EXCELLENCE INNOVATION VALORISATION
La sclérose en plaques :
de la détresse à l’espoir
Plus de cent ans après sa première description par le médecin
français Charcot, la sclérose en plaques compte encore parmi les
pathologies dont les mécanismes
intimes restent les plus obscurs.
Septembre 2013
CRCHUM Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal
Selon la Société canadienne de la sclérose en plaques, environ
trois nouveaux cas par jour sont déclarés au Canada, rejoignant
les quelque 100 000 patients déjà répertoriés. La maladie est
généralement diagnostiquée entre 15 et 40 ans, elle touche
trois femmes pour un homme, évolue vers un handicap sévère
dans 85 % des cas et ne connaît actuellement aucun traitement
curatif.
Les origines de la maladie sont peu connues. On sait cepen-
dant qu’elle n’est pas contagieuse. Les chercheurs s’entendent
pour dire que les causes reposent non seulement sur des com-
posantes génétiques, mais également sur des facteurs envi-
ronnementaux. Les cliniciens ont maintenant à disposition des
outils puissants pour diagnostiquer la maladie; après entrevue
et examens fonctionnels, la résonance magnétique nucléaire,
voire la ponction lombaire représentent des moyens fiables pour
poser le verdict.
Bien qu’il soit impossible de prévoir l’évolution de la patholo-
gie, on en décrit habituellement deux grands types selon la
fréquence et la réversibilité des symptômes : dans 85 % des
cas, la forme est appelée « poussées- rémissions », caractérisée
par l’apparition de crises majeures suivies de périodes de répits.
Quelques médicaments ont déjà été développés pour calmer et
Envoi de poste-publication, numéro de convention : 40051592
DOSSIER SPÉCIAL
Sclérose en plaques
Par Laurent Salez
Lésion typique de sclérose en plaques
Un échantillon de cerveau post-mortem d’un patient atteint de la sclérose
en plaque a été coloré au luxol-fast blue et à l’hématoxyline-éosine. La myéline
est normalement colorée en bleu; on peut donc observer les régions du cerveau
où la myéline a été détruite (perte de coloration bleue, régions apparaissant en
rose). De plus, la présence de globules blancs au sein du cerveau est détectée
par la coloration de leur noyau en violet.
Perte de myéline
Photo : Jorge Ivan Alvarez et Simone Terouz
Infiltration de globules blancs
réduire les poussées, sans pour autant prévenir l’apparition
de nouvelles crises. Dans 15 % des cas, l’évolution est bien
différente : on parle alors de diverses formes progressives,
pour lesquelles il n’existe actuellement aucun traitement pour
freiner la constante et irréversible évolution des symptômes.
Si on ne connaît pas les causes de la maladie, on sait par
contre comment elle se manifeste. Les nombreuses recher-
ches ont permis de prouver qu’elle est la conséquence de
la dégradation de fibres nerveuses dans le système nerveux
central. On pointe comme premier responsable le système im-
munitaire, chargé initialement de défendre l’organisme contre
les infections et les cancers. Les cellules de l’immunité par-
fois se trompent de cible et dégradent la myéline, ce puissant
isolant naturel qui tapisse l’extérieur des cellules nerveuses et
permet une conduction efficace de l’influx nerveux. Lorsque la
myéline fait défaut, une série de manifestations pathologiques
se révèlent : douleurs, raideurs, fatigue, troubles de l’équilibre,
de la mobilité et de la mémoire, anxiété, dépression, infec-
tions, etc.
Les chercheurs
s’entendent pour
dire que les causes
reposent non
seulement sur
des composantes
génétiques, mais
également sur
des facteurs
environnementaux.
DOSSIER SPÉCIAL
Sclérose en plaques
Lésion typique de sclérose en plaques
Les pages qui suivent présenteront la sclérose en plaques
de plusieurs perspectives différentes mais complémentaires :
celles d’une patiente, d’une infirmière, des cliniciens et des chercheurs.
Chefs de file au Canada et à l’échelle mondiale, le CHUM et son
Centre de recherche hébergent une équipe interdisciplinaire haute-
ment qualifiée et expérimentée. Une équipe de chercheurs recon-
nue comme une des meilleures dans le monde travaille en étroite
collaboration avec un service médical qui fait aujourd’hui référence.
