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LAPPLICATION DE LA TRILOGIE SEGMENTATION-CIBLAGE-
POSITIONNEMENT EN MARKETING POLITIQUE
Walid ABOU KHALIL - Maître de conférences à la FGM
RESUME
L’importance et l’efficacité des stratégies de communication politique devraient découler
essentiellement d’une stratégie marketing appropriée qui comprend la segmentation, le
ciblage et le positionnement. La présente étude tente de comprendre comment certains outils
stratégiques du marketing commercial peuvent s’appliquer en marketing politique. Les bases
de segmentation les plus courantes sont exposées en premier lieu, les moyens de ciblage en
second lieu et finalement les positionnements privilégiés dans la pratique de la communication
politique actuelle.
L’étude montre que dans le cadre du marketing politique, certains types de segmentation sont
plus appropriés que d’autres, que les stratégies génériques concurrentielles peuvent être
employées par transposition dans un marché électoral et que le ciblage et le positionnement
politiques revêtent plusieurs formes adaptées au contexte politique.
Mots clés :
Segmentation politique, marketing politique, positionnement politique, ciblage politique.
1- LA SEGMENTATION POLITIQUE
En marketing politique, la segmentation est aussi importante qu’en marketing commercial
(Newman, 1999). Cet outil est employé par les partis politiques afin de choisir les segments des
citoyens qu’ils visent (Baines 1999). Si le concept du marketing, qui est basé, selon Stanton et
Futrell (1987) sur les trois piliers connus qui sont l’orientation vers le marché, le chiffre
d’affaires profitable à long terme et la coordination des différentes activités de marketing, assure
la continuité et la survie de l’entreprise, le marketing politique devra aussi être fondé sur trois
supports qui garantiront la continuité du candidat dans son activité de représentation. Nous
pouvons donc dire que par transposition, le nouveau concept de marketing politique devra être
basé sur une orientation vers l’électorat, un échange continu entre l’électorat et le candidat, et une
cohérence entre les différents composants de l’organisme de la campagne électorale.
Puisque la segmentation est une conséquence logique du concept moderne du marketing, la
méthode de communication devrait être déterminée et le dilemme du message unique ou
diversifié se pose alors (Lees-Marshment, 2009). Comme tous les consommateurs ne se
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ressemblent pas, les électeurs eux aussi ne sont pas tous homogènes (Butler et Collins 1996),
leurs attentes et aspirations sont parfois tellement distinctes qu’il ne serait pas judicieux à
l’homme politique d’appliquer une stratégie d’indifférenciation qui consiste à attirer le plus grand
nombre possible d’électeurs avec un seul programme de communication. Il serait alors intéressant
de recourir à la segmentation qui permettra de découper le marché électoral en plusieurs
catégories distinctes et selon des critères multiples puis de choisir le message et la stratégie de
communication les plus adéquats pour chacune d’elles. Des exigences indispensables à la
réalisation de la segmentation s’imposent dans ce cas. Elles peuvent être résumées par les points
suivants :
les données sur les particularités et critères des électeurs doivent être disponibles. Ces
informations peuvent être obtenues par l’intermédiaire de sources secondaires ou primaires.
Sans l’obtention de détails sur les caractéristiques des citoyens, il est difficile d’établir une
base scientifique de segmentation et d’effectuer un ciblage correct.
Le candidat ainsi que son équipe de travail devraient pouvoir diriger leurs efforts vers les
populations constituant le ou les segment(s) choisi(s).
Les personnes constituant le segment choisi doivent être nombreuses pour que la stratégie de
marketing mise en œuvre puisse être efficace. Lorsque les segments seront identifiés, l’étape
subséquente serait nécessairement l’évaluation de la taille du segment en vue de déceler le
potentiel électoral de chacun d’eux.
2- LES BASES ET CRITERES DE LA SEGMENTATION
ELECTORALE
D’après Darmon et al., (1996), le choix d’une base de segmentation forme le point déterminant
de toute stratégie marketing, car la définition des segments d’après des besoins ou des
comportements peut différer de celle basée sur des critères socio-économiques. D’après une
longue expérience dans la segmentation de l’électorat en entités politiques, il s’est avéré que la
segmentation fondée sur une base socio-démographique ou socio-économique n’était pas très
réussie à cause de la diversité des opinions politiques entre les personnes au sein d’un même
segment. Pour cette raison, la base comportementale de segmentation est plus employée, ainsi a-
t-on tendance à segmenter une certaine population selon des critères plutôt psycho-sociaux tels
que le caractère de l’individu et son attitude et sa prédisposition à une idée ou à un principe
politique, mais la méthode de combinaison de ces attributs aux caractéristiques socio-
démographiques paraît être très efficace pour l’optimisation de la segmentation, car elle apporte
une très grande cohérence au niveau des attitudes des ensembles des personnes constituant les
segments.
Une autre méthode consiste à diviser les électeurs suivant leur appartenance à des organismes ou
partis politiques. Cette approche pragmatique permet de classer les personnes étudiées en :
Des électeurs résolus à voter pour le candidat lui-même ou pour le parti et sont constitués par
les adeptes du parti et les partisans convaincus de la doctrine politique et de son fondateur
(Sauvy, 1967; Darmon et al., 1996 ).
