Quelle reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail en Europe ? •••• réf. Eurogip-81/F
Introduction
Le sujet des psychopathologies liées au travail est régulièrement abordé sous l’angle de la
prévention. Au niveau européen, le Comité des Hauts Responsables de l’Inspection du Travail
(CHRIT)3 a choisi, pour l'année 2012, d'axer sa campagne d'information et d'inspection sur les
risques psychosociaux. Et la Commission européenne a récemment évoqué les risques
psychosociaux au travail comme l’une des priorités de la future stratégie communautaire pour
la santé et la sécurité au travail. Au niveau des Etats, les risques psychosociaux au travail font
l’objet depuis quelques années d’une prise en compte renforcée par les pouvoirs publics ; de
nombreux organismes nationaux de prévention des risques professionnels développent des
recherches sur les risques psychosociaux et des initiatives concrètes se multiplient au sein des
entreprises et des services publics sur des aspects spécifiques au problème (harcèlement,
violence psychologique, stress chronique…).
S’il est désormais communément admis que l’environnement de travail peut avoir un impact
sur la santé non seulement physique mais aussi mentale des travailleurs, la question de la
reconnaissance du caractère professionnel des maladies psychiques ne fait pas l’unanimité en
Europe.
A certaines conditions, une pathologie psychique peut d’ores et déjà être reconnue en tant
qu’accident du travail ou conséquences d’un accident du travail : en Europe, les organismes
d’assurance accidents du travail – maladies professionnelles prennent en charge les suites
psychiques ou psychologiques d’un événement accidentel. Mais de plus en plus de travailleurs
déclarent souffrir aujourd’hui de troubles non traumatiques tels que la dépression, les troubles
de la concentration ou du sommeil, l’épuisement professionnel, causés par l’organisation et
les conditions de travail, le mode de management, la violence, les changements ou
restructurations intervenus dans l’entreprise…
Face à ce phénomène grandissant, les organismes d’assurance et les pouvoirs publics
s’interrogent depuis quelques années sur l’opportunité de reconnaître et d’indemniser ce type
de pathologies comme maladies professionnelles.
La question soulève plusieurs problèmes.
D’une part, le caractère multifactoriel des maladies psychiques pose l’épineuse question du
lien de cause à effet entre le travail et la pathologie : contrairement aux maladies
professionnelles dites classiques, pour lesquelles il est relativement aisé de démontrer
l’origine professionnelle en présence d’agents chimiques, physiques ou biologiques nocifs, la
santé mentale d’un travailleur peut être affectée à la fois par les conditions de travail mais
aussi par des contraintes extraprofessionnelles. Autrement dit, comment savoir si le travail
est la cause « déterminante » ou « essentielle » de la pathologie psychique d’un individu
peut-être déjà fragilisé dans son cadre familial et social ?
D’autre part, pour les pays européens qui admettent qu’il peut exister un lien causal direct
entre le travail et certaines maladies psychiques, la difficulté consiste à définir le concept de
risque psychosocial et à caractériser le lien de cause à effet, et ce afin de dessiner le cadre
des procédures de reconnaissance et d’indemnisation.
Cette étude menée auprès de dix pays européens se propose de dresser un panorama des
possibilités de reconnaissance des pathologies psychiques aussi bien en maladies
professionnelles qu’en accidents du travail (chapitre 1), avant de se focaliser sur les
procédures de reconnaissance et d’indemnisation dans les pays concernés (chapitre 2).
S’imposent ensuite une quantification du phénomène (chapitre 3) et une présentation
détaillée des statistiques disponibles dans les différents pays (chapitre 4). Enfin, le point est
fait sur les réflexions en cours relatives à la reconnaissance des troubles psychiques comme
maladies professionnelles (chapitre 5).
3 Le CHRIT a été créé en 1982 pour assister la Commission européenne dans la surveillance de la mise en
œuvre de la législation européenne à l’échelon national. L’objectif essentiel du Comité est d’élaborer des
principes communs sur l’inspection du travail dans le domaine de la santé et la sécurité au travail. Pour en
savoir plus sur la campagne du CHRIT (en anglais) : http://www.av.se/SLIC2012/