Janvier 2009, Le champ de compétences des sages-femmes échographistes Suite aux interrogations de sages-femmes, de médecins, d’organismes d’assurance maladie, de services ministériels, d’assurances professionnelles etc., il est devenu indispensable de faire le point sur la définition du champ de compétences des sages-femmes en matière d’échographie au vue des textes réglementaires en vigueur. En effet, de nombreux actes d’échographie (dont certains de pratique courante) sont non répertoriés pour les sages-femmes. Ce nombre d’actes a de surcroît augmenté lors de la mise en application de la CCAM Technique « médecins » dont on refuse l’accès aux sages-femmes pour les actes à compétences partagées. Voici quelques réponses élaborées en collaboration avec le service juridique du Conseil National de l’Ordre des Sages-femmes et transmises aux instances chargées d’émettre des avis, des décisions pouvant être de nature à modifier notre pratique professionnelle, notre champ de compétences. La limite des actes d’échographie que peuvent réaliser les sages-femmes de façon indépendante est en rapport avec la définition même de la pathologie et ceci avec ses difficultés d’interprétation comme dans le métier de sage-femme en général. A titre liminaire, il faut rappeler que la formation en échographie dispensée actuellement lors de la formation initiale des sages-femmes paraît nettement insuffisante pour donner à ces dernières toutes les compétences nécessaires afin de réaliser les échographies obstétricales de dépistage et de diagnostic. Les sages-femmes, à l’issue de leur formation initiale, disposent des compétences requises pour être capables, par exemple, d’interpréter un compte-rendu d’examen échographique ou pour vérifier la présentation fœtale (lors de l’accouchement par exemple) ou la localisation placentaire. Cependant, on est obligé d’admettre qu’avec l’évolution des connaissances et des techniques, il devient aujourd’hui impossible pour tout professionnel de santé ne disposant pas d’une formation spécifique adaptée d’être en mesure de réaliser tous les actes d’échographies obstétricales. Les sages-femmes qui ont obtenu des formations complémentaires, notamment le diplôme DIU d’échographie obstétricale sont, de fait, formées à la pratique des échographies de grossesses pathologiques. Cependant, à l’instar des sages-femmes assurant la surveillance des grossesses à risque par monitoring fœtal ou, plus généralement, des grossesses pathologiques (la sage-femme « pratique les soins prescrits par un médecin » en application des dispositions de l’article L.4151-3 du CSP*), la réalisation de ces échographies doit être précédée d’une prescription rédigée par un médecin. A cet égard, elles devront s’assurer de la transmission du compte-rendu au médecin prescripteur. *CSP : Code de la Santé Publique L’article R.4127-318 du CSP dispose que dans le cadre de leurs compétences, les sagesfemmes sont habilitées à pratiquer les échographies dans le cadre de la surveillance de la grossesse. L’article L.4151-1 du CSP constitue le texte de référence servant à définir le champ de compétences des sages-femmes. Il stipule que « L'exercice de la profession de sage-femme comporte la pratique des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l'accouchement, ainsi qu'à la surveillance et à la pratique de l'accouchement… ». Par ailleurs, l’article L.4151-3 précise qu’en cas de pathologie maternelle, foetale ou néonatale pendant la grossesse, l'accouchement ou les suites de couches et en cas d'accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. La limite des compétences des sages-femmes repose donc bien sur la définition de la pathologie, avec toutes les difficultés d’interprétation que cela suppose. Le postulat de départ est donc simple : les sages-femmes ont le devoir de se donner les moyens de dépister et diagnostiquer une pathologie maternelle et/ou foetale mais elles ne peuvent ensuite la gérer seule. Elles doivent, le cas échéant, en référer à un médecin. Les sages-femmes échographistes peuvent ainsi réaliser, sans prescription préalable d’un médecin, une échographie de surveillance, de contrôle tant que la situation ne peut être qualifiée de pathologique. C’est d’ailleurs son rôle de devoir dépister d’éventuelles pathologies lors de la réalisation des échographies. À titre d’exemple, les sages-femmes peuvent demander un contrôle échographique 3 ou 4 semaines après lorsqu’elles constatent un ralentissement de la courbe de croissance avec des biométries cependant normales, lorsqu’elles constatent une Hauteur Utérine paraissant petite (mais pouvant être physiologiquement due à la présentation fœtale par exemple) ou encore dans le cas d’une mesure d’un pyélon normale mais proche du seuil d’une pyélectasie. Un autre cas : la non visualisation de l’estomac lors de l’examen échographique. Un contrôle est alors nécessaire et montre souvent que l’on était, au moment de l’examen, à un moment de la digestion fœtale où l’estomac était vide ou peu rempli. Dans le cas contraire, la sage-femme devra adresser la patiente à un médecin. Si lors d’une échographie de contrôle, une sage-femme constate une pathologie, elle devra alors obligatoirement en référer à un médecin. La limite des échographies de surveillance de grossesses à risque est donc appréciée par le médecin qui va prescrire à une sage-femme l’examen échographique de surveillance en notifiant les points à contrôler lorsqu’il existe une pathologie. Le médecin sera ensuite responsable de l’interprétation du ou des points contrôlés. Enfin, hormis les obligations générales inhérentes à l’exercice de la profession, notamment en ce qui concerne l’obligation de formation continue, il n’existe pas, a priori, d’autres textes qui encadreraient la pratique des échographies par les sages-femmes. A cet égard, rappelons que le Comité National Technique d’Échographie, dans son rapport remis en avril 2005, soulignait l’importance de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) et de la formation continue comme préalable essentiel à la qualité de la pratique des échographies obstétricales. À ce sujet, il y a lieu de préciser qu’un arrêté doit être pris prochainement en application des dispositions des articles R.2131-1-1 et R.2131-2. Il fixera les règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostic prénatals, notamment de la trisomie 21. L’article R.2131-1-1 du CSP prescrit ainsi que « Les pratiques médicales concourant au diagnostic prénatal, y compris l'utilisation des techniques d'imagerie, sont soumises à des règles de bonnes pratiques définies par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition du directeur général de l'Agence de la biomédecine après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ». Cet arrêté, en cours d’élaboration, doit préciser les bonnes conditions de réalisation de l’examen échographique en vue de procéder aux mesures de la clarté nucale et de la longueur crânio-caudale. Dans cet arrêté, il est prévu de définir les conditions minimales de formation des professionnels de santé qui pratiquent des échographies obstétricales suite aux recommandations du Comité National Technique d’Échographie. Dans ce cadre, il est envisagé que les professionnels concernés doivent être titulaires du Diplôme Interuniversitaire d’échographie en gynécologie obstétrique. L’une des conséquences de ces nouvelles dispositions serait que des professionnels de santé, malgré le fait qu’ils aient suivi une formation en échographie lors de leur cursus initial, voire lors de formations complémentaires, seraient dès lors dans l’impossibilité de réaliser des échographies obstétricales. Philippe VIOSSAT Sage-femme Échographiste Expert