Des électeurs opposés au candidat et ayant des opinions politiques très divergentes des
siennes, et desquels il ne pourra pas s’attendre à avoir un appui quelconque.
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Finalement, les électeurs confus ou indécis qui forment le créneau, et qui devraient constituer
la cible de travail la plus importante de la part du candidat et de son équipe
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. C’est sur cette
base que les messages publicitaires pourront être élaborés et transformés, et les stratégies
mises en œuvre pour changer les habitudes de vote ou même les opinions de ces électeurs
potentiels vis à vis du candidat ou du parti qu’il représente, et gagner ainsi leurs suffrages
(Lendrevie et al., 2000).
3- LE CIBLAGE POLITIQUE
De la notion de segmentation devrait nécessairement dériver celle du ciblage. Cette étape qui suit
immédiatement celle de la segmentation, constitue le noyau du moteur de la machine électorale
aux Etats Unis.
Selon Porter (1998), les trois stratégies de base de l’entreprise sont : la domination par les coûts,
la différenciation et la concentration. Chacune de ces stratégies prend en considération deux
critères: le premier étant la cible stratégique qui dépend de la nature du segment, et l’autre
l’avantage concurrentiel qui dépend essentiellement soit du caractère unique du produit tel que
perçu par les consommateurs, soit aussi des coûts faibles de production. En marketing politique,
le calquage de la matrice de Porter est possible car les mêmes stratégies peuvent être appliquées
avec une légère modification au niveau des paramètres et des détails stratégiques. Ainsi, le
candidat ou le parti pourrait choisir entre trois actions stratégiques dans sa campagne électorale.
La première étant la stratégie d’indifférenciation associée généralement dans le domaine
commercial à celle de la domination par les coûts et qui est adaptée aux médias de masse. Il s’agit
dans ce cas de se diriger vers l’ensemble des électeurs avec un message unique, flou et
consensuel. La seconde stratégie qui pourrait être appliquée serait celle de la différenciation,
particulièrement appropriée aux médias ciblés, où divers messages de communication seraient
adressés à tout le « secteur » qui de ce fait sera divisé en plusieurs segments constituant chacun
d’eux une cible particulière. Finalement la stratégie de concentration consiste à adresser un
message distinct et ciblé vers un ou deux segments particuliers.
Quant aux méthodes de ciblage, nous pouvons dire que les différentes techniques pourraient être
utilisées séparément ou conjointement au cours de la campagne électorale. Ainsi, le ciblage
pourrait être effectué à des niveaux différents, les plus courants étant selon Ambert (1992) le
ciblage individuel, le ciblage par chef de foyer, le ciblage par groupe et le ciblage géographique :
Le ciblage individuel (individual targeting): il se base essentiellement sur une connaissance
profonde de l’électeur, les détails correspondants sont généralement retirés des fichiers de
l’électeur qui comprennent entre autres des informations personnelles sur l’individu ainsi que
sur ses tendances politiques.
Le ciblage par chef de foyer (householder targeting): le chef de famille constitue dans ce cas
le noyau de la distribution de la cible.
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« le terme ‘‘créneau’’ désigne, dans le jargon commercial, un gisement de clientèle inexploité par la concurrence.
Ce qui est forcément le cas, pour tous les candidats, des indécis ». ALBOUY (1994), p. 76.
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Le ciblage par groupe (group targeting): comme le groupe sert de base de comparaison ou de
référence à l’individu dans la formation des valeurs, de croyances ou d’attitudes générales ou
particulières, les conseillers de l’homme politique qui ont l’intention d’appliquer les principes
de l’influence du groupe de référence doivent évaluer dans quelle mesure ils peuvent orienter
les décisions des électeurs cibles quant au candidat, à l’idée ou la doctrine politique. Parmi les
groupes qui sont susceptibles d’exercer une influence sur l’électeur nous pouvons citer la
famille, les leaders d’opinion, les célébrités, les clubs du troisième âge, les groupes de
jeunes, les groupes minoritaires, les associations de femmes, les groupes minoritaires, etc.
Le ciblage géographique (precinct targeting): Cette forme de ciblage appliqué aux Etats-Unis
et basé sur la circonscription électorale est efficace pour prévenir les résultats électoraux en
délimitant les zones géographiques de certains groupes ethniques.
Aujourd’hui, le raisonnement classique de la formulation des stratégies de marketing politique de
masse a complètement changé grâce à l’émergence des medias sociaux, ce qui a engendré une
communication personnalisée avec les votants (Ambert, 1992). Toujours, selon le même auteur,
les stratégies sont devenues désormais axées sur l’électeur, et non seulement sur le candidat,
mais ceci n’ôte point à l’homme politique la qualification de produit, car le politicien reste pour
« le produit » qui devrait résoudre ses problèmes et lui procurer satisfaction.
