Esprit Verdoyant - École d`architecture | Université Laval

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Esprit Verdoyant
Paysage culturel et architecture analogue pour l’Ile Verte :
Implantation d’un centre culturel, d’une tour d’observation et du musée du squelette
Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade de M. Arch
Marie-Eve Renault
Superviseur :
Jan B. Zwiejski : __________________________
École d’architecture
Université Laval
Hiver 2013
I
Résumé
Cet essai (projet) a pour souche le site de l’Ile Verte. Elle est située dans l’estuaire du Saint-Laurent à
proximité de Rivière-du-Loup et renferme un bijou de culture, de paysage et d’architecture de 12km2
préservé par son isolement de la terre ferme. Le fleuve, qui l’enveloppe, la protège et fusionne les
Verdoyants à leur espace si particulier qui se manifeste dans les traits de caractères de l’île et de ses
résidents. Son esprit est porté par le bâti et les paysages, mais aussi par la population, gardienne de
l’histoire, des traditions et des légendes. En effet, la recherche de l’esprit du lieu a initié tout le processus
théorique soit l’établissement d’un cadre d’analyse axé sur le paysage permettant d’identifier les éléments
caractéristiques de l’esprit de l’île. Ces éléments ont ensuite informés le projet d’architecture et, pour y
arriver, le courant de pensée et de matérialisation ciblé est l’architecture analogue. L’essence de la pensée
analogue est une réappropriation d’éléments du contexte par le concepteur permettant une continuité
architecturale ancrée dans le pouvoir d’évocation. Par ce type d’édification, le projet vise à créer des lieux
unificateurs et identitaires permettant de perpétuer et de toucher la mémoire collective des Verdoyants. Le
pouvoir d’évocation de l’architecture et toute la subjectivité associée à des éléments physiques sont
exploités dans ce but.
Les interventions se divisent en trois, soit la conception d’un centre culturel, la mise en place d’une tour
d’observation et la récupération d’une vieille grange typique pour y déménager le musée du squelette. Le
centre culturel est implanté près du plus vieux phare du Saint-Laurent et se veut sensible à la mémoire
collective et aux paysages particuliers de l’île. Il propose un espace où Verdoyants et visiteurs peuvent se
rencontrer et permet de réinterpréter plusieurs éléments caractéristiques de l’Ile Verte dont les ensembles
bâtis, la matérialité et les pêches à fascine. L’ajout d’une tour d’observation à l’extrémité du « bout d’en
haut » est prévu afin de créer un nouveau pôle et de repenser la figure du phare. Pour sa part, le musée du
squelette permet d’animer une vieille grange caractéristique afin d’en assurer la conservation.
En bref, le projet tend à démontrer comment une architecture analogue, au fort pouvoir d’évocation, peut
générer des espaces valorisant l’esprit du lieu ciblé par une analyse du paysage culturel ou plus
précisément du site, de son histoire, de son architecture vernaculaire et de son contexte paysager
humanisé.
II
Équipe d’encadrement
SUPERVISEURS – essai
Mme Denise Piché
Professeure à l’école d’architecture de l’Université Laval
Mme Émilie Pinard
Chargée de cours à l’école d’architecture de l’Université Laval
SUPERVISEUR – projet
M Jan B. Zwiejski
Architecte et professeur à l’École d’architecture de l’Université Laval
MEMBRES DU JURY
M Jan B. Zwiejski
Architecte et professeur à l’École d’architecture de l’Université Laval
Mme Tania Martin
Professeure à l’École d’architecture de l’Université Laval
M Éric Pelletier
Architecte et superviseur d’essais (projets) à l’école d’architecture de l’Université Laval
M Étienne Bernier
Architecte et chargé de cours à l’école d’architecture de l’Université Laval
Mme Emmanuelle Champagne
Architecte et chargée de cours à l’école d’architecture de l’Université Laval
III
Avant-propos
Remerciements
Cet essai (projet) est le point culminant de mes études et la démonstration de toutes les capacités acquises
au cours de mon passage à l’École d’architecture de l’Université Laval. Le travail et le cheminement pour y
arriver n’ont pas été effectués seuls, mais bien guidés et soutenus par différentes personnes que je tiens à
remercier :
§
Ma famille, qui a toujours cru en moi et mes idées et qui m’a toujours poussée à aller plus loin et
croire en la passion. Ils ont guidé mon parcours universitaire, mais aussi le choix du site de mon
projet qui a toujours éveillé en moi une flamme particulière me permettant de transmettre cette
sensibilité en architecture.
§
Mon conjoint, fidèle conseillé et plus grand admirateur, qui m’a soutenue de mon entrée au Vieux
séminaire jusqu’à ce dernier projet et qui m’a facilité le parcours par son humour et ses judicieux
conseils.
§
Jan B. Zwiejski, qui m’a conseillée et soutenue sans jamais me pousser à changer qui je suis, mais
plutôt à mieux le démontrer.
§
Pierre-Henry Fontaine, résident de l’Ile Verte et connaissance personnelle qui m’a permis de
connaitre ce petit paradis et transmis sa passion pour lui, il y a longtemps. Il a aussi informé le
projet de musée, car il en est le propriétaire.
