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Bref, nous pensons que les temps actuels ne sont pas plus défavorables à l’annonce de
l’Evangile que les temps passés de notre histoire. La situation critique qui est la nôtre nous
pousse au contraire à aller aux sources de notre foi et à devenir disciples et témoins du Dieu
de Jésus Christ d’une façon plus décidée et plus radicale.
2. Un contexte général de mutations profondes
Face aux mauvaises culpabilités ou à la tentation de briser la communion de la foi en
cherchant des coupables, il nous faut être aussi clairs que possible.
La crise que nous traversons n’est pas due fondamentalement au fait que certaines catégories
de catholiques auraient perdu la foi ou tourné le dos aux valeurs de la Tradition chrétienne.
Sans doute chacun de nous doit-il s’interroger sur son attachement réel au Christ, à son
Evangile et à son Corps ecclésial. Tous, personnes, groupes et mouvements divers, peuvent
reconnaître que leur participation à la mission de l’Eglise a traversé des périodes sombres,
avec des tentations d’abandon ou de désaffection. Mais, malgré tout cela, on ne peut pas
imaginer qu’il suffirait de mobiliser nos énergies de façon volontariste pour recréer avec
quelque chance de succès la situation antérieure, supposée plus facile.
D’autre part, on ne peut pas davantage attribuer nos difficultés présentes à l’hostilité des
adversaires de l’Eglise. Certes, il serait naïf de nier que, dans notre société, certains se
réjouissent de l’affaiblissement social et institutionnel de l’Eglise catholique, et qu’ils
n’hésitent pas à le favoriser. Mais il serait simpliste d’imputer à la virulence de leur action les
difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
La crise que traverse l’Eglise aujourd’hui est due, dans une large mesure, à la répercussion,
dans l’Eglise elle-même et dans la vie de ses membres, d’un ensemble de mutations sociales
et culturelles rapides, profondes et qui ont une dimension mondiale.
Nous sommes en train de changer de monde et de société. Un monde s’efface et un autre est
en train d’émerger, sans qu’existe aucun modèle préétabli pour sa construction. Des équilibres
anciens sont en train de disparaître, et les équilibres nouveaux ont du mal à se constituer. Or,
par toute son histoire, spécialement en Europe, l’Eglise se trouve assez profondément
solidaire des équilibres anciens et de la figure du monde qui s’efface. Non seulement elle y
était bien insérée, mais elle avait largement contribué à sa constitution, tandis que la figure du
monde qu’il s’agit de construire nous échappe.
Cela dit, nous ne sommes pas les seuls à peiner pour comprendre ce qui arrive. Les
innombrables recherches actuelles dans les domaines de la sociologie, de la philosophie
politique, ou des réflexions sur l’avenir de la culture et des traditions nationales montrent bien
la profondeur des questions de nos contemporains sur une situation de crise qui affecte tous
les secteurs de l’activité humaine.
3. Les fractures sociales
Dans la société française actuelle, un phénomène nous apparaît particulièrement préoccupant :
l’aggravation des fractures sociales. Nous savons bien qu’au plan mondial, l’écart ne cesse de
se creuser entre les pays pauvres et les pays riches et que la mondialisation des circuits
financiers et économiques a tendance à aggraver cet écart.
Mais, en France même, nous connaissons depuis bien des années le développement du
chômage et de la précarité, l’apparition de couches sociales dont la misère semble devenue le
destin. Dans ce contexte, on ne peut pas oublier la situation difficile faite aux immigrés
présents sur le sol de notre pays, tandis que l’aggravation de la crise et des sentiments
d’insécurité contribuent à la montée de sentiments xénophobes à peine dissimulés.
Après des décennies d’expansion économique qui avaient nourri l’espoir d’une amélioration
continue des conditions matérielles d’existence pour toutes les couches de la population,