vocabulaire de l`être et archéologie du discours

VOCABULAIRE DE L'ÊTRE ET ARCHÉOLOGIE DU DISCOURS
ONTOLOGIQUE
Christophe Erismann
Editions de Minuit | Critique
2004/5 - n° 684
pages 402 à 414
ISSN 0011-1600
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-critique-2004-5-page-402.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Erismann Christophe, « Vocabulaire de l'être et archéologie du discours ontologique »,
Critique, 2004/5 n° 684, p. 402-414.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour Editions de Minuit.
© Editions de Minuit. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
1 / 1
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
Vocabulaire de l’être
et archéologie du discours
ontologique
Jean-François Courtine
Les Catégories de l’être.
Études de philosophie ancienne
et médiévale
Paris, PUF, coll. « Épiméthée »,
2003, 305 p.
}
Jusqu’à la fin du
XII
e
siècle et à la redécouverte de
l’ensemble du corpus aristotélicien gréco-arabe, les Catégories
d’Aristote ont rempli dans le monde latin l’espace laissé vacant
par l’absence de la Métaphysique d’Aristote. Durant plus de
sept siècles, de Boèce à Pierre Abélard, le travail en ontologie
a donc été – littéralement – catégorial. L’opuscule reste au
cœur de la recherche philosophique : une nouvelle édition du
texte grec vient d’être proposée, deux traductions françaises
sont parues
1
; dans un volume collectif récent
2
, ce sont les
Catégories/catégories qui sont invoquées pour répondre à la
question : quelle philosophie pour le
XXI
e
siècle ? La tradition
analytique n’est pas en reste : Jorge Gracia (à qui l’on doit de
précieuses recherches historiques et systématiques sur le pro-
1. La nouvelle édition du texte et sa traduction, dues à Richard
Bodéus, sont parues en 2001 aux Belles Lettres ; l’autre traduction
française, dotée d’un riche et précieux apparat (glossaire, anthologie
des textes afférents), a été publiée aux Éditions du Seuil en 2002 par
Frédérique Ildefonse et Jean Lallot.
2. Quelle philosophie pour le
XXI
esiècle ? : l’organon du nouveau
siècle, Paris, Gallimard, Folio, 2001. Ce collectif comprend notamment
des textes de Jules Vuillemin, Jacques Bouveresse et Vincent Descombes.
402/414 8/04/04 10:00 Page 402
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
VOCABULAIRE DE L’ÊTRE 403
blème de l’individuation) leur confie le soin d’asseoir le fonde-
ment unitaire de la métaphysique
3
. Jouant de l’ambiguïté du
titre – les « catégories » : l’œuvre ou la doctrine –, Jean-
François Courtine a toute latitude pour passer de l’histoire de
la Métaphysique à celle des Catégories ; pratiquant de la sorte,
il contribue à ancrer solidement les deux textes dans une des-
tinée commune, mais non dénuée de discontinuités. Cette lec-
ture croisée tend à rattacher les Catégories non seulement à
l’histoire de la logique, mais bien aussi – ou plutôt – à celle de
la métaphysique. S’il est, de fait, une thèse qui se dégage irré-
sistiblement des diverses analyses séquentielles du livre de
Courtine, c’est bien le lien indéfectible des catégories à la phi-
losophie première. Sensibilisé à la Seinsfrage (question de
l’être) par une longue fréquentation de la philosophie alle-
mande de Schelling à Heidegger, l’auteur œuvre, à l’heure d’un
nominalisme dominant, pour ne pas laisser les catégories se
voir dépouiller de toute implication métaphysique. Une lecture
du texte aristotélicien se profile en filigrane : catégories du
discours, elles sont aussi, on serait presque tenté de dire sur-
tout, catégories ontologiques. Concevoir les catégories unique-
ment comme des noms, comme des catégories du langage,
reviendrait à passer à côté de l’enjeu véritable de celles qui
sont, comme le titre du recueil le proclame, des catégories de
l’être.
C’est donc à la fois en historien de la métaphysique et de la
Métaphysique, que Courtine aborde les catégories, avec pour
objectif de débusquer dans leurs lieux d’expression les thèses
qui ont contribué à l’histoire de la philosophie première, sans y
être textuellement liées. De par la variété de la matière, il est
amené à englober des courants de pensée souvent sous-estimés.
Pour rendre possible leur intégration, il lui faut comprendre la
métaphysique selon une acception souple, non déterminée
d’avance par une certaine vulgate heideggérienne. Histoire et
philologie sont dès lors associées à l’enquête proprement philo-
sophique pour prendre en regard l’ensemble d’une histoire,
bien au-delà de la prétendue « unité destinale-historiale » de la
métaphysique constituée comme onto-théologie. Si l’un des
3. Metaphysics and Its Task. The Search for the Categorical Foun-
dation of Knowledge, New York, SUNY, 1999.