§
Louise Newbury, résidente de L’Ile Verte et responsable de l’urbanisme qui m’a transmis des
informations et documents nécessaires à la réalisation du projet
IV
Table des matières
RÉSUMÉ
II ÉQUIPE D’ENCADREMENT
III AVANT-PROPOS
IV REMERCIEMENTS
IV LISTE DES FIGURES
VII CONTEXTE
1 1. ARCHITECTURE ANALOGUE POUR L’ILE VERTE
2 2. LE CADRE CONCEPTUEL _ DE L’ESPRIT DU LIEU À L’ARCHITECTURE ANALOGUE
3 2.1 ESPRIT DU LIEU
2.1.1 L’ESPRIT DU LIEU DE L’ARCHITECTE
2.2 LE PAYSAGE
2.2.1 ÉTYMOLOGIE ET DÉFINITION DU PAYSAGE DE L’ARCHITECTE
2.2.2 DIALECTIQUE ENTRE SUBJECTIF ET OBJECTIF
2.2.3 PAYSAGE CULTUREL
2.2.4 LECTURE DES PAYSAGES
2.2.5 APPROCHE ANALYTIQUE QUALITATIVE
2.3 LIENS ET RELATIONS : ESPRIT DU LIEU, PAYSAGE ET ARCHITECTURE
2.4 ARCHITECTURE ANALOGUE
2.4.1 PRÉCÉDENTS D’ARCHITECTURE ANALOGUE
3 3 5 5 7 8 9 10 11 11 12 3. L’ILE VERTE, MUNICIPALITÉ DE NOTRE-DAME-DES-SEPT-DOULEURS
15 3.1 LE SITE
3.2 HISTORIQUE
15 16 4. LIRE LE PAYSAGE CULTUREL _ L’ESPRIT DU LIEU
17 4.1 DÉMARCHE D’ANALYSE DES PAYSAGES
4.1.1 APPLICATION DE LA GRILLE D’ANALYSE D’AVOCAT
4.1.2 ANALYSE TYPOLOGIQUE DU BÂTI
4.1.3 IDENTIFICATION DES ÉLÉMENTS À RÉINTERPRÉTER
4.2 PRÉSENTATION DE L’ANALYSE QUALITATIVE DU SITE
4.2.1 LES COUCHES DE L’ÎLE
4.2.2 UNITÉS PAYSAGÈRES
4.2.3 RÉSEAU TOURISTIQUE
4.2.4 TYPOLOGIE DU BÂTI
4.2.5 MATÉRIALITÉ
4.2.6 ÉLÉMENTS HISTORIQUES
17 17 19 19 19 19 24 27 27 30 31 V
5. LE PROJET D’ARCHITECTURE _ ESPRIT VERDOYANT
33 5.1 LE PROJET
5.2 MISSION ET ENJEUX
5.2.1 QUESTION DE RECHERCHE
5.2.2 MISSION
5.2.3 ENJEUX
5.2.4 OBJECTIFS DE DESIGN
5.3 LE CENTRE CULTUREL
5.3.1 PROGRAMMATION
5.3.2 CONCEPT FORMEL, INTERPRÉTATIONS ET MATÉRIALISATION
5.4 LA TOUR D’OBSERVATION
5.4.1 PROGRAMMATION
5.4.2 CONCEPT FORMEL, INTERPRÉTATIONS ET MATÉRIALISATION
5.5 LE MUSÉE DU SQUELETTE
5.5.1 PROGRAMMATION
5.5.2 CONCEPT FORMEL, INTERPRÉTATIONS ET MATÉRIALISATION
33 33 33 34 34 34 35 36 37 41 41 42 43 44 45 6. RETOUR CRITIQUE
47 6.1 PROCESSUS DE L'ESSAI PROJET
6.2 LIMITES DU PROJET
47
48
7. CONCLUSION
49 ANNEXES
53 ANNEXE A _ PLANCHES PRÉSENTATION FINALE
ANNEXE B _ PHOTOS DE MAQUETTES
ANNEXE C _ CARTE DES CONCEPTS
ANNEXE D _ GRILLE D’ANALYSE DE CHARLES AVOCAT
ANNEXE E _ ANALYSE DE PRÉCÉDENTS PROGRAMMATIQUES
ANNEXE F _ PRÉCÉDENTS TOURS D’OBSERVATION
ANNEXE G _ ANALYSE PHOTOGRAPHIQUE DU SITE
ANNEXE H _ RÉSUMÉ DES FICHES DES BÂTIMENTS
ANNEXE I _ HORIZON
54 60 65 66 70
73 75 77 78 VI
Liste des figures
Fig. 1 Positionnement géographique de l’Ile Verte
2
Fig. 2 Schéma de la dialectique entre subjectif et objectif
7
Fig. 3 Schéma du paysage perçu de Charles Avocat tiré de Lire le paysage
7
Fig. 4 Architecture analogue de Peter Zumthor, maison Gugalun _ Réinterprétation du bois comme parement
13
Fig. 5 Architecture analogue de Sverre Fehn, musée des glaciers norvégiens _ inspiration de l’infini et des montagnes
13
Fig. 6 Architecture analogue de Brian Mackay-Lyons _ Liens entre l’architecture extérieure et l’architecture
vernaculaire des granges, structure comme structure de la coque d’u bateau et enfilement des pièces comme
dans l’architecture navale.
14
Fig. 7 Pêches à fascines de l’Ile Verte de 1927 et regroupement des habitants pour la construction des structures de
pêche 1970
14
Fig. 8 Exploration par le dessin des possibilités d’interprétation par une architecture analogue de la pêche à fascine14
Fig. 9 Vue aérienne de l’Ile Verte, de ses attractions principales et de l’implantation des 3 éléments du projet
15
Fig. 10 Schéma de la méthodologie de l’approche analytique qualitative de Charles Avocat
17
Fig. 11 Plan de l’Ile Verte – Accès et intérêts
20
Fig. 12 Plan de l’Ile Verte – Topographie
20
Fig. 13 Plan de l’Ile Verte – Environnement
21
Fig. 14 Plan de l’Ile Verte – Couvert forestier
21
Fig. 15 Plan de l’Ile Verte – Parcellaire
22
Fig. 16 Plan de l’Ile Verte – Zones bâties
22
Fig. 17 Plan de l’Ile Verte – Types de bâtiments
23
Fig. 18 Plan de l’Ile Verte – Plan d’affectation des sols
23
Fig. 19 Plan de la division des 4 unités paysagères
24
Fig. 20 Unité de vue : Photo du chemin principal, des champs et des ensembles résidentiels typiques
24
Fig. 21 Unité de vue : Les prés salins vus du parc du portage (musée du squelette)
25
Fig. 22 Unité de vue : Vue de la forêt de conifères et d’une maison isolée (exemple de maison sur plateau, résidence
de Pierre-Henry Fontaine)
25
Fig. 23 Unité de vue : Vue des anses de plages et des ensembles rocheux à proximité de phare
26
Fig. 24 Plan du réseau touristique existant
27
Fig. 25 Photos de maisons vernaculaires
28
Fig. 26 Photos d’ensembles résidentiels typiques et de l’ensemble du phare
29
Fig. 27 Photos de fumoir et exploration des interprétations possibles des particularités constructives du fumoir : la
ventilation naturelle par la toiture
29
Fig. 28 Photos de granges
30
Fig. 29 Échantillons de la matérialité naturelle de l’Ile Verte : l’eau, la roche, les arbres, le sable, les algues, les
grandes herbes et les rosiers sauvages
30
Fig. 30 Échantillons de la matérialité des bâtiments de l’Ile Verte : le bois de charpente, le bardeau de cèdre, le clin
horizontal, le bois naturel, le clin vertical, le bois blanchi ou peint et la pierre
31
Fig. 31 Images du phare et du logo de l’Ile Verte
31
Fig. 32 Photos d’époque des pèches à fascines
32
Fig. 33 Photos de la construction des pêches à fascines
32
Fig. 34 Plan de l’Ile Verte – Implantation des nouveaux projets
33
Fig. 35 Schéma du projet de centre culturel
35
Fig. 36 Implantation du nouveau centre culturel par rapport au phare
35
Fig. 37 Vue du site projeté pour le centre culturel
35
Fig. 38 Schéma programmatique du centre culturel en plan
36
Fig. 39 Images globales du nouveau centre culturel et de son intégration au paysage
37
Fig. 40 Plan du centre culturel
37
Fig. 41 Relation entre les silhouettes de l’Ile Verte et le centre culturel
