1 D7:30001C07 MH/GVB/JP Bruxelles, le 30.03.1999 AVIS concernant L’OPPORTUNITE DE LA CREATION D’UN ORDRE DES DENTISTES ___________________________________________________________ *** 2 A la demande du « Verbond der Vlaamse Tandartsen » et suite aux discussions communes du Bureau interfédéral n° 15 et de la Commission « Professions libérales et intellectuelles », le Conseil Supérieur des Classes Moyennes a émis lors de sa réunion plénière du 30 mars 1999 l’avis suivant concernant l’opportunité de la création d’un Ordre des dentistes. QUELQUES FAITS Le législateur spécifie que l’art couvre l’art médical, en ce compris l’art dentaire, et l’art pharmaceutique1. En Belgique, il y a plus ou moins 7000 dentistes2. Contrairement aux médecins, pharmaciens et vétérinaires, les dentistes, kinésithérapeutes et sages-femmes n’ont jusqu’à présent pas d’Ordre, sui leur soit propre. L’Ordre des médecins ne comprend que tous les docteurs en médecine, chirurgie et accouchements, domiciliés en Belgique et inscrits au tableau de l’Ordre de leur province3. Ainsi, les dentistes belges sont parmi ceux peu nombreux dans l’Union européenne à ne pas disposer d’organe disciplinaire de droit public4. Vu l’absence de cette structure, on consulte souvent les Commissions médicales provinciales, dont c’est, en effet, la tâche de conseiller les pouvoirs publics en matière de santé publique et de veiller à l’authenticité des visa du titre des praticiens. Toutefois, les Commissions médicales provinciales ont une compétence limitée au niveau du droit disciplinaire des dentistes. Vu l’absence de collège disciplinaire, le dentiste est en Belgique le seul à exercer la médecine qui puisse impunément faire fi de certaines règles de déontologie. ASSOCIATION PROFESSIONNELLE ET ORDRE5 En Belgique, il y a toutefois des organisations professionnelles de dentistes auxquelles les dentistes sont libres de s’affilier. En général, on peut dire que ces organisations de dentistes jouent un rôle important au stade du processus de l’exercice professionnel. Elles défendent les intérêts professionnels et scientifiques, ainsi que la protection du titre. Un Ordre est un organe de droit public qui détermine les valeurs morales de la profession et qui en contrôle le respect. 1 Arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice de l’art de guérir, de l’art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales (M.B. 14.11.1967) 2 Selon l’Annuaire statistique de la Belgique, ,tome 112, I.N.S., Bruxelles, 1994, il y avait au 1er janvier 1994, 6971 dentistes répartis en 438 docteurs en médecine licenciés en sciences dentaires, 6417 licenciés en sciences dentaires et 116 dentistes capacitaires. 3 Arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l’Ordre des médecins (M.B. 14.11.1967). 4 WHITEHOUSE N. Manual of dental praxis, Dental public health unit, University of Wales, Cardiff, 1997. 5 Cette partie s’inspire de SWENNEN H. e.a. Juridische organisatie van het vrij beroep, Deuren-Antwerpen, A.E. Kluwer, 1975, P.5, 109, 146, 148. 3 Puisque toutes les personnes qui veulent exercer la profession doivent obligatoirement se faire inscrire au tableau de l’Ordre, l’Ordre exerce l’autorité sur la profession. Par le biais de sanctions disciplinaires, l’Ordre exerce la tâche de contrôle qui est la sienne sur l’admissibilité éthique de l’exercice pratique. Vu l’absence d’Ordre, les organisations professionnelles des dentistes ont rempli cette lacune sur le plan légal ; entre autres en élaborant des règles de déontologie qui toutefois ne valent que pour leurs seuls membres. DEUX CODES NON CONTRAIGNANTS DE DEONTOLOGIE EN BELGIQUE La déontologie ou science des devoirs examine les devoirs professionnels qui se composent de conditions de qualité (la volonté de se mettre au service du patient et le sens social des responsabilités) et des règles des conditions de qualité et des règles de conduite6. Le code de déontologie, approuvé par le Verbond der Vlaamse tandartsen, stipule que le code est d’application pour tout praticien en médecine dentaire qui est légalement autorisé à exercer l’art dentaire en Belgique. Le code comprend six sections : les droits et devoirs légaux, les devoirs contractuels, les devoirs à l’égard de la profession, les devoirs civiques, les devoirs de confraternité, la reprise d’une pratique. La section des droits et devoirs légaux comprend des dispositions aux sujets de la continuité des soins, du service de garde, de la proscription de la dichotomie, de l’exercice illégal, de l’usage du titre, de la responsabilité en matière de publications, du secret professionnel, de la liberté de diagnostic, de thérapie et de prescription, de la liberté d’établissement, de la liberté d’aménagement du cabinet. La section des droits et devoirs contractuels contient des dispositions concernant la responsabilité individuelle en cas de traitement, l’estimation des