causalité entre le taux de change réel et la croissance économique

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CAUSALITÉ ENTRE LE TAUX DE CHANGE RÉEL ET LA
CROISSANCE ÉCONOMIQUE : APPLICATION À UN PANEL
DE PAYS EN DÉVELOPPEMENT
KHALIL FADI
Univ. Orléans, CNRS, UMR 7322, LEO, F45067, Orléans, France, e-mail : fadi.k[email protected]
Résumé
Cet article s’intéresse au concept de causalité en panel. Les approches de Konya (2006) et de
Dumitrescu et Hurlin (2011) ont été retenues pour tester la (non) causalité au sens de Granger
(1969) entre le taux de change réel et la croissance économique dans les pays en
développement. Nous avons choisi un panel de trois groupes de pays (BRICS 1, l’organisation
de coopération de Shanghai (OCS) 2, et les Tigres asiatiques 3) et utilisé le flux
d’investissements directs comme variable de contrôle. Les résultats indiquent que le test de
Konya (2006) rejette moins l’hypothèse de non causalité que celui de Dumitrescu et Hurlin
(2011). L’analyse montre que la sous-évaluation des monnaies des pays du panel (notamment
les pays de l’organisation de coopération de Shanghai (OCS)) a causé une baisse de la
croissance économique sur la période 1990-2012. Le flux d’investissements directs joue un
rôle crucial pour stimuler la causalité entre la croissance économique et le taux de change
réel.
Mots-clés : Causalité au sens de Granger (1969), Panel, Taux de change réel, Croissance,
BRICS, Shanghai, Tigres asiatiques.
1 BRICS : accord économique et politique composé de cinq pays (Brésil, Russie, Inde, Chine, et Afrique du Sud) qui sont
considérés comme des grandes puissances économiques émergentes dans le monde.
2 SHANGHAI (OCS) : organisation intergouvernementale régionale qui a pour but d’améliorer la coopération économique et
régler le problème de frontières entre les membres. Elle regroupe la Russie, la Chine ainsi que les anciennes Républiques
soviétiques (Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan). Elle se compose en outre de pays voisins partenaires ou
observateurs (Inde, Pakistan, Biélorussie, Turquie, Iran).
3 Tigres asiatiques (TA) : groupe économique comportant cinq pays asiatiques (la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, le
Viêt Nam et les Philippines) nouveaux exportateurs qui connaissent une croissance économique rapide.
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1- Introduction :
L’une des tâches les plus importantes de l'économétrie est de découvrir les relations causales
entre les variables économiques et de les distinguer des relations fallacieuses. Seules les
relations causales sont utiles pour fournir des recommandations dans le domaine des
politiques économiques, car elles permettent d’étudier la réaction des variables économiques
suite à la modification ou à l’adoption de nouvelles politiques économiques.
Le concept de causalité est habituellement utilisé en séries chronologiques. La non causalité
au sens de Granger (1969) est l’approche la plus utilisée. Elle est basée sur l’idée qu’une
variable cause d’autres variables, si l’incorporation d’informations de dans l’équation
de  peut améliorer la prédiction avancée de .
Dans la réalité économique, une relation de causalité entre deux variables économiques dans
un pays peut également exister dans d’autres pays. L’application d’un test de (non) causalité
sur données de panel est alors intéressante pour tenir compte des effets interindividuels.
L’utilisation de données de panel nous permet non seulement d’augmenter la puissance du test
de (non) causalité par incorporation des effets individuels, mais aussi de prendre en compte
l’hétérogénéité (des relations de causalité et des paramètres autorégressifs et de régression)
existante dans le modèle de panel. Par ailleurs, le panel nous permet d’analyser la relation de
causalité en utilisant plusieurs méthodes qui diffèrent selon les approches utilisées pour
estimer le modèle de panel (Pooled Mean, Seemingly unrelated regression, 2SLS, 3SLS,
GMM….etc.) 4.
En revanche, l’application d’un test de non causalité en panel soulève des questions
concernant la cohérence de l’effet des relations de causalité (s’il existe) pour tous les
individus dans le panel. Autrement dit, il est possible qu’une variable causale ait un impact
positif sur certains individus et un impact gatif sur d’autres. Cela est peut-être à la
différence de structure économique entre les individus du panel considéré, ce qui conduit à
des résultats erronés. Il est alors important de vérifier la structure du panel dans la base de
données considérée avant d’appliquer un test de causalité.
