Céphalées et cécité. 2epartie
Daniel Eschlea, Gregor Jaggib, Hanspeter E. Killerb
aRehaClinic Zurzach, bAugenklinik des Kantonsspitals Aarau
CABINET Forum Med Suisse 2008;8:75–79 75
Introduction
Le mal de tête est un symptôme fréquent dans la
consultation de médecine de premier recours,
mais, contrairement à ce que croient trop souvent
les patients, la plupart des céphalées ne suggè-
rent pas en soi l’existence d’un danger pour la
santé. Certaines formes de céphalées et de facial -
gies plus rares peuvent être associées à une cécité.
On mentionnera ici l’hypertension intracrânienne
idiopathique (HII), l’artérite à cellules géantes ou
artérite temporale (AT) et la crise de glaucome
aigu.
L’HII se manifeste par des céphalées à début
insi dieux, chez des femmes obèses en âge de pro-
créer. Elle s’accompagne fréquemment de trou-
bles de la vision (papilles de stase) en raison de
l’augmen tation de la pression intracrânienne,
alors qu’aucune tumeur cérébrale n’est décelable
et qu’on n’observe aucun signe d’hydrocéphalie
ou de throm bose des sinus veineux cérébraux. En
dehors de la réduction pondérale, la prescrip-
tion d’un traitement diurétique d’acétazolamide
(Diamox®) constitue la principale mesure théra-
peuti que conservatrice actuellement préconisée.
Il existe, après l’hypertension intracrânienne idio-
pathique, des formes secondaires, dues à une
thrombose des sinus veineux cérébraux ou à cer-
tains médicaments, en particulier la minocycline
et les rétinoïdes; le lecteur se référera à la pre-
mière partie de cet article de revue pour une des-
cription plus détaillée de ces différentes entités.
L’artérite à cellules géantes (ACG)
ou artérite temporale (AT)
Tableau clinique
L’apparition insidieuse d’un premier épisode de
céphalées chez un sujet de plus de 50 ans doit
faire penser, en l’absence de troubles cognitifs et
neurologiques focaux, à une possible artérite
tem porale (AT)1. C’est la présence caractéristique
d’artères temporales indurées et douloureuses
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 67 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Quintessence
Certaines formes de céphalées et de facialgies plus rares sont parfois asso-
ciées à une cécité. Il s’agit de l’hypertension intracrânienne idiopathique (HII),
de l’artérite à cellules géantes ou artérite temporale (AT) et du glaucome aigu.
L’HII a fait l’objet d’une description détaillée dans la première partie de cet
article de revue.
L’artérite temporale (AT) touche des sujets de plus de 50 ans, essentiellement
des femmes originaires d’Europe du Nord. Hormis les céphalées et la présence
éventuelle d’une polymyalgia rheumatica associée, on peut trouver des isché-
mies oculocérébrales sur fond de vasculite. Typiquement, la vitesse de sédimen -
tation est très augmentée. L’AT répond en général très bien aux corticostéroïdes
fortement dosés.
Le glaucome aigu entre dans le diagnostic différentiel de l’œil rouge doulou-
reux. L’hyperémie conjonctivale et les douleurs oculaires/céphalées aiguës
avec perte de vision sont la conséquence d’une augmentation soudaine – le plus
souvent unilatérale – de la pression intraoculaire. Les facteurs de risque sont
l’âge avancé, l’hypermétropie et les médicaments susceptibles de provoquer des
effets indésirables anticholinergiques. Un traitement par substances myotiques
et acétazolamide pour abaisser la pression intraoculaire doit être administré
sous la supervision d’un ophtalmologue.
Summary
Headache and visual loss. Part 2
Some of the rarer headache syndromes and forms of facial pain are associ-
ated with a substantial risk of visual loss. They include idiopathic intracranial
hypertension (IIH), giant cell arteritis (GCA), and acute forms of glaucoma.
IIH was discussed in the first part of this review.
GCA is found in persons aged over 50, usually women of Northern European
descent. Apart from headache and possible polymyalgia rheumatica, the main
concern is ocular and cerebral ischaemia due to vasculitis. A typical feature is
marked elevation of the erythrocyte sedimentation rate. GCA responds well to
high dose corticosteroid treatment.
Acute glaucoma should be considered in the differential diagnosis of the “red
eye” syndrome. Venous congestion and acute eye pain with impairment of vi-
sion are caused by an acute – usually unilateral – rise in intraocular pressure.