Ensemble, ils dévouent leur temps et leurs compétences et en font
leur combat auprès de milliers de patients déjà engagés. C’est la
convergence des observations et les échanges constants entre pro-
fessionnels et patients qui assurent à chacun des acteurs impliqués
de s’alimenter mutuellement et ainsi de garantir des soins tou-
jours plus efficaces et de développer une recherche toujours plus
à l’avant-garde.
Photo : Jorge Ivan Alvarez et Simone Terouz
2RECHERCHE CRCHUM SEPTEMBRE 2013
Chantal Girard était éducatrice spécialisée à
l’Hôpital Rivière-des-Prairies auprès de patients atteints
de graves troubles mentaux. Elle aimait son travail et le
faisait avec enthousiasme et conviction.
Chantal Girard :
« L’important, ce n’est pas ce qui
arrive, c’est ce que tu fais avec ! »
On peut facilement imaginer qu’elle était appréciée et recon-
nue, tant sa foi et son amour de vivre transparaissent dès le
premier contact.
En 1996, l’apparition de symptômes inquiétants la force à
consulter. Alors que les médecins hésitent encore avec un
syndrome amyotrophique, le diagnostic tombe comme un
couperet en 2003 : Chantal devra vivre avec la sclérose en
plaques, qu’elle refusera toujours ensuite de voir comme une
fatalité mais plutôt comme une raison de se battre et de com-
prendre le message que la vie lui envoie.
Depuis, Chantal ne cesse de se tenir au courant de l’état des
recherches et des thérapies en développement. Elle place une
confiance sans limites envers ceux qui ont déjà déclaré la
guerre à cette maladie, qu’on connaît encore si mal et qu’on a
encore tant de mal à soigner.
Atteinte par la forme progressive primaire de la maladie, qui
ne connaît par ailleurs aucun traitement encore actuellement,
elle accepte de rejoindre l’équipe du CHUM en 2007 pour se
soumettre à une nouvelle thérapie. Elle gagne le surnom de
rat de laboratoire auprès de ses amis, qui la soutiennent et
l’encouragent à poursuivre son combat. Mais le traitement
ne fonctionne pas. Ses espoirs de guérison s’évanouissent un
moment, mais pas pour longtemps. Sa rage de vivre l’emporte
sur la morosité. Son sourire et sa vivacité, plus que jamais, la
guident vers de nouveaux espoirs.
La clinique de neurologie du CHUM la reçoit régulièrement.
Elle y obtient des soins particuliers et repart avec des conseils
qui l’aident à mieux gérer son quotidien. Même si son autono-
mie et sa force vitale sont intactes, un soutien psychologique
et une approche humaine de la part d’une équipe profession-
nelle et expérimentée lui apparaissent comme fondamentaux
pour garder la tête haute. Quand on lui demande quel regard
elle porte sur l’équipe du CHUM, elle explique que toute sa re-
connaissance va à ceux qui cherchent, vers ceux qui soignent
et vers les généreux donateurs pour que de nouveaux traite-
ments, enfin, rendent plus supportables des symptômes qui
sans cesse sont plus douloureux et difficiles à intégrer dans
une vie comblée et heureuse.
L’important, lui répétait son père aujourd’hui disparu, ce n’est pas
ce qui arrive, c’est ce que tu fais avec ! Chantal ne l’a pas oublié et en
a fait sa raison de vivre. Elle a décidé de s’impliquer dans le conseil
d’administration de la Sclérose en plaques St-Hyacinthe-Acton à
titre de secrétaire. Elle met à contribution toutes ses compétences,
notamment en participant à des levées de fonds et à des événe-
ments d’entraide.
J’ai rencontré Chantal quelques minutes après que son infirmière lui
propose une nouvelle molécule à l’essai. Son but : l’aider à retrouver
sa démarche de jeune fille ! Le rêve de Chantal qu’elle me confie
enfin : une fois ses économies rassemblées, elle rejoindra la France
et parcourra le chemin de Compostelle.
Chantal Girard
DOSSIER SPÉCIAL
Sclérose en plaques
3
RECHERCHE CRCHUM SEPTEMBRE 2013
Lempathie, la franchise
et la confiance
L’équipe médecin patient
« Lannonce d’un diagnostic de sclérose en plaques est un art »,
déclare le Dr Marc Girard, neurologue à la clinique ambulatoire de
neurologie du CHUM. Il s’agit là d’un moment crucial pendant lequel
une forte relation de confiance doit nécessairement s’installer entre
le patient et son médecin ; relation privilégiée qui, notons-le, durera
par ailleurs de nombreuses années.
