CNED AnAlyse et production du messAge 31
Sommaire
séquence 03
Les stratégies de persuasion 33
I. Argumenter pour persuader 33
A. L’argument logique 33
1. Le syllogisme 33
B. L’argument d’autorité 34
C. L’argument de communauté 34
1. L’opinion commune 34
2. Les valeurs communes 34
3. Les lieux communs 34
D. L’argument hypothétique 35
II. Décrire 35
A. L’usage de la description dans la communication publicitaire 35
B. Les composantes de la description 36
1. Les éléments caractéristiques 36
2. Les composantes de la description publicitaire 37
C. Les fonctions de la description 37
III. Raconter 38
A. Le storytelling: la marque est un récit 38
B. L’usage de la narration dans la communication publicitaire 39
C. Les composantes de la narration 39
1. Une structure narrative claire 39
2. Des rôles définis 40
3. Une leçon à tirer 40
Indications bibliographiques pour aller plus loin 41
32 CNED AnAlyse et production du messAge
CNED AnAlyse et production du messAge 33
séquence 03
Les stratégies de persuasion
Objectifs de la séquence
Connaître les différentes stratégies de persuasion employées par l’annonceur pour atteindre son
objectif et toucher sa cible.
Nombre d’heures conseillées: 20 heures
I. Argumenter pour persuader
Nous allons donc étudier les cinq principaux types d’arguments servant
A. L’argument logique
C’est le modèle du raisonnement rationnel, de la démonstration. Celle-ci peut prendre l’apparence de la
déduction ou de l’induction: on parle de déduction lorsque le raisonnement part de l’idée générale pour aller
vers le cas particulier, et d’induction lorsque le raisonnement part du cas particulier pour arriver à l’idée
générale.
1. Le syllogisme
Ce dernier désigne une forme de raisonnement logique en trois temps, ainsi défini par Aristote dans ses
Topiques: «le syllogisme est un raisonnement dans lequel certaines prémisses étant posées, une proposition
nouvelle en résulte nécessairement par le seul fait de ces données». Ainsi, le syllogisme pose deux
prémisses génériques, la prémisse majeure, puis la prémisse mineure, et en tire une conclusion irréfutable.
L’exemple le plus célèbre de syllogisme appartient à la culture antique:
Tous les hommes sont mortels (prémisse majeure).
Or Socrate est un homme (prémisse mineure).
Donc Socrate est mortel (conclusion).
Bien souvent cependant, l’argumentation n’est pas aussi explicite: elle repose sur un syllogisme tronqué,
que le récepteur recompose sans difficulté. Ce type de raisonnement s’appelle l’enthymème, généralement
défini comme un syllogisme auquel manquerait l’un des trois temps (prémisses ou conclusion). L’avantage
de l’enthymème est de mieux correspondre aux approximations logiques de la publicité: un message
publicitaire, après tout, n’a pas la rigueur d’une démonstration mathématique!
On en arrive ainsi à la troisième et dernière raison qui peut expliquer le recours à l’enthymème: c’est
l’implication du récepteur qu’elle provoque. Comme l’écrit Roland Barthes dans un article intitulé
«L’Ancienne Rhétorique» (publié dans Communications en décembre 1970). «L’enthymème n’est pas un
syllogisme tronqué par carence, dégradation, mais parce qu’il faut laisser à l’auditeur le plaisir de tout faire
dans la construction de l’argument: c’est un peu le plaisir qu’il y a à compléter soi-même une grille donnée
(cryptogrammes, jeux, mots croisés)1».
1 Roland Barthes, «LAncienne Rhétorique», Œuvres complètes, Seuil, 1994, volume 2, p. 936.
34 CNED AnAlyse et production du messAge
B. L’argument d’autorité
L’argument d’autorité consiste à convaincre le récepteur en recourant à une autorité reconnue par celui-
ci. Ainsi, l’opinion qu’on avance est acceptée par l’auditoire, parce qu’elle est aussi soutenue par cette
autorité extérieure dont l’auditoire reconnaît la légitimité dans le domaine concerné. Dans l’argumentation
publicitaire, l’argument d’autorité passe par la mise en scène d’un prescripteur, d’un leader d’opinion qui
peut détenir plusieurs types de pouvoir:
Il détient un pouvoir de compétence quand il fonde sa légitimité sur ses connaissances théoriques,
sur son expertise: c’est le cas du nutritionniste qui intervient pour vanter tel produit agro-alimentaire.
La marque Sensodyne affirme que «89% des dentistes recommandent Sensodyne2
Il détient un pouvoir d’expérience quand il fonde sa légitimité sur sa pratique, sur une connaissance
acquise sur le terrain: c’est le cas du plombier qui recommande Calgon au nom de tous les lave-linge
entartrés qu’il a vus dans sa vie professionnelle.
Il détient un pouvoir de témoin quand il fonde sa légitimité sur une expérience ponctuelle: c’est le cas
des témoins interrogés dans le cadre d’un micro-trottoir mis en scène,
Il détient un pouvoir de référence quand il n’a pas d’expertise particulière dans le domaine concerné,
mais qu’il fonde sa légitimité sur sa célébrité et son appartenance à un groupe de référence: Johnny
Halliday pour Gand Optical.
C. L’argument de communauté
Pour tenter de convaincre un récepteur, on peut aussi jouer sur des idées ou des croyances partagées par
l’ensemble de la communauté: c’est une façon de rappeler que l’émetteur et le récepteur appartiennent au
même groupe et, à ce titre, ont les mêmes valeurs. Ces présupposés communs peuvent être de trois sortes
différentes.
