lui soit possible dans l’ordre de la pensée de s’en faire une Idée ; car si
aucune connaissance de Dieu n’est possible, il n’est pas interdit à la
raison, selon Kant, de s’en faire une Idée, si tant est qu’elle sache que
cette Idée n’est pas une connaissance de Dieu, mais une Idée
régulatrice2, ou encore selon Qu’est ce que s’orienter dans la pensée ?, un
besoin de la raison pour rendre compte de l’intelligibilité, de l’ordre et
de la finalité inhérentes au monde. C’est ce besoin de la raison, qui
lui sert de principe d’orientation tant dans le champ théorique que
dans le champ pratique, que le texte de 1786 vise à expliciter.
Nous ne rappellerons pas ici toute l’argumentation de Kant. Il
suffit de dire, pour mieux saisir le désaccord avec Wizenmann, que le
texte de 1786 entend montrer que la raison est l’ultime source de la
vérité, et même de la foi. Dans le monde suprasensible donc, la raison
est notre seul guide. Pour justifier une telle thèse, Kant envisage sa
réponse en deux moments3. Le premier moment consiste en une
analyse de l’orientation dans l’espace ; tandis que le second moment
tente de répondre à la question posée par le texte « Que signifie
s’orienter dans la pensée ? ». Ces deux moments, en effet, sont
interdépendants. C’est que l’analyse de l’orientation dans l’espace est
déployée en vue de préparer la réponse à ce que cela peut bien
vouloir dire de s’orienter dans la pensée, le second moment. Au
fond, l’analyse de l’orientation dans l’espace n’est pas faite pour elle
même, « elle n’a été introduite qu’à titre de paradigme, sa fonction
propre étant uniquement de préparer le lecteur à une compréhension
plus facile du principe d’orientation dans la pensée 4».
Illustrons ce premier moment de la réponse kantienne par
l’exemple qu’il donne de l’orientation géographique puisque c’est sur
elle que porteront, en partie, les critiques de Wizenmann.
Pour m’orienter dans l’obscurité en une pièce que je
connais, il me suffit d’être en mesure de saisir un seul objet
dont j’ai la place en mémoire. Or rien ici, à l’évidence, ne
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2 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, tr. Alain Renaut, Paris, GF,
2001, p. 82-85.
3 Pour une analyse détaillée du principe d’orientation chez Kant, voir
l’introduction savante qu’a fournie Alexis Philonenko à sa traduction du
texte Qu’est ce que s’orienter dans la pensée ?, Paris, Vrin, 1972, p. 61-75.
4 Alexis PHILONENKO, Op. cit., p. 65.