Dans tous les cas, les approches de la littérature économétrique concernant les tests de (non)
causalité sur des données de panel ne présentent pas encore une grande diversité. Néanmoins,
deux catégories peuvent être distinguées selon la manière dont les économètres traitent les
4 L’existence d’une dépendance individuelle (contemporaine ou dynamique) influe aussi sur la décision
d’utiliser une méthode d’estimation.
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paramètres de la variable dépendante retardée et les autres régresseurs (Erdil et Yetkiner ,
2005). La première catégorie, notamment les approches de Chamberlain (1983), Hsiao (1986),
Holtz-Eakin et al. (1985) et Weinhold (1996), considère à la fois l'hétérogénéité individuelle
et l’hétérogénéité temporelle. La deuxième catégorie considère uniquement l’hétérogénéité
individuelle des paramètres de panel. Elle comprend notamment les approches de David et
Colin (2003), Hurlin et Venet (2001), Konya (2006) et Dumitrescu et Hurlin (2011).
Dans ce travail, nous nous intéressons aux tests de non causalité de la deuxième catégorie. En
effet, nous présentons une étude économétrique de la (non) causalité au sens de Granger
(1969) dans les panels hétérogènes, en nous appuyant sur l’approche de Dumitrescu et Hurlin
(2011). Cette approche est utilisée pour tester l’existence d’une relation de causalité entre le
taux de change réel et le taux de croissance économique dans 19 pays en développement5.
Notre travail prend également en considération l’approche de Konya (2006) 6 pour tester la
(non) causalité entre ces deux variables. En outre, étant donné qu'il est important de faire des
tests préliminaires (test de spécification, sélection de retards, test de stationnarité) avant de
réaliser un test de causalité, nous mettons en œuvre certains de ces tests associés à des
données de panel, qui sont différents de ceux considérés dans le cas de séries chronologiques.
En ce qui concerne le test de Dumitrescu et Hurlin (DH) (2011), l’approche est basée sur la
moyenne empirique des statistiques (WALD) de (non) causalité de Granger calculées pour
chaque individu. En réalité, cette approche constitue une extension des tests standards de
(non) causalité en séries temporelles, auxquels s’ajoute la dimension individuelle.
Konya (2006) a adopté une approche de panel basée sur le système SUR (Seemingly
Unrelated Regression) et le test de WALD avec des valeurs critiques obtenues par des
techniques de bootstrap. Cette approche ne conditionne pas l’existence d’une hypothèse jointe
pour les paramètres de tous les individus (comme l’approche de David et Colin, 2003). En
outre, Konya a considéré un modèle de panel dynamique, en appliquant une procédure de
bootstrap pour construire son système SUR afin de tester la non causalité.
Étant donné que l’approche de Konya (2006) est basée sur le système SUR, elle prend en
compte la corrélation individuelle contemporaine (possible) entre les résidus. Dumitrescu et
Hurlin (2011) ont quant à eux construit leur test en considérant un modèle de panel à effets
5 Nous avons choisi trois organisations économiques qui regroupent ces 19 pays émergents et en
développement : BRICS, SHANGHAI, Tigres asiatiques.
6 Konya (2006) a appliqué son approche pour tester la (non) causalité au sens de Granger entre les exportations
et la croissance dans les pays de l’OCDE.
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fixes dont les résidus sont indépendamment distribués entre les individus. Néanmoins, ils ont
effectué un bootstrap en autorisant la dépendance individuelle afin de proposer des valeurs
critiques pour T et N finis. Par ailleurs, les deux approches nous permettent de calculer les
statistiques individuelles, mais celle de DH (2011) a été développée et évaluée afin d’obtenir
une statistique de moyenne empirique des statistiques individuelles, ainsi que pour extraire sa
distribution asymptotique et semi-asymptotique respectivement quand la dimension
temporelle est infinie et fixe.
