CURRICULUM Forum Med Suisse No6 6 février 2002 113
Bien préparé et c’est
à moitié gagné
La fiabilité des résultats de laboratoire ne dé-
pend pas uniquement d’une technique d’ana-
lyse correcte, une préparation dans les règles
de l’art doit précéder la phase analytique. Cette
phase est appelée préanalytique. Elle comporte
la préparation du patient, le choix du bon mo-
ment du prélèvement de l’échantillon, son iden-
tification irréprochable, les coordonnées du pa-
tient et le formulaire de demande d’examens,
le choix du bon tube (avec stabilisateur ou
autres additifs), le prélèvement lui-même, la
conservation adéquate jusqu’au moment de
l’analyse, sans oublier le transport, la stabilité
des échantillons pour les analyses demandées
ultérieurement, l’examen de la qualité des pré-
lèvements à la recherche d’éléments particu-
liers, et la préparation à l’analyse.
Le médecin et son assistante doivent connaître
les facteurs d’influence et d’erreur les plus im-
portants de la préanalytique, pour garantir un
diagnostic de laboratoire optimal. Voici quel-
ques points importants de la préanalytique,
surtout pour les analyses clinico-chimiques et
hématologiques.
La préanalytique commence
chez le patient
La pré-analyse débute chez le patient.
On distingue entre des paramètres influents se
manifestant in vivo et les artefacts se manifes-
tant in vitro.
Les paramètres influents peuvent être classifiés
entre:
données (non modifiables) comme sexe, race,
âge, grossesse et facteurs génétiques et
variables (modifiables) comme variations
d’horaire, alimentation, poids, activité corpo-
relle, produits stimulants, médicaments, la
position corporelle lors de la prise de sang, etc.
Il faut tenir compte de ces paramètres lors de
l’interprétation des résultats (fig. 1).
Les artéfacts comprennent la contamination
des échantillons, l’hémolyse in vitro due aux se-
cousses de l’échantillon, la contamination des
échantillons par les solutions de perfusion, la
centrifugation trop rapide ou trop lente des
échantillons, l’emploi de tubes inadéquats, la
non-observance de la période de jeûne avant la
prise de sang, etc. Une instruction précise des
patients et du personnel infirmier est essentiel
pour éviter ces artéfacts.
L’influence des aliments se manifeste souvent
par une lipémie, capable de perturber certaines
réactions in vitro. D’autres paramètres sont di-
rectement influencés par la prise de nourriture.
L’importance de cette perturbation dépend de
la composition de la nourriture et du délai avant
la prise de sang. Une nourriture riche en
graisses fait augmenter la concentration de tri-
glycérides. La consommation d’aliments riches
en protéines et en nucléotides fait augmenter les
concentrations d’urée et d’acide urique (fig. 2).
D’autre part, des concentrations abaissées de
préalbumine et de protéine vectrice du rétinol
se voient dans l’alimentation insuffisante ou le
jeûne.
La consommation de café ou d’alcool, et fumer,
peuvent avoir une influence à plus ou moins
long terme sur les résultats de laboratoire. La
fumée de 1 à 5 cigarettes augmente après un
temps de latence d’une heure la concentration
d’acides gras libres, d’adrénaline, d’aldosté-
rone et de cortisol. Le tabagisme augmente le
nombre de leucocytes, les lipoprotéines, l’acti-
vité de certains enzymes, d’hormones, de vita-
mines, de marqueurs tumoraux et de métaux
lourds (oligo-éléments). D’autres paramètres,
Préanalytique
G. Togni, C. Volken, G. Sabo
Correspondance:
Dr phil. II Giovanni Togni
Institut Dr. Viollier
Spalenring 145/147
CH-4002 Basel
g.togni@viollier.ch
Figure 1.
Différences en fonction du
sexe et de l’âge pour la phos-
phatase alcaline (PA) et le
cholestérol (total, LDL et
HDL) (modifié d’après [1]).
CURRICULUM Forum Med Suisse No6 6 février 2002 114
comme l’ECA (enzyme de conversion de l’an-
giotensine), la prolactine et le sélénium sont
abaissés sous l’effet de la fumée.
