CORRIGÉ
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ORAL • SUJET 40
lement un mouvement de fuite par rapport à une situation indigente, mais il
s’oriente vers un bien : son mouvement est intentionnel.
Mais Éros n’est plus seulement amour charnel, il se porte sur le savoir. En
effet, son rapport au savoir est double : d’une part, il en est « passionné de
savoir », en ce sens il est irrésistiblement attiré par lui, donc ici le désir est
soumis à son objet ; et d’autre part, Éros est « fertile en expédients », c’est-
à-dire en idées ; il produit un savoir. Ce rapport, où le savoir est à la fois le
sujet du désir (quand le désir est mû par le savoir) et son objet (quand le
désir produit un savoir), semble se faire en un seul et même mouvement.
L’Éros philosophique est donc qualifié ainsi : « c’est un sorcier redoutable,
un magicien et un expert ».
Si cet Éros philosophique est inconfortable, c’est parce que « ce qui lui
procure ses expédients sans cesse lui échappe ». En raison de sa double
nature, Éros est toujours en quête et en manque ; le savoir n’est jamais
acquis définitivement, il est toujours à réactualiser, à se réapproprier, sous
peine de se transformer en idée figée, arrêtée ou même en dogme. On
retrouve ici l’idée d’une pensée comme dialogue de l’âme avec elle-même.
La pensée n’est vivante, n’existe que si elle est questionnée et questionnante.
3. La spécificité du désir philosophique
En conséquence de cela, dans un troisième temps (204a), est affirmée la
thèse de Diotime : Éros est un intermédiaire entre savoir et ignorance,
entre une nature divine et une nature mortelle. Les dieux ne philosophent
pas, c’est-à-dire qu’ils ne désirent pas être sages, ils le sont déjà. Les igno-
rants non plus ne philosophent pas car ils ne peuvent vouloir ce dont ils
n’ont pas conscience de manquer. Ainsi, celui qui ne s’imagine pas en être
dépourvu ne désire pas ce dont il ne croit pas devoir être pourvu : on peut
faire un parallèle avec tout phénomène d’aliénation. En effet, tant que l’on
n’a pas pris conscience de son état de servitude et de souffrance, on ne
peut s’en émanciper.
Cette partie est au cœur du paradoxe de la connaissance énoncé dans le
Ménon en 80c : On ne peut chercher ni ce qu’on connaît, ni ce qu’on ne
connaît pas. Pour connaître, il faut chercher ce que l’on ne connaît pas, or
pour le chercher, et le « reconnaître » (grâce à la maïeutique), il faut savoir
ce que l’on cherche, donc le connaître. Celui qui cherche à savoir, le philo-
sophe, n’est donc ni tout à fait savant, ni tout à fait ignorant.
Conclusion
Ainsi Éros est fils de Poros et de Pénia, de richesse et de pauvreté : dans
un état instable de recherche continuelle. Il est donc à la fois manque et
élan pour combler ce manque. Il est dans un état de souffrance qui vise à
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