1. L’opinion commune
La référence à l’opinion commune n’est pas toujours efficace, dans la mesure où elle est souvent trop vague,
trop générale pour être tout à fait vraie. Cette doxa prend la forme de proverbes, de maximes générales qui
relèvent d’une prétendue«sagesse des nations».
2. Les valeurs communes
L’affirmation de valeurs communes est une ressource essentielle de l’argumentation, notamment dans les
communications institutionnelles ou citoyennes. Ces valeurs changent évidemment d’une société ou d’une
époque à l’autre; néanmoins, un certain nombre d’entre elles sont d’une remarquable stabilité. Ainsi, les
trois valeurs fondamentales de la Grèce antique étaient le vrai, le beau et le bien: ces valeurs occupent
encore une place centrale dans nos sociétés contemporaines.
3. Les lieux communs
L’usage de lieux communs est très courant en publicité: ces clichés constituent des unités minimales de
pensée sur lesquelles tout le monde est censé s’accorder. Ils ont l’avantage de créer un consensus, mais
courent le risque de la banalité. L’intérêt des lieux communs en publicité est de toucher le public le plus
large, sans spécificité. Parmi les lieux communs les plus courants en publicité, on distingue:
les lieux appréciatifs, c’est-à-dire le lieu de qualité (comme «numéro 1», «produit leader») et le
lieu de quantité (comme«diffusion France 400000 exemplaires»);
les lieux relatifs au temps, c’est-à-dire le lieu d’ancienneté (comme «30 ans d’expérience feront
toujours la différence» pour Nutella ou «Abbaye de Leffe, bière depuis 1240») et le lieu de nouveauté
(comme «innovation», «nouveauté»…);
2 Il est précisé en-dessous, dans une taille de police largement inférieure, «en cas de sensibilité dentaire». En revanche,
l’origine du chiffre de 89% n’est pas mentionnée…
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les lieux relatifs à la nature, c’est-à-dire le lieu du naturel (comme dans «Klorane, le pouvoir des
plantes») et le lieu de l’écologie (comme dans une campagne pour une voiture moins polluante que
ses concurrentes).
D. L’argument hypothétique
C’est l’une des formes d’arguments les plus utilisées en publicité: les annonces n’hésitent pas à inventer
des mondes possibles avec l’usage d’un «si» hypothétique. En fonction des temps utilisés dans la structure
grammaticale, la signification de l’hypothèse varie, comme le montre le tableau suivant3.
Exemples
Pensons à la campagne de l’association AIDES contre le sida et contre l’exclusion dont les séropositifs sont
victimes. Les affiches mettaient en scène des célébrités comme Didier Drogba ou Jean-Pierre Foucault, dont
l’image était accompagnée d’une accroche demandant respectivement «est-ce qu’on m’engagerait dans
les meilleurs clubs d’Europe si j’étais séropositif?» et «question à 1 million: m’apprécieriez-vous autant si
j’étais séropositif?» Dans les deux cas, il s’agit d’un irréel du présent (si + imparfait dans la subordonnée,
conditionnel présent dans la principale) qui permet d’imaginer un monde qui n’existe pas (Didier Drogba
et Jean-Pierre Foucault ne sont pas séropositifs), mais qui aurait pu être réel. Cela oblige le récepteur
à envisager un autre monde possible, un monde dans lequel ses stars préférées sont séropositives: le
destinataire est donc amené à prendre conscience de ses réactions instinctives et à les changer.
Il arrive que la conditionnelle introduite par «si» soit sous-entendue: il ne reste alors, du système
hypothétique, que la proposition principale. C’est par exemple le cas dans la fameuse signature de Whiskas,
une marque d’aliments pour chats: «Les chats achèteraient Whiskas». Il s’agit d’un irréel du passé dont la
condition est sous-entendue, en partie parce qu’elle est absurde (cela pourrait être «Si les chats pouvaient
parler», «Si les chats allaient au supermarché», «Si les chats vous donnaient une liste de courses»…).
Vous ne serez certainement pas étonné d’apprendre que ce slogan fit l’objet de nombreuses parodies,
notamment par le groupe comique des Nuls qui a raillé cet irréel du passé dans une fausse publicité pour
un produit nommé «Kwiskas»: «Si on leur demandait aux chats, les chats, ils achèteraient Kwiskas, ils se
lèveraient sur leurs p’tites pattes, etc.».
Il arrive enfin que le «si» (suivi de l’imparfait) soit employé dans des propositions indépendantes,
généralement dans une phrase interrogative: «Et si la beauté venait de l’intérieur?» (Vichy Célestins). Dans
ce cas, on envisage l’hypothèse, sans formuler la conséquence qu’elle provoque: on pousse le récepteur
à s’interroger, mais on le laisse formuler la réponse. Cet emploi permet d’imaginer un univers différent
du monde dans lequel on vit, et généralement meilleur (en tout cas dans la publicité). Il rend possible
l’expression d’un rêve, d’un désir, d’un espoir.
II. Décrire
Le message peut tenter de convaincre son destinataire par l’intermédiaire de la description. L’intérêt est
que les arguments qu’il livre sous cette forme descriptive paraissent empiriques, car ils semblent fondés
sur un simple constat. Pourtant, les choses sont un peu plus complexes: qui dit description ne dit pas
nécessairement stricte objectivité.
A. L’usage de la description dans la communication publicitaire
Exemples
Considérons le pavé de texte suivant, tiré d’une annonce presse pour l’Office de tourisme de Tunisie parue en
2009 dans la presse magazine:
3 D’après Martin RIEGEL, Jean-Christophe PELLAT, René RIOUL, Grammaire méthodique du français, PUF, 1994, p. 508-509.
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