Older age, hyperopia (farsightedness) and medication with anticholinergic side
effects are the main risk factors. Treatment – directed by an ophthalmologist –
with miotic eye drops and reduction of intraocular pressure with acetazolamide
should be started immediately.
1Les céphalées d’apparition récente (<1 mois), à début
aigu, survenant chez des personnes habituellement sans
maux de tête (surtout si elles ont plus de 50 ans) ou
présentant une sémiologie de céphalées totalement diffé-
rentes, des troubles cognitifs ou des troubles neuro-
logiques focaux, posent l’indication à des investigations
complémentaires sous la forme d’un examen d’imagerie
approprié. Les névralgies faciales nécessitent le plus
souvent une imagerie crâniocérébrale pour exclure une
forme secondaire.
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Diagnostic différentiel
et considérations physiopathologiques
Le tableau classique de l’artérite temporale (AT),
associant des céphalées, une sensibilité des artè -
res temporales et une augmentation de la vitesse
de sédimentation, ne laisse pratiquement guère
place au doute en ce qui concerne le diagnostic.
Les ischémies oculocérébrales sont dues à un
épaississement inflammatoire des parois vascu-
laires, donc un rétrécissement de la lumière des
vaisseaux, éventuellement péjoré par la throm-
bo cytose. Les symptômes constitutionnels et les
myalgies sont le résultat d’une réaction inflam-
matoire systémique avec libération de cytokines
de plusieurs types. Une pathologie musculaire au
sens d’une myosite ou d’une vasculite fait défaut.
On observe en revanche des atteintes inflamma-
toires dans d’autres tissus, d’abord sous la forme
de bursites ou de ténosynovites et ensuite sous la
forme des vasculites déjà décrites précédemment
et qui se manifestent surtout au niveau de la tête.
On ne sait pas pourquoi certains patients dévelop -
pent plutôt un tableau de polymyalgia rheuma tica
(PMR), une AT ou une association des deux entités
[1]. Comme les atteintes des nerfs crâniens régres -
sent bien sous traitement, contrairement aux lé-
sions ischémiques oculocérébrales, il est possible
qu’une méningite aseptique soit impliquée dans
de nombreux cas, bien qu’il n’existe pas d’étude
systématique sur les paramètres du liquide cépha -
lorachidien dans l’AT (la méningite «aseptique»
est de plus un diagnostic d’exclusion) [5].
Devant un tableau de PMR, le diagnostic diffé-
rentiel est quelque peu plus large: d’autres mala-
dies rhumatismales inflammatoires doivent être
évoquées, de même qu’un syndrome paranéo-
plasique ou une infection latente, telle qu’une
endocardite. Comme le traitement repose exclu-
si vement sur les corticostéroïdes ou d’autres im-
munosuppresseurs, les hémocultures sont cer-
tainement justifiées dans les cas atypiques. Une
radiographie du thorax à la recherche de séquelles
spécifiques et un test au QuantiFERON®peuvent
être indiqués pour apprécier le risque de réacti-
vation tuberculeuse sous traitement.
La question de savoir si une biopsie de l’artère
temporale est nécessaire ou non refait régulière-
ment surface et reste controversée. Plus le tableau
clinique parle en faveur d’une AT et plus les exa-
mens d’imagerie tendent à confirmer ce diagnos -
tic, moins il y a de justification à pratiquer la biop-
sie, estiment certains cliniciens. Avant de faire
une biopsie, on recommande souvent de faire un
duplex échographique extra-/intracrânien des
ar tères irrigant les régions du cerveau, afin de
s’assurer que l’artère temporale n’est pas une
collatérale extracrânienne indispensable et que
la biopsie n’est pas contre-indiquée. La présence
à l’échographie d’un halo entourant la lumière
vasculaire autorise à surseoir à la biopsie, selon
les guidelines actuelles. Le halo est typique d’une
vasculite, mais pas spécifique de l’ACG [6]. Une
qui a fait donner le nom à ce tableau d’artérite tem-
porale, même si d’autres segments vasculai res
supra-aortiques et aortiques peuvent également
être touchés par cette forme de vasculite auto-
immune. L’aspect histologique typique des coupes
de biopsies de l’artère temporale explique que le
terme d’artérite à cellules géantes (ACG) soit par-
fois encore utilisé pour décrire cette affection. On
notera que l’artérite à cellules géantes englobe
aussi l’artérite de Takayasu, qui touche cepen-
dant surtout des femmes jeunes et affecte d’au-
tres territoires vasculaires [1]. L’AT est l’artérite
