
comme une alchimie, un miracle de la vraie
tchouva qui, d’après la tradition, peut inverser la faute faite exprès en faute involontaire
et la faute involontaire, à son tour, s’inverserait en mérite.
Trois termes expriment en hébreu l’idée de
pardon. Le premier, «slikha», ferait référence
d’après certains exégètes aux anciens rituels
et formules par lesquels on pensait obtenir
l’absolution. Dans le second, «mekhila», il y a
l’idée d’effacement, la faute pourrait s’effacer,
on peut reconstruire sur des ruines, comme
dans le second commandement; Dieu retiendrait ce qui construit: «qui reporte les fautes
des pères sur les enfants pour trois et quatre
générations… mais les bienfaits sur des milliers de générations». Dans «mekhila», il y a
aussi «makhol», la ronde joyeuse, la danse de
la vie. La joie du pardon?
Enfin, le troisième terme, «kaper», où il y a
l’idée, comme nous l’avons vu, d’expiation,
de rançon, il y a un prix au pardon. Et, enfin,
l’idée de couvercle, en hébreu «kaporet» ou
«parokhet», le rideau. La faute non pas effacée, mais recouverte.
Chana Tova ! 14
Laissez-vous séduire par le fait d’être chouchouté !
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■
le shofar
L’appel universel de
Yom Kippour
Entretien avec Rabbi Albert Dahan
Par Ralph Bisschops, Dr. phil.
R. B. : Pourquoi jeûnonsnous à Kippour? Cette exigence n’est pas biblique.
notre tradition. Mais il y a des
choses dans nos vies, des moments et des événements pour
lesquels il y a un deuil à faire, et
auxquels il faut donner un poids.
Des choses qui demandent un
acte à poser. Mais quand l’acte
se fige en rite il se vide de sens.
Pensez à la haftarah du matin
de Kippour, notamment le texte
d’Isaïe: « Faites d’abord justice
à la veuve et l’orphelin, et venez
jeûner après ».1 Mais il reste
néanmoins vrai que le jeûne, comme celui de
Tisha be Av, c’est un deuil.
Rabbi Dahan : La Torah dit
« vous affligerez vos personnes » , taanou et nafschoteichem (Lév. 16, 29); veïnitem
et nafschoteichem (Lév. 16,
31). Le verbe « lehitanot » veut
dire : « se punir », « se faire violence ». « Leanot isha, » dans
l’hébreu biblique, c’est violenter
une femme. C’est la même racine. C’est dur à
accepter, mais il y a l’idée que les choses ont
un poids, qu’il ne faut pas jouer au papillon.
Certes, la culpabilisation et la
R. B. : De quoi fait-on exacteIl y a une
mortification sont des notions
ment le deuil ? A Tisha be Av
très éloignées de nous. Mais il y a
comptabilité c’est à cause de la destruction
des choses et des moments pour
de l’âme qui du Temple.
lesquels il faut poser des actes
forts.
souvent n’est pas Rabbi Dahan : Dans le jeûne de
Il y a des factures; il faut payer la
il y a deux choses. Kipen notre faveur. Kippour
dette. La vie n’est pas un jeu.
pour c’est Shabbath Shabbaton,
Le génie de la tradition juive
ce qui dénote l’idée de retrait. Ce
consiste dans l’équilibre. D’une part il y a le retrait démultiplié, ce Shabbath absolu, perrefus d’un certain ascétisme et de la valori- met à l’âme humaine de descendre en ellesation de la douleur. Le cilice est étranger à même, l’examen sans mots de la conscience.
1 Isaïe, 58,5 : «Est-ce là un jeûne qui peut m’être agréable, un jour où l’homme se mortifie lui-même ? (...)
Voici le jeûne que j’aime : c’est rompre les chaînes de l’injustice, de dénouer les liens de tous les jougs,
de renvoyer libres ceux qu’on opprime, de briser enfin toute servitude ; puis encore de partager ton
pain avec l’affamé ; quand tu vois un homme nu de le couvrir (...). »
15
J UDA Ï S M E
16
Pour permettre ce bain de l’âme, ce retrait tisme. Pour chaque Juif, même s’il n’est pas
est nécessaire. Je ne peux pas rester dans le religieux, il y a quelque chose. Même s’il ne
mouvement des choses, manger, travailler, se rend pas à l’office, il y aura un déclic dans
lire mon courrier, écouter la radio et, en la tête. Kippour a un écho qu’aucun autre moment de l’année n’exerce. Le Juif
même temps .... .
Tout un chacun peut le comprenLa prière se sait, au fond de son être, même s’il
connaît peu la tradition, que Kipdre, ce n’est pas nécessaire d’être
compare à
pour, c’est un jour qui ne rappelle
Juif. Il y a un jour bilan qui a ses
une piscine; aucun événement, qui n’est ratexigences.
à aucune histoire. On peut
Quant à l’idée du deuil, c’est très
parfois la porte taché
dire que Soukkot, c’est la cabane,
paradoxal. Car d’une part, il y a
l’exigence de mortifier nos êtres, est verrouillée, c’est une fête qui rappelle la trad’autre part, la tradition ensei- parfois elle est versée du désert. Le Shabbat, à la
limite, nous rappelle la création.
gne qu’il y a une joie de Kippour
parce qu’il y a une confiance: le ouverte. Mais Pesach, c’est la sortie d’Égypte.
pardon est possible. Ce n’est pas la teshouva est Ce sont des notions historiques
et religieuses. Kippour, c’est très
la détresse de la porte fermée. La
porte est toujours ouverte. Selon comme l’océan. curieux, c’est le cœur même de la
religion d’Israël et en même temps
le midrach la prière se compare à
une piscine, parfois la porte est verrouillée, ce jour n’est rattaché à aucun événement. Il
parfois elle est ouverte. Mais la teshouvah, fait juste appel à l’âme de l’homme : « Tu es
c’est comme l’océan.2 Au fond, le jeûne tra- homme : un embryon de conscience et une
duit la conscience aiguë de nos faiblesses, de tête qui pense. Regarde-toi dans un miroir,
nos manquements, de nos fautes et de nos en- de temps en temps, au moins une fois par an.
gagements non suivis. Il y a une comptabilité Un miroir dans lequel tu vois ton reflet sans
de l’âme qui souvent n’est pas en notre faveur. retouches. Et fais le point; regarde où tu en
C’est de cela que nous portons le deuil et que es. Qu’est ce que tu cherches ? Qu’est ce que
nous jeûnons. Il y a eu une destruction, il y tu as fait ? Et quel est ton projet ? » Ces quesa quelque chose qui s’est cassé. Ce fait-là, il tions s’adressent à tout le monde. Il n’est pas
besoin d’être religieux, ou même d’être Juif.
faut le marquer.
Pour cette raison, Kippour est perçu par les
R. B. : Comme expliquez-vous que Yom Juifs comme un appel purement et profondéKippour est aussi central dans la vie ment humain. Parce que toute notre culture
juive ? La fête la plus importante reste porte à cette analyse-là.
le Shabbath, car il est le signe d’alliance
entre Dieu et son peuple. Comment se R. B. : Cela me rappelle une constatation
fait-il que Kippour est le seul jour où qu’Abraham Yehoshua a faite dans un lipresque tous les Juifs se rendent à la sy- vre paru récemment.3 Dans le judaïsme il
nagogue ?
existe « un lien étroit entre appartenance nationale et appartenance religieuRabbi Dahan : C’est vrai. D’où vient cette se » que Yehoshua trouve problématique.
magie de Kippour ? C’est comme un magné- Il imagine un judaïsme dissocié de sa
2 « La prière se compare au mikvé et la teschouvah à la mer. De même que le mikvé est tantôt ouvert tantôt verrouillé, ainsi les portes de la prière (shaarei tefila) sont parfois cadenassées et parfois ouvertes.
Mais l’océan, c’est toujours ouvert. Ainsi les portes de la teshouvah le sont aussi. » Ekha Rabba, 3).
3 Israël, un examen moral. 2005. Paris: Calmann-Lévy (Le Livre de Poche)
le shofar
dimension nationale. Ceci permettrait à la loi. Qu’il y a des règles du jeu, c’est une
un grand nombre de non-Juifs de « trou- idée générale et universelle. Ce ne sont pas
ver dans le Judaïsme leur nourriture que des événements nationaux, même si un
spirituelle »4. J’aime beaucoup cette ré- certain courant du Judaïsme préfère les voir
ainsi. Et c’est en cela qu’il faut
flexion, mais elle ne me semble pas réalisable, parce que « Qu’est ce que s’ouvrir. Tout cela ne concerne
les repères du Judaïsme sont,
tu cherches ? pas que moi en tant que Juif, sinon
n’aurait aucun intérêt. Autre
en tant que telles, déjà des reQu’est ce que tu cela
exemple : Soukkoth, la fête des
pères historiques, notamment
l’histoire du peuple juif depuis as fait ? Et quel cabanes. Les rabbis ont très vite
Abraham jusqu’à l’époque du est ton projet ? » dépassé le contexte historique. Si
nos ancêtres ont construit des caDeuxième Temple. Mais à vous
entendre parler, la notion de Ces questions banes, cela veut-il dire que nous
Yom Kippour serait porteuse
s’adressent à devons également habiter dans
des cabanes ? Si mon père pord’une spiritualité universelle.
tout le monde. tait un chapeau, dois-je aussi en
porter un? Est-ce cela la Torah ?