En l’espace de 2 à 4 heures après l’absorption
d’alcool, la glycémie chute, le lactate et l’acétate
augmentent, les bicarbonates diminuent et il
peut y avoir une acidose métabolique. Les effets
à long terme se manifestent par une augmenta-
tion progressive des tests hépatiques et des mo-
difications de la formule sanguine (fig. 3).
L’activité physique du patient avant la prise de
sang peut également modifier les résultats de
certaines analyses.
Des variations aiguës des analyses sont surtout
le fait du déplacement des liquides entre les
compartiments interstitiel et intravasculaire,
de la perte de volume par la transpiration et de
variations de l’équilibre hormonal (p.ex. as-
cension de l’adrénaline, de la noradrénaline,
du glucagon, de l’hormone de croissance, du
cortisol et de l’ACTH, et diminution de l’insu-
line). Ces variations hormonales peuvent pro-
voquer une leucocytose et une augmentation de
la glycémie.
Les personnes non entraînées présentent après
une activité musculaire minime déjà une aug-
mentation nette de la concentration de créa-
tine(-phospho)-kinase. Celles qui sont bien
entraînées présenteront après une activité
semblable des concentrations plus basses de
CPK et une augmentation de la fraction CK-MB
(fig. 4). Un effort physique intense provoque
une élimination urinaire d’érythrocytes et de
leucocytes.
Dans l’interprétation des résultats, il faut tou-
jours penser à l’influence de certains médica-
ments que prend le patient. De nombreux mé-
dicaments peuvent provoquer des augmenta-
tions enzymatiques par induction ou effet pa-
thologique (tabl. 1).
Lors de la préparation du patient à la prise de
sang, la position corporelle joue un rôle impor-
tant, car la position debout, assise ou couchée
peut influencer de nombreux paramètres. Le
passage de la position couchée à la position de-
bout abaisse le volume plasmatique d’environ
12%. L’influence de plusieurs analyses par la
position du corps est présentée à la figure 5.
Quel est le meilleur moment
pour une prise de sang?
Plusieurs paramètres de laboratoire, surtout
clinico-chimiques, passent par des variations
circadiennes dont il s’agit de tenir compte dans
l’interprétation de leurs résultats (tabl. 2).
Comme les valeurs de référence sont souvent
données dans les études pour lesquelles les pré-
lèvements se font à des heures standardisées,
les examens diagnostics doivent se faire dans
des conditions semblables (p.ex. le matin entre
Figure 2.
Variations (en %) de la concen-
tration sérique de certains
paramètres après absorption
d’un repas standard (700 kcal)
(modifié d’après [1]).
Figure 3.
Effets aigus et chroniques de
l’absorption d’alcool sur certains
paramètres de laboratoire.
CURRICULUM Forum Med Suisse No6 6 février 2002 115
L’identification pour le matériel à examiner, et
surtout pour les biopsies, ponctions ou frottis
du lieu de prélèvement, est indispensable sur-
tout pour le diagnostic microbiologique. Le
choix de la bonne technique de culture et l’in-
terprétation en dépendent.
Choix du récipient:
l’embarras du choix
Le choix du bon récipient est très critique, car
des interférences peuvent survenir en fonction
de l’additif. Tous les récipients ne sont pas bons
pour toutes les analyses. De nombreux tubes
pour le sang contiennent des stabilisateurs, des
substances coagulantes ou des gels de sépara-
tion, et sont ainsi optimisés pour certaines ana-
lyses. Les anticoagulants souvent utilisés dans
cette intention peuvent se répartir dans deux
classes:
1. substances captant le calcium, dont EDTA,
citrate, oxalate;
2. substances inhibant des enzymes, comme
l’héparine.
7 et 9 heures). En plus de ces variations circa-
diennes, il en existe aussi des saisonnières et
périodiques. La tri-iodothyronine (T3) est envi-
ron 20% plus basse en été qu’en hiver, le 25-
OH-colécalciférol (25-OH-vitamine D3) est plus
élevé en été qu’en hiver. La concentration d’al-
dostérone est deux fois plus élevée à la phase
préovulatoire qu’à la phase postovulatoire du
cycle menstruel. La concentration de rénine
suit des variations semblables.