honoraires, le droit du patient à l’information , le droit de non-intervention, le droit et le devoir de justification. La section concernant les devoirs professionnels à l’égard de la profession comprend des dispositions concernant la qualité des soins, la dignité de la profession, la confraternité. La section concernant les devoirs civiques parle du rôle social du dentiste et de sa relation avec les médias. Enfin, le code mentionne encore une série de devoirs et de règles de confraternité que le dentiste doit observer lors de la reprise d’un cabinet dentaire. Le code de déontologie utilisé par les associations francophones diffère quelque peu du précédent. Les principes de base sont les mêmes. Il traite dans l’ordre les devoirs généraux des praticiens en médecine dentaire, les devoirs des praticiens en médecine dentaire à l’égard des patients, les devoirs de confraternité et l’exercice de la profession. POSITION DU CONSEIL SUPERIEUR Le Conseil Supérieur reconnaît qu’il est important que les dentistes reçoivent, comme d’autres professions médicales, la responsabilité de réglementer au sein d’un Ordre les aspects déontologiques propres à la médecine dentaire. 6 GEENS K. Het vrij beroep – Enkele theoretische beschouwingen aan de hand van een vergelijkende studie naar Belgisch recht van de reglementeringen ter zake van de beroepen van arts, advocaat, architect en bedrijfsrevisor, thèse doctorat, K.U.L., 1986, P. 390 4 Le Conseil Supérieur part du point de vue qu’un Ordre doit, en dehors de ses fonctions disciplinaire et administrative, également remplir un rôle consultatif. Le Conseil Supérieur plaide en faveur de la création d’un Ordre des dentistes sur base des considérations suivantes : ! le premier argument est la protection des patients. Pour faire valoir leurs droits sur le plan juridique, ceux-ci peuvent uniquement s’adresser aux tribunaux. Pour certaines personnes, cela constitue une barrière infranchissable. En outre, une procédure juridique n’est pas toujours le moyen le plus indiqué, ni nécessaire. Un ordre peut contribuer à une plus grande ouverture pour le patient et mener ainsi à une meilleure organisation de la justice. L’examen des plaintes individuelles doit d’ailleurs être assuré. ! Un ordre peut contribuer à une meilleure qualité des soins de santé s’il peut, par le biais de la surveillance des qualités morales du dispensateur de soins et de la qualité des soins, garantir de meilleures services médicaux à la population. ! Le Conseil Supérieur des Classes Moyennes estime qu’il n’y a pas de raisons justifiant un traitement différent des professions médicales sur ce plan (les médecins, pharmaciens et vétérinaires disposent d’un Ordre, tandis que celui-ci n’est pas prévu pour les dentistes, les kinésithérapeutes et les sages-femmes). En effet, si l’on considère que les codes de déontologie des différentes professions médicales sont fort analogues, il est logique qu’un Ordre, qui doit veiller au respect des divers codes, soit effectivement mis sur pied. ! Le titre de dentiste est protégé. Par conséquent, il est souhaitable que les aspects déontologiques de la profession de praticien dentaire soient également protégés. ! L’arrêté royal n° 78 relatif à l’exercice de l’art de guérir, dont la médecine dentaire fait partie, comprend une série de dispositions que les personnes pratiquant l’art de guérir doivent respecter. Des mesures pénales sont prévues en cas d’infraction. La loi stipule que certaines sanctions sont prononcées par les Ordres. Comme un tel ordre n’existe pas pour les dentistes, ils échappent à un certain nombre de mesures. Entre autres, l’article 8 de cet arrêté dispose que le dentiste ne peut interrompre un traitement en cours sans avoir pris au préalable toutes dispositions en vue d’assurer la continuité des soins par un autre dentiste. Les Conseils des Ordres veillent au respect de cette disposition. Vu l’absence d’un Ordre des dentistes, cette disposition légale reste lettre morte. ! Les associations des dentistes ne représentent qu’en partie les dentistes (80% des dentistes néerlandophones et 60% des dentistes francophones). Elles ne peuvent pas prendre des mesures contraignantes applicables à l’ensemble des dentistes. Elles ont même des difficultés à les faire appliquer par leurs propres membres. La création d’une institution de droit public peut prévenir les problèmes sur ce plan. En effet, dans cette hypothèse, l’inscription à l’Ordre est obligatoire pour pouvoir exercer la profession et tous les dentistes devront souscrire au code de déontologie. Par conséquent, le code sera contraignant pour tout dentiste qui souhaite pratiquer en Belgique. ! Les dentistes veulent défendre leur éthique professionnelle et prendre leurs responsabilités. Ils se déclarent partisans d’une autorégulation de la profession et ils estiment être mes mieux placés pour la mettre en œuvre. En cas de différends juridiques, il faudra d’ailleurs toujours s’adresser aux dentistes pour l’expertise. 