38
Fig. 42 Vue de l’entrée du centre culturel et de sa relation avec le phare
38
Fig. 43 Coupe longitudinale montrant les différents niveaux de planchers
39
Fig. 44 Images de la structure blanche qui représente la verticalité des pêches à fascines
39
Fig. 45 Coupe transversale avec ventilation naturelle par le « capuchon » central
39
Fig. 46 Vues de l’espace tampon semi-extérieur et de la salle multifonctionnelle et des différentes utilisations du bois
40
Fig. 47 Implantation de la tour d'observation
41
Fig. 48 Vues du site projeté pour la tour _ 1. Champ et vue vers le Fleuve 2. Champs et maisons en bordure du
chemin principal
41
Fig. 49 Schéma programmatique de la tour
41
Fig. 50 Image globale de la tour le jour
42
Fig. 51 Coupe perspective de la tour
42
Fig. 52 Plans de la base, de l'observatoires, du toit et coupe de l'observatoire
43
Fig. 53 Image de la tour illuminée la nuit
43
Fig. 54 Nouvelle implantation du musée du squelette
43
Fig. 55 Photo de l'intérieur et de l'extérieur du musée de squelette exiatnt, de la grange à réaménager et de la vue sur
les prés salins
44
Fig. 56 Schémas programmatiques en coupes et des 2 niveaux de la grange
44
Fig. 57 Image de l'extérieur de la grange avec l'ajout de l'estrade et du pan translucide
45
Fig. 58 Plans du musée du squelette
45
Fig. 59 Photo de la maquette de la grange et de ses vastes espaces
46
Fig. 60 Coupes transversales et détails du musée du squelette (jonction existant / ajout, podium central, alcôves de
contemplation)
46
Fig. 61 Coupe perspective du musée du squelette et images d'ambiances intérieures
46
*** Toutes les images sans sources spécifiques indiquées ont été produites
où proviennent de ma collection personnelle de photographies ***
VIII
Contexte
« L’Ile Verte que nous aimons, c’est un monde unique, riche de ses traditions, de sa
nature, de sa culture et de ses paysages. »
- Tiré du reportage de Robert Desrosiers, L'Ile Verte racontée 2010
L’Ile Verte est un bijou de culture préservé par son isolement de la terre ferme. (Léonidoff et al.,1989) En
effet, tel que le mentionne Louise Newbury et Charles Méthé (2004; 43) : « L’Ile Verte, c’est un bout de
terre qui résiste aux velléités du temps. C’est une poignée d’hommes et de femmes qui se sont soudés à
l’espace par leur façon de vivre. ». Le fleuve, qui enveloppe l’île, la protège et fusionne les Verdoyants à
leur espace si particulier qui se manifeste à la fois dans sa population, son architecture et ses paysages.
Malheureusement, l’ancrage si fort à la terre est aujourd’hui en péril vu l’exode des résidents permanents et
le changement d’économie qui s’opère. Les résidents sont dépendants des marées et isolés ce qui rend le
quotidien difficile pour certains, dont les familles qui ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école. L’île a
effectivement rapidement dû s’adapter à la disparition de l’industrie de la pêche, de l’agriculture de
subsistance et de la foresterie pour laisser place à un important flot touristique. (Léonidoff et al.,1989)
Heureusement, le paysage de l’île se distingue et devient un vecteur de force de son attractivité. Le bâti, à
l’exception des constructions contemporaines, est presque entièrement traditionnel et a un caractère de
petits ensembles caractéristiques. Les maisons sont, aujourd’hui, devenues des gites ou des chalets ce qui
en facilite la conservation et l’entretien de ceux-ci en plus de permettre aux résidents de vivre de l’industrie
touristique. (Desrosiers, 2010) L’esprit du lieu est donc porté par le bâti et les paysages, mais aussi par sa
population, gardienne de l’histoire, des traditions et des légendes. Les vieilles familles, dont les Fraser et
les Lindsay, sont encore présentes sur l’île et se sont fortifiées grâce à l’arrivée d’autres gens, mais sont
chacuns isolés dans leur parcelle. La plus grande richesse de l’île est dans leur savoir et leur
mémoire…c’est en partie d’eux qu’émane l’esprit de l’île! D’où le projet de permettre à ces gens de se
réunir pour partager leur « beauté » et leur culture, entre eux et avec les touristes.
1
1. Architecture analogue pour l’Ile Verte
L’essai [projet] développe et applique une méthode de conception architecturale qui repose sur une
interprétation de l’esprit du lieu de l’Ile Verte. Le tout pour créer une architecture analogue représentative
pour le nouveau centre culturel, la tour d’observation et le musée du squelette. À cette fin, le travail de
conception s’appuie sur la démarche d’analyse qualitative proposée par Charles Avocat (1984) afin
d’identifier et de caractériser les traits évocateurs du paysage humanisé à mettre en valeur ou à interpréter
dans l’architecture. La base du projet est donc le site, c’est-à-dire l’Ile Verte, un petit écrin de paysage et
d’architecture vernaculaire unique situé dans l’estuaire du Saint-Laurent à proximité de Rivière-du-Loup. Le
projet d’architecture implanté près du plus vieux phare du Saint-Laurent se veut sensible face à la mémoire
collective et aux paysages particuliers de l’île. Il propose un espace où Verdoyants et visiteurs peuvent se
rencontrer pour ainsi faciliter les échanges et par conséquent enrichir l’expérience touristique. Ce projet
s’inscrit dans les besoins identifiés par le comité d’urbanisme de l’île. De plus, l’ajout d’une tour
d’observation est à concevoir et une nouvelle implantation est prévue pour le musée du squelette afin
d’assurer la conservation d’une vieille grange caractéristique. En bref, l’essai [projet] veut démontrer
comment une architecture analogue, au fort pouvoir d’évocation, peut générer des espaces valorisant
l’esprit du lieu ciblé par une analyse du paysage culturel ou plus précisément du site, de son histoire, de
son architecture vernaculaire et de son contexte paysager humanisé?