Rabbi Dahan : Je comprends
Abraham Yehoshua. C’est vrai qu’il faudrait Nos textes vont plus loin: « Quarante ans vos
nous ouvrir vers les nations, car Israël est aus- pères ont habité dans des cabanes et leurs vêsi le peuple témoin. Il ne s’agit pas de la reli- tements n’ont pas vieilli sur eux.5 » Ils ont tragion en soi et pour soi, au nom d’un soi-disant versé le désert et ils ont survécu. Une grâce
salut. L’idéal est que nos valeurs humaines et porte l’homme. Et la soukkah est devenue le
fondamentalement humanisantes imprègnent symbole de ce miracle. C’est le miracle d’être,
tous les hommes. Il est vrai que nos fêtes évo- chose incroyable et en même temps si fragile.
quent des événements historiques, mais ces C’est tellement rien, cette cabane, et ce rien
événements ne s’adressent pas qu’à Israël. est magnifique! Et cela n’est pas que juif. Si
Quand tu prends Pessach, c’est la libération. le judaïsme était une religion de salut, nous
Cette libération, la première de l’histoire, est aurions le droit à l’exclusivité. Mais qui parle
un enseignement pour tous les hommes. Les de ça ? Et c’est en cela que le peuple juif est
pionniers américains se sont inspirés du récit un peuple témoin. Je suis sorti d’Égypte et j’ai
de l’Exode. Pour eux, l’Europe c’était l’Égypte vu qu’il y a une fin aux régimes d’oppression.
et l’Amérique la terre promise. La liberté n’est Cette expérience, porte-là et enseigne-là.
pas l’apanage des Juifs. Et ce n’est pas seule- Donne corps à cette réalité. Tu l’as vécu; tu
ment pour les Juifs que Shavouoth évoque le sais.
■
4 Op. cit. p. 125
5 Dtn. 8,4.
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avec, comme communication:
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17
J UDA Ï S M E
Les fêtes de Tichri
à Beth Hillel
ROSH HASHANA
Mercredi 12 septembre – office à
Jeudi 13 septembre - office à
Office des enfants à
Office du soir à
Vendredi 14 septembre – office à
19h00
10h00
11h00
19h00
10h00
PELERINAGE À GAN HASHALOM :
Dimanche 16 septembre à 11h00
18
YOM KIPPOUR
Vendredi 21 septembre à
Samedi 22 septembre - office à
Mousaf-minha
Office des enfants à
Yiskor à Fin du jeûne à
19h30 KOL NIDRE
10h00
14h30
16h30
18h30
20h35
SOUCCOT – SIMHAT TORA
Construction de la Soucca
le mercredi 26 septembre à 17h00
Apportez feuillages, fruits, légumes pour la décorer
Erev Souccot
Souccot I.
le mercredi 26 septembre - office à 19h00
le jeudi 27 septembre – office à 10h00
Chmini Atseret/Simhat Tora le mercredi 3 octobre - office à 19h00
le jeudi 4 octobre – office (+ Yiskor) à 10h00
le shofar
19
J UDA Ï S M E
«L’enfer, c’est les autres»?
Et le paradis?
Par Henri Lindner
20
Dans le journal «Le Soir» du 2 juillet
dernier, William Bourton, l’auteur de
«La chronique d’été», évoque une expression tirée d’une pièce de J.P. Sartre, «Huis Clos», et qui est devenue
un adage: «L’enfer, c’est les autres…»
Il oppose cela en quelque sorte à Spinoza, qui soutenait que «la servitude
humaine est la rançon de la liberté»,
tandis que Sartre prétend, au contraire, qu’il
n’y a nulle fatalité à cela. «Quel que soit le
cercle d’enfer dans lequel nous vivons, nous
sommes libres de le briser»..
De quelle liberté s’agit-il? Celle de la notion
enfantine «Je peux faire n’importe quoi, j’ai
le droit, je veux!»? Ou celle d’un adulte, celui
qui voit, qui prévoit et agit en conséquence?
Car la liberté, dans le sens enfantin très populaire aujourd’hui – même auprès des adultes – n’est qu’une fantaisie, une illusion. Nous
sommes tous sujets à des dépendances, car
la liberté sans dépendances n’existe pas. La
différence entre un homme libre et un esclave, c’est que le premier peut – éventuellement
– choisir ses dépendances, tandis que le second est privé de ce droit.
Je dépends du cultivateur, du boulanger, du
médecin, des caprices du climat, des réseaux
de gaz, eau, électricité, et même des égouts,
etc… L’empereur le plus puissant dépend de
la bonne santé mentale de son coiffeur attitré,
lequel, dans un accès de folie, peut l’égorger
au lieu de le raser. (cf. «Obsession»,
une nouvelle de Maurice Carême).
Pour que notre vie, tant qu’elle
dure, se déroule le mieux possible
selon nos rêves et nos souhaits,
nous nous devons de faire le nécessaire pour qu’il en soit ainsi, tout en
espérant que les autres nous y aideront. Pour obtenir cette aide, il faut en premier lieu que j’aide – moi – les autres autant
que je puisse le faire. Car au début de ce chemin, il y a d’abord l’espoir de la réciprocité.
La mère nourrit et soigne son bébé par amour
et pour la joie que cela lui procure. Pour les
adultes, hélas, c’est souvent différent. Et
pourtant…
Hillel, un des plus grands commentateurs et
érudits du Judaïsme, a proposé à un païen une
formule succincte pour résumer l’essentiel
de l’enseignement juif: «Ne fais pas à autrui
ce que tu ne veux pas qu’on te fasse; le reste
n’étant que commentaire». Le même Hillel
nous a laissé aussi un message devenu un
adage: «Si ne je prends pas soin de moi, qui le
fera? Et si je prends soin rien que de moi, que
(sic!) suis-je? Et si ce n’est pas maintenant,
quand le ferais-je?» (Maxime des Pères 1, 14).
Les Israéliens en ont fait une chansonnette.
Mais la Tora va plus loin. Le principe archiconnu «aime ton prochain comme toi-même»
est énoncé dans la Tora (Lév. 19, 18). Et il est
le shofar
pond l’homme. L’ange l’amène
devant une porte qu’il ouvre. Et
que voit l’homme? Une salle immense, bien éclairée, on entend
de la musique et, au milieu de
la salle de belles tables garnies
de nourritures et de boissons
de tous genres, les unes plus
appétissantes que les autres et,
plein de gens autour. A genoux,
ils mettent leur tête sur la table et essaient de
happer les bonnes choses directement avec
leur bouche. On en voit qui renversent et couPar ailleurs, des hommes et des femmes com- chent les bouteilles pour les faire couler et
me par exemple le Dr Schweitzer, Mère Thé- ils essaient de laper la boisson sur la nappe.
résa, le Père Damien, Andrée Geulen et des D’autres encore, couchés à plat ventre, lèmilliers de «Justes» présents dans chaque chent et gobent ce qui en reste par terre parmi les débris des assiettes et des
génération tout au long de milliers
d’années et jusqu’à ce jour, guidés
La différence bouteilles tombées et cassées.
Ceux qui sont debout poussent,
par leur morale et leur cœur, ont
passé leur vie à aider tous ces entre un homme cognent, donnent des coups de
poing et de pied pour avoir accès
«Autres». Et ils y ont trouvé leur
libre et un
toutes ces bonnes choses. On
bonheur en même temps.
esclave, c’est àcrie,
on hurle et on s’insulte. Bref:
La plus belle formulation poétique que le premier une pagaille sauvage et générade cette idée est peut-être celle de peut choisir ses lisée. «Que se passe-t-il ici?» demande l’homme à l’ange? «Ils ont
l’écrivain-poète hindou, Rabindépendances, tous faim» répond l’ange, «mais
dranâth Tagore:
tandis que le ils sont handicapés. Ils ont les
bras raides. Leurs bras ne plient
«Je dormais et je rêvais que la
second est privé pas au coude; ils sont raides de
vie n’était que joie.
l’épaule au poignet. Alors, ils esJe m’éveillais et je vis que la
de ce droit.
saient de saisir directement les
vie n’était que servir.
Je servis et je vis que servir était la joie.» aliments avec la bouche. Et tu vois le résultat…». «C’est terrible» dit l’homme. «MainEt, pour terminer, voici un conte pour adultes tenant, montre-moi le paradis.» Ils partent,
(d’origine hassidique, si je me souviens bien): et l’ange ouvre une autre porte. Et que voit
Un homme qui vient de mourir passe devant l’homme? Même genre de salle, même décor,
le Tribunal Céleste, lequel trouve qu’il n’était même musique, mêmes tables et mêmes alipas un grand pécheur, mais pas un saint non ments et, autour, pas mal de monde. Mais
plus; juste «entre les deux». On lui laisse le ici, les gens sont souriants et se promènent,
choix. «Tu peux aller en enfer ou au paradis. discutent, papotent… «Ah!» dit l’homme, «on
Comme tu le veux». «Mais, pour choisir, je voit qu’ici ils ne souffrent pas de la maladie
veux d’abord voir les deux», plaide l’homme. du «bras raide»! «Si, si « répond l’ange «ils ont
On lui donne un ange-guide qui lui demande le même problème, mais eux, ils se nourris■
ce qu’il veut voir en premier lieu? «L’enfer» ré- sent les uns les autres…»
précédé dans le même verset
par «ne te venges pas, ni ne
garde rancœur». «Ton prochain»? Dans Deutéronome
(10, 18-19), Moïse nous enseigne que «Dieu témoigne son
amour à l’étranger»… et donc
«vous aimerez l’étranger».
