
Document 1 :
Et si, face aux dettes nées de la crise, l'inflation était la solution? Lorsque les prix (et les revenus)
augmentent, les impôts prélevés par les Etats, comme la TVA, s'accroissent en proportion. Avec
l'inflation, les recettes publiques augmentent, tandis que les remboursements restent fixes: la dette pèse
moins dans le budget de l'Etat, le désendettement est facilité.
Cette solution est refusée par la plupart des économistes, qui estiment que les coûts de l'inflation
(incertitude sur le niveau futur des prix, hausse des taux d'intérêt) l'emportent sur ses avantages.
Olivier Blanchard, l'économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), a donc créé la
surprise en suggérant que de futurs chocs, comme une pandémie ou un attentat terroriste, pourraient
nécessiter de "fixer des cibles d'inflation plus élevées en temps normal, de manière à se donner une
plus grande marge de manœuvre".
En effet, ce qui importe est la différence entre le taux d'intérêt décidé par la banque centrale et le taux
d'inflation (le taux d'intérêt "réel"). Avec un taux d'inflation de 4%, un taux d'intérêt de 1% comme
actuellement en Europe permettrait un taux d'intérêt réel très négatif (égal à - 3%), ce qui
encouragerait fortement le crédit, et soutiendrait puissamment l'économie. D'ailleurs, Daniel Leigh,
économiste au FMI, estime qu'avec un objectif d'inflation de 4% et une politique active de lutte contre
la récession, la Banque du Japon aurait pu éviter à ce pays sa "décennie perdue" de stagnation
économique lors des années 1990.
Pour Paul Krugman également, une inflation plus élevée serait nécessaire, mais pour une tout autre
raison. Paul Krugman constate que de 2000 à 2009, les prix ont augmenté de 35% en Espagne, de 30%
en Grèce, de 25% au Portugal et en Italie, contre seulement 10% en Allemagne. Afin de rendre ces
pays compétitifs avec l'Allemagne, il faudrait que l'inflation y soit à l'avenir plus faible que dans ce
pays. Leur tâche serait grandement facilitée si l'inflation allemande était plus élevée. Sans cela, même
une inflation zéro ne sera pas suffisante pour restaurer la compétitivité de ces pays, qui devront
diminuer les prix et les salaires.
Document 2 :
Malgré une politique monétaire très expansionniste mise en place par la BCE, l’inflation sous-jacente
de la zone euro ne se redresse pas, pour plusieurs raisons :
- avec le niveau élevé du chômage dans la zone euro, les coûts salariaux continuent à ralentir ;
- malgré la baisse des taux d’intérêt, le crédit ne redémarre que faiblement, avec le niveau élevé de
l’endettement, avec le fait que les entreprises autofinancent leurs investissements, avec la faiblesse de
l’investissement immobilier des ménages ;
- les effets de richesse sont très faibles dans la zone euro (la remontée du marché des actions, par
exemple, depuis 2014 ne fait pas baisser le taux d’épargne des ménages et ne fait pas remonter
l’investissement des entreprises) ;
- de plus, la BCE ne peut rien contre la baisse des prix des matières premières.
L’inflation de la zone euro va donc probablement rester nettement inférieure à l’objectif d’inflation en
2016 et 2017, probablement autour de 1% (autour du taux de croissance des coûts salariaux unitaires).
Si la BCE réussissait à ramener rapidement au voisinage de 2% l’inflation de la zone euro :
1- Avec le niveau élevé du chômage, la croissance du salaire nominal resterait faible et stable et une
inflation voisine de 2% ferait disparaître la hausse du salaire réel, du revenu disponible réel et de la
demande des ménages ;
2- Le redressement rapide de l’inflation ferait remonter l’inflation anticipée et les taux d’intérêt
nominaux.
• si la remontée des taux d’intérêt nominaux est parallèle à celle de l’inflation, il n’y a pas de
dégradation de la solvabilité des emprunteurs ;
• mais la remontée des taux d’intérêt nominaux accroîtrait les paiements d’intérêts sur les dettes, donc
réduirait le revenu dépensable des emprunteurs.
Sauf dans le cas très improbable où il y aurait compensation par une baisse de l’épargne (liée à la
réduction de la valeur réelle de la dette due à l’inflation), ceci conduirait à une baisse de la demande
intérieure de la zone euro, ce qui est certainement indésirable.