5 ! La Belgique doit se protéger efficacement contre l’installation sur son territoire de dentistes provenant d’autres pays qui ont déjà fait l »objet ailleurs de sanctions disciplinaires. A ce propos, il est important de rappeler une réglementation européenne, à savoir la directive 78/686/CEE du 25 juillet 1978 visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du praticien de l’art dentaire et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de libre prestation des services. Cette directive prévoit, pour les pays où il existe déjà des règlement légaux, un échange d’informations relatives aux mesures ou sanctions administratives et disciplinaires prises à l’encontre d’une personne. Les Etats membres doivent également désigner les autorités ou instances habilitées à délivrer des diplômes, certificats et autres titres légaux. Cette directive devait déjà être transposée dans la législation belge au 25 janvier 1980 (18 mois après la date de la directive) mais jusqu’à présent elle ne l’a toujours pas été. Actuellement, le contrôle n’est exercé que par les Commission médicales provinciales. S’il existait un Ordre, l’inscription au tableau serait une condition supplémentaire pour pouvoir exercer la profession. Ainsi, le contrôle serait plus efficace. QUELQUES POINTS PARTICULIERS ! Financement d’un Ordre des dentistes Le financement doit, en premier lieu, être supporté par les dentistes eux-mêmes. Le Conseil Supérieur estime que le financement doit être analogue aux régimes qui existent pour les autres professions libérales. ! La représentation du patient en tant que plaignant Le Conseil Supérieur estime que les plaintes doivent être introduites directement par le patient ou son mandataire. Il plaide en faveur de l’établissement de règles uniformes pour toutes les professions médicales en ce qui concerne l’agréation des mandataires. ! La représentation de la communauté au sein de l’Ordre Cette représentation est exercée au sein des Ordres par des magistrats nommés. On peut se demander q’il ne faudrait pas la structurer différemment. Le Conseil Supérieur insiste pour que l’on examine si et de quelle manière les représentants des institutions sociales importantes pouvaient être associées au contrôle sur l’efficacité de l’Ordre. ! Médiation lors de plaintes Le Conseil Supérieur des Classes Moyennes est convaincu de l’importance du développement d’initiatives structurelles sur le plan d’une procédure non obligatoire de médiation lors de plaintes, qui tendrait à rechercher un compromis avant que le patient ne s’adresse aux tribunaux. 6 ! Mouvement de réforme au sein des Ordres des professions libérales Le Conseil Supérieur estime que la mise sur pied d’une réglementation des dentistes est indissociable des mouvements actuels de réforme au sein d’autres Ordres des professions libérales. Dans cette perspective, divers domaines, tels que l’attention à la qualité, la démocratie, la participation et une communication ouverte insistant sur l’aspect sociologique de la réglementation, devront être abordés. CONCLUSION Le Conseil Supérieur estime qu’il y a suffisamment d’arguments valables qui plaident en faveur de la création d’un Ordre. Il reconnaît que les aspects déontologiques de la profession ne sont pas assez pris en compte dans notre pays et soutient le souhait des dentistes de voir organiser correctement la déontologie de la profession. Toutefois, le Conseil Supérieur estime que la création d’un tel Ordre, en outre, ne peut être une question purement professionnelle mais qu’elle doit s’inscrire dans le cadre d’une prestation de service à la société. Aussi, le Conseil Supérieur tient à préciser que son point de vue se justifie aussi par l’importance qu’il accorde aux relations équilibrées entre dentiste et patient et la nécessité d’accorder de l’attention aux droits des patients. L’Ordre devrait être un interlocuteur par excellence auquel les patients. L’Ordre devrait être un interlocuteur par excellence auquel les patients doivent pouvoir s’adresser lorsqu’ils ont des plaintes individuelles concernant l’exercice de la profession. Dans cet avis, le Conseil Supérieur ne tient pas à se prononcer sur des propositions concrètes en la matière. Il opte toutefois en faveur s’une forme moderne. Il est favorable au principe de l’autorégulation de la profession mais estime que le règlement de déontologie et le droit disciplinaire ne peuvent être appliqués que dans le cadre de dispositions légales bien définies. Il estime indiqué de rechercher des parallélismes avec d’autres professions médicales. Le Conseil Supérieur est ouvert à toute initiative qui tienne compte de ces principes. Il aimerait que, lors de propositions futures, le groupement professionnel concerné ainsi que le Conseil Supérieur soient consultés. __________