Cette référence à l’étranger et
à l’amour et au bon traitement
que nous lui devons figure une quarantaine
de fois dans la Tora.
21
AG EN DA
SEPTEMBRE / OCTOBRE 2007
Samedi 1er septembre 2007 –
18 Eloul 5767 – KI TAVO
10H30: Office
Bar Mitsva Nicolas Jeanrenaud
Visite du groupe Eurojews
14h30:
Séminaire avec le groupe Eurojews
Lundi 3 septembre 2007
20h00 à 21h30: Pour tous, préparation
des Fêtes de Tichri (1)
avec Rabbi Floriane Chinsky:
22
Jeudi 6 septembre 2007
19h30: Réunion Talmidi avec les parents (voir annonce)
Vendredi 7 septembre 2007
20h00: Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 8 septembre 2007 – 25 Eloul
5767 – NITSAVIM VAYAKHEL
10H30: Office
Bar Mitsva David Smadja
Lundi 10 septembre 2007
20h00 à 21h30: Pour tous, préparation
des Fêtes de Tichri (2)
avec Rabbi Floriane Chinsky:
Mercredi 12 septembre 2007 – EREV
ROCH HACHANA
19H00: Office
Jeudi 13 septembre 2007 – ROCH
HACHANA 1.
10H00: office du matin
11h00: office des enfants
19h00: office du soir
Vendredi 14 septembre 2007 – ROCH
HACHANA 2.
10H00: office du matin
20h00: office de Kabbalat Chabbat
Samedi 15 septembre 2007 – 3 Tichri
5768 – Ha’azinou – Chabbat Chouva
10h30: Office
Bat Mitsva Clara Wajskop
Dimanche 16 septembre 2007
11h00: Pèlerinage à Gan Hashalom
Lundi 17 septembre 2007
Pas de Cours Adultes
Jeudi 20 septembre 2007
20h00: Midrach dans le texte avec
Rabbi Abraham Dahan
Vendredi 21 septembre 2007 – EREV
YOM KIPPOUR
19H30: Office – KOL NIDRE
Samedi 22 septembre 2007 – 10
Tichri 5768 - YOM KIPPOUR
10h00: Office
14h30: Moussaf-Minha
16h30: Office des enfants
18h30: Yiskor
20h35: Fin du jeûne
le shofar
– ELOUL 5767 / TICHRI 5768
Lundi 24 septembre 2007
20h00 à 21h30: Pour tous, préparation
de Souccot et Simhat Tora
avec Rabbi Floriane Chinsky:
Samedi 6 octobre 2007 – 24 Tichri
5768
BERECHIT
10H30: Office
Mercredi 26 septembre 2007 – Erev
Souccot
14h15 à 16h45: Rentrée de Talmidi
17h00: Construction de la Soucca (apportez feuillages, fruits légumes pour
décorer)
19h00: Office de Souccot
Mercredi 10 octobre 2007
14h15 à 16h15: Talmidi
Jeudi 27 septembre 2007 –
SOUCCOT 1.
10h00: Office de Souccot
Vendredi 28 septembre 2007 –
SOUCCOT 2.
20h00: Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 29 septembre 2007 –
17 Tichri 5768 – SOUCCOT 3.
10H30: Office
Mercredi 3 octobre 2007
Erev Simhat Tora/Chmini Atseret
14h15 à 16h45: Talmidi
19h00: Office
Jeudi 4 octobre 2007
Simhat Tora/Chmini Atseret
10h00: Office + Yiskor
Vendredi 5 octobre 2007
20h00: Office de Kabbalat Chabbat
Jeudi 11 octobre 2007
20h00: Midrach dans le texte avec Rabbi
Abraham Dahan
Vendredi 12 octobre 2007
18h30: «Magikabbalat Chabbat» avec
les enfants et la famille (voir annonce)
20h00: Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 13 octobre 2007
Roch Hodech Hechvan – NOAH
10h30: Office
Bat Mitsva Yaël Gemeiner
Lundi 15 octobre 2007
20h00 à 21h30: Cours Adultes: notre Judaïsme, pensée et pratiques
avec Rabbi Chinsky
23
J UDA Ï S M E
Être plus Beth Hillel en 5768
Par Rabbi Floriane Chinsky
Roch Hachana, déjà. Une nouvelle année se prépare. « Se » prépare ? Ainsi que
l’enseigne notre tradition, l’année ne « se » prépare pas d’elle-même, d’une façon abstraite, cosmique, prédéterminée. Quelque chose de transcendant vient
accompagner le tissage permanent de nos vies, quelque chose qui est en nous
et qui nous affirme que nous pouvons être plus nous-mêmes, que nos vies peuvent être plus proches de la façon dont nous les désirons.
24
Mettre une tête à notre année
Le déroulement de l’an prochain n’est pas une donnée.
Il ne s’agit pas de découvrir
passivement dans les astres,
les cartes, ou des entrailles
de volaille, un destin écrit par
des dieux capricieux ou des
forces magnétiques mystérieuses. « Ein mazal léisraël ». Pour le peuple d’Israël, les astres n’existent pas. Ils sont impuissants. Ce
qui fait notre année (chana), c’est notre tête
(roch). C’est dans cet esprit que le seder de
roch hachana séfarade introduit l’année en
accompagnant la définition de nos priorités
de façon culinaire. Chaque plat est associé
à un vœu, à une astuce ou à un jeu de mot,
en hébreu ou araméen. En français, on pourrait manger de la banane ou une « bananée »
pour nous garantir une « bonne année »,
manger des rochers au chocolat pour que
notre année soit bien solide, décorer notre
table de pensées pour que notre année soit
inspirée de bonnes pensées. Dans le monde
ashkénaze, le vœu d’une année fruitée, un
peu acide et suffisamment douce comme la
pomme et le miel concrétise notre volonté de
bonheur. Ce qui favorise réellement notre bonne année, ce
sont nos souhaits, nos rêves,
et la façon à la fois sérieuse
et humoristique dont nous les
abordons. Depuis des générations, dans le monde entier, Israël ne se satisfait pas du sort
que l’histoire ou les hommes
veulent lui imposer. Depuis des générations,
nous utilisons la moindre marge de manœuvre, la moindre parcelle de liberté pour faire
progresser notre projet, pour faire avancer
l’alliance de vie. Pour cette raison, nos fêtes
de ce début d’année ne comportent aucun
rite de divination contrairement à la profusion superstitieuse de certains débuts d’année civile. Elles comportent au contraire un
temps d’introspection, joyeux et grave à la
fois, à la fois confiant et tremblant. C’est notre rencontre avec le temps, notre rencontre
avec l’éternité, le renouvellement du grand
battement de la vie. Nos sentiments et nos
actes sont l’essence de nos vies, et bien audelà, ils construisent notre avenir, celui de
nos enfants, celui de notre peuple, et aussi,
nous l’avons vu dans le fil de l’histoire, celui
de l’humanité.
le shofar
En ce point de jonction entre le passé et l’ave- nous souhaitons devenir. Un seul Dieu, un
nir, pendant ces deux jours de Roch Hacha- seul système de valeurs, que nous servons
na, ces dix jours de retour (Téchouva, retour de tout notre être, pensée, cœur et action.
à nous-mêmes, à nos désirs, nos espoirs, nos La redéfinition de ces valeurs et leur mise en
pratique au niveau individuel et
ambitions, nos valeurs, nos resDepuis des
communautaire se fait de façon
ponsabilités, nos priorités) et ce
privilégiée à Roch Hachana et à
jour de Kippour, il est bon d’être
générations,
Yom Kippour. Les expériences
à la fois confiants et tremblants,
d’ouvrir nos têtes, nos cœurs et nous utilisons la de l’année sont prêtes à se réinnotre action à l’avenir que nous moindre parcelle sérer dans notre grille de lecture
monde. Nous le faisons endésirons. Le partage en commude liberté pour du
semble, dans la même maison,
nauté de ces grands moments les
rend encore plus intenses. Nos faire progresser celle qui nous accueille comme
sentiments de succès, d’échec,
notre projet, pour nous sommes, bait.
de désir, d’espoir, nos forces
faire avancer Bait, c’est la maison qui nous
aussi, se côtoient, se rencontrent, s’amplifient mutuellement l’alliance de vie. accueille comme nous sommes,
c’est aussi nécessairement celle
et sont amplifiées par la solennité qui se dégage de nos prières et de notre qui nous encourage à nous dépasser. Bait,
c’est le lieu qui nous accueille chaleureuseprésence élargie en ces moments phare.
ment, et également, de façon tout aussi nécessaire, le lieu qui accueille notre prochain.