la plus fréquente avec une incidence de l’ordre de
20/100 000 par an dans la population à risque des
femmes de plus de 50 ans originaires d’Europe
du Nord [2]. En plus du gold standard, soit la mise
en évidence des altérations typiques sur les biop-
sies de l’artère temporale, le diagnostic repose
sur une série de symptômes et d’examens com-
plémentaires. Il n’est pas rare que les patients se
plaignent d’une claudication intermittente des
muscles de la mastication, d’une hypersensibilité
du cuir chevelu, d’un état général altéré, d’une
perte de poids, d’un état fébrile et/ou d’une rai-
deur matinale avec des douleurs touchant les
ceintures scapulaire et pelvienne («polymyalgia
rheumatica»). Les examens de laboratoire met-
tent en évidence une élévation des paramètres in-
flammatoires avec en particulier une vitesse de
sédimentation (VS) supérieure à 50 mm/h ou une
discrète anémie, une thrombocytose ou des tests
hépatiques légèrement augmentés. Des examens
d’imagerie appropriés permettent parfois de dé-
celer la présence de liquide dans la gaine du ten-
don du long chef bicipital et des épaississements
non athérosclérotiques des parois vasculaires,
associés à un halo typique à l’ultrasonographie
[3], qui correspond à une zone hypoéchogène
entourant la lumière vasculaire, un signe évident
de vasculite [4]. Les anticorps caractéristiques
des autres maladies de l’immunité font défaut. En
l’absence de traitement, les céphalées, les symp-
tômes constitutionnels et les douleurs des mem-
bres peuvent se compliquer de troubles neurolo-
giques et ophtalmologiques. On redoute ainsi plus
particulièrement la perte soudaine de la vision
consécutive à une ischémie non athérosclérotique
de l’œil. Des infarctus cérébraux ont aussi été
décrits (surtout au niveau du lit vasculaire posté-
rieur). On ne soulignera jamais assez que les
«signes avant-coureurs» de ces événements, par
ex. les épiso des d’amaurose fugace2, devraient
faire procéder à des investigations complémentai -
res immédiates. Des atteintes des nerfs crâniens
s’observent aussi régulièrement.
2L’amaurose fugace correspond à une attaque ischémique
transitoire (TIA), un tableau clinique déjà décrit dans le
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La crise de glaucome aigu
Tableau clinique
Le patient atteint d’une crise de glaucome aigu
se présente avec des céphalées d’apparition sou-
daine (en l’espace de quelques minutes seule-
ment), fronto-orbitaires, en général unilatérales,
plutôt sourdes et sous forme de sensations de
pression, indépendantes de la position et asso-
ciées à une vision floue et voilée du côté atteint
(aussi bien dans la vision lointaine que rappro-
chée, avec ou sans les lunettes). La fermeture des
paupières et les gouttes humidifiantes n’amélio-
rent pas les symptômes. On observe le plus sou-
vent un œil rouge, parfois accompagné également
à l’examen à la «lampe de poche» d’une cornée
trouble (ce qui explique la vision floue et voilée).
Certains patients décrivent des anneaux de cou-
leur flous, entourant une source lumineuse punc-
tiforme, lorsque le sujet la regarde avec son œil
atteint. Les larmoiements spontanés (épiphora)
ne font pas partie du tableau classique de la crise
de glaucome aigu, mais sont régulièrement si-
gnalés [8]. Il n’y a pas habituellement de perte
complète de la vision et les patients sont le plus
souvent en mesure de percevoir la lumière. Les
nausées et les vomissements sont plutôt l’excep-
tion, mais peuvent être présents en cas de dou-
leurs violentes, suggérant alors parfois une mi-
graine [9].
Suivant la population étudiée et suivant la qualité
de l’étude, l’incidence est d’environ quatre glau-
comes aigus sur 100000/an. Ce chiffre peut néan-
moins être plusieurs fois plus élevé à un âge plus
avancé, chez les femmes et chez les sujets origi-
naires de Chine [10]. L’hypermétropie et la pré-
fois que la corticothérapie a démarré, la biop sie
n’est plus interprétable que durant un laps de
temps limité – en principe une semaine au maxi-
mum. Or, tout retard dans la mise en route du trai-
tement est déconseillé en raison du risque de
perte de la vision. D’autre part, les atteintes carac -
téristiques ne touchent souvent pas les segments
vasculaires de façon homogène, si bien que la biop-
sie peut toucher des portions indemnes et donc
donner un résultat faussement négatif par un
effet d’erreur d’échantillonage [2].
