V I E P R O F E S S I O N N E L L E La mise en place pratique d’un réseau de santé ville-hôpital ● M. Dib*, M. Abdelnour*, V. Meininger* n général, créer un réseau au-delà des cadres classiques du système de santé est un acte complexe, certes innovant mais qui nécessite un investissement important en temps et en énergie, car son succès dépend de la capacité à motiver, à impliquer et à associer le personnel médical et paramédical visé, tout en respectant une organisation et une planification sans faille. Sur le plan administratif, depuis le 4 mars 2002, le code de la santé publique, en son article L.6321-1, définit ainsi les réseaux de santé : “Les réseaux de santé ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de l’éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins. Ils peuvent participer à des actions de santé publique. Ils procèdent à des actions d’évaluation afin de garantir la qualité de leurs services et prestations.” E OBJECTIFS D’UN RÉSEAU DE SANTÉ Des enjeux majeurs sont liés au développement des réseaux de santé, qui assurent l’organisation d’une prise en charge adaptée aux besoins du patient tant sur le plan de l’éducation à la santé que sur celui de la prévention, du diagnostic et des soins. Cela permettra de décloisonner le système de santé, replaçant ainsi le patient au centre de ce système, de coordonner et d’optimiser la qualité de sa prise en charge quel que soit son lieu de vie, et d’accroître les compétences des acteurs, sans qu’il soit amené à délivrer des soins directement. Un réseau de santé peut avoir plusieurs objectifs afin de favoriser l’accès aux soins, la coordination des professionnels de santé (médicaux, paramédicaux, psychosociaux) et la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires. DISPOSITIF RÉGIONAL D’ÉVALUATION ET DE FINANCEMENT DES RÉSEAUX Un réseau peut bénéficier d’un financement spécifique s’il satisfait à des critères de qualité, d’organisation et d’évaluation, et s’il répond à un besoin en termes de santé publique ou de priorités régionales. * Réseau SLA Île-de-France, fédération des maladies du système nerveux, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 150 Il peut obtenir un financement s’il apporte une plus-value, dont le promoteur doit pouvoir apporter la preuve. Cette plus-value est de nature médicale, organisationnelle et/ou économique. Jusqu’en 2002, les projets de réseau ville-hôpital ou de réseau de proximité étaient financés essentiellement par le FAQSV (Fonds d’aide à la qualité des soins de ville). Depuis décembre 2002, une enveloppe réseau spécifique a été créée au titre de la Dotation régionale de développement des réseaux (DRDR/5e enveloppe de l’ONDAM). Pour soutenir et faciliter les démarches des promoteurs de réseaux, l’ARH (Agence régionale de l’hospitalisation) et l’URCAM (Union régionale des caisses d’assurance maladie) ont décidé de mettre en place un dispositif régional commun comprenant les représentants des établissements de santé et des professionnels de santé. Ce dispositif est composé de deux instances : un comité régional des réseaux, qui a pour mission de donner un avis sur chaque projet après instruction du dossier par un rapporteur, et un secrétariat régional, interlocuteur de tous les promoteurs, qui réceptionne, trie et oriente l’ensemble des dossiers, puis suit les réseaux financés et mis en place. SUIVI ET ÉVALUATION Souvent confondu avec l’évaluation, le suivi doit faire l’objet d’une démarche spécifique. Pour suivre le projet, le promoteur doit se doter d’un outil de mesure, d’un tableau de bord qui donne les indications nécessaires pour savoir, à tout moment, où en est le projet, ce qui fonctionne, ce qui fonctionne avec difficulté et ce qui ne fonctionne pas. Un tel outil permet le pilotage avisé du projet. Les résultats seront mis en regard des objectifs quantifiés initialement fixés. Des critères d’alerte permettant de déclencher des actions correctives donneront une dynamique au tableau de bord. L’évaluation des réseaux de santé constitue une exigence majeure, rappelée notamment par l’article L.6321-1 du code de la santé publique. Néanmoins, il s’agit d’un exercice difficile. D’une part, l’évaluation occupe encore une place marginale dans le domaine de la santé et, d’autre part, les réseaux représentent un processus d’innovation au sein du système de santé. Souvent réalisée par une personne externe au réseau, l’évaluation est guidée par les différents documents de l’ANAES : elle doit porter sur la structure, les processus, les résultats, les modalités d’intégration des usagers et des professionnels dans le réseau, le fonctionnement courant du réseau et ses aspects économiques. La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 4 - avril 2006 EN PRATIQUE : MISE EN PLACE D’UN RÉSEAU DE SANTÉ Le réseau est une “entreprise” organisée autour d’un ou de plusieurs objectifs répondant à des besoins du système de santé, dont les résultats opérationnels sont mesurables et évaluables. Voici les étapes de la naissance d’un réseau. Philosophie du projet et cohérence avec les priorités de santé Tout commence par les raisons qui ont présidé au lancement du projet : le constat d’une situation insatisfaisante en termes de santé et les problématiques qui en découlent, les principales finalités recherchées et la valeur ajoutée attendue du projet (vis-à-vis des patients, des professionnels de santé, en termes médicaux, organisationnels, économiques, etc.), l’histoire du réseau (actes fondateurs, subventions obtenues, décisions administratives). Mais le projet devrait aussi rentrer dans le cadre d’une priorité au niveau national et régional ainsi que dans le cadre de la définition légale des réseaux de santé (L.6321-1 CSP). Établissement d’une fiche d’identité du réseau 1. Nom du réseau et coordonnées administratives du siège social. 