Construire une maison du cœur
Pendant les fêtes de Tichri, Beth Hillel ac- C’est le lieu où nous sommes respectés, et où
cueille tous ses membres et ses sympathi- nous respectons les autres, où nous grandissants au sens large. C’est l’un des grands sons en harmonie avec le développement de
moments où nous réaffirmons notre mission chacun. Comment la même maison peut-elle
d’être une bait, beit knesset, une maison, un tous nous accueillir, dans nos différences, de
façon également chaleureuse ? Comment la
lieu de rassemblement.
même maison peut-elle accepter
Bait, c’est la valeur de l’ouver- Considérer son à la fois celui/celle que j’étais, et
ture, du bon accueil, de la convi- prochain comme celui/celle que je veux être, sans
désavouer aucun d’eux ? Peut-on
vialité, l’accueil de chacun pour
son allié, c’est concilier les opposés ?
celui qu’il ou qu’elle est, sans
faux semblants, sans tricherie,
créer un mode
Beth Hillel, une maison d’alsans schizophrénie. Chacun a
relationnel
liance
le droit, chacun a le devoir de
C’est là que réside le secret de
tendre vers l’unité. Être « UN »,
différent de
Ce grand sage du Talmud
c’est refuser le polythéisme
celui du monde Hillel.
tient une place très particulière
dans toutes ses expressions,
y compris celle qui consiste à
de compétition et fondatrice dans notre tradition. Il est le symbole de l’aladopter certaines attitudes reauquel nous
liance, la capacité de grandir
ligieuses ou morales dans certains lieux où elles semblent sommes habitués. ensemble et de construire ensemble malgré les désaccords.
adéquates pour en changer de
façon opportuniste dans d’autres situations. Cette alliance est une attitude générale de
Au contraire, toutes nos expériences, inté- Hillel. C’est sa façon d’être en relation avec
grées, doivent se mettre au service de notre la personne qui lui fait face, qu’elle soit un
compréhension de qui nous sommes et de qui géant de la tradition, comme son partenaire
25
J UDA Ï S M E
26
privilégié de controverse, Chamaï, ou qu’elle faisait parfois précéder. Son contradicteur
soit un simple candidat à la conversion. De était pour lui son allié dans l’étude et la repar le simple fait que nous partageons la cherche de la vérité. C’est cette découverte
responsabilité de l’avenir du monde, en tant extraordinaire sur le plan de l’humain qui a
qu’humanité, ou celle de l’avenir du peuple valu à l’école de Hillel d’être préférée à celle
juif, en tant que juifs, une alliance existe de Chamaï en tant que référence de la loi
juive. Seule cette attitude était
entre nous. Du simple fait de
notre commune condition hu- Hillel respectait susceptible de permettre de
construire la maison « Judaïsmaine, l’atteinte à notre dignité
l’opinion de
me » à travers l’histoire. C’est
est l’atteinte à la dignité de l’enses opposants, cette attitude qui nous permet
semble de l’humanité, atteinte à
la dignité de chaque personne
l’enseignait au d’exister en tant que nous même,
sans préjudice de la légitimité
partageant cette condition. Il
s’agit d’une solidarité intrinsè- côté de la sienne, de celui ou celle que nous avons
pu être par le passé ou que nous
que, qui nous unit dans la même
et la faisait
deviendrons à l’avenir, sans
volonté, dans la même alliance.
parfois
préjudice non plus de l’infinie
Quelles que soient les différenlégitimité des autres. C’est bien
ces, les divergences, la force ou
précéder.
l’attitude de confiance et d’alla faiblesse de celui qui nous fait
face, cette alliance définit un intérêt com- liance de Hillel qui nous permettra de grandir
mun et supérieur à chacun des partenaires. et de nous épanouir cette année, nous, notre
Considérer son prochain comme son allié, communauté, et toutes les autres communauc’est créer un mode relationnel qui fonction- tés d’Israël. C’est bien cette attitude d’intelline sur des modalités totalement différentes gence qui nous permettra de mettre du cœur,
de celles du monde de compétition auquel et du bon, dans l’année qui s’annonce.
nous sommes habitués. C’est dans cet esprit
que Hillel respectait l’opinion de ses oppo- Léchana tova tikatévou vétéHatmou, inscri■
sants, l’enseignait au côté de la sienne, et la vez-vous dans une bonne année.
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le shofar
Soukkot: Exubérance et
réflexion
Extraits talmudiques
Par Ralph Bisschops
Autant que les réflexions des rabbins relatifs à Yom Kippour respirent l’allégresse, l’humanité et le pardon, autant les textes qui portent sur Soukkot
frappent par leur gravité. C’est comme s’ils voulaient à tout prix avertir l’homme, qui après Kippour, reprend le fil de sa vie avec une âme rajeunie, que le
mauvais penchant (yetzer hara) le guette toujours. Cette fête qui excelle par
son exubérance est également une réflexion sur la nature ténébreuse de l’être
humain.
L’énigme du mal
Rabbi Jehudah: Dans le monde
à venir le Saint béni-soit-Il fera
venir le mauvais penchant et
le fera abattre en présence des
justes et des fourbes. Aux yeux
des justes, il aura l’apparence
d’une immense montagne, aux
yeux des fourbes, par contre,
il aura l’apparence d’un seul
cheveu. Aussi bien les uns que
les autres se mettront à pleurer. Les justes pleureront (de joie) et s’écrieront: «Comment avons nous été capables de
franchir une montagne aussi gigantesque?»
Et les fourbes pleureront et diront: «Pourquoi
n’avions-nous même pas réussi à franchir ce
cheveu?» Et Le Saint beni-soit-Il partagera
aussi-bien l’étonnement des justes que celui
des fourbes. (Sukkah, 52a)
Chacun a son ombre
Un jours Abbayé était en plein désarroi. Il
rencontra un vieil homme, que la tradition
identifie au prophète Élie. Celui-ci lui dit:
Plus l’homme est grand, plus
son mauvais penchant est
puissant. (Soukkah, 52a)
Difficile bonté
Rabbi Eléazar: Celui qui exerce la charité et la justice est
considéré comme s’il avait
rempli le monde par sa bienveillance. (...). Mais pour que
l’on ne dise pas que celui qui
désire faire le bien y réussira
sans problèmes, l’Écriture dit expressément:
«Combien précieuse est Ta grâce, o Maître de
l’Univers» [Ps. 36,8]. (Soukkah, 49b)
Tradition et avenir
Selon l’opinion du mortel, un vase vide peut
recevoir un liquide, mais l’on ne peut rien
ajouter à un vase plein. Pour l’Éternel, il en
est autrement: un vase plein peut recueillir
toujours plus, tandis qu’un vase vide ne peut
même pas recevoir une goutte (...) Si tu es à
l’écoute, tu continueras à écouter. Si tu ne l’es
pas, tu n’entendras rien. Autre interprétation:
27
J UDA Ï S M E
Si tu es à l’écoute de l’ancien,
tu saisiras le nouveau, mais
si ton cœur s’en détourne (de
l’ancien), tu n’entendras pas
(le nouveau non plus). (Soukkah, 46a 46b)
Si tu es à l’écoute de
l’ancien, tu saisiras le
nouveau, mais si ton
cœur s’en détourne,
tu n’entendras pas le
nouveau non plus.
(Soukkah, 46a 46b)
La supplication: approche
rurale
Rabbi Eléazar: Pourquoi la
prière a-t-elle été comparée
à une fourche à foin? Pour
t’apprendre que de la même manière que la
fourche remue le foin, la prière remue l’Esprit du Saint béni-soit-Il, et le fait passer de
l’attribut de la dureté à celui de la clémence
(Soukkah 14a).
Les rabbins saltimbanques
(Le jour de Souccot) Lévi jonglait en présence de Rabbi
avec huit couteaux, Samuel
faisait de même devant le Roi
Shapur avec huit verres de vin
(sans en renverser le contenu)
et Abayé jonglait devant Rabbah avec huit oeufs certains
estiment pourtant que ce n’en
étaient que quatre.
(Soukkah, 53a)
Édition consultée: TALMUD BABLI, édité
par Rabbi Dr. Isidore Epstein, Soncino Press,
London, Jerusalem, New York.
■
SOUCCOT
28
Construction de la Soucca
Le mercredi 26 septembre à 17h00
Apportez feuillages, fruits et légumes pour décorer la Soucca.
Si vous avez des instruments de musique, apportez-les pour préparer Simhat Tora.
Erev Souccot Le mercredi 26/09 office à 19h00
Souccot 1.
Le jeudi 27/09 office à 10h00
SIMHAT TORA
Le mercredi 3 octobre 2007 à 19h00
Soyez tous présents pour célébrer dans la joie la Tora!
Nous danserons et chanterons ensemble avec les Sfarim, comme tous les ans.
Venez avec vos enfants et vos amis
Si vous avez des instruments de musique, venez nous régaler de vos talents.
le shofar
Un peu d’humour
L’année des présidentielles américaines 2012
voit, pour la première fois de l’histoire des
Etats-Unis, désigner à la tête de l’Etat une
femme juive, Susan Goldfishwomen.
« Ma princesse, commence à se plaindre la
mère juive de la nouvelle présidente, tu sais
bien que je ne digère pas bien ces aliments
gras dont tes copains raffolent »
Celle-ci appelle sa mère peu après son élection et lui dit au téléphone : « Bien, nous y
sommes enfin arrivée. Je suppose, bien évidemment, que tu viendras à ma prestation de
serment ! ». « Je ne pense pas, ma chérie. Cela
représente dix heures de voiture, ton père
n’est plus tout jeune et j’ai à nouveau mon
épaule qui me fait souffrir… »
« Ne t’en fais pas, Maman. Toute la nourriture des réceptions, déjeuner et dîner de gala
sera assurée par le meilleur traiteur casher
de la région. Maman, j’ai vraiment envie que
tu viennes. S’il te plaît… »
« Ne te préoccupe pas de tout ces petites tracas de santé, Maman. Je vais vous faire envoyer Air Force One pour vous emmener ici,
puis vous ramener à la maison. Une voiture
viendra vous chercher devant la porte et je
ferai mettre une limousine à la descente de
l’avion ».
