LE BADEZET Eva Master 1. Information/Communication PENSER LES MEDIAS (A. CALMES) L’école de Palo Alto Année universitaire 2009 / 2010 Semestre 1 2 L’école de Palo Alto, petite ville de Californie située près de San Francisco et non loin de la Silicon Valley doit son nom aux études originales menées sur la communication interpersonnelle. L’interactionnisme rassemble deux courants développés séparément aux Etats-Unis. En premier lieu, l’analyse de la communication interpersonnelle (Ecole de Palo Alto) et ensuite le courant sociologique de l’interactionnisme symbolique qui conçoit la société comme l’interaction entre les individus (Ecole de Chicago). C’est au cours des années 50, que le modèle systémique est à son apogée en ce qui concerne les réflexions sur la communication. Ce modèle de la théorie de l’information selon lequel le message est unidirectionnel a été initié par Shannon et Weaver en 1949. Cette première théorie montre que l’émetteur, le récepteur et le message sont des entités très restreintes où l’importance de la transmission est réduite. En parallèle, l’étude des relations humaines émerge aux Etats-Unis, des chercheurs américains tentent de reprendre à zéro les études sur la communication interpersonnelle sans tenir compte du modèle télégraphique énoncé en 1949. C’est à Palo Alto que s’installent l’anthropologue Gregory Bateson et son équipe de recherche pour tenter de formuler une théorie générale de la communication. Se joignent à lui, les psychiatres Don Jackson, Paul Watzlawick et Janet Beavin, leur arrivée oriente l’école de Palo Alto vers une approche psychiatrique tout en conservant son caractère théorique. Qu’il s’agisse de rituels amoureux, de délibérations d’un jury ou du quotidien d’un hôpital psychiatrique, le jeu social n’est pas une donnée, mais un processus que les chercheurs doivent décortiquer par l’observation. « On ne peut pas ne pas communiquer » et «Communiquer c’est entrer dans l’orchestre » sont les plus célèbres axiomes formulées par les détracteurs de l’école de Palo Alto. En effet, la communication est perçue comme un processus global, social et permanent se manifestant sur des registres multiples comme le comportement, la parole, le geste, le regard, la mimique… l’approche communicationnelle de Palo Alto permet l’analyse du contenu et de l’environnement du message, ce que ne prenait pas en compte le modèle de Shannon et Weaver. Beaucoup de messages sont complexes par leurs aspects paradoxaux et implicites, ils sont lourd de sous entendus. Cette école permet donc d’échapper à l’explicative linéarité. Le 3 principe de rétroaction (feed-back) a permis de passer d’un schéma unidirectionnel à un schéma circulaire, approche de plus en plus élaborée. Pour illustrer l’approche sociologique Yves Winkin1 propose la métaphore de l’orchestre. En effet, chaque musicien joue sa partition mais en interrelation constante, chacun ajoute son timbre ou sa note à l’ensemble préexistant. Le paradigme de l’orchestre combat le logocentrisme : communiquer c’est mettre en jeu l’ensemble des signes disponibles, liés d’abord au comportement. L’école de Palo Alto permet de faire évoluer le modèle systémique inauguré par la cybernétique vers une véritable anthropologie de la communication. On dépasse les logiques linéaires qui expliquaient les phénomènes communicationnels. La communication est avant tout faite de cultures, de gestes, d’intonations et de règles d’interactions. En 1959 à Palo Alto est fondé et dirigée par Don D. Jackson la Mental Research Institute, centre de recherche et de thérapie sur la famille. Il sera rejoint plus tard par Paul Watzlawick puis par Thomas Hall et d’autres noms plus ou moins connus. Cet institut a pour objectif d’étudier les phénomènes schizophrènes selon une psychothérapie systémique, cette nouvelle approche va révolutionner la thérapie clinique et fournir des arguments théoriques solides aux plus sceptiques. Watzlawick a repris les concepts de Bateson pour en élaborer d’autres, montrant ainsi qu’il existe une véritable « logique de la communication » constituée de différentes règles : l’impossibilité de ne pas communiquer, puisque même le refus de communiquer constitue un message. Ainsi que la différence entre contenu et relation ; toute communication contient une double information, d’une part sur le contenu du message, d’autres part sur la manière dont ce message est émis. Les travaux de l’école de Palo Alto servent encore aujourd’hui de référence aux chercheurs qui s’interrogent sur les processus de communication. Ils reprennent à leurs comptes les approches interactives, dans le cadre d’une méthode d’observation pragmatique dont les applications concernent, depuis l’origine, la dynamique de groupe et la psychothérapie brève. Le cœur de cette approche est très pragmatique et tient compte d’une particularité fondamentale de la communication, de la relation entre les personnes : l’interaction. 1 Professseur en science de l’Information Communication, spécialiste en Anthropologie de la communication 4 L’idée fondamentale de l’interaction est que tout comportement de l’un ne peut manquer d’influencer l’autre et réciproquement, de sorte que tous les comportements sont à la fois des causes et des effets de ce qui se passe. La démarche systémique adoptée par l’école de Palo Alto a considérablement mit en exergue plusieurs champs disciplinaires et en particulier les sciences humaines. La communication ne passant pas que par la parole mais prenant en compte une multitude de facteurs. C’est dans la dynamique des échanges entre les personnes que l’on peut comprendre en profondeur les relations humaines et mieux saisir le social. 5