Possibilités de traitement
La corticothérapie doit débuter rapidement, à
fortes doses et durer longtemps! La dose initiale
de prednisone est généralement fixée à 1 mg/kg/j.
Il suffit alors habituellement de quelques jours
pour obtenir une amélioration spectaculaire et
durable des symptômes, considérée par de nom-
breux cliniciens comme un argument supplémen -
taire en faveur du diagnostic de suspicion. Comme
les corticostéroïdes agissent principalement sur
l’état inflammatoire systémique («cytokines») et
influencent moins le processus de la vasculite
proprement dite, des ischémies oculocérébrales
restent possibles durant la phase initiale du trai-
tement. Certains recommandent par conséquent
d’administrer des doses initiales de corticostéroï -
des encore plus élevées, par ex. 500 à 1000 mg/j
de méthylprednisolone (Solumedrol®) i.v. durant
trois jours, puis 1 mg/kg/j de prednisone per os.
La méthylprednisolone est également disponible
sous forme orale (Medrol®). Les conseils en ma-
tière de schémas de réduction des doses ultérieu -
res de stéroïdes sont assez hétérogènes: la Société
allemande de neurologie préconise une réduction
des doses journalières de prednisone de 10 mg
par semaine, jusqu’à ce qu’on parvienne à 20 mg
par jour, puis une réduction de 1 à 2,5 mg toutes
les deux à quatre semaines (www.dgn.org). Des
écarts par rapport à ce schéma sont possibles, en
fonction de l’évolution de la CRP, de la VS et de la
clinique, en particulier des céphalées et des dou-
leurs des extrémités. Des épargnants des sté-
roïdes, tels que l’azathioprine ou le méthotrexate,
sont régulièrement mentionnés dans la littéra-
ture, mais leur efficacité est controversée. Leur
principal inconvénient par rapport aux cortico -
stéroïdes est un délai d’entrée en action long et une
moins bonne maniabilité. Compte tenu du risque
d’accident ischémique et de thrombocytose sou-
vent associée, l’administration concomitante d’un
antiagrégant plaquettaire semble sensée [7]. Un
traitement préventif contre l’ostéoporose est en
outre justifié au cours de toute corticothérapie de
longue durée. En règle générale, on peut s’atten-
dre à une guérison spontanée en l’espace de deux
ans environ. La morbidité de la maladie de base
est marquée durant cette période par les effets in-
désirables et la dose cumulée de corticostéroïdes.
Le tableau 1 présume les caractéristiques de
l’artérite temporale.
Tableau 1. Caractéristiques de l’artérite à cellules
géantes ou artérite temporale.
Groupe à risque Sujets de plus de 50 ans
(les femmes sont plus souvent
atteintes que les hommes), plus
fréquente chez les personnes
originaires d’Europe du Nord que
du Sud
Symptômes Céphalées à début insidieux avec
le cas échéant des douleurs dans
les extrémités; cécité apoplecti que
possible
Signes clinique Douleur à la palpation des artères
temporales; artérite à cellules
géantes à l’examen de la biopsie
de l’artère temporale; VS supé-
rieure à 50 mm/h
Diagnostic différentiel Douleurs des extrémités en
relation avec une autre maladie
rhumatismale; VS augmentée par
suite d’infection ou de tumeur
Traitement Traitement de prednisone au
long cours avec une dose initiale
de 1 mg/kg/j et administration
concomitante d’aspirine et de
calcium/D3
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ciliaire. Les différents mécanismes conduisent
constamment à la même constatation de ferme-
ture de l’angle de la chambre antérieure. L’aug-
mentation des résistances à l’écoulement de l’hu-
meur aqueuse au niveau du corps ciliaire, de la
surface postérieure du cristallin (bloc ciliaire) ou
du rideau pupillaire de l’iris et de la surface anté -
rieure du cristallin (bloc pupillaire) induit un ar-
rêt de la circulation de l’humeur aqueuse, qui pro-
voque un déplacement antérieur du diaphragme
lentille-iris, jusqu’à ce que la zone d’insertion de
l’iris ferme l’angle de la chambre antérieure [13].
