
CNED AnAlyse et production du messAge 35
• les lieux relatifs à la nature, c’est-à-dire le lieu du naturel (comme dans «Klorane, le pouvoir des
plantes») et le lieu de l’écologie (comme dans une campagne pour une voiture moins polluante que
ses concurrentes).
D. L’argument hypothétique
C’est l’une des formes d’arguments les plus utilisées en publicité: les annonces n’hésitent pas à inventer
des mondes possibles avec l’usage d’un «si» hypothétique. En fonction des temps utilisés dans la structure
grammaticale, la signification de l’hypothèse varie, comme le montre le tableau suivant3.
Exemples
Pensons à la campagne de l’association AIDES contre le sida et contre l’exclusion dont les séropositifs sont
victimes. Les affiches mettaient en scène des célébrités comme Didier Drogba ou Jean-Pierre Foucault, dont
l’image était accompagnée d’une accroche demandant respectivement «est-ce qu’on m’engagerait dans
les meilleurs clubs d’Europe si j’étais séropositif?» et «question à 1 million: m’apprécieriez-vous autant si
j’étais séropositif?» Dans les deux cas, il s’agit d’un irréel du présent (si + imparfait dans la subordonnée,
conditionnel présent dans la principale) qui permet d’imaginer un monde qui n’existe pas (Didier Drogba
et Jean-Pierre Foucault ne sont pas séropositifs), mais qui aurait pu être réel. Cela oblige le récepteur
à envisager un autre monde possible, un monde dans lequel ses stars préférées sont séropositives: le
destinataire est donc amené à prendre conscience de ses réactions instinctives et à les changer.
Il arrive que la conditionnelle introduite par «si» soit sous-entendue: il ne reste alors, du système
hypothétique, que la proposition principale. C’est par exemple le cas dans la fameuse signature de Whiskas,
une marque d’aliments pour chats: «Les chats achèteraient Whiskas». Il s’agit d’un irréel du passé dont la
condition est sous-entendue, en partie parce qu’elle est absurde (cela pourrait être «Si les chats pouvaient
parler», «Si les chats allaient au supermarché», «Si les chats vous donnaient une liste de courses»…).
Vous ne serez certainement pas étonné d’apprendre que ce slogan fit l’objet de nombreuses parodies,
notamment par le groupe comique des Nuls qui a raillé cet irréel du passé dans une fausse publicité pour
un produit nommé «Kwiskas»: «Si on leur demandait aux chats, les chats, ils achèteraient Kwiskas, ils se
lèveraient sur leurs p’tites pattes, etc.».
Il arrive enfin que le «si» (suivi de l’imparfait) soit employé dans des propositions indépendantes,
généralement dans une phrase interrogative: «Et si la beauté venait de l’intérieur?» (Vichy Célestins). Dans
ce cas, on envisage l’hypothèse, sans formuler la conséquence qu’elle provoque: on pousse le récepteur
à s’interroger, mais on le laisse formuler la réponse. Cet emploi permet d’imaginer un univers différent
du monde dans lequel on vit, et généralement meilleur (en tout cas dans la publicité). Il rend possible
l’expression d’un rêve, d’un désir, d’un espoir.
II. Décrire
Le message peut tenter de convaincre son destinataire par l’intermédiaire de la description. L’intérêt est
que les arguments qu’il livre sous cette forme descriptive paraissent empiriques, car ils semblent fondés
sur un simple constat. Pourtant, les choses sont un peu plus complexes: qui dit description ne dit pas
nécessairement stricte objectivité.
A. L’usage de la description dans la communication publicitaire
Exemples
Considérons le pavé de texte suivant, tiré d’une annonce presse pour l’Office de tourisme de Tunisie parue en
2009 dans la presse magazine:
3 D’après Martin RIEGEL, Jean-Christophe PELLAT, René RIOUL, Grammaire méthodique du français, PUF, 1994, p. 508-509.