L’intégration de la réflexion environnementale dans l’enseignement postsecondaire, une nécessité pour produire au collégial les changements d'attitudes et de comportements qui s'imposent ! Marc OLIVIER, cégep de Sorel-Tracy Au collégial comme à l’université, l’enseignement supérieur est morcelé en autant de programmes de formation qu’il y a de spécialités. Les données 2007 du ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports (MELS) indiquent qu’au collégial un bon nombre d’entre eux (117) portent partiellement la préoccupation environnementale au sein de certains cours de leur programme, quelques-uns intègrent même le mot « environnement » comme un énoncé de finalité dans leur titre. De quel environnement s’agit-il ? Nous sommes confrontés ici aux sens possibles du mot environnement. S’agit-il de l’environnement sous l’angle des écosystèmes, sous l’angle du milieu biogéochimique, du milieu géophysique, de la gestion des matières résiduelles, de celui de l’aménagement du territoire, voire de la capacité portante des terrains meubles ou de la capacité des ouvrages de génie? Inévitablement, les programmes collégiaux tendent à instrumenter l’apprenant dans quelques aspects qui rejoignent l’environnement. L’utilisation de ce mot peut toutefois n’être qu’une façon de traduire la connaissance des règlements de préservation du milieu qui découlent de la Loi sur la qualité de l’environnement, sans pour autant que cela se traduise par une intention éducative réfléchie. De même, le mot environnement inscrit dans l’approche par compétences peut traduire l’esprit utilitariste dans les formations. Par contre, quelques programmes mettent l’environnement au centre de leur action et développent une réflexion collective qui relève davantage de la portée que l’on voudrait être celle de l’ERE. L’environnement est alors un objet éducatif en soit, l’éducation relative à l’environnement adopte la couleur des sciences disciplinaires et transcende le milieu de formation. Elle produit les changements d'attitudes et de comportements qui s'imposent face à l'environnement. En corollaire, dans le cas de ces programmes dédiés, le profil de sortie du technicien devrait comporter une mention qui traduit l’intention en ce sens des concepteurs du programme. À la formation pré-universitaire Observons un premier cas particulier, celui des formations pré-universitaires qui ne comportent pas un objet éducatif spécifique en environnement, mais où le besoin de multidisciplinarité pour rencontrer le profil de sortie du DEC incite à vivre l’ERE. Dans ces programmes, tant en sciences humaines qu’en sciences de la nature, les cours disciplinaires peuvent intégrer ici et là un dossier environnemental ou référer de façon soutenue à des problèmes environnementaux. En complément, l’exigence d’une épreuve synthèse de fin de programme peut permettre le développement d’activités appliquées d’ERE, pour peu que l’enseignant concerné qui encadre les étudiants veuille bien prendre cette direction. Une nouvelle tendance se met en place dans les programmes pré-universitaires : intégrer un profil de sortie en environnement. Le projet du cégep de Sorel-Tracy, tout comme celui du cégep de Limoilou, renforce par deux ou trois cours spécifiques la dimension « environnement » de la formation en sciences de la nature, tout en bonifiant certains des cours usuels par des applications environnementales. En formation spécialisée Un vécu plus sensible au milieu de vie et au milieu de travail devrait être une constance chez tous les programmes spécialisés de formation collégiale professionnelle. Pourtant dans la majorité de ces programmes, les préoccupations utilitaristes mènent les enseignants loin des discussions d’ERE. Une piste de connivence s’offre cependant à nous avec la mise en place annoncée de la Convention de Québec sur la Santé sécurité. Cette entente lie le ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (MELS) qui s’engage à intégrer formellement la responsabilisation à la SST au sein des formations actuelles développées selon l’approche par compétences. Pour l’avoir déjà vécu au sein d’un programme spécialisé, il n’y a qu’un pas pour associer des approches environnementales en complément des approches de SST. Les contaminants chimiques en hygiène industrielle sont simultanément les polluants de l’environnement, et la protection des individus en milieu de travail sensibilise à la protection dans le milieu de vie en général. Là plus qu’ailleurs, une offre de service pour instrumenter les enseignants de spécialité du collégial semble essentielle pour rectifier le discours et développer une réflexion de Programme qui intègre des éléments d’ERE. En