Cependant, il est important de noter que Dumetriscu et Hurlin (2011) proposent une approche
fondée sur un modèle stationnaire pour éliminer les effets de non stationnarité, néfaste à la
normalité supposée dans cette approche. L’approche de Konya (2006) n’exige pas, quant à
elle, la stationnarité pour effectuer le test de causalité, puisqu’elle est basée sur un bootstrap
qui simule la distribution empirique de la statistique considérée.
Outre la comparaison théorique entre ces deux tests, une étude empirique de (non) causalité
au sens de Granger (1969) entre le taux de change et la croissance économique est présentée
ci-après. D’une part, cette application nous montre les différences de résultats entre les deux
approches étudiées ici, tout en testant l’existence d’une causalité entre ces deux variables.
Notamment, il est pertinent d’analyser ce type de relation dans le contexte de panels, puisqu’il
est associé au concept d’interdépendances macroéconomiques entre les pays. D’autre part, en
tant qu’enjeu économique important, cette relation joue un rôle crucial pour déterminer les
politiques fiscales ou monétaires dans l’économie, en montrant la réaction de la croissance
économique face aux changements des taux de change réel. À titre de rappel, nous
considérons ici le taux de change réel et non le taux de change nominal, car le taux réel est
considéré plus efficace pour refléter plus précisément la compétitivité internationale d’un
pays.
En réalité, des travaux empiriques soulignent qu’une instabilité dans le taux de change tend à
déstabiliser la croissance. Par exemple, une surévaluation du taux de change peut entraîner
une diminution de la croissance du commerce extérieur, alors qu’une sous-évaluation
importante a pour effet d’accélérer la croissance [Collins et Razin, 1997 ; Domaç et Shabsigh,
1999]. Par ailleurs, la relation entre le taux de change réel et la croissance passe par plusieurs
canaux de transmission, qui peuvent affecter la causalité entre ces deux variables. En effet,
plus la structure économique et industrielle est développée, plus la causalité entre ces deux
variables se renforce. Nous ajoutons alors le flux d’investissements directs comme troisième
5
variable dans notre analyse. En effet, l’investissement étant un déterminant essentiel de la
croissance, il affecte la relation de causalité sous-jacente, et le flux d’investissements améliore
la productivité locale et la compétitivité internationale de l’économie, ce qui soutient la
monnaie nationale. Dans ce contexte, le choix du régime de change adopté (flexible ou
crédible), a des impacts sur l’investissement (notamment direct). Par exemple, une stabilité du
taux de change a pour effet de réduire l’incertitude des investisseurs, en entraînant une hausse
du ratio d’investissements par rapport au PIB (Benassy-Quere et al., 2001). Cela est aussi lié
au degré de réforme financière et administrative dans l’économie considérée, qui assure des
bonnes conditions pour l’investissement indirect.
Notre travail s’organise selon le schéma suivant : la deuxième section est consacrée à un
exposé des deux approches de tests de (non) causalité en panel (Konya (2006) et Dumitrescu
et Hurlin (2011)). Un aperçu de la relation entre le taux de change et la croissance, des
déterminants et des canaux de transmission entre ces deux variables sont présentés dans la
troisième section. La quatrième section est consacrée à une étude économétrique en exposant
un état des lieux des travaux les plus récents concernant la relation entre le taux de change et
la croissance sur des données de panel. Cette section introduit également une application
économétrique de l’approche de Konya (2006) et de DH (2011). La cinquième section conclut
ce travail.
2- Présentation des approches de Konya (2006) et de Dumitrescu et
Hurlin (2011)
Ces deux approches ont construit leurs tests dans un modèle de panel hétérogène, ce qui nous
permet de mieux les comparer.
2-1- Test de Konya (2006)
Comme il a été mentionné plus haut, Konya (2006) a utilisé le système SUR (Seemingly
unrelated regression) pour estimer son modèle et pour construire son approche afin de tester
la (non) causalité au sens de Granger entre les exportations et la croissance. Le système SUR
est basé sur l’idée que les équations (représentant l’équation de chaque individu) sont
instantanément corrélées entre elles par le terme de résidus. En outre, ce système nécessite
pour son estimation que la dimension temporelle soit supérieure à la dimension individuelle.
L’approche de Konya (2006) comporte deux étapes: tout d’abord, il s’agit d’utiliser un test de
WALD pour tester les restrictions (pour chaque individu) imposées sur les paramètres de la
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