Identification méticuleuse
du patient, de l’échantillon
et de la demande d’examen
Les erreurs administratives, d’organisation, sont
l’un des facteurs d’erreur les plus importants
concernant les résultats de laboratoire. L’indica-
tion complète du nom, du prénom, de la date de
naissance sur la demande d’examen et le tube
est la condition sine qua non d’une attribution
sans erreur possible au patient, de valeurs de ré-
férence spécifiques et d’anciens résultats le
concernant. D’autres précisions, comme le sexe
ou les traitements en cours, contribuent souvent
à une bonne interprétation des résultats.
Tableau 1. Médicaments pouvant influencer les activités enzymatiques.
Enzyme Effet du médicament
Phosphatase alcaline (PA) Augmentation
Allopurinol, stéroïdes anabolisants, carbamazépine, cotrimoxa-
zole, cyclophosphamide, disopyramide, érythromycine, isonia-
zide, kétoconazole, mercaptopurine, méthotrexate, α-méthyldopa,
oxacilline, papavérine, pénicillamine, phénobarbital, phényl-
butazone, phénytoïne, propylthiouracil, triméthoprime/
sulfaméthoxazole, sulfasalazine, acide valproïque
Diminution
Clofibrate, contraceptifs oraux
Transaminases (ALT, AST) Augmentation
Amiodarone, carbamazépine, disopyramide, oxacilline, papavérine,
paracétamol (acétaminophène), pénicillamine, phénylbutazone,
phénytoïne, acide salicylique, streptokinase, acide valproïque
Diminution
Allopurinol
Créatine(-phospho)-kinase Augmentation
(CK ou CPK) Clofibrate, digoxine, phénothiazine, succinylcholine
(suxaméthonium), théophylline
γ-Glutamyltransférase (γ-GT) Augmentation
Carbamazépine, érythromycine, contraceptifs oraux
(sauf micropilule), phénytoïne
Diminution
Clofibrate
Lactate-déshydrogénase (LDH) Augmentation
Stéroïdes anabolisants, acide acétylsalicylique/salicylés,
chlorpromazine, kétoconazole, pénicillamine, propylthiouracil,
acide valproïque
Diminution
Antiépileptiques
CURRICULUM Forum Med Suisse No6 6 février 2002 116
Les substances captant le calcium ne sont pas
indiquées pour le dosage du calcium, des élec-
trolytes, ni des enzymes dont le calcium est co-
facteur (p.ex. phosphatase alcaline, α-amy-
lase). L’héparine comme anticoagulant peut se
trouver sous plusieurs formes, comme sel
d’ammonium, de lithium ou de sodium. Le sel
d’ammonium n’est pas indiqué pour le dosage
de l’urée, le sel de lithium pour celui du lithium
et le sel de sodium pour celui du sodium. Toutes
les forme d’héparine inhibent la «polymerase
chain reaction» (PCR) et ne sont donc pas indi-
quées pour de telles analyses; il faut alors utili-
ser du sang ou du plasma EDTA. Les récipients
les plus courants sont présentés dans le tableau
3. Le code-couleur uniformisé de ces récipients
n’est pas garanti par tous les fabricants sur le
marché.
Prélèvement
Lors d’une prise de sang, il faut veiller à ce que
le garrot ne reste pas trop longtemps en place,
et ne soit pas trop serré, vu qu’une stase peut
fausser les résultats d’analyses (fig. 6). Pour
l’urine, l’agent de conservation approprié doit
se trouver dans le récipient avant de recevoir
l’urine.
La collecte d’urine sur 24 heures commence
d’habitude le matin. La 1re urine du matin est
jetée, ensuite toutes les mictions sont recueillies
jusqu’à et y compris la 1re urine du matin sui-
vant. La durée de la collecte et son volume doi-
vent être précisés. Si l’analyse ne se fait pas sur
place, 10–20 mL sont généralement suffisants,
mais il faut bien mélanger toute l’urine collectée.
Qu’est-ce qui peut encore
fausser les choses après
le prélèvement?