formation spécialisée en environnement La formation technique professionnelle comprend quelques programmes qui offrent des contenus spécialisés en environnement physique ou en écologie. Inévitablement ces programmes attirent des étudiants qui ont une sensibilité et des croyances plus spécifiques. L’ERE est une partie formelle, rigoureuse et importante des activités de ces programmes. Elle prend souvent l’approche de l’éthique et questionne les modes de vie des apprenants. La présence de ces formations spécialisées à l’intérieur des murs d’un établissement permet d’appliquer de nouveaux modèles de rétroaction dans le milieu, une extension proactive de l’ERE. C’est la création d’une ERE transversale, où les apprenants d’un programme spécialisé mènent des actions structurées, cohérentes, conséquentes dans le milieu et vers le milieu. Cependant peu de cégeps offrent des programmes de ce type si bien qu’une minorité des cégépiens aujourd’hui est en contact avec des confrères qui étudient en environnement. Quelques exemples de transversalité au cégep de Sorel-Tracy La présence du programme DEC environnement hygiène et sécurité au travail (EHST) permet des actions transversales d’ERE au cégep de Sorel-Tracy. Plusieurs cours comportent des activités qui débouchent vers l’implication de la communauté. Le cours Matières résiduelles et 3RV comporte un travail pratique sur le phénomène du déchet sauvage rejeté dans la nature. L’activité comprend le ratissage annuel du boisé du cégep, après un appel lancé à la communauté collégiale pour qu’elle y participe. Cette activité de 2h½ chevauche l’heure du midi pour permettre la participation des étudiants des autres programmes. Simultanément la direction du collège incite le personnel disponible à joindre l’opération. Les étudiants de ce même cours réalisent la campagne annuelle de caractérisation des matières résiduelles du cégep. C’est le prétexte pour plonger la communauté dans une réflexion critique sur sa production de résidus, d’identifier des besoins et de transmettre les bilans de l’effort collectif. Cette activité rejoint les objectifs des Établissements verts Brundtland (ÉVB) dont l’un des axes est la promotion de la récupération et des 3RV, auprès de tous les élèves, pour une meilleure gestion des ressources. Dans le cours Le cours Caractérisation et analyse de l’eau permet l’échantillonnage sur la Richelieu, la Yamaska, le fleuve ou le Lac Saint-Pierre. Certaines de ces analyses s’inscrivent dans le cadre d’une demande d’un organisme du milieu qui définit alors les paramètres de l’étude. Les résultats sont diffusés parmi les étudiants intéressés par la qualité du milieu. Durant le cours Mise en valeur des résidus industriels, les étudiants s’impliquent sur un véritable sujet proposé par la Bourse des résidus industriels du Québec (BRIQ). Ils développent une connaissance des matériaux dans le cadre des études du Centre de transfert technologique en écologie industriel (CTTÉI). Par la suite en cours d’année, quelques-uns sont engagés par le CTTEI pour compléter certains travaux appliqués. La collaboration avec la Chaire canadienne d’éducation relative a l’environnement a permis de mener une vaste mobilisation des étudiants des programmes EHST, sciences de la nature, sciences humaines, lettres et arts, tout en impliquant la communautés des pêcheurs autour de la connaissance du mercure dans le Lac Saint-Pierre, de ses impacts et de la mesure dans de sa présence dans les organismes. Le dynamisme intrinsèque du milieu Plusieurs établissements collégiaux traduisent les préoccupations environnementales au sein de leur Projet éducatif, en faisant ainsi un domaine incontournable. Les démarches transversales d’ERE sont alors d’autant plus applicables qu’une Politique environnementale explicite énonce ces valeurs et offrent des lignes directrices au personnel des établissements. N’oublions pas d’inclure en parallèle l’approche dynamique entretenue par l’activité des mouvements étudiants, tels Cégep vert et Établissement vert Brundtland (ÉVB), dont l’effervescence soutient l’ERE durant l’année scolaire. Ces organismes jouent sur le terrain un rôle d’animation communautaire qui structure partiellement le milieu. De plus, les cégeps dont la direction participe à un Comité d’action et de concertation en environnement (CACE) réalisent des activités de sensibilisation, conçoivent de meilleurs aménagements de leur milieu et font preuve d’une ouverture d’esprit proactive envers l’ERE. ********************************************************************* (Texte de conférence donnée le 2 mars 2007 lors du 3e Colloque sur l’écodéveloppement des institutions d’enseignement au Québec.)