402/414 8/04/04 10:00 Page 403
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
404 CRITIQUE
livres précédents de Courtine, Suárez et le système de la méta-
physique, avait notamment pour but de réhabiliter l’interpréta-
tion médiévale d’Aristote, c’est le néoplatonisme que ce volume
veut revaloriser. En somme, l’auteur veut élargir le concept de
métaphysique au-delà de l’onto-théologie pour faire toute sa
place à la tradition néoplatonicienne
4
. Le néoplatonisme
grec, celui des Ammonius, David et Simplicius ou latin d’Éri-
gène – peut alors s’insérer dans une histoire dont la linéarité
n’est plus exigée. Cette revalorisation du principal courant de
la philosophie grecque tardive par une plus juste appréciation
de son rôle dans l’histoire de la métaphysique occidentale était
nécessaire. Grand oublié de la réflexion heideggérienne,
comme l’a montré Werner Beierwaltes
5
, dont certaines conclu-
sions sont prolongées dans le récent livre de Jean-Marc
Narbonne
6
, le néoplatonisme a pâti du privilège accordé à la
soi-disant métaphysique aristotélico-thomiste. Le cas des Caté-
gories est sur ce point exemplaire. Il s’est en effet développé
dans l’école néoplatonicienne une tradition de commentaire du
traité aristotélicien dont la richesse, grâce aux travaux de
Philippe Hoffmann, commence à peine d’être évaluée. Les
recherches de Courtine, dont certains résultats sont intégrés
dans ce livre, soulignent le rôle primordial joué par les néopla-
toniciens dans l’invention de l’analogie de l’être – cette même
analogie qui fut longtemps présentée comme aristotélico-tho-
miste, mais dont l’esprit et la lettre sont pseudo-aristotéliciens.
C’est dans l’exégèse néoplatonicienne des Catégories, parti-
culièrement dans l’interprétation du chapitre des paronymes,
et non dans la Métaphysique, que la problématique de l’analo-
gie prend racine. L’étude des origines de cette doctrine révèle
l’objectif ultime du travail de Courtine quant aux Catégories ;
la problématique de l’analogie de l’être est, en effet, intimement
liée à la question de la détermination de la métaphysique dans
4. Pour une réflexion complémentaire sur ce point, voir J.-F. Cour-
tine, « Métaphysique et onto-théologie », in J.-M. Narbonne et L. Lan-
glois, La Métaphysique. Son histoire, sa critique, ses enjeux, Paris-Laval,
Vrin, 1999, p. 137-157.
5. Cf., particulièrement, Identität und Differenz, Francfort, Kloster-
mann, 1980.
6. Hénologie, ontologie et Ereignis : Plotin, Proclus, Heidegger,
Paris, Belles Lettres, 2001.
402/414 8/04/04 10:00 Page 404
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
VOCABULAIRE DE L’ÊTRE 405
sa constitution unitaire
7
. Courtine peut donc clore en ces
termes l’un de ses parcours sur la différence ontologique et
l’analogie : « ce qui nous importait donc, c’était plutôt d’établir,
hors de son lieu obligé d’exposition doctrinale, l’enjeu véritable
du débat, à savoir la constitution possible de la métaphysique
dans son unité constitutionnelle et/ou son articulation systé-
matique » (p. 211).
Pour Courtine, la métaphysique forme un « système », elle
connaît des transformations et répond à une logique que l’on ne
peut déceler qu’en procédant à une enquête portant sur la
longue durée. La perception des problématiques selon une
approche globale de cette histoire fait apparaître certes l’élabo-
ration, mais surtout le sens et la portée des doctrines ontolo-
giques. Car la métaphysique est un domaine où les nouveautés
et les décisions sont rares et souvent masquées, généralement
inapparentes. Seules la comparaison et la confrontation des
diverses architectoniques permettent de mettre au jour les évo-
lutions, les reprises, autant que les ruptures. L’auteur, dans son
bref avant-propos, décrit ainsi la visée du projet, commune aux
neuf études, enrichies et actualisées
8
, qui composent le recueil :
Contribuer, soit en procédant par coups de sonde, sur un corpus
limité, soit en pratiquant des coupes beaucoup plus larges, à une
7. La parution prochaine, aux Éditions Vrin, d’un livre de Courtine
consacré exclusivement à la question des origines néoplatoniciennes de
l’analogie (L’Invention de l’analogie. Aristote et les commentateurs grecs)
sera sans doute l’occasion de revenir sur l’élaboration conjointe de
l’onto-théologie et de l’analogie de l’être.
8. Il s’agit de : I. Les traductions latines d’ousia et la compréhen-
sion romano-stoïcienne de l’être ; II. Substance – sujet ; III. Schelling
lecteur d’Aristote ; IV. Les catégories dans le De divisione naturae de
Jean Scot Érigène : espace et temps ; V. Aux origines néoplatoniciennes
de la doctrine de l’analogie de l’être ; VI. Différence ontologique et analo-
gie de l’être ; VII. La critique heideggérienne de l’Analogia entis ; VIII. La
doctrine cartésienne de l’idée et ses sources scolastiques ; IX. Leibniz et
la langue adamique. On notera que Courtine a ajouté la traduction
française de la plupart des citations latines. Les références bibliogra-
phiques ont été considérablement enrichies ; un dialogue stimulant
avec les recherches les plus récentes de nombreux médiévistes (Boul-
nois, Libera, Perler…) s’ajoute à une discussion soutenue d’auteurs
plus « classiques » (Gilson, Hadot, Aubenque…).
402/414 8/04/04 10:00 Page 405
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 08h36. © Editions de Minuit
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !