Conférence d’experts sur le mésothéliome pleural malin
Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 11S9-11S27
11S10
(notion de séjour dans des locaux floqués à l’amiante, notam-
ment lorsque ces locaux ne sont pas dégradés) [6]. Toutefois,
un tel risque ne peut être exclu, puisque des études cas-
témoins ont permis de souligner qu’un excès de risque de
mésothéliome pleural était détectable pour des niveaux
d’exposition cumulée à l’amiante extrêmement faibles [7, 8].
Même s’il existe encore des discussions scientifiques sur
les mécanismes d’action et le potentiel cancérogène respectif
des différentes variétés de fibres d’amiante, elles n’influent pas
en pratique sur la démarche d’identification des populations à
risque puisque la majorité des sujets ont été exposés à des
mélanges d’amiante chrysotile et d’amphiboles.
Érionite : une certitude épidémiologique
et expérimentale
L’érionite, une fibre minérale naturelle de la famille des
zéolites, a fait l’objet d’un classement déjà ancien par le CIRC
comme cancérogène certain chez l’homme [9]. Ce document
correspond à la synthèse de très nombreuses études tant chez
l’homme que sur des modèles expérimentaux. L’exposition
environnementale à cette fibre en Turquie est responsable du
plus important taux de mésothéliome jamais décrit dans une
population [10].
Autres fibres
Fibres céramiques réfractaires
Aucune donnée épidémiologique n’a, à ce jour, confirmé
le risque de survenue de mésothéliome chez des sujets exposés
exclusivement à ces fibres. Néanmoins, les études expérimen-
tales ont permis au CIRC de conclure à un pouvoir cancéro-
gène certain chez l’animal, en particulier sur la base des études
par inhalation réalisées dans les années 90. Cette dissociation,
qui peut s’expliquer principalement par le manque de recul
des observations épidémiologiques, justifie le classement dans
le groupe 2B par le CIRC [11], mais ne doit pas faire sous-
estimer le risque potentiel pour les travailleurs exposés. Elle
impose des mesures de précaution très sévères, susceptibles
d’aboutir rapidement à une interdiction.
Fluoro-édénite
Des publications récentes font état du rôle tumorigène
possible d’une autre fibre minérale naturelle, la fluoro-édénite
[12]. Le poids de l’implication de cette fibre dans les cas de
mésothéliomes observés chez l’homme reste à évaluer.
L’effet fibre : un concept expérimental,
sans extrapolation simple chez l’homme
Toutes les publications rappellent le constat fait dans les
années 70 sur le rôle clé de la longueur et du diamètre des
particules fibreuses, indépendamment de leur structure chi-
mique. Ce constat, popularisé sous le concept d’«effet
fibre », reste toujours valable, puisqu’à ce jour, il n’existe pas
de données sur l’induction de mésothéliome par des particu-
les non fibreuses. Les données récentes sur les mécanismes
d’action de l’amiante (effet direct sur les cellules mésothéliales
et effets indirects à partir de la réponse bronchiolo-alvéolaire
au site de déposition des fibres) semblent confirmer le rôle
déterminant des critères dimensionnels des fibres dans la can-
cérogénèse pleurale.
Ceci n’exclut pas, bien sûr, le rôle de la composition chi-
mique de ces fibres, qui pourrait expliquer les gradients de
pathogénicité observés, dans les modèles expérimentaux (dif-
férence entre chrysotile et amphiboles, différences entre
amiante et érionite, différences entre fibres céramiques réfrac-
taires et autres fibres minérales vitreuses). Si la chimie de sur-
face a probablement un rôle, une hypothèse très discutée fait
intervenir la solubilité et son rôle dans la clairance des fibres :
ce concept, connu sous le nom de biopersistance, ne fait pas
l’unanimité même s’il est largement utilisé dans la réglementa-
tion européenne pour le classement des fibres minérales artifi-
cielles (et a donc des implications en terme de prévention).
Radiations ionisantes
Les radiations ionisantes sont des cancérogènes certains
chez l’homme. De ce fait, les irradiations de la plèvre doivent
être considérées comme une cause potentielle de mésothé-
liome et des données expérimentales sont en faveur de cette
hypothèse [13]. Cependant, les données disponibles chez
l’homme demeurent controversées. Elles s’appuient notam-
ment sur des séries cliniques de second cancer observé après
radiothérapie thoracique [14, 15], ou l’observation de méso-
théliomes pleuraux chez des personnes ayant reçu des injec-
tions de Thorotrast (produit de contraste à base de thorium
utilisé surtout pour des angiographies cérébrales du début des
années 30 aux années 50) [16, 17].
Globalement, il n’est pas démontré à ce jour que les
radiations ionisantes induisent de façon certaine le mésothé-
liome pleural chez l’homme, y compris dans des situations de
forte exposition d’origine médicale à visée diagnostique ou
thérapeutique survenues dans le passé.
SV 40 (tableau I) [18-22]
Le première étude publiée sur la détection d’éléments
du virus simien SV40 dans le mésothéliome remonte à 1994
[23]. Dans ce travail, les auteurs avaient détecté des séquences
d’ADN du gène codant pour l’antigène T (Tag) de ce virus
dans 60 % (29/48) des mésothéliomes. La protéine Tag, était
également mise en évidence par immunohistochimie dans
13/16 spécimens, avec une localisation nucléaire. L’analyse du
sérum de 28 patients atteints de mésothéliome a montré la
présence d’anticorps dirigés contre la protéine Tag. Par ailleurs,
tous les 26 cas étudiés par analyse minéralogique du poumon
étaient considérés comme exposés à l’amiante ; pour 24 de ces
cas, la médiane du nombre de corps ferrugineux (CF) était de
307 [valeurs extrêmes : 15-535] par gramme de poumon
humide, et deux autres échantillons avaient un nombre de CF
supérieur à 3 000/g. À l’inverse, ces séquences d’ADN
n’étaient pas retrouvées dans le poumon normal des cas de
mésothéliome, et sur 47 tissus contrôles incluant différents
types de cancers, dont des cancers broncho-pulmonaire
(CBP), seulement 3 échantillons montraient une positivité.