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Les rituels d’immortalisation, d’initiation et le rôle fondamental accordé à la musique sont
mis à profit dans les dessins et peintures de Vlaicu Ionescu. Ils définissent la peinture
abstraite de l’artiste qui exalte le sens invisible, mystique et spirituel…1
Durant deux ans (1927-1928), le père Dominique séjourna à Paris afin d’étudier l’histoire des
religions à la Sorbonne ; il servit comme prêtre à côté de Vasile Radu dans la chapelle roumaine et, à
la fin de ses études, il se rendit à Rome, où il rencontra le pape Pie XI.
Après avoir suivi pendant deux décennies son ami et maître Nicolae Iorga, co-fondateur du Parti
National Démocrate, et devenu Premier ministre en 1931-1932, le père Dominique, déçu par les
orientations politiques alors mises en œuvre, se tourna vers Corneliu Codreanu, créateur charismatique
de la « Légion de l’Archange Michel », qui visait à développer un enseignement civique et religieux
afin de contrer l’infleunce du communisme. Le père Dominique, qui fut l’ami de nombreux membres
de l’ancienne élite du mouvement légionnaire et fut le confesseur de Codreanu et du général
Cantacuzène, mourut le 1er avril 1938 (le jour du seizième anniversaire de son fils Vlaicu), à un
moment crucial dans l’histoire de la Roumanie de l’entre-deux-guerres : en effet, à la suite des
élections qui avaient donné la majorité à une alliance entre Codreanu et le parti national-paysan, le roi
Charles II de Roumanie avait, le 13 février 1938, annulé les élections, suspendu la Constitution et
instauré une dictature personnelle. Trois mois plus tard, Codreanu était arrêté, condamné à dix ans de
prison, puis assassiné par ordre du roi dans la nuit du 29 au 30 novembre 1938.
C’est le 1er avril 1922, après 14 ans de mariage, que
l’épouse du père Dominique, Maria, donna naissance à Sibiu
à Vlaicu ; deux ans plus tard, le 7 juin 1924, naissait sa sœur
Doina. Leur grand-père, Nicolae Ionescu, était également
prêtre. Dans son enfance, Vlaicu Ionescu a été marqué par sa
participation aux offices célébrés par son père ou son grand-
père, attentif au chant liturgique, au son des cloches, à la
cadence de la simandre. Il visita aussi le monastère de Cozia,
situé dans les Carpathes méridionales, au milieu d’un parc
national. Ces impressions ont certainement charpenté la
structure intérieure d’un enfant né dans une famille de prêtres.
En même temps, le jeune Vlaicu fut attiré par le spiritisme,
l’occultisme et les traditions ésotériques dès l’âge de 14 ans, et il commença
à s’intéresser à l’astrologie à l’âge de 16 ans ; il avait réussi à acquérir les
ouvrages les plus importants dans la collection de 8 000 livres du vénérable
Constantin Nicolau. Sans doute fut-il stimulé par la publication, en 1941,
d’un ouvrage d’Armand Constantinescu, intitulé Cer si destin, qui eut alors
un grand succès. Doina Uricariu signale que, dans ses notes
autobiographiques, Vlaicu Ionescu avoue avoir commencé son initiation
avec un maître invisible à 20 ans et six mois… Il a pratiqué les exercices de
méditation décrits par Rudolf Steiner dans l’Initiation ou Comment acquérir
des connaissances sur les mondes supérieurs. Dans le même temps, il
s’initiait à la prière du cœur de la tradition hésychaste orthodoxe. Une
personnalité marquante de l’université de Bucarest, professeur de logique et
de mathématique, Nae Ionescu, eut également une influence sur la
personnalité de Vlaicu Ionescu. En 1925 déjà, Mircea Eliade avait suivi ses cours et était devenu
disciple et ami de Nae Ionescu, engagé sur le plan politique dans le Mouvement Légionnaire de
Corneliu Codreanu.
En 1943, Vlaicu Ionescu, âgé de 21 ans, fait la connaissance de Lidia Pecurariu, née le 11 juin
1923. Son grand-père et divers oncles de cette famille étaient des prêtres. Dans un document
autobiographique inédit datant de 1994, Vlaicu Ionescu évoque cette rencontre qui fut pour lui à la fois
un «véritable « coup de foudre » et dont les conséquences furent des plus bénéfiques :
1 URICARIU Doina, Vlaicu Ionescu The Artist / Pictorul, Bucarest, Universalia, 2012, p. 18.