Fig. 1 Positionnement géographique de l’Ile Verte
Source : http://maps.google.ca/
2
2. Le cadre conceptuel _ de l’esprit du lieu à l’architecture analogue
L’essai (projet) propose une réflexion sur les méthodes pour cibler l’esprit du lieu et comment l’architecture
analogue peut l’interpréter. Il permet de démontrer un mode de lecture du paysage culturel afin d’identifier
les éléments interprétables dans l’architecture afin de matérialiser l’identité Verdoyante. L’approche
analogue permet d’exploiter le pouvoir d’évocation, aussi présent dans le paysage culturel et dans l’esprit
de l’Ile Verte.
2.1 ESPRIT DU LIEU
Le concept d’esprit du lieu n’est pas nouveau et a plusieurs origines. Selon Turgeon (2009), dans la
tradition occidentale, cette notion remonte à l’Antiquité romaine où il était alors appelé Genii Loci. Il
découlait de la mythologie romaine et désignait des êtres immanents qui avaient pour fonction de maintenir
l’existence des choses. Ils étaient les êtres spirituels des éléments matériels. Le « génie » est alors censé
animer un lieu de quelque chose de surnaturel. Le concept existe aussi chez la plupart des peuples
amérindiens. Malgré les différences de significations et de mots pour le désigner, l’esprit du lieu est un
principe répandu dans différentes cultures. Aux XVIIIe et XIXe siècles, le concept s’humanise et se laïcise,
le côté sacré laisse donc place à l’humain et plus particulièrement à certaines professions dont
l’architecture qui contribuent à la création de paysages. Ce changement fondamental du concept est
marqué par un changement lexical. Le terme « Génie » du lieu est remplacé par « Esprit » du lieu lequel
entretient un rapport plus proche avec l’homme et le caractère que celui-ci octroi à un lieu.
2.1.1 L’esprit du lieu de l’architecte
« L’esprit du lieu, c’est l’âme du site, c’est sa raison d’être et la condition de sa survie : toute gestion de site
repose donc sur son identification et la valorisation même de celle-ci. »
- Prats et Thibault 2003; 3
Tout comme la définition du paysage, l’esprit du lieu a connu différentes significations dans le temps et
selon les spécialités de chacun. (Norberg-Schultz, 1997) Au départ, une opposition marquée dans la
définition du concept était présente entre géomorphologues et sociologues. Certains donnaient aux lieux
physiques toute l’importance, ils étaient la source de l’esprit du lieu alors que les autres misaient tout sur
l’homme. (Richot 1999 cité par Turgeon 1999) Ces approches avaient tendance à réduire le concept à une
source unique plutôt que de concevoir une dialectique entre les deux. Aujourd’hui, cette dialectique existe,
et la relation entre la partie « esprit » et celle du « lieu » est très importante. Les deux se forment en rapport
3
avec l’autre et s’enrichissent mutuellement. (Bédard 2002 cité par Turgeon; Prats et Thibault 2003). C’est
cette dernière conception qui colle à l’utilisation qu’en fait l’architecte. Laurier Turgeon expose bien les deux
éléments fondamentaux du concept dans son texte d’introduction du colloque sur l’esprit du lieu :
« L’expression « esprit du lieu » énonce elle-même les deux éléments fondamentaux de cette relation,
l’esprit qui renvoie à la pensée, aux humains et aux éléments immatériels, et le lieu qui évoque un site
géographique, le monde physique et, bref, les éléments matériels ». (Turgeon, 2009; 1) La définition du
concept ne renvoie pas à quelque chose de figé, la notion évoque des jeux de relations entre processus
humains et objets physiques, ce qui implique un dynamisme et un changement de l’esprit du lieu dans le
temps, d’où l’importance de la notion de mémoire. (Thibault 1999, Prats; Thibault 2003; Norberg-Schultz,
1997) L’identification de l’esprit du lieu cible son identité et son unicité. (Prats et Thibault 2003). Les
éléments matériels ou objectifs pris en compte vont du site, aux bâtiments tandis que la partie immatérielle
ou subjective comprend les récits, les rituels, le savoir-faire et la mémoire des habitants. Ces éléments
participent tous à la construction du « sens » du lieu. (Prats et Thibault 2003)
L’esprit du lieu est en partie le résultat de « l’objectivation » des pratiques sociales dans un monde matériel
qui a participé à la formation de ces pratiques. L’objectivation est définie comme un processus de
concrétisation d’une idée humaine dans une forme matérielle. (Daniel Miller et Christopher Tilley cité par
Turgeon) C’est un processus semblable à celui de l’architecture : le bâtiment commence par naître dans
l’esprit de l’architecte et est forgé à la fois par la personne et par le lieu dans lequel ce bâtiment se situera.
Le lieu forge la vision de l’architecte en fonction des besoins de l’espace et de la formation matérielle de
celui-ci. (Turgeon 2009)
Lors de l’utilisation de l’esprit du lieu pour informer l’architecture, la définition de celui-ci guide ce qui en
sera fait. Dans le cas de l’Ile Verte, l’identification de ce qu’est l’esprit du lieu servira à créer un outil de
mobilisation sociale et culturelle et une valorisation du « vivre ensemble » comme le mentionne Laurier
Turgeon (2009). Il permettra aussi de traduire en lieu physique certains éléments portés par les Verdoyants
qui sont fragilisés par le déclin démographique. Le patrimoine immatériel et matériel, même celui qui ne
reste que dans les souvenirs et les traces sur le territoire, doit perdurer et la matérialisation architecturale
est un acte qui en assure la pérennité. (Turgeon 2009 et Prats et Thibault 2003)
Pour le projet de l’Ile Verte, la première étape est d’identifier la nature même de l’esprit du lieu et de
certains éléments « modèles » reconnaissables et réinterprétables dans l’architecture. (Chastain 1999)
« Extracting the layers of a place and recomposing them into relevant systems, through the process of
4
reading, helps us describe this knowledge. The task is to extend these systems to generate new places,
something that is learned through designing. Places then, with their layers of making, act as a collective
Memory that conserve the learning that occurs through design practice. ». (Chastain, 1999; 6) Ce dépistage
de l’esprit du lieu est possible à travers le concept de paysage puisque toutes les pratiques, les légendes,
les économies ainsi que les résidents sont soudés à leur île qui est formée par le paysage.