« Pff … je ne sais pas…Tout le monde sera
tiré à quatre épingles ! Que veux tu que je
mette sur le dos ?!? Cela fait longtemps que
nous ne sortons plus à des machins chichi,
ton père et moi ! »
« Oh, écoutes, Maman, franchement ! Je t’en
prie, viens ! On va t’envoyer ce qui faut du
meilleur couturier de New York ! »
Finalement, la maman de Susan Goldfishwomen accepte, embarque dans l’avion présidentiel en compagnie de son époux, revêtue d’un
élégant tailleur, et le 21 janvier 2013, assiste à ce
moment historique où sa fille devient officiellement Président des Etats-Unis d’Amérique.
Assise au premier rang, au milieu des plus Grands
de ce monde et un parterre des plus hautes personnalités du pays, elle se tourne vers son voisin
de droite, un sénateur, et lui demande d’une voix
un peu forte : « Voyez vous cette jolie jeune femme
là-bas avec la main posée sur la Bible, et qui en ce
moment, devient le Président ? »
Le sénateur répond en chuchotant : « Oui,
oui, je la vois »
Alors, fièrement, elle continue : « Son frère
est docteur ! » ■
JWH
29
CU LT UR E
Naissance et développement
du Judaïsme Libéral
Par Rabbi Abraham Dahan
30
Le premier et le plus imporLe mouvement de réforme
tant fut Moïse Mendelssohn
dans le Judaïsme n’est pas
(1729-1786). Il a été le premier
né spontanément. Les déthéoricien de l’émancipation
veloppements sociaux, inet le premier à défendre le
tellectuels et politiques qui
Judaïsme contre les accusavont conduire à son éclosion,
tions et les assauts du chrisont leurs racines loin dans le
tianisme. Mais sa traduction
passé.
de la Bible en allemand, avec
La Renaissance en Europe
un commentaire quelque
occidentale verra naître une
peu innovateur, ses plaidoinouvelle approche envers les
ries pour l’émancipation des
doctrines religieuses. La touJuifs, pour la suppression de
te puissance de l’Eglise est
la coercition religieuse, ses
remise en question et lenteappels à réformer l’éducation
ment la philosophie remplajuive, lui valurent la colère
ce la théologie. Des hommes,
en Europe, commencent à vouloir et à oser des rabbins.
penser librement. Un repère éminent de cette Avec certes des divergences, on peut affirévolution en est, dans le monde juif, Baruch mer qu’à des siècles d’intervalle, les deux
Spinoza (1632-1677). Il apparaît comme le Moïses, Maimonide et Mendelssohn, chacun
fondateur du rationalisme religieux. Il sera à sa manière et avec les outils de son temps,
mené un peu le même combat
excommunié par l’institution rabLes efforts et ont
et ont poussé dans la même direcbinique, mais son œuvre aura une
grande influence sur la philoso- l’œuvre de Moïse tion: redonner au vieux Judaïsme
phie moderne et ouvrira la voie à
Mendelssohn un visage accessible et pour leur
peuple et pour l’environnement
la critique biblique.
restent sous- non-juif, accusateur et hostile.
Mais Spinoza lui-même a un loinLe premier au Moyen Age, dans
tain précurseur, Moïse Maimoniestimés et
l’univers musulman, le second au
de (1138-1204). Maimonide, dans
son œuvre magistrale, le « Guide presque ignorés temps des lumières pour les Juifs
des Egarés », essaie de réconcilier dans les milieux dans l’univers chrétien. Les deux
à subir l’opprobre de l’insla vérité religieuse de la tradition
de l’orthodoxie. auront
titution rabbinique. Maimonide
révélée avec le rationalisme phisera accusé de s’être converti à
losophique.
Au 18ème siècle, il servira de modèle et de pas- l’islam et son œuvre majeure, le Guide des
Egarés, a été mise à l’index pour longtemps.
serelle aux précurseurs de la réforme.
le shofar
Mendelssohn, son sort sera moins enviable et beaucoup de difficultés. La chute de Napoencore, puisque, jusqu’à aujourd’hui ses ef- léon, la réaction qui s’en suivra, le rétablisforts et son œuvre restent sous-estimés et sement de la monarchie, mais le mouvement
presque ignorés dans les milieux de l’ortho- était parti…
doxie, alors que, depuis longtemps, le Judaïs- En Allemagne, il n’y avait pas eu de révome se vit et se pense beaucoup dans la ligne lution et les Juifs voulaient prouver qu’ils
qu’il a préconisée, même dans les milieux à étaient dignes de la confiance qu’on leur ferait en leur accordant la citoyenétiquette orthodoxe, que ce soit
dans leur comportement quoti- Où serions-nous neté. C’est pourquoi c’est là que
se développera la «science du Judien, dans la pratique ou l’enseiaujourd’hui daïsme», une nouvelle approche
gnement des écoles.
de l’Histoire et de la Tradition,
Le 18ème, c’est le temps des phisi l’Alliance
pour émanciper le Judaïsme des
losophes et des encyclopédistes.
Israélite
tentations dogmatiques. Je me
Ils développeront et diffuseront
Universelle
souviens de la première question
l’idée d’égalité entre les hommes.
La révolution française donnera avait cédé aux qui me fut posée quand je demandai mon admission au séminaire
corps à cette idée et les guerres
napoléoniennes vont la diffuser revendications à Paris: lisez-vous l’allemand?
en Europe.
rabbiniques? C’est en Allemagne qu’était le savoir juif. Dans la deuxième moitié
Pour les Juifs, l’émancipation,
leur accession à la citoyenneté et à l’égalité - du 18ème et tout le 19ème siècle, il y eut là un
après des siècles d’écrasement, d’oppression, nombre impressionnant d’intellectuels juifs,
d’enfermement, de déchéance des droits les avec de grandes capacités et une immense
plus élémentaires – va être un éblouisse- érudition, et qui étaient freinés et frustrés
ment. Ce fut pour eux comme le temps du dans leurs droits parce qu’ils étaient Juifs.
messie et l’optimisme est énorme. On ne se Ils cherchèrent avec passion le moyen de
rend pas compte d’une vérité élémentaire déchirer le filet qui les emprisonnait. Entre
qui est que si les idées
autres, L. Zunz, E. Gans,
évoluent, les mentalités,
D. Lessman, J. Hilman, I.
elles, sont beaucoup plus
Marcus Jost, M. Moser et
lentes à changer. Les prébeaucoup d’autres, dont
jugés contre les Juifs, les
Henri Heine, fondèrent
clichés séculaires, les inune association pour rétérêts, les enseignements
pondre aux attaques antide la haine et du mépris,
sémites et rénover l’esprit
ne s’effacent pas, même
du Judaïsme. Le fait que,
chez les gens les plus édude guerre lasse, certains
qués et les plus évolués.
se convertirent au chrisMême, parfois, chez ceux
tianisme indique la presqui plaideront pour l’égasion qui les écrasait et les
lité des Juifs.
difficultés, les douleurs
Mais les Juifs, fascinés
de l’époque pour les Juifs.
par le monde qui s’ouvrait
Les premiers réformaenfin à eux – enfin des
teurs furent d’abord des
droits, une profession
laïques qui optèrent pour
normale, l’université – vont s’engouffrer dans des changements mineurs, esthétiques, sans
la modernité.
profondeur, car, disons-le, il s’agissait surL’émancipation connaîtra certes des à coups tout de plaire à l’environnement chrétien
31
CU LT UR E
32
hostile. Ils voulaient moderniser Le mouvement est une donnée immuable; il faut
tout garder des coutumes et trale culte et conférer aux offices regénéral va dans ditions. C’est juste la manière
ligieux décorum et dignité.
Ils s’attaquèrent à l’éducation
la direction de présenter les choses qui peut
changer. A l’autre extrême, Sajuive traditionnelle qui se limitait
d’un retour à muel Holdheim qui, malgré une
à l’étude de la Bible et du Talmud,
en ignorant le savoir général. Ils l’étude et à un formation orthodoxe et ses études dans les yeshivot d’Europe
désiraient aussi faire le lien entre
l’étude de la religion et la morale, traditionalisme Orientale, représentera (peutêtre à tort) la tendance de la rél’éthique.
éclairé.
forme radicale.
Rappelons qu’en 1860, lors de la
création de l’Alliance Israélite Universelle, Deux modérés, Avraham Geiger et Zahaqui fut à l’origine d’une chaîne d’écoles dans ria Frankel. Pour Geiger, le Judaïsme est
les pays méditerranéens pour permettre aux une institution vivante, ni un instrument
enfants juifs d’accéder à l’enseignement des de mort à entièrement reformuler comme
langues et du savoir général, et pas seule- pour certains radicaux, ni un roc immuable,
ment religieux, les rabbins réagirent avec même s’il est fossilisé comme pour Hirsch.
violence. Où serions-nous aujourd’hui si La révélation est permanente et ainsi en estl’Alliance Israélite Universelle avait cédé il de l’évolution de la Halakha.
Frankel sera le père du Judaïsme conseraux revendications rabbiniques?
En Allemagne, à partir des années 1820, vative qui se veut fidèle à la Halakha, mais
quelques rabbins vont se joindre aux réfor- qui, en fait, comprend les nécessités d’une
mateurs et s’efforcer de mettre en cohérence évolution. Par exemple, les conservative oples réformes et les justifier par référence à teront pour le rabbinat féminin 20 ans après
la Tradition. Ils espéraient aussi que leurs le mouvement libéral…
réformes freineraient le flot des conversions C’est en Amérique que le Judaïsme non orthodoxe réussira parce que là le pays est neuf et
au christianisme.
