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Séminaire NoSoPhi/Collège international de philosophie
L'animalité et la sauvagerie : Kant après Lévi-Strauss
Diogo SARDINHA
Axe « Philosophie, politique et société »
Les séances ont lieu le mercredi, de 18h30 à 20h30, au Carré des Sciences, 1 rue Descartes, 75005 Paris
(Métro ligne 10, station Maubert-Mutualité ou RER B, arrêt Luxembourg).
Calendrier
Diogo SARDINHA (Salle JA05)
Diogo SARDINHA (Salle JA01)
Georges CHAPOUTHIER (CNRS) : L'homme est-il un singe comme les autres ? (Salle JA05)
Luc BRISSON (CNRS) : La mystique sauvage (Salle JA01)
Guillaume LE BLANC (Université Bordeaux 3) : La précarité et la pauvreté (Salle JA05)
Maria Rita CÉSAR et André MACEDO DUARTE (Université fédérale du Paranà, Brésil) :
Les communautés et les revendications (Salle JA01)
Diogo SARDINHA (Salle JA05)
Diogo SARDINHA (Salle JA01)
Argument
Au moins depuis Lévi-Strauss, le mot sauvage n’est plus synonyme d’inculte ni de barbare : ceux qui ont souvent
été appelés sauvages possèdent une culture et un langage en rien inférieurs à ceux des « civilisés ». Vidé de son
contenu injurieux, le mot se transforme en un ressort pour la pensée, qui devient elle-même sauvage, quoique
dans un autre sens : elle se soustrait désormais à la raison constituée, celle qui prétend ériger ce qui serait « notre »
culture et « notre » langage en critères de civilisation.
Il arrivait autrefois à la philosophie de faire aussi des partages selon un supposé critère de sauvagerie. Ainsi Kant
distingue-t-il, à l’intérieur d’un peuple, d’un côté la nation, constituée par ceux qui se reconnaissent dans un passé
et un présent communs, de l’autre côté la populace, qui s’excepte des règles en cours et dont la « réunion
contraire aux lois est l’émeute ». Dans le même élan, Kant désigne la populace comme « l’élément sauvage » du
peuple, rendant la sauvagerie intérieure au peuple, et non plus extérieure, comme dans l’étrangeté de la rencontre
avec des cultures habitant des horizons lointains.
La reprise aujourd’hui du motif d’une pensée sauvage répond au besoin renouvelé de contrecarrer ce mouvement
d’intériorisation. Si après l’anthropologie structurale les « sauvages » d’ailleurs ne le sont plus, il reste que d’autres
« sauvages » font apparition parmi nous (mais on voit bien que ce « nous » se constitue aussi par et dans le geste
de considérer certains « autres » comme des « sauvages», notamment des « autres » intérieurs à « nous »). C’est ce
qui arrive lorsque des mots plus au moins infamants (la racaille, les bandes, les casseurs) servent à désigner ceux
qui ne se plient pas aux lois en vigueur ou aux convenances établies. Hier comme aujourd’hui, ce vocabulaire
partage la société en « bons citoyens » et en « hors-la-loi ». Pourtant, que se passerait-il si on affirmait qu’il n’y a
pas de « sauvages » parmi « nous » et que le peuple n’est pas scindé comme le prétendait Kant et comme d’autres
continuent de nous le faire croire ?