2. Promoteurs : nom, coordonnées, statut juridique de chaque structure promotrice (souvent une association loi 1901). 3. Champ d’action du réseau : aire géographique et population concernée (pathologies et/ou caractéristiques de la population). 4. Composition, organisation interne : comités, instances de décision, responsabilités. 5. Acteurs concernés par le réseau : professionnels médicaux libéraux ou hospitaliers, professionnels paramédicaux, professionnels médico-sociaux, établissements de santé, représentants des usagers. 6. Objectifs et résultats attendus. Ils doivent être quantifiables et mesurables : ✓ les objectifs opérationnels : l’accès aux soins, la coordination, la continuité et la qualité des soins, l’éducation des patients et la globalité de la prise en charge ; ✓ les objectifs économiques : coût du réseau, coût des prestations rendues aux patients, économies générées par l’activité du réseau ; ✓ les objectifs organisationnels : structuration du projet, notamment pour mettre en place les actions, décloisonner les relations entre les acteurs du réseau, reconfigurer l’offre et mieux faire circuler l’information ; ✓ les objectifs qualité : satisfaction des patients et des professionnels, et suivi de la mise en œuvre des actions. Outils de fonctionnement et de communication Ces outils regroupent la charte, le règlement intérieur, la convention constitutive, la fiche d’adhésion des membres, l’annuaire des acteurs du réseau, la fiche d’information et d’inclusion des patients, le dossier médical, l’existence d’un site Internet ou d’un intranet, les protocoles de soins, les documents de formation, le tableau de La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 4 - avril 2006 suivi interne, le cahier des charges de l’évaluation, la communication entre les professionnels, les moyens garantissant le secret médical ou la protection de la confidentialité (CNIL, accès sécurisé). Formation continue transprofessionnelle Elle concerne les formations relatives à une pathologie et celles transprofessionnelles nécessaires à la qualité de ses actions. Économie du projet Le budget prévisionnel global est établi sur plusieurs années, comprenant les charges fixes (loyer, charges de personnel, fournitures, matériels, services extérieurs, etc.), le financement direct et indirect, et les ressources. Suivi et évaluation du projet Après avoir mis en place des procédures (protocoles de prise en charge, notamment) et vérifié qu’elles ont été respectées (assurance qualité), une évaluation qualitative peut se faire (contrôle de la qualité). Des indices comme le coût spécifique par patient et par professionnel de santé peuvent simplifier une évaluation économique souvent complexe. Différents critères sont utilisés dans le cadre de ces évaluations, comme le taux d’utilisation du réseau, l’accessibilité à ses services, la coordination des informations et des soins, le respect des aspects éthiques et déontologiques. CONCLUSION La création de réseaux de santé n’est pas une simple tendance : elle répond à un besoin réel et permet de placer le patient au centre du système de santé, de faciliter la coordination entre hôpital et ville, afin d’éviter – dans la mesure du possible – le recours à des hospitalisations inutiles. Dans un système de santé parfois complexe, à l’image de notre société (!), les réseaux visent à simplifier en définissant des interlocuteurs bien identifiés. Pour cela, ils doivent s’organiser, être capables de motiver, s’adapter devant les difficultés rencontrées, agir et prendre des initiatives, pour arriver à obtenir leurs financements et réaliser leurs objectifs. ■ P O U R E N S A V O I R P L U S . . . ■ La constitution des réseaux de soins ville-hôpital (guides de l’AP-HP). Sous la coordination de R.C. Mancret (direction de la politique médicale). Éditions Lamarre, 2001. ■ Larchet P, Polomeni P. La santé en réseaux : objectifs et stratégie dans une collaboration ville-hôpital. Paris : Masson, 2001. ■ Site URCAM (régions) [dossier FAQSV, dossier DRDR, rapports…]. ■ Décret du 25 octobre 2002 relatif au financement des réseaux, et décret du 17 décembre 2002 relatif aux critères de qualité et aux conditions d’organisation, de fonctionnement ainsi que d’évaluation des réseaux de santé. ■ Évaluation des réseaux de soins : bilan de l’existant et cadre méthodologique. ANAES, octobre 2001. 151