À ce moment précis, le patient se pose de nom-
breuses questions : faudra-t-il cesser de travailler,
comment annoncer le diagnostic aux proches,
faut-il nécessairement envisager d’être privé un
jour de son autonomie, quels sont les traitements
disponibles ?... Autant de questions auxquelles le
médecin doit faire face et auxquelles il doit répon-
dre avec autant de franchise, d’empathie que de
respect.
L’impossibilité de prédire comment la maladie
évoluera avec le temps place le médecin dans une
situation délicate et particulière qui implique de
prendre le temps pour écouter, informer et ras-
surer. La cohésion du message va de pair avec
celui du reste de l’équipe soignante qui prendra le
relais et accompagnera le patient tout au long de
son combat. C’est encore un travail collaboratif
avec l’ensemble des acteurs impliqués qui assure
l’application d’un traitement adapté et la collecte ex-
haustive de données précieuses pour la recherche.
À l’époque le D
r
Girard a commencé à recevoir
des patients atteints de sclérose en plaques, il y
a une vingtaine d’années, son travail consistait es-
sentiellement à diagnostiquer la maladie. L’absence
totale de traitement n’impliquait aucun suivi par-
ticulier et laissait le patient sans solutions médi-
cales. Aujourd’hui, les choses ont quelque peu
évolué. Avec le développement de l’imagerie par résonance
magnétique et la découverte d’agents pharmacologiques gé-
néralement fiables, sa charge de travail a considérablement
augmenté, notamment pour gérer les effets secondaires de
certains médicaments ou proposer des traitements spéci-
fiques destinés à soulager les symptômes.
Dr Marc Girard
Suite à la page 9
L’impossibilité de prédire comment la
maladie évoluera avec le temps place le
médecin dans une situation délicate et
particulière qui implique de prendre le
temps pour écouter, informer et rassurer.
DOSSIER SPÉCIAL
Sclérose en plaques
4RECHERCHE CRCHUM SEPTEMBRE 2013
Sa fonction nécessite une grande expérience dans le
suivi et le traitement de la maladie. Son métier est très
complexe car elle doit non seulement connaître par-
faitement l’importante variabilité des symptômes et
des traitements, mais elle doit également être capable
de répondre aux nombreuses attentes des patients.
La sclérose en plaques a ceci de particulier qu’elle im-
plique souvent des syndromes dépressifs; selon elle,
l’empathie et le don de soi font partie intégrante de
sa fonction, qu’elle estime avant tout être une voca-
tion. Même si le lien de confiance avec un patient peut
mettre des mois à s’installer, il finit toujours par pren-
dre sa place et rendre le combat plus efficace.
L’annonce du diagnostic implique de gérer avec diplo-
matie et humanité une grande incertitude et une forte
inquiétude de la part du patient. « Accompagner un patient atteint
de cette maladie, c’est l’aider à accepter de nombreux deuils »,
déclare-t-elle, consciente que l’on ne doit pas accepter la maladie
mais apprendre à vivre avec. Là est une de ses fonctions premières,
car à ses yeux il semble évident que l’état psychique du patient aide
considérablement au traitement des symptômes et qu’un travail
d’équipe avec le médecin assure une meilleure prise en charge. En
effet, le choix du traitement repose sur une décision du patient;
ses capacités à prendre du recul et à comprendre ses choix sont
donc primordiaux. Dans le système de santé actuel, Josée fait figure
d’exception. Étant donné que chaque patient évolue et réagit aux
traitements de façon différente, le fait d’être spécialisée lui permet
de mieux connaître la maladie et ainsi de répondre plus efficace-
ment à la détresse et aux angoisses. L’anxiété, propre au patient
atteint de sclérose en plaques, est une composante importante que
l’on ne doit jamais perdre de vue.
Aider les patients à apprendre à
vivre avec la sclérose en plaques
Josée Poirier est infirmière clinicienne spécialisée dans
l’accompagnement et les soins de patients atteints par la
sclérose en plaques. Elle reçoit chaque semaine en clinique
au Centre ambulatoire de neurologie du CHUM. Fière et digne
combattante depuis presque 20 ans, Josée Poirier est le membre
incontournable d’une
équipe soignante qui base
son action sur la collabo-
ration et l’association des
compétences.
Josée Poirier
Suite à la page 9
Même si le lien de confiance
avec un patient peut mettre des
mois à s’installer, il finit toujours
par prendre sa place et rendre le
combat plus efficace.
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Sclérose en plaques
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