L’augmentation de la PIO, qui est ressentie comme
une sensation de douleur sourde de pression, aug-
mente d’une part la résistance à l’écoulement vei-
neux des enveloppes externes de l’œil, ce qui expli -
que la rougeur, et diminue d’autre part la capacité
d’évacuation de l’humeur aqueuse de l’endothé-
lium cornéen. L’œdème de la cornée qui en résulte,
entraîne une vision trouble et voilée, parfois as-
sociée au phénomène des anneaux colorés visua -
lisés autour des sources lumineuses. Après le re-
tour de la PIO à des valeurs normales, l’œdème
de la cornée est en général complètement réver-
sible en l’espace de quelques minutes ou de quel -
ques heures. Une forte augmentation de la PIO
peut entraîner des occlusions vasculaires, capables
de provoquer des lésions irréversibles de la rétine
(le plus souvent lorsque les valeurs tensionnelles
dépassent 40 mm Hg). C’est principalement là
que réside le vrai danger du glaucome aigu.
L’œil rouge douloureux doit faire évoquer le diag-
nostic différentiel suivant: érosions et ulcères
cornéens. L’anamnèse révèle classiquement
un traumatisme oculaire, un corps étranger, une
conjonc tivite récente ou le port de verres de
contact. La principale différence avec le glau-
come aigu tient en général au blépharospasme
(spasme en fermeture de la paupière). Un œil qui
ne peut pas être ouvert, ainsi que toute rougeur
douloureuse de l’œil chez un porteur de verres
de contact doit être rapidement référé au spécia-
liste en ophtalmologie.
Dans la conjonctivite, on observe typiquement un
œil rouge, sans toutefois que les douleurs soient
au premier plan. La plupart des conjonctivites
sont d’origine virale et s’accompagnent fréquem -
ment d’une surinfection bactérienne. Elles évo-
luent presque toujours vers la guérison spontanée
en quelques jours ou quelques semaines. En cas
d’accolement matinal des paupières, une antibio -
thérapie locale est conseillée, une humidification
des paupières pouvant sans cela procurer un cer-
tain soulagement.
Le cluster headache se présente sous la forme
d’atta ques de céphalées extrêmement intenses,
toujours d’un seul et même côté, dans la région
fronto-orbitaire. Elles surviennent typiquement
de façon répétée certains jours ou en certaines sai-
sons (cluster) et s’accompagnant de symptômes
autonomes, notamment d’un syndrome de Horner,
d’un larmoiement, d’une rougeur de l’œil et d’une
sence d’antécédents de glaucome et de maladies
glaucomateuses préexistantes constituent des fac-
teurs de risque et les mydriatiques (par ex. anti-
cholinergiques) peuvent augmenter le danger de
glaucome aigu chez les sujets prédisposés [11].
L’hypermétropie (le degré de correction des lu-
nettes est décrit par un nombre de dioptries po-
si tif) favorise aussi le glaucome aigu chez les
adultes jeunes. La crise de glaucome est typique-
ment unilatérale, mais peut aussi survenir des
deux côtés simultanément. Les glaucomes et les
crises de glaucome sont très rares chez l’enfant
et l’adolescent et forment un groupe à part et dé-
passeraient le cadre de cet article. Nous ne les
aborderons donc pas ici.
L’examen clinique doit surtout inclure une appré -
ciation grossière de la vision monoculaire (il suffit
souvent de couvrir un œil et de poser la question
«Voyez-vous moins bien que d’habitude de ce
côté?»), une évaluation de la réaction pupillaire
des deux côtés et une palpation des deux globes
oculaires. Ces examens sont faciles à réaliser au
cabinet de médecine de premier recours et peu-
vent déjà donner des informations très précieu -
ses. Devant une vision monoculaire diminuée du
côté où prédominent les céphalées (sans amélio-
ration par le port de ses propres lunettes, ni après
les battements de paupières), une pupille réagis-
sant moins bien et se trouvant en discrète my-
driase, un œil qui semble «plus dur» à la palpation
par rapport au côté controlatéral et en présence
d’un «œil rouge», il y a de fortes chances que l’on
soit en présence d’une pression intraoculaire aug-
mentée qui sera confirmée par l’ophtalmologue.
Celui-ci pourra ensuite mettre en place le traite-
ment approprié (fig. 1 x).
Diagnostic différentiel et considérations
physiopathologiques
Le mécanisme pathogénique du glaucome aigu
réside dans une augmentation soudaine de la
pression intraoculaire (PIO) au-delà de la limite
supérieure de la norme: 15 86 mm Hg [12]. Il
existe le plus souvent un obstacle à l’écoulement
de l’humeur aqueuse produite au niveau du corps
Figure 1
Œil dans un cas de glaucome aigu avec injection mixte,
œdème de la cornée et discrète déformation pupillaire.