4- LE POSITIONNEMENT POLITIQUE
La politique n’est autre que « l’art d’adopter des attitudes et de choisir un positionnement
susceptible d’influencer la perception des électeurs » (Trout et Rivkin, 1996, p.103). Bien
qu’utilisant des termes marketing dans leur définition, les auteurs essayent de mettre en relief et
en première place l’importance du positionnement comme instrument privilégié pour la réussite
de l’homme politique. En marketing politique, l’étape subséquente au ciblage est le
positionnement. Celui-ci devrait être effectué selon les deux principaux critères : les attentes du
marché électoral d’une part, et le positionnement des candidats ou partis concurrents d’autre part.
Par ailleurs, le positionnement peut avoir l’un des deux visages suivants: le positionnement du
candidat, et le positionnement idéologique et programmatique.
Positionnement du candidat
Le positionnement du candidat est relié à l’image politique de celui-ci dont le terme équivalent en
marketing commercial est l’« image de marque ». Cette image, qui n’est pas uniforme à tous les
candidats, est considérée idéale lorsqu’elle répond exactement aux aspirations du public et aux
nécessités des circonstances. Le Général de Gaulle qui avait par exemple l’image du héros et du
sauveur, fortement adaptée aux moments durs était fondée sur l’ampleur du charisme qui émanait
de cette personnalité exceptionnelle. L’image de l’homme ordinaire et simple telle que celle de
Pompidou qui a d’ailleurs substitué et succédé à l’image du Général de Gaulle, était plus
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appropriée aux périodes calmes (Albouy, 1994). Par contre l’image de l’homme honnête d’Elias
Sarkis
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n’était pas convenable à la période d’évènements dans laquelle baignait le Liban.
Dans le domaine commercial, le positionnement de l’offre est fortement lié à l’image du produit
qui existe dans l’esprit du consommateur ou en d’autres termes, la manière dont le produit est
perçu par l’acheteur. A l’exemple de l’image du produit, l’image politique peut être assumée à
des reproductions mentales réunissant des perceptions qu’a le public d’un politicien ou d’un parti
politique, elle est constituée par l’expérience personnelle, les rumeurs publiques, le passé du
candidat, ses qualités, l’exercice de ses fonctions, ses attitudes politiques, sa gestuelle ainsi que
les signaux émanant de lui ou du parti qu’il représente ; le tout devrait, selon Albouy (1994) subir
un traitement dans l’esprit de l’électeur pour engendrer plus tard une certaine croyance sur les
qualités et les défauts du dit candidat ou parti. Selon certains experts en communication politique,
le double objectif du marketing serait :
de créer une image au candidat s’il n’en possède pas, en évitant toutefois une croissance
trop rapide de notoriété (Cotteret, 1983). Cette stratégie de création et de positionnement
d’une nouvelle image a été mise en œuvre dans les campagnes de Jean Lecanuet, Jimmy
Carter et Bill Clinton qui étaient tous presque inconnus du grand public.
de rectifier l’image d’un certain candidat déjà présente dans l’esprit du public en agissant
positivement sur les opinions des citoyens, et ceci en gommant les imperfections et
favoriser les mérites. Cette stratégie de repositionnement a été appliquée durant la
campagne de Richard Nixon en 1968 qui avait l’image d’une personne intelligente et
exercée mais peu sympathique (Albouy, 1994).
Selon Ries et Trout (1988), le champ de bataille des entreprises n’est autre que l’esprit du
consommateur et dans la guerre de marketing le but final est de conquérir ce champ. Dans un
autre ouvrage, les mêmes auteurs insistent sur ce point en postulant qu’il est nécessaire voire
indispensable d’être le premier dans l’esprit des clients d’autant plus qu’il est difficile
d’influencer une croyance ou d'intervertir une opinion lorsqu’elle y est déjà fixée. Si donc une
image quelconque devait être créée c’est d’une manière prompte et « brusque » qu’il faudrait
qu’elle soit faite car l’être humain n’aime pas changer d’opinion sur la personne, l’entreprise ou
le bien desquels il s’est déjà fixé une certaine image, puisque ceux-ci sont définitivement classés
dans son répertoire mental et refuse catégoriquement de les concevoir dans une autre catégorie.
Nous pouvons déduire de ce qui précède que le positionnement en politique ne devrait
logiquement pas découler du candidat lui-même, mais de la perception de celui-ci par l’électeur,
car c’est à partir des croyances et des attitudes des électeurs vis à-vis de l’homme politique que
la stratégie de positionnement doit être élaborée ou « modifiée ». Plus l’image est favorable dans
l’esprit du consommateur, plus la position du candidat est forte. En outre, cette stratégie devrait
être formulée et exécutée rigoureusement car la conséquence d’une telle déviation entre l’image
perçue et la réalité entraînera la déception. Par suite, la modification de l’image du candidat, et
contrairement à ce qu’a évoqué Albouy à ce propos, n’est donc possible que lorsqu’une faible
altération devrait avoir lieu ou lorsque les qualités du candidat excèdent largement ses points
faibles, donc lorsqu’une image plutôt favorable existe déjà (c’est le cas de Richard Nixon qui
n’avait qu’un seul défaut à convertir). Cependant, cette stratégie de repositionnement n’est pas
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Président de la république libanaise (1976-1982).
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