CABINET Forum Med Suisse 2008;8:75–79 76
Diagnostic différentiel
et considérations physiopathologiques
Le tableau classique de l’artérite temporale (AT),
associant des céphalées, une sensibilité des artè -
res temporales et une augmentation de la vitesse
de sédimentation, ne laisse pratiquement guère
place au doute en ce qui concerne le diagnostic.
Les ischémies oculocérébrales sont dues à un
épaississement inflammatoire des parois vascu-
laires, donc un rétrécissement de la lumière des
vaisseaux, éventuellement péjoré par la throm-
bo cytose. Les symptômes constitutionnels et les
myalgies sont le résultat d’une réaction inflam-
matoire systémique avec libération de cytokines
de plusieurs types. Une pathologie musculaire au
sens d’une myosite ou d’une vasculite fait défaut.
On observe en revanche des atteintes inflamma-
toires dans d’autres tissus, d’abord sous la forme
de bursites ou de ténosynovites et ensuite sous la
forme des vasculites déjà décrites précédemment
et qui se manifestent surtout au niveau de la tête.
On ne sait pas pourquoi certains patients dévelop -
pent plutôt un tableau de polymyalgia rheuma tica
(PMR), une AT ou une association des deux entités
[1]. Comme les atteintes des nerfs crâniens régres -
sent bien sous traitement, contrairement aux lé-
sions ischémiques oculocérébrales, il est possible
qu’une méningite aseptique soit impliquée dans
de nombreux cas, bien qu’il n’existe pas d’étude
systématique sur les paramètres du liquide cépha -
lorachidien dans l’AT (la méningite «aseptique»
est de plus un diagnostic d’exclusion) [5].
Devant un tableau de PMR, le diagnostic diffé-
rentiel est quelque peu plus large: d’autres mala-
dies rhumatismales inflammatoires doivent être
évoquées, de même qu’un syndrome paranéo-
plasique ou une infection latente, telle qu’une
endocardite. Comme le traitement repose exclu-
si vement sur les corticostéroïdes ou d’autres im-
munosuppresseurs, les hémocultures sont cer-
tainement justifiées dans les cas atypiques. Une
radiographie du thorax à la recherche de séquelles
spécifiques et un test au QuantiFERON®peuvent
être indiqués pour apprécier le risque de réacti-
vation tuberculeuse sous traitement.
La question de savoir si une biopsie de l’artère
temporale est nécessaire ou non refait régulière-
ment surface et reste controversée. Plus le tableau
clinique parle en faveur d’une AT et plus les exa-
mens d’imagerie tendent à confirmer ce diagnos -
tic, moins il y a de justification à pratiquer la biop-
sie, estiment certains cliniciens. Avant de faire
une biopsie, on recommande souvent de faire un
duplex échographique extra-/intracrânien des
ar tères irrigant les régions du cerveau, afin de
s’assurer que l’artère temporale n’est pas une
collatérale extracrânienne indispensable et que
la biopsie n’est pas contre-indiquée. La présence
à l’échographie d’un halo entourant la lumière
vasculaire autorise à surseoir à la biopsie, selon
les guidelines actuelles. Le halo est typique d’une
vasculite, mais pas spécifique de l’ACG [6]. Une
qui a fait donner le nom à ce tableau d’artérite tem-
porale, même si d’autres segments vasculai res
supra-aortiques et aortiques peuvent également
être touchés par cette forme de vasculite auto-
immune. L’aspect histologique typique des coupes
de biopsies de l’artère temporale explique que le
terme d’artérite à cellules géantes (ACG) soit par-
fois encore utilisé pour décrire cette affection. On
notera que l’artérite à cellules géantes englobe
aussi l’artérite de Takayasu, qui touche cepen-
dant surtout des femmes jeunes et affecte d’au-
tres territoires vasculaires [1]. L’AT est l’artérite
la plus fréquente avec une incidence de l’ordre de
20/100 000 par an dans la population à risque des
femmes de plus de 50 ans originaires d’Europe
du Nord [2]. En plus du gold standard, soit la mise
en évidence des altérations typiques sur les biop-
sies de l’artère temporale, le diagnostic repose
sur une série de symptômes et d’examens com-
plémentaires. Il n’est pas rare que les patients se
plaignent d’une claudication intermittente des
muscles de la mastication, d’une hypersensibilité
du cuir chevelu, d’un état général altéré, d’une
perte de poids, d’un état fébrile et/ou d’une rai-
deur matinale avec des douleurs touchant les
ceintures scapulaire et pelvienne («polymyalgia
rheumatica»). Les examens de laboratoire met-
tent en évidence une élévation des paramètres in-
flammatoires avec en particulier une vitesse de
sédimentation (VS) supérieure à 50 mm/h ou une
discrète anémie, une thrombocytose ou des tests
hépatiques légèrement augmentés. Des examens
d’imagerie appropriés permettent parfois de dé-
celer la présence de liquide dans la gaine du ten-
don du long chef bicipital et des épaississements
non athérosclérotiques des parois vasculaires,
associés à un halo typique à l’ultrasonographie
[3], qui correspond à une zone hypoéchogène
entourant la lumière vasculaire, un signe évident
de vasculite [4]. Les anticorps caractéristiques
des autres maladies de l’immunité font défaut. En
l’absence de traitement, les céphalées, les symp-
tômes constitutionnels et les douleurs des mem-
bres peuvent se compliquer de troubles neurolo-
giques et ophtalmologiques. On redoute ainsi plus
particulièrement la perte soudaine de la vision
consécutive à une ischémie non athérosclérotique
de l’œil. Des infarctus cérébraux ont aussi été
décrits (surtout au niveau du lit vasculaire posté-
rieur). On ne soulignera jamais assez que les
«signes avant-coureurs» de ces événements, par
ex. les épiso des d’amaurose fugace2, devraient
faire procéder à des investigations complémentai -
res immédiates. Des atteintes des nerfs crâniens
s’observent aussi régulièrement.
2L’amaurose fugace correspond à une attaque ischémique
transitoire (TIA), un tableau clinique déjà décrit dans le
Forum Médical Suisse 2006;6:479–84.
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