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rhinorrhée. Entre les crises de céphalées, dont la
durée est de l’ordre de 30 à 60 minutes, les pa-
tients (en majorité des hommes) sont totalement
asymptomatiques. Le larmoiement entraîne une
vision légèrement trouble, qui s’améliore en gé-
ral nettement par le battement des paupières.
Les autres signes ophtalmiques, comme l’absence
d’opacification de la cornée, la PIO normale et le
fond d’œil sans particularités, de même que la
présence d’une pupille myotique distinguent le
cluster headache de la crise de glaucome aigu. Le
traitement de la phase aiguë fait appel à l’oxygé-
nothérapie à fortes doses et à l’administration
sous-cutanée de sumatriptan (www.dgn.org).
Options thérapeutiques
En cas de crise de glaucome aigu, il est conseillé
d’adresser le patient à l’ophtalmologue en urgence,
dans la mesure où une augmentation importante
de la PIO compromet la perfusion rétinienne et
peut conduire à des lésions irréversibles de la ré-
tine avec perte de vision de l’œil touché. L’admi-
nistration immédiate de 1 × 500 mg d’acétazola-
mide (Diamox®) per os et l’instillation d’un collyre
contre l’hypertension IO, par exemple du timolol
(Timoptic®), ne fera très certainement pas de mal
si le diagnostic de suspicion devait par la suite
s’avérer faux et sera suffisamment efficace dans
la majorité des cas pour éviter une hospitalisa-
tion [14]. Le traitement par myotiques décrit dans
la littérature n’est guère recommandé au prati-
cien de premier recours. Théoriquement, il est
approprié en cas de bloc de l’angle de la chambre
antérieure, mais présuppose un diagnostic cor-
rect, ce qui ne peut être assuré que moyennant un
examen de l’angle – en général par gonioscopie –
à la lampe à fente. Une pupille en fort myosis com-
plique de plus l’examen du fond d’œil, au demeu -
rant essentiel dans l’examen ophtalmologique.
Normalement, ni le patient, ni l’ophtalmologue
n’attendent du médecin traitant qu’il ait déjà ini-
tié un traitement exhaustif avant le consilium
en urgence. Il est néanmoins important pour le
médecin généraliste de se souvenir que chaque
patient présentant des céphalées et un œil rouge
peut en fait souffrir d’un glaucome aigu et pour
l’ophtalmologue de garde que tout œil rouge n’est
pas nécessairement une crise de glaucome aigu.
Le tableau 2 présume les principales caracté-
ristiques du glaucome aigu.
Remerciements
Nous tenons ici à remercier le Dr Torsten Kall-
weit, chef de clinique à la RehaClinic Zurzach, et
le Dr Esther Juzi, spécialiste en médecine interne
et en rhumatologie à Wädenswil, pour leur lec-
ture critique du manuscrit et leurs précieux com-
mentaires.
La première partie de cet article est parue dans le numéro
4/2008 de Forum.
Tableau 2. Caractéristiques de la crise de glaucome
aigu (bloc aigu de l’angle).
Groupe à risque Sujets de plus de 40 ans hyper-
métropes, le cas échéant avec
antécédents de glaucome et/ou
traitement anticholinergique
Symptômes Céphalées aiguës à prédominance
orbitaire (en général unilatérales),
vision trouble et voilée (pouvant
aller jusqu’à la cécité en l’absence
de traitement), éventuellement
nausées, pouvant aller jusqu’à des
vomissements
Signes cliniques Œil rouge avec globe dur comme
de la pierre (comparaison des
deux côtés); anisocorie et possi-
ble diminution de la motricité
pupillaire; surface cornéenne
trouble
Diagnostic différentiel Œil rouge dans le cadre d’une
conjonctivite; cluster headache
Traitement Médecin traitant: gouttes de
Timoptic®et 1 × 500 mg de
Diamox®
Ophtalmologue: myotiques (gout -
tes de pilocarpine), Diamox® (i.v.)
ainsi que, le cas échéant,
interventions spéciales de chirur-
gie ophtalmique
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Correspondance:
Dr Daniel Eschle
Facharzt für Neurologie FMH
RehaClinic Zurzach
Quellenstrasse
CH-5330 Bad Zurzach
d.eschle@rehaclinic.ch
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