A la suite de ces réformes, se développera il n’y a pas, pour les nouveaux immigrants, le
l’idée de la nature évolutive de la Loi juive poids des structures de la vieille Europe, les
pour qu’elle s’adapte aux conditions des mentalités sont libérées et plus audacieuses.
nouvelles générations. Mais alors que, jus- Bien entendu, certains éléments dans les
que là, l’évolution historique du Judaïsme mouvements de la réforme ont été perçus
allait dans le sens de la complexité, les ré- comme des excès, mais c’est normal quand
formateurs iront vers une simplification. il s’agit de la chose religieuse qui, par défiIls prendront appui sur l’enseignement des nition, est portée à la conservation même
prophètes qui ont insisté plus sur la justice de ce qui ne parle plus à la génération. Mais
sociale et le comportement moral que sur les aujourd’hui le mouvement se développe, lentement mais sûrement, en Europe et en Isprécisions rituelles.
Très vite, des divergences apparaîtront et raël. Il faut espérer que les erreurs du passé
trois conférences, en 1844, 1845 et 1846, nous servent d’expérience et, en tous cas,
pour harmoniser les différentes tendances le mouvement général va dans la direction
ne réussirent pas à créer un consensus gé- d’un retour à l’étude et à un traditionalisme
éclairé, pour lequel le sens et le bon sens
néral.
Dans l’ensemble du mouvement, on peut dire sont importants, même si nous en savons les
limites. Un Judaïsme pour lequel fidélité ne
que quatre tendances se révèleront:
Deux extrêmes opposés, Shimshon Rafaël se confond pas avec immobilisme. La mitsva
Hirsch, père de la néo-orthodoxie, et Sa- et le rite sont, pour nous, des rappels et des
■
muel Holdheim. Pour Hirsch, la tradition repères. Des moyens et non des fins. CU LT UR E
Nelly Sachs
Ethique et modernité
Par Monique Ebstein
34
Nelly Sachs, juive et allemande, née à Berlin en
1891, fut lauréate du Prix
Nobel de Littérature en
1966, à l’âge de 75 ans. Elle
le reçut en même temps
que le romancier israélien
Samuel Joseph Agnon. Elle
mourut quatre ans plus
tard d’un cancer, à Stockholm, la ville où elle avait
trouvé refuge lorsqu’elle
dut s’enfuir en 1940 devant
le péril nazi.
Cette femme, toute petite
et fluette, de santé fragile
depuis son enfance, et
dont les yeux sombres
mangeaient le visage était
un très grand poète. L’écriture était son seul
moyen pour survivre au drame absolu de la
Shoah. Ses poèmes composent une oeuvre
difficile, hermétique à un lecteur superficiel
ou pressé. Mais celui qui accepte d’y plonger
n’en sort pas indemne.
En 2003, sous l’égide de l’Université Charlesde-Gaulle-Lille 3, Andrée Lerousseau, Claude
Cazalé-Bérard et André Combes organisèrent un colloque international intitulé «Nelly
Sachs, éthique et modernité» auquel participèrent des personnalités du monde universitaire et littéraire(1). Les Actes de ce colloque
ont paru au cours du 1er trimestre 2007, et les
différentes contributions dont nous ferons
de nombreuses citations,
sont précieuses pour approfondir une poésie où
l’on hésite à juste titre à se
hasarder seul.
Nelly Sachs fut élevée au
sein d’une famille de la
grande bourgeoisie juive
berlinoise, fortement assimilée et très éloignée de
ses racines juives. Dès son
plus jeune âge, une sensibilité exacerbée l’amena à
s’isoler des autres enfants,
à s’entourer d’animaux.
Son père, avec qui elle
avait une relation fusionnelle mêlée de crainte, lui
avait offert une biche, une
chèvre, un chien, car ce riche homme d’affaires était tout à fait d’accord pour que sa
fille grandisse, entourée davantage de fleurs
et de bêtes que de petits camarades de son
âge. Il était bon musicien, et quand il se mettait au piano, sa fille dansait avec extase. Sa
collection de minéraux fascinait l’enfant, car
les pierres lui paraissaient être la châsse de
forces cosmiques.
Comme elle était poète dans le plus profond
de sa nature, c’est par le hassidisme et la mystique juive qu’elle retrouva ses racines. La
lecture du Livre d’Isaïe dans la traduction de
Buber et de Rosenzweig déclencha le retour à
ce qu’elle appelle les «fontaines d’Israël». Ce
le shofar
fut pour elle une révélation qui la fit entrer de
plain-pied dans une tradition qu’elle portait
au plus profond de son être.
Sa poésie, comme le dit si bien Andrée Lerousseau, suit un itinéraire qui conduit «du
silence au silence avec dans l’intervalle l’espace où se cherche la parole».
Jean Halpérin constate avec pertinence que
Nelly Sachs n’a jamais eu besoin que quiconque lui explique, comme Gershom Sholem
«Wenn die Propheten einbrächen
durch Türen der Nacht
mit ihren Worten Wunden reissend
in die Felder der Gewohnheit
ein weit gelegenes hereinholend
für den Tagelöhner
der längst nicht mehr wartet am Abend
........
Wenn die Stimme der Propheten
Auf dem Flötengebein der ermordeten Kinder
blasen würde, ...
(2)
avait essayé de la faire vis-à-vis de Hannah
Arendt, ce qu’est Ahavat Israël. Cette expression que l’on traduit en français par
l’amour d’Israël «est un amour très spécial,
très singulier qui ne peut pas être ramené à
ce que le vocabulaire français désigne par
l’amour. C’est un amour qui n’est pas aveugle, mais une passion exigeante, un souci,
une préoccupation afin d’aider Israël à rester
Israël». Cet amour fait des patriarches, des
prophètes, de la terre d’Israël les principaux
acteurs de ses poèmes:
Si les prophètes faisaient irruption
par les portes de la nuit
avec leurs paroles mettant à vif des plaies
dans le champ des habitudes
rendant ce dont il fut écarté
au journalier
qui au soir n’attend plus depuis longtemps
.........
Si la voix des prophètes
soufflait
dans la flûte taillée dans les ossements des
enfants assassinés...
Un amour pour une terre qu’elle n’a jamais vue, sa santé ne le lui ayant pas permis. Elle avait
pourtant dit à André Néher qui, à partir de 1966, l’invitait à Paris ou à Strasbourg,
«Si Dieu me donne des forces, mon premier voyage sera pour Israël et pour Jérusalem». Cette
terre, elle la portait en elle et la connaissait depuis d’innombrables générations:
«Aus dem Wüstensand holst du deine Wohnstatt wieder heim.
Aus den Jahrtausenden, die liegen in Goldsand verwandelt.
Aus dem Wüstensand treibst du deine Bäume wieder
hoch die nehmen die Quellen hin zu den Sternen – Du sable des déserts tu as rapporté ta demeure.
Du fond des millénaires qui gisent métamorphosés en
sable d’or
Aus dem Wüstensand in den so viel Schlaf einging
vom Volke Israel
........
gräbst du die versteckten Gottesgewitter aus,
wälzt die Steine zum Bethaus
Du sable des déserts tu fais de nouveau croître tes arbres
qui emportent les sources vers les étoiles Du sable des déserts où pénétra tant de sommeil
du peuple d’Israël
..........
tu déterres les éclairs enfouis des orages de Dieu,
fais rouler les pierres pour la maison de prière,
Steine, die fester Schlaf um die magische Nacht von Beth-El sind...... (3)
pierres, sommeil profond enserrant la nuit
magique de Beit-El...........
35
CU LT UR E
Avec Buber et Lévinas, elle partageait ce sens de la relation à autrui, à ce Tu qu’il nous est
donné d’appréhender par le visage. Nombre de ses poèmes s’adressent à cet Autre sans qu’il
soit nommé, mais qui peut être le fiancé disparu, l’homme, la femme ou l’enfant rencontrés
fortuitement, l’Israélien en train de reconstruire son pays, la victime assassinée, l’animal
mort dans la souffrance. Ces visages font partie du Tu cosmique et transcendant qui les englobe tous, sans pourtant en remplacer un seul. Ce Tu auquel elle s’adresse avec les mêmes
accents, voire les mêmes mots que Juda Halévi
36
«Du, Du, Du, Du
Wo kann ich Dich finden,
und wo kann ich Dich nicht finden ?
Du, Du, Du, Du ! (4)
Toi, toi, toi, toi !
où puis-je trouver,
et où ne puis-je pas te trouver ?
toi, toi, toi, toi !
«Yah ! ana emtsa’akha
mekomekha na’alah ve-né’élam
ve-ana lo emtsa’akha...... (5)
Eternel ! où te trouverai-je ?
Ta demeure est élevée et cachée
Et où ne te trouverai-je pas ?
Comme le rappelle Laurent Cassagneau, chez Nelly Sachs un autre personnage joue le rôle
d’intermédiaire entre l’homme et l’invisible, entre l’homme et le transcendant, c’est l’Ange. Or
contrairement à celui de la Bible et de la Cabale qui n’est pas accessible à la souffrance et qui
remplit sans émotion la mission qui lui a été confiée, l’ange sachsien a un corps susceptible
d’être mutilé par les malheurs qui affectent l’être humain:
«durch den Stacheldraht der Zeit
kam er zu dir geeilt,
mit den Flügeln zerrissen......» (6)
«...à travers les barbelés du temps,
il se hâta vers toi,
les ailes déchirées.....»
M.E.
Sa mission est double. Il doit garder vivante la mémoire des deuils d’Israël:
«...Zwischen Gestern und Morgen
Steht der Cherub....
