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En 1905, l’Eglise catholique refusa certains points de la loi portant séparation des Eglises et
de l’Etat, en particulier ce point visant à créer des associations cultuelles, c’est-à-dire la
volonté d’organiser l’Eglise catholique sur le modèle des associations régies par la loi de
1901 ; auquel cas, chaque diocèse aurait disposé d’une AG et d’un CA élisant son président,
lequel aurait pu ne pas être l’évêque.
Il a fallu attendre 1923 pour que l’Etat reconnaisse le droit à l’Eglise catholique de s’organiser
selon son droit propre, qui, je le rappelle n’est pas démocratique, puisque vous ne m’avez pas
élu comme votre évêque, ni élu vos prêtres et vos curés.
Mais j’ajoute aussitôt que si l’Eglise catholique n’est pas démocratique, elle est synodale.
Autrement dit, elle est une Eglise où tous marchent ensemble et suivent un seul. Un seul…
non pas le prêtre, l’évêque ou même le pape, mais suivent le Christ, seul maître de son Eglise.
Une Eglise synodale qui se donne bien entendu les moyens de l’être, c’est-à-dire de définir sa
marche commune dans les conseils et les équipes qui structurent la vie des communautés
chrétiennes, donc des paroisses, des diocèses et de l’Eglise universelle.
Certainement que cette question est aujourd’hui une des plus importante pour notre société et
aussi pour l’islam.
Certes, pas plus qu’il ne revient à l’Etat d’organiser une religion ni de définir ses dogmes, ce
n’est pas non plus à l’Eglise catholique d’organiser la vie et la foi des musulmans.
Demeure cependant cette question : chaque religion dispose-t-elle des mêmes capacités à se
vivre en indépendance, et cependant en relation avec les autorités politiques ?
Il me semble que ce pour quoi s’est battu saint Hilaire, c’est-à-dire la foi de Nicée, la double
nature du Christ, donne des bases fortes pour assurer, du côté des chrétiens, cette distinction
qui, comme le dira plus tard le concile de Chalcédoine, n’est pas une séparation.
Les chrétiens se comprennent et comprennent leur foi sous le mode de la diversité, de la
pluralité, de la coïncidentia oppositorum pour « parler français ».
Jésus Christ est vrai Dieu et vrai homme ; Dieu est Trinité, en lui Père, Fils et Esprit Saint
sont pleinement et véritablement Dieu.
Dès lors, les chrétiens comprennent que leur vocation et leur identité est toujours double,
complexe.
Nous sommes à la fois et totalement citoyens français et totalement citoyens du Royaume de
Dieu.
Oublier l’une ou l’autre de ces dimensions, en privilégier l’une sur l’autre, revient à
déséquilibrer la foi ; ceci a un nom : une « hérésie », autrement dit un « choix », c’est la
traduction du mot « hérésie ».
Pour cela, un auteur chrétien anonyme du deuxième siècle, écrivant à un certain Diognète,
qualifiera les chrétiens d’« étrangers domiciliés ».
C’est donc avec réserve et sens critique que l’on pouvait chanter, au XIXe siècle, et parfois
encore, ici ou là, « catholiques et Français toujours ».
Tout simplement parce qu’il y a des Français, et de bons Français, qui ne sont pas catholiques,
et aussi parce qu’il y a des catholiques, et de bons catholiques, qui ne sont pas Français !
Pour nous, il n’y a aucun territoire, aucune réalité humaine, sociale, où nous ne pouvions
vivre notre foi chrétienne.
Sans pour autant penser ou vouloir que les manières de vivre la foi soient partout identiques.
Le Christ est le même, mais il se dit et se vit selon les temps et selon les lieux.
Ceci est encore la conséquence de notre foi, qui est aussi celle d’Israël.