2.2 LE PAYSAGE
La notion de paysage peut sembler simple vu son appartenance au vocabulaire courant, mais le paysage
n’est pas qu’un concept englobant des images naturelles ou encore un objet de consommation
possiblement commercialisable. Sa signification est diverse (Avocat, 1982), selon les besoins expressifs de
chacun et selon les spécialités de l’utilisateur. En effet, le paysage de l’architecte n’est pas le même que
celui du paysagiste qui en a une vision très fine et spécifique limitée à la vue et aux échelles héritées de
l’histoire de l’art des jardins. Pour sa part, le géographe aspire à une définition plus physique et
« scientifique » du paysage. Il est donc possible d’affirmer que le terme a autant de définitions que de
regards ou encore de centres d’intérêt. (Avocat, 1984, Sanguin, 1981 et Jackson, 2003)
2.2.1 Étymologie et définition du paysage de l’architecte
La définition du terme paysage débute par la compréhension de la composition et de la filiation du terme.
Le mot est formé de l’union entre le radical « pays » et le suffixe « age ». (Avocat, 1982)
Pays :
« Territoire habité par une collectivité et constituant une réalité géographique dénommée »
- Petit Robert
La souche du mot établit d’ores et déjà une complexité et une dualité entre territoire physique et humain. La
définition du Petit Robert intègre d’ailleurs les gens à la délimitation géographique physique, ce qui
correspond à la notion contemporaine du paysage. L’idée de délimitation est aussi importante dans la
racine du mot puisque, comme Jeanne Martinet (1984; 62) le dénote dans son essai « Le paysage :
signifiant et signifié » : « Les étymologistes font remonter pays à une forme de bas-latin pa(g)ensis qui
désigne l’habitant d’un pagus, un canton, valeur encore vivante dans le pays ou la payse, mais aussi verbe
pango, qui veut dire “enfoncer des pieux”, puis “limiter”, il s’agit donc d’un territoire délimité
artificiellement. ». Dans le cas de l’Ile Verte, la délimitation n’est pas effectuée par des pieux, mais par le
rivage, la limite des eaux du fleuve Saint-Laurent.
5
Le suffixe « age » a deux significations qui permettent de définir la portée du mot. Dans un premier temps, il
sert, comme le mentionne Avocat (1982), à créer des ensembles. En effet, le penseur donne en exemple la
différence de signification, très évocatrice, entre « feuillle » et « feuillage » et mentionne que le deuxième
est un regroupement du premier. Il est donc possible d’en déduire que le suffixe « age » attribut au mot la
notion d’ensemble et dans ce cas-ci, le paysage est « l’ensemble des caractéristiques du terrain découvert
par la vue, comme le visage est l’ensemble des traits de la figure (en quelque sorte le paysage est le visage
de la terre en un lieu donné) » (Avocat, 1982; 334). Dans un second ordre d’idée, lorsqu’additionné à un
mot, le suffixe désigne l’activité humaine en lien avec la racine du terme. Le paysage serait donc aussi
« l’action de percevoir le pays ou l’observation des traits qui le caractérisent ». (Avocat, 1982; 334)
La complexité du terme ne se résume pas à son étymologie qui renvoie à l’ensemble des caractéristiques
d’un territoire délimité et pouvant être perçu (Martinet, 1984). Comme l’explique Avocat (1984; 334) : « …il
désigne ce que l’on voit d’un pays (acception « normale ») avec une connotation vers l’action même de voir,
de sorte qu’objet et sujet sont apparemment indissociables de la notion même de paysage. Il y a donc
autant un acte de paysage, qui privilégierait la perception globale, qu’un objet paysage, susceptible d’être
maitrisé de façon analytique, rationnelle et, pour tout dire, scientifique. »
Depuis son apparition au milieu du XVIe siècle, le terme a évolué, et cela, jusqu’à en arriver à une définition
fidèle au sens original du mot et à la discipline liée à l’architecture. (Martinet, 1984) Le paysage de
l’architecte se définit par une multiplicité de significations. Tout d’abord, il évacue la notion scientifique telle
que mentionnée dans les théories d’Avocat (1982) et Flatrès-Mury (1982), puisque l’architecture n’est pas
une science. Le paysage de l’architecte se veut un cadre de vie en plus d’une motivation de l’activité
touristique. Celui-ci est essentiellement appréhendé par le regard, mais aussi par les autres sens de
l’homme. (Flatrès-Mury, 1982) L’architecte perçoit le paysage de façon sensible en plus d’y voir une relation
étroite avec la manière qu’a l’homme d’occuper l’espace.
6
2.2.2 Dialectique entre subjectif et objectif
« Le paysage ne se réduit pas aux données visuelles du monde qui
nous entoure. Il est toujours spécifié de quelque manière par la
subjectivité de l'observateur ; subjectivité qui est davantage qu'un
point de vue optique. L'étude paysagère est donc autre chose qu'une
morphologie de l'environnement. Inversement, le pays n'est pas que
“le miroir de l'âme”. Il se rapporte à des objets concrets, lesquels
existent réellement autour de nous. Ce n'est ni un rêve ni une
hallucination ; car si ce qu'il représente ou évoque peut être
imaginaire, il existe toujours un support objectif. L'étude paysagère
est donc autre chose qu'une psychologie du regard …»
- Augustin Berque, 5 propositions pour une théorie du paysage, 1994
Le paysage n’a pas de qualificatif qui lui est propre, c’est
Fig. 2 Schéma de la dialectique entre subjectif et
objectif
l’homme qui les lui donne à travers l’image qu’il en a. (Avocat,
1984) En effet, le paysage de l’architecte se situe à l’articulation des deux approches traditionnelles du
concept; l’objectif et le subjectif. Il s’agit d’une approche dialectique du paysage. Plusieurs théoriciens
s’entendent sur cela dont Avocat (1982), Berque (1994, 2009), Beringuier (1991), Flatres-Mury (1982) et
Corbin (2001). En effet, comme Alain Corbin (2001) l’explique, l’objet (paysage) est absolument
indissociable de l’homme. La ligne d’horizon1 est la représentation par excellence de l’alliance entre
paysage et observateur puisque le moindre mouvement de ce dernier implique un déplacement de la limite
du paysage comme l’explique Erwin Straus (cité par Collot, 1984; 122) : « dans le paysage nous sommes
entourés par un horizon, et aussi loin que nous puissions avancer, l’horizon avance avec nous ». Ce sont
les « filtres » particuliers de chacun, l’imaginaire, la psychologie, les expériences et les relations affectives
avec le lieu qui permettent à l’homme de caractériser le paysage, c’est la part subjective de celui-ci.