Seine Hände aber halten die Felsen auseinander
Von Gestern und Morgen
Wie die Ränder einer Wunde
Die offenbleiben soll
Die noch nicht heilen darf» (7)
«.....Entre Hier et Demain
se tient le Chérubin ........
Et ses mains séparent les rochers
d’Hier et de Demain
comme les lèvres d’une plaie
qui doit rester béante
qui n’a pas encore le droit de guérir.»
Il doit aussi être l’agent du Tikkun , de la «réparation», celui qui amène à Dieu les victimes des
assassins. Il assure le lien entre la vie et la mort, entre le passé et l’avenir:
«Engel der Bittenden,
segne den Sand,
lass ihn die Sprache der Sehnsucht verstehen,
daraus ein Neues wachsen will aus Kinderhand.... (8)
«Ange de ceux qui implorent
bénis le sable,
permets-lui de comprendre le langage de la nostalgie,
pour que du Nouveau pousse au creux de la main d’un
enfant
le shofar
Dans son intervention, Andrée Lerousseau rappelle que la première passion de Nelly Sachs
enfant fut pour la danse. Elle s’éveilla à l’art en dansant sur la musique que son père improvisait au piano. Et comme elle l’écrira plus tard en 1959 dans une lettre à un ami: «La danse fut
mon ... élément le plus intime. Ce n’est qu’à cause du lourd destin qui fut le mien que je suis
passée à un autre moyen d’expression: le mot.»
«Deine Schritte wussten wenig von der Erde
Sie wanderen auf einer Sarabande (9)
Tes pas connaissaient peu de chose de la terre
Ils cheminaient sur une sarabande
Elle écrira plus tard dans les «notes sur le poème Beryll»: «...on doit essayer de faire jaillir la
parole du souffle avec des mouvements de tout le corps afin d’arracher le mot englouti à son
mutisme ensanglanté et à son sommeil pour qu’à nouveau il resplendisse». La danse peut être
celle de David, le poète musicien,
«Samuel sah......
David den Hirten
Durcheilt von Sphärenmusik.....
Als die Männer ihn suchten
Tanzte er, umraucht
Von der Lämmer Schlummerwolle.......(10)
Samuel vit....
David le pâtre
transporté par la musique des sphères.....
Lorsque les hommes le cherchèrent
il dansait, enveloppé des fumées
de la laine ensommeillée des agneaux....... M.G.
37
Mais David devint roi et perdit son innocence:
«Da hatte die Königszeit begonnen –
Aber im Mannesjahr
mass er, ein Vater der Dichter,
in Verzweiflung
die Entfernung zu Gott aus,
und baute der Psalmen Nachtherbergen
für die Wegwunden
Le temps du roi avait alors commencé
mais à l’âge d’homme,
lui, père des poètes, il mesura
dans le désespoir
la distance à Dieu
et bâtit le havre des nuits des psaumes
pour les blessures du chemin
Sterbend hatte er mehr Verworfenes
dem Würmertod zu geben
als die Schar seiner Väter –
Denn von Gestalt zu Gestalt
weint sich der Engel im Menschen
tiefer in das Licht !
(11)
En mourant il eut plus d’abjection à donner
à la vermine des tombeaux
que toute la cohorte de ses pères Car de forme en forme
l’ange dans l’homme se pleure
plus profondément dans la lumière !
CU LT UR E
La danse quand elle n’est plus l’expression d’une élévation vers la transcendance, se transforme en mouvement de mort, ce sont alors «les pas» qui, dans les poèmes scéniques «doublent
la parole en mimant la tragédie de l’histoire»:
38
«Arme auf und ab, Beine auf und ab,
und die untergehende Sonne des Sinaivolkes
als den roten Teppich unter den Füssen.
Bras et jambes
au pas cadencé,
et le soleil couchant du peuple du Sinaï
En guise de tapis rouge sous les pieds.
Arme auf und ab,
Beine auf und ab,
und am ziehenden aschgrauen Horizont der Angst,
riesengross das Gestirn des Todes
wie die Uhr der Zeiten stehend.» (12)
Bras et jambes
au pas cadencé,
et couleur de la cendre l’horizon migrant de la peur,
gigantesque l’astre de la mort
Pareil à l’horloge du temps arrêté.
Ainsi par la danse et l’écriture, le poète a le pouvoir de transformer la mort en nouvelle naissance, de faire surgir la lumière des ténèbres, et de déceler les traces des disparus dont il faut
conserver la mémoire.
«Eli» est une oeuvre écrite tout de suite après la Deuxième Guerre mondiale. Elle a été publiée pour la première fois en 1951. André Combes analyse de manière remarquable ce «mystère» qui retrace au sein d’une petite bourgade juive de Pologne «les souffrances d’Israël». De
nombreux personnages apparaissent et disparaissent au cours de l’action qui se déroule dans
ce shtetl , dont une grande partie des habitants a été assassinée par les nazis. Parmi les victimes, Eli, un enfant, a été tué alors qu’il voulait suivre ses parents que l’on emmenait. Michael,
le cordonnier, a réussi à sauver un grand nombre de villageois, mais il n’a pas pu empêcher la
mort d’Eli. Il essaye à présent de retrouver son assassin. La symbolique de son nom se traduit
dans les gestes de son métier, car en assemblant avec son alène la semelle et le dessus des
souliers qu’il fabrique, Michael réunit le monde supérieur des séfirot au monde inférieur de
la création visible. Ce long poème en 17 tableaux est une cantilène presque insupportable de
la douleur des survivants.
«La Voix d’Israël» est le titre de la contribution de Vivian Liska qui cite Nelly Sachs: «que ce
soit moi qui écrive tout ceci est parfaitement secondaire, ce qui parle, c’est la voix du peuple
juif et rien de plus (13)». La poétesse ajoute ailleurs qu’elle avait «réellement écrit toutes ces
choses pendant la nuit et dans l’obscurité. Mais «IL» était auprès de moi et m’a donné les
mots (14)». Dans le recueil «Les Choeurs après minuit», elle fait entendre successivement
le «Choeur des choses abandonnées», celui des rescapés, des migrants, des orphelins, des
morts, des ombres, des pierres, des étoiles, des choses invisibles, des nuages, des arbres, des
consolateurs, de ceux qui ne sont pas nés, pour finalement donner la parole à la «Voix de la
Terre sainte». Les plaintes de ces choeurs sont bouleversantes:
«Klagemauer Nacht !
Eingegraben in dir sind die Psalmen des Schweigens
Die Fussspuren, die sich füllten mit Tod ......
haben bei Dir nach Hause gefunden.
Die Tränen, die dein schwarzes Moos feuchten
Werden schon eingesammelt. (15)
Mur des Lamentations, Nuit !
Les Psaumes du silence sont enterrés en ton sein.
Les traces des pas remplis de mort .....
ont trouvé auprès de toi leur demeure.
Les larmes qui mouillèrent ta mousse noire
sont déjà recueillies.
le shofar
Cependant, ils ne prononcent jamais de paroles de haine que ce soit envers les meurtriers, ou
envers Celui qui les a laissés faire, d’où le reproche qu’on fera à Nelly Sachs d’avoir permis à
des coupables de recouvrer trop facilement bonne conscience.
C’est ce que reprochera aussi à Nelly Sachs son ami Paul Celan. Leurs relations complexes,
dont l’expression poétique la plus juste se trouve dans le recueil «Die Niemandrose» (La rose
de personne) de Celan, sont analysées par Martine Benoît ainsi que par Bernard Böschenstein. Les deux poètes furent à la fois proches par l’amitié personnelle, la parenté profonde
de leur poésie et le traumatisme provoqué par la Shoa qu’ils avaient tous les deux traversée
sans en être victimes, d’où leur culpabilité d’y survivre. Aussi leur éloignement fut-il d’autant
plus dramatique que ce qui les divisa s’avéra être la conclusion même du parcours de chacun
d’entre eux . Or cette conclusion était essentielle, car elle donnait son sens au questionnement
incessant poursuivi tout au long de leur vie, et que chacun d’entre eux avait traduit dans son
oeuvre. Nelly Sachs entrevoit un espoir de résurrection pour son peuple dans le poème «Voix
de la Terre sainte»,
«O meine Kinder, ....
Leget auf den Acker die Waffen der Rache
Damit sie leise werden –
Denn auch Eisen und Korn sind Geschwister
Im Schosse der Erde - (16)
O mes enfants....
Déposez dans les labours les armes de la vengeance
afin qu’elles se taisent car fer et blé aussi sont frères
dans le sein de la terre -
Paul Celan, quant à lui, entretient sa colère, et dans le célèbre poème «Zürich, Zum Storchen»
(Zurich, A la Cigogne) qu’il dédia à Nelly Sachs, il lui répond en fulminant:
«Von deinem Gott war die Rede, ich sprach
gegen ihn......
De ton Dieu il était question, je me prononçais
contre Lui
Paul Celan, quant à lui, entretient sa colère, et dans le célèbre poème «Zürich, Zum Storchen»
(Zurich, A la Cigogne) qu’il dédia à Nelly Sachs, il lui répond en fulminant:
«Von deinem Gott war die Rede, ich sprach
gegen ihn......
De ton Dieu il était question, je me prononçais
contre Lui
Son refus de toute réconciliation l’entraîna au désespoir. Il se suicida en se jetant dans la Seine, à Paris, en 1970, quelques jours avant que Nelly Sachs ne meure d’un cancer à Stockholm.