Une bonne conservation joue un très grand
rôle, surtout pour l’envoi d’échantillons ou les
analyses demandées après coup. En général, le
sang total pour formule sanguine sans réparti-
tion leucocytaire automatisée doit être examiné
dans les 24 heures. Pour la répartition auto-
matisée, la fiabilité des résultats dépend géné-
ralement du principe de travail de l’appareil.
La conservation de sang total pour le dosage de
la glycémie donne des résultats faux, vu que des
cellules continuent à métaboliser le glucose. Les
échantillons pour les paramètres clinico-chi-
miques et de la coagulation doivent être centri-
fugés dans les 45 minutes. Pour le potassium,
le phosphate, la LDH, l’AST (GOT), l’homocys-
téine, il est recommandé de séparer le sérum.
Pour les analyses de paramètres photosen-
sibles comme la bilirubine, les vitamines, les
porphyrines et la créatinekinase (CK), les tubes
Figure 4.
Augmentation de différents
paramètres après un marathon.
Le sang a été prélevé avant et
45 minutes après la course
(modifié d’après [1]).
Figure 5.
Augmentation en pourcentage
de certains paramètres plasmati-
ques après passage de la posi-
tion couchée à la position debout
(modifié d’après [1]).
CURRICULUM Forum Med Suisse No6 6 février 2002 117
et de magnésium, acide urique). Le froid com-
plique également les examens morphologiques,
car il lyse les cellules.
Le tableau 4 présente les recommandations gé-
nérales sur la stabilité et les conditions de
conservation des échantillons pour analyses.
Appréciation de la qualité
des échantillons: le résultat
des efforts passés
Une hémolyse in vitro entraîne la libération
d’éléments intraérythrocytaires. Cela se re-
connaît à une coloration rougeâtre du plasma
ou du sérum après centrifugation du sang. L’ab-
doivent être à l’abri de la lumière sitôt après la
prise de sang.
Les récipients doivent rester bien fermés. Tous
les prélèvements biologiques représentent
d’une part un risque de contamination, et il faut
d’autre part éviter toute contamination des
échantillons par d’autres échantillons, ou par
des micro-organismes extérieurs. Les compo-
sants sanguins peuvent être oxydés par la pré-
sence d’oxygène, et l’évaporation de l’eau en
provoque la concentration. Le sang total ne doit
pas être conservé au réfrigérateur, car les élé-
ments cellulaires peuvent être lysés à basses
températures.
Si l’urine est conservée au réfrigérateur, des
sels peuvent cristalliser (phosphate de calcium
Tableau 2. Rythme circadien de quelques paramètres de laboratoire
(S = sérum; U = urine) (modifié d’après [1]).
Paramètre Maximum Minimum Amplitude
(heure) (heure) (% de la moyenne journalière)
ACTH 6–10 0–4 150–200
Cortisol 5–8 21–3 180–200
Testostérone 2–4 20–24 30–50
TSH 20–2 7–13 5–15
T48–12 23–3 10–20
Somatotropine 21–23 1–21 300–400
Prolactine 5–7 10–12 80–100
Aldostérone 2–4 12–14 60–80
Rénine 0–6 10–12 120–140
Adrénaline (S) 9–12 2–5 30–50
Noradrénaline (S, U) 9–12 2–5 50–120
Hémoglobine 6–18 22–24 8–15
Eosinophiles 4–6 18–20 30–40
Fer 14–18 2–4 50–70
Potassium (S) 14–16 23–1 5–10
Phosphate (S) 2–4 8–12 30–40
Sodium (U) 4–6 12–16 60–80
Phosphate (U) 18–24 4–8 60–80
Volume (U) 2–6 12–16 60–80
Température corporelle 18–20 5–7 0,8–1,0 °C
S = sérum, U = urine
Tableau 3. Prises de sang pour examens de laboratoire de routine.
Paramètre Technique de prise de sang/Matériel à examiner Couleur du bouchon
Chimie clinique, sérologie sang veineux sans additif rouge
Chimie clinique dans le plasma plasma hépariné vert
Glucose (à jeun) sang veineux avec fluorure de sodium (NaF) gris
comme inhibiteur de la glycolyse
Hématologie sang veineux ou capillaire EDTA lilas
Coagulation sang citraté (non capillaire) bleu clair
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