La traductibilité de la métaphore coranique 89
comparaison qui se maintient au niveau mental. Ce transfert
concerne seulement certains plans des significations des mots que
l’on pourrait ranger en deux grandes catégories:
a) la signification dénotative ou référentielle, c’est à dire la signi-
fication de base, telle qu’elle se trouve consignée dans le diction-
naire;
b) la signification connotative-métaphorique, c’est à dire la signi-
fication acquise par le vocable dans un context déterminé;
Il y a des mots qui, dans des circonstances déterminées,
ajoutent à la signification dénotative (référentielle, factuelle) un ni-
veau métaphorique qui apporte au dénoté un surplus d’information
valorisatrice. La métaphore est toujours une image de l’objet reflétée
par la configuration d’un autre objet, et la connexion entre ces deux
objets est un fait de conscience, une activité de valorisation esthé-
tique et cognitive. Ainsi, l’image véritable, complète, ne peut pas être
devinée que d’après son reflet. Le déchiffrement de l’image totale,
cachée, dont parlent les commentateurs musulmans, à partir de ses
reflets evidents dans les mots du texte coranique, est un processus
continuel, parce que les valences métaphoriques de chaque mot
peuvent réverbérer au niveau de l’esprit des significations d’une
grande diversité dès que l’on sort de l’univocité des vocables pour se
rendre attentif aux diverses acceptions selon un même mot est em-
ployé dans divers sens métaphoriques. À ce niveau de la significa-
tion, le dénoté est détaché de son immédiat phénoménologique et
placé, à la limite, entre les connaissances existentes sur le monde et
les intuitions qui n’ont pas un contour précis dans le réseau d’abs-
tractions et de vérités vérifiables dans un certain moment historique.
Ce sens suit les lignes générales de la pensée humaine, ce qui faci-
lite, en grande mesure, le transcodage de la métaphore coranique
dans une autre langue.
Pour synthétiser, on peut dire que le point de départ de la méta-
phore réside dans une construction comparative du type: x est simi-
laire à y. Pour arriver à la métaphore, le terme x et, implicitement, le
relatif de comparaison seront éliminés, tandis que certains traits sé-
mantiques du terme x, telle la réflexion d’une image dont nous ve-
nons de parler, passeront sur le terme y. La comparaison peut être
reconstituée à partir de ces traits sémantiques transférables pour
conduire, finalement, au déchiffrement de la métaphore.