Il ne faudrait pas cependant terminer l’évocation de Nelly Sachs sans faire mention également
de trois autres grandes poétesses juives de langue allemande qui furent ses contemporaines:
Else Lasker-Schüler, Gertrud Kolmar et Rose Ausländer. Ces femmes-auteurs, encore relativement mal connues dans les pays francophones, vu la barrière de la langue, partagent toutes
avec Nelly Sachs une relation complexe au judaïsme, un retour aux racines déclenché par le
national-socialisme et une écriture poétique inspirée par la persécution, l’exil et l’extermination. Pour ces quatre femmes, la relation à la langue maternelle fut doublement traumatisante, vu qu’elle était à la fois la langue des bourreaux, mais aussi leur moyen d’accéder au
langage poétique.
39
CU LT UR E
La traduction est un métier difficile, traduire un poète est une tâche presque impossible. Traduire Nelly Sachs paraît être un défi quasi insurmontable. Seule une empathie profonde, une
symbiose rare ont pu permettre à Mireille Gansel, une des principales traductrices de Nelly
Sachs et co-organisatrice du colloque de re-écrire une partie de son oeuvre et de la faire
connaître aux lecteurs francophones. ■
40
(1) M
artine Benoit, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, Bernard Böschenstein, professeur honoraire à l’Université de Genève, Laurent Cassagneau, Ecole Normale Supérieure-Lettres-Sciences
Humaines, Claude Cazalé-Bérard, Université ParisX- Nanterre, Blandine Chapuis, Université
Jean Monnet Saint Etienne, André Combes, Université de Toulouse 2- Le Mirail, Ruth Dinesen,
Professeur émérite Université de Copenhague, Mireille Gansel, traductrice, Antonella Gargano,
Université de Macerata, Jean Halpérin, Président du Centre d’Etudes Juives- Université de Genève et président du Comité préparatoire des Colloques des intellectuels juifs de langue française,
Andrée Lerousseau, Université Charles-de-Gaulle-Lille3, Vivian Liska, Université d’Anvers, JeanYves Masson, écrivain, traducteur, professeur de littérature comparée à l’Université Paris Fois
Nanterre, Claude Vigée, écrivain
(2) Sternverdunkelung, Die Muschel saust (Eclipse d’étoile, Le coquillage murmure)
(3) Sternverdunkelung, Land Israël (Eclipse d’étoile, Terre d’Israël)
(4) Eli, zweites Bild (Eli, 2ème tableau)
(5) Juda Halevi «Le Diwan»
(6) Band III, «Gedichte der Nelly Sachs» Ed. Suhrkamp
(7) Band I, Ibidem
(8) Sternverdunkelung, Und reissend ist die Zeit (Eclipse d’étoile, Et lancinant est le temps)
(9) S
ternverdunkelung, Grabschriften in die Luft geschrieben), (Eclipse d’étoile, Epitaphes scrites
dans les airs)
(10) Sternverdunkelung, Die Muschel saust (Eclipse d’étoile, Le coquillage murmure)
(11) Sternverdunkelung, Die Muschel saust (Eclipse d’étoile, Le coquillage murmure)
(12) In den Wohnungen des Todes (Dans les demeures de la mort)
(13) Briefe der Nelly Sachs ( Ed. Suhrkamp 1984)
(14) Fritsch-Vivié, Gabriele Nelly Sachs (Ed. Rowohlt)
(15) In den Wohnungen des Todes (Dans les demeures de la mort)
(16) In den Wohnungen des Todes (Dans les demeures de la mort)
Oeuvres de Nelly Sachs traduites en français:
Eclipses d’étoile précédé de Dans les demeures de la mort traduction Mireille
Gansel, Verdier 1999
Brasiers d’énigmes et autres poèmes, traduction Lionel Richard, Nenoël/ Les
Lettres Nouvelles, 1967
Présence à la nuit traduction Lionel Richard, Gallimard, 1969
Eli suivi de Lettres et d’Enigmes en feu, traduction Martine Broda, Hans Hartje
et Claude Mouchard, Belin, 1989
Correspondance Nelly Sachs/ Paul Celan traduction Mireille Gansel, Belin
le shofar
C O M M U N AU T é
Nouvelles d’Israël et d’ailleurs
A l’initiative de la Communauté Juive Marocaine, le défunt Roi du Maroc Mohamed V
pourrait bientôt recevoir, à titre posthume,
la distinction de « Juste parmi les Nations »
et ajouter, ainsi, son nom à celui des actuels
21.758 Justes inscrits sur la liste officielle déposée à Yad Vashem.
Le Président de l’Etat d’Israël, Shimon Pérès,
soutiendrait cette candidature proposée en
signe de reconnaissance pour la protection
que le souverain accorda aux Juifs Marocains durant la Seconde Guerre Mondiale.
En effet, le grand-père de l’actuel souverain,
Mohammed VI, avait non seulement refusé
d’appliquer les lois racistes du régime de Vichy à ses sujets juifs mais aussi catégoriquement répondu par la négative aux demandes
pressantes du gouvernement français de les
rassembler pour les lui livrer.
***
Durant plus de soixante ans, son journal
intime a été gardé dans le fond d’un tiroir,
ignoré de tous ! Son auteur : une jeune juive
polonaise de 14 ans, Rutka Laskier, qui a disparu dans l’enfer d’Auschwitz en 1943 et qui
tenait ce cahier racontant la vie au ghetto,
l’expérience quotidienne de la mort et aussi
les premiers émois amoureux de la jeune
adolescente qu’elle était alors.
La détentrice de ce précieux document, Stanislawa Sapinska aujourd’hui âgée 89 ans, l’a
remis récemment au Mémorial Yad Vashem.
Rutka Laskier était son amie de jeunesse.
Elles avaient respectivement 14 et 24 ans
lorsque leurs vies se croisèrent sous l’occupation nazie, il y a soixante-cinq ans, à Bedzin, ville qui comptait une communauté juive
de 28 900 âmes.
Lorsque les Allemands y établirent un ghetto,
la maison de Stanislawa fut réquisitionnée.
Rutka et les autres membres de sa famille y
furent consignés.
Aux premiers temps du ghetto, l’accès à celui-ci était encore possible et Stanislawa, qui
éprouvait de l’amitié pour Rutka, lui rendit
parfois visite.
C’est ainsi que l’adolescente, persuadée qu’elle ne survivrait pas, confia, un jour, un secret
à son amie : elle tenait un journal intime
qu’elle dissimulait sous le plancher d’un endroit bien précis de la maison, lui priant, « au
cas où » de le récupérer afin que l’on sache ce
que les Juifs avaient à endurer.
Le 24 avril 1943, Rutka nota une remarque
anodine sur une «journée ennuyeuse» et referma son cahier. Ce fut la dernière fois.
Car quelques semaines après cette confidence entre les jeunes filles, les Nazis fermèrent
le premier ghetto et déplacèrent les familles
juives dans un autre quartier, proche du lieu
où leurs troupes effectuaient la «dernière sélection» préalable au départ des trains vers
Auschwitz.
En août 1943, Rutka et tous ses proches furent déportés.
On suppose que la jeune fille fut gazée dès
son arrivée.
A la fin de la guerre, Stanislawa et sa famille
réintègrent leur maison. La jeune femme
récupéra le cahier, le lut et l’enfouit dans le
tiroir de sa commode, jusqu’à ce jour de novembre 2005 où son neveu la convainquit
qu’elle ne pouvait dissimuler plus longtemps
ce terrible témoignage.
Seul, le père de Rutka, Yaakov, survécu. Il refit sa vie en Israël où il décéda en 1986, ignorant l’existence de ce manuscrit laissée à la
postérité par sa fille et que vient de publier
Yad Vashem.
41
C O M M U N AU T É
« 5 FÉVRIER 1943 - La corde autour de nous
se resserre petit à petit. Le mois prochain, il
devrait y avoir un ghetto, un vrai, entouré
de murs. L’été, ce sera insupportable. S’asseoir dans une cage fermée et grise, sans
pouvoir voir les champs et les fleurs. L’année passée, j’allais souvent dans les champs
; j’étais toujours entourée de fleurs et cela me
rappelait qu’un jour, il me serait possible
d’aller jusqu’à la rue Malachowska sans courir le risque d’être déportée. Pouvoir aller au
cinéma dans l’après-midi. Je suis déjà si
«submergée» par les atrocités de la guerre
que même les nouvelles les plus dures n’ont
aucun effet sur moi. Je ne peux tout simplement pas croire qu’un jour, je pourrais quitter la maison sans l’étoile jaune. Ou même
qu’un jour, cette guerre s’arrêtera... Si cela
arrive, je risquerais de devenir folle de joie.
Mais à présent, je dois penser au futur proche, c’est-à-dire au «ghetto»…
42
Et après qu’arrivera-t-il ? Oh, mon Dieu.
Eh bien, Rutka, tu es probablement devenue
folle. Tu fais appel à Dieu comme s’il existait.
Le peu de foi que j’avais a été complètement
anéanti. Si Dieu existait, Il n’aurait certainement pas permis que des humains soient
jetés vivants dans des fourneaux et que des
têtes de petits bébés soient fracassées par des
crosses de revolvers ou bien poussées dans
des sacs et gazées jusqu’à la mort... Ca sonne
comme un conte de fées cruel ! Ceux qui n’ont
jamais vu ceci ne le croiraient jamais. Mais
ce n’est pas une légende ; c’est la vérité… »
Cet extrait a été traduit et publié dans l’édition
du 1er juillet 2007 du quotidien « Le Monde ».
Souvent encore, il peut être lu, entendu, dit, affirmé que personne ne savait,
pour les chambres à gaz. Rutka, 14 ans,
savait.
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