(Avocat, 1982) Il y a aussi dans le paysage une réalité physique et objective correspondant au relief, à la
végétation, aux couleurs, etc. De l’addition de ces deux
parties nait le paysage vécu ou perçu qui est relatif à
chacun comme l’illustrent les figures 2 et 3. (Avocat, 1984)
Roger Brunet (1992) fusionne d’ailleurs l’objectif et le
Fig. 3 Schéma du paysage perçu de Charles Avocat
subjectif dans sa description du paysage : « ...Le paysage
1
Voir annexe I pour définition de l’horizon
7
est donc une apparence et une représentation : un arrangement d'objets visibles perçu par un sujet à
travers ses propres filtres, ses propres humeurs, ses propres fins... ».
- Roger Brunet et al., dans Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Reclus, 1992
La somme de ces réactions entremêlées forme l’appréciation paysagère. Celle-ci est personnelle dans son
plus haut niveau de subjectivité, mais aussi généralement guidée par le groupe ou le goût commun qui
permet d’être plus objectif en créant une généralisation et par conséquent en étant moins personnel.
(Flatrès-Mury, 1982) Cela explique la variation des valeurs des paysages dans le temps puisque le goût
commun change selon les époques tout comme les courants architecturaux. (Avocat, 1982)
2.2.3 Paysage culturel
« Le paysage est une valeur collective. Il est l’expression de valeurs culturelles partagées par une même
communauté, qui vont au-delà du seul message esthétique (…) Le défi à relever est bien d’abord d’ordre culturel : le
paysage doit devenir un projet, un projet partagé par tous les acteurs qui agissent sur la transformation de notre
cadre de vie. »
-
Jean Frebault dans Les aménageurs doivent produire de la qualité paysagère
Le paysage ne se résume pas à ses composantes naturelles. Il prend en compte les constructions ainsi que
toutes les traces laissées par l’homme. Le paysage perçu, et particulièrement celui de l’Ile Verte, montre le
jeu d’interactions entre la nature et la manière dont les hommes l’ont modifiée, adaptée ou s’y sont soumis
pour en tirer profit au maximum. (Avocat, 1982) Le résultat de ces interactions est un paysage « culturel »
et « social ». (Avocat, 1984 et Jackson, 2003) Il renvoie effectivement aux structures économiques et aux
subdivisions sociales qui expliquent ses mutations. Il prend donc en compte l’histoire des sociétés qui
l’habite dans le temps et agit comme un palimpseste des sociétés humaines. (Chevallier, 1976) Le paysage
porte en effet la « signature » de l’homme. Cette signature est l’ajout de plusieurs trames ou réseaux sur les
éléments plus naturels dont fait partie le relief. Le paysage culturel de l’Ile Verte par exemple est la
superposition de plusieurs trames dans l’histoire de l’île, de la culture des champs à l’implantation en petits
ensembles de bâtiments influencés par l’économie de la pêche et de l’agriculture en plus de la trame
touristique actuelle. Les grands champs ondulés font partie du paysage perçu, mais ceux-ci sont le résultat
de l’addition entre une économie de cultivateur, la déforestation, l’implantation de clôtures de perches et du
relief naturel de l’île. L’homme fait donc partie intégrante de la perception du paysage, mais aussi de la
« forme » que prend le paysage lui-même. Il est d’ailleurs en perpétuelle évolution, tout comme la société
humaine. (Avocat, 1982)
8
Selon Avocat (1982), trois notions principales caractérisent le paysage. Premièrement, il s’agit d’une
synthèse, ou plus précisément d’une « composition » semblable à celles construites par les artistes
peintres. Le paysage est donc le résultat de l’union entre différentes composantes et le regard de l’homme
se veut une lecture de l’ensemble, mais surtout un décodage de l’assemblage. De plus, le paysage est le
résultat de la structuration en catégories, ou de la rationalisation de l’ensemble par l’homme afin de le
rendre intelligible et catégorisable. Il est aussi le support de communications entre individus partageant un
même espace ou ayant une impression sur celui-ci. Il est même, selon R. Rochefort (cité par Avocat, 1982),
un miroir qui nous renvoie à nous-mêmes et aux autres. Ce miroir introduit la notion du paysage en tant que
palimpseste du fonctionnement des sociétés humaines et cycles naturels. En effet, le temps est primordial.
(Avocat, 1982) Ce dernier additionné au miroir de soi et des autres démontre, tel que Franck Maurel (1984)
le mentionne, que le patrimoine paysager, qui inclut le bâti architectural, est une grande mémoire
témoignant des peuples et des intérêts généraux. Ce patrimoine n’est d’ailleurs pas renouvelable et
transmet une culture, un savoir, une intelligence qui représente l’identité du lieu. Le paysage fait donc partie
intégrante de la pratique, des réflexions et est une base solide d’information pour l’architecte, ses créations
et ses inspirations. (Maurel, 1984)
2.2.4 Lecture des paysages
Les modes de lectures ou d’évaluations des paysages sont multiples. Il s’agit par contre généralement d’un
déchiffrage des trames constitutives et de leurs relations entre elles. Au stade de la lecture, comme le
mentionne Avocat : « il ne s’agit plus de rechercher ce qu’est le paysage, mais d’extraire du système le ou
les éléments les plus pertinents, les plus accessibles, les plus significatifs, à la fois de la réalité et de son
image. ». (Avocat, 1984; 14) La différence majeure est le résultat de la lecture soit qualitatif ou quantitatif.
Une revue générale de l’ensemble s’impose afin d’identifier celle s’appliquant aux paysages de l’Ile Verte.
Les méthodes d’évaluation du paysage exposées par Huguette Flatrès-Mury ont pour but de quantifier un
paysage grâce à différents critères propres à chaque méthode. Parmi ces approches, on distingue deux
catégories particulières soit l’approche globale dont fait partie celle de K.D. Fines qui tend à évaluer le
paysage comme un ensemble de composantes interagissant entre elles et l’approche analytique qui
quantifie chaque constituante d’un paysage, pour additionner les résultats et obtenir une somme
représentant la valeur du paysage. Ces méthodes ne s’appliquent malheureusement pas au paysage de
l’architecte, puisqu’une note ne guide pas la conception d’un projet. De plus, ces méthodes évacuent la
9
partie subjective du paysage en utilisant des barèmes préétablis. Vu l’aspect fort subjectif des paysages de
l’île, de l’architecture en général et de l’esprit du lieu recherché, ces méthodes ne s’appliquent pas. Une
autre approche, axée sur la qualification des éléments et la recherche d’ambiances paysagères, est par
contre tout à fait indiquée pour le cas de la lecture de paysage en vue de guider l’architecture. Il s’agit de
celle établie par Charles Avocat, l’approche analytique qualitative. Tel que Huguette Flatrès-Mury le dénote,
la plus grande difficulté du domaine de l’étude du paysage est d’arriver à une analyse objective à partir de
phénomènes en partie subjectifs. (Flatrès-Mury, 1982)
2.2.5 Approche analytique qualitative
L’approche analytique qualitative développée par Charles Avocat (1984) consiste en une grille d’analyse
pour mettre en évidence certains critères particuliers définissant le paysage. Cette grille force
« l’évaluateur » à connaître le paysage qu’il décortique et évalue. Elle implique des visites sur place, une
connaissance des lieux, de la culture locale et de l’histoire. L’analyse peut être effectuée in situ, mais aussi
à partir de photographies prises par l’évaluateur. Il s’agit de vivre le lieu comme le mentionne Harry
Bernard dans son célèbre roman Dolorès de 1932 : « Il en est des paysages comme des hommes : il faut
un peu les vivre pour pénétrer leurs secrets. ». L’analyse ne peut effectivement pas être effectuée sans
avoir « vécu » le paysage et cela se traduit dans la subjectivité des photographies qui est le résultat d’une
sensibilité particulière exprimée dans le choix de prise de vue et l’objet photographié. Le choix des
photographies utilisées pour définir le paysage fait partie intégrante de la démarche. (Avocat, 1982) Il est
aussi possible de regarder ce que les peintres ont choisis de représenter de ces paysages et ce que les
romanciers en ont dit.
Le processus a pour but de « comprendre » le paysage et pour cela, l’étape du dessin qui permet une sorte
de participation à l’objet dessiné est importante. La méthode développée par Avocat est à la fois globale et
analytique et ne comprend pas de quantification, elle rassemble la subjectivité et l’objectivité dans une grille
d’analyse rigoureuse fonctionnant par un principe d’absence ou de présence dans le paysage. (Avocat,
1984) Les éléments ciblés par cette grille permettent, entre autres par la définition et la description d’unités
paysagères, de cibler l’esprit du lieu. (voir annexe D)
10
2.3 LIENS ET RELATIONS : esprit du lieu, paysage et architecture
L’architecture et le paysage ont des points en commun dont le principal est que chacun perçoit des
éléments physiques et objectifs à travers ses propres filtres qui eux sont subjectifs. Le paysage a un fort
pouvoir d’évocation, tout comme l’architecture, et lorsqu’il est pris en compte dans sa totalité, comme le
suggère Charles Avocat, il permet d’identifier l’esprit du lieu. Afin d’intégrer une nouvelle architecture à l’Ile
Verte et d’en faire un vecteur de son identité, elle doit s’approprier des éléments de l’esprit du lieu et les
mettre en évidence. Cela est possible grâce à l’architecture analogue.
2.4 ARCHITECTURE ANALOGUE
Analogue : Qui a de l’analogie, de la ressemblance avec une autre chose
-
Petit Larousse illustré
« Les objets ordinaires du quotidien recèlent un pouvoir poétique extraordinaire. Les bâtiments devraient
aussi prendre part à la forme et à l’histoire d’un lieu. L’expérience architecturale repose sur la mémoire des
lieux vécus. Le sens de l’expérience émerge quand sont coordonnés les choix des matériaux et l’identité du
lieu. ».
- Peter Zumthor
La notion de l’analogie remonte, pour les architectes et les scientifiques, à la Renaissance. Elle permettait
alors d’exposer des éléments complexes à des profanes et de s’assurer leur compréhension. Les
architectes l’utilisaient à cette époque, comme aujourd’hui, pour son pouvoir d’évocation. C’est une
approche de l’architecture dite « sensible » qui lui permet de devenir un langage permettant d’exprimer le
« sens » des choses. L’architecture devient ainsi liée à l’identité du lieu, car les adeptes de l’architecture
analogue réagissent au phénomène d’homogénéisation de l’architecture. Le lieu dicte ainsi la
« personnalité » du bâti. C’est un enracinement dans le contexte identitaire, le paysage et l’esprit du lieu par
une architecture, dans le but de favoriser l’appropriation, la compréhension de l’espace et de toucher
l’utilisateur. Le concepteur s’intéresse ainsi à la poésie des choses existantes pour les interpréter dans
l’architecture alors dite « analogue » comme le mentionnent ainsi les rédacteurs de l’ouvrage du centre
culturel suisse (Sik, 2001 ;46) : « la recherche d’émotions familières, données par une architecture réaliste,
qui touchent en toi une corde sensible et te font chercher à comprendre la raison des émotions que tu
ressens». L’essence de la pensée analogue est donc une réappropriation d’éléments du contexte par le
concepteur permettant une certaine continuité architecturale ancrée dans le pouvoir d’évocation. Le
langage analogique en architecture permet ainsi à l’usager de reconnaître et relier certains éléments de
l’architecture à son quotidien grâce au potentiel poétique de ceux-ci : « La reconnaissance des choses
11
ordinaires et leur pouvoir d’expression poétique est une des parties constituantes de l’approche analogue »
(Sik, 2001 ; 46). Dans le projet de l’Ile Verte, ce concept est utilisé dans le but d’inscrire localement le projet
et de créer un lien entre Verdoyants et le milieu matériel de l’architecture. Il s’agit d’utiliser des matériaux,
couleurs, caractéristiques paysagères ou bâties pour éveiller la mémoire collective. Il ne s’agit par contre
pas d’un mimétisme naïf. Le but n’est pas de créer du « faux vieux » ou même de figer le temps, mais de
concevoir une architecture nouvelle réarticulée s’arrimant à la collectivité humaine, matérielle et culturelle
par une redécouverte de ces éléments sous un autre jour. (Abel, 1980)
L’architecture analogue ne doit pas être associée seulement au domaine visuel, mais, comme le paysage, à
l’ensemble des sens. C’est donc une expérience spatiale complexe qui peut être qualifiée d’ambiance qui
« doit être comprise comme un véritable instrument de travail, employée à renforcer l’identité d’un lieu, d’un
bâtiment ou d’un espace. Dirigée, elle remplit le besoin humain profond de stabilité et protection. » (Sik,
2001; 47). L’architecture analogue n’est pas symbolique et comme le mentionne Lynette Widder et Gerrit
Confurius (Sik, 2001 ;47) « les ambiances font des allusions subtiles, elles sont légèrement imprécises et
fortement sentimentales. ». Puisqu’il est question d’ambiance et de fusion avec le lieu géographique et
culturel, l’architecture analogue peut utiliser d’autres référents que ceux construits comme le mentionne
l’ouvrage du Centre culturel suisse (2001; p156) : « Faire intervenir des « matériaux » autres que ceux,
inertes, habituels à la construction, faire intervenir les conditions atmosphériques ou la végétation, par
exemple, c’est ouvrir à des phénomènes qui peuvent être emprunts d’aléatoire et d’incontrôlé : la nature est
ainsi sollicitée, comme un nouveau référent. »
2.4.1 Précédents d’architecture analogue
Le premier architecte à utiliser l’expression « d’architecture analogue » fut Le Corbusier lors de la
conception de la Chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp. Il disait utiliser des objets usuels comme
source d’inspiration pour le projet architectural. Il nomme d’ailleurs les composantes banales ; des « objets
à réaction poétiques ». Dans le cas de la chapelle, selon Chupin (2000; 87) le crabe est la source de la
réaction poétique de l’architecte permettant d’établir la forme et la structure fonctionnelles de l’œuvre
architecturale. Le Corbusier s’est aussi inspiré d’autres types d’architectures telle que celle des mosquées
de la région du Mzab en Algérie. Il existe plusieurs types d’analogies en architecture : par exemple il y a
l’analogie biologique exploitée par des architectes comme Santiago Calatrava Valls avec ses formes
inspirées de l’œil ou du torse humain ou encore l’escalier du château de Chambord et ses ressemblances
avec l’image de l’ADN humain. Herzog et De Meuron avec le stade olympique de Pékin se situent plutôt
12
dans une analogie structurelle du nid ou du tissage aussi exploité par Gottfried Semper. (Chupin, 2010) Ces
analogies ne se réfèrent pas au lieu où s’implante l’architecture et c’est pourquoi, le projet de l’Ile Verte se
réfère plutôt aux réflexions d’autres architectes qui se sont penchés sur ce courant de pensée et dont les
Suisses sont aujourd’hui la figure de proue. Ils s’inspirent de l’architecture moderne et plus précisément de
son minimalisme, mais proposent aussi un lien historique et traditionnel avec le lieu. Un de ses
représentants est Peter Zumthor par sa quête d’une authenticité et d’éléments banals activant la mémoire
et le subconscient. Il est effectivement possible de voir dans son architecture une continuelle quête de
l’identité et des références à des notions vernaculaires réinterpréter comme c’est le cas du parement
extérieur de la maison Gugalun. (Centre culturel suisse, 2001)
Fig. 4 Architecture analogue de Peter Zumthor, maison Gugalun _ Réinterprétation du bois comme parement
Sources : http://mimoa.eu/projects et www.archdaily.com
D’autres architectes, tels que Sverre Fehn, s’inspirent de l’évocation des lieux pour forger l’architecture.
Dans son projet de musée des glaciers norvégiens, il réinterprète les sentiments qu’évoque le décor dans
lequel son bâtiment s’implante. Il reprend la forme et choisit la matérialité en fonction des hautes
montagnes en arrière-plan. Il évoque aussi l’impression d’infini que donne la vue et la grande superficie du
territoire par des escaliers qui projettent dans le paysage et donne l’impression de ne pas avoir de fin.
(Chupin, 2010 et Fjeld 2010)
Fig. 5 Architecture analogue de Sverre Fehn, musée des glaciers norvégiens _ inspiration de l’infini et des montagnes
Source : http://architecture.about.com
Pour sa part, l’architecte Brian Mackay-Lyons, représentant du mouvement du régionalisme critique, utilise
l’économie et les pratiques locales pour inspirer son architecture. Ses analogies concernent des éléments
historiques marquants particuliers à une région et représentent donc le paysage culturel de son contexte. Il
prend aussi comme référent à l’architecture, le côté environnemental ainsi que le paysage visuel en
orientant ses bâtiments de manière à optimiser les cadrages visuels comme dans la Hill house où le
bâtiment devient une caméra photographique dynamique ainsi qu’un « cocon » protecteur pour le climat
13
aride. Dans le Barn house, il utilise plutôt des référents formels en rapport avec la construction navale qui
fait partie des connaissances locales historiques de la Nouvelle-Écosse en plus de référer, par son nom et
son allure générale, aux fermes typiques. La structure est, en effet, une interprétation de la coque d’un
bateau et la distribution des pièces rappelle les enfilades de fonctions présentes dans les grandes
embarcations. (Quantrill, 2007)
Fig. 6 Architecture analogue de Brian Mackay-Lyons _ Liens entre l’architecture extérieure et l’architecture vernaculaire des granges,
structure comme structure de la coque d’un bateau et enfilement des pièces comme dans l’architecture navale.
Sources : www.mlsarchitects.ca, johnsmithphotography.net/images/galleries.htm, www.pnich.com/planbat.htm, www.flickr.com/photos
Les interprétations possibles dans le cas de l’Ile Verte sont de natures diverses. Historiquement, les
Verdoyants sont un peuple de pêcheurs. La disparition de cette économie a par contre fait disparaître
certains éléments du paysage et certaines pratiques rassembleuses comme l’était la construction des
pêches à fascine typiques. Une représentation de celles-ci est donc présente dans le projet afin d’évoquer
l’économie disparue, la construction physique des pièges géants et le potentiel unificateur qu’évoquait leur
édification au début de chaque saison. (Rioux, 1954; Léonidoff et al. 1989 ; Cyr et al.2009)
Fig. 7 Pêches à fascines de l’Ile Verte de 1927 et regroupement des habitants pour la construction des structures de pêche 1970
Sources : BANQ et Pierre-Henry Fontaine
Fig. 8 Exploration par le dessin des possibilités d’interprétation par une architecture analogue de la pêche à fascine
14
3. L’Ile Verte, municipalité de Notre-Dame-Des-Sept-Douleurs
3.1 Le site
L’Ile Verte est située dans l’estuaire du Saint-Laurent, à proximité (30km) de Rivière-du-Loup et a une
superficie totale d’environ 12 km2 partagés entre nature et habitat humain. L’île est le sommet d’un mont
appalachien embourbé dans des vases qui crève les eaux du Saint-Laurent. Elle est située à une distance
d’environ deux kilomètres de la côte sud en face du village de St-Jean-Batiste de L’Isle-Verte. L’île est
traversée par un chemin principal qui en relie les deux extrémités, soit « le bout d’en haut » et « le bout d’en
bas ». Une route perpendiculaire se rend au plus vieux phare du Saint-Laurent, qui est d’ailleurs le lieu
touristique principal de l’île. En plus des installations historiques construites, le site a un potentiel énorme
quant aux vues et aux besoins d’adaptations par rapport au climat extrême. L’emplacement se caractérise
par plusieurs éléments marquants du paysage, dont les grands enrochements, la forêt, l’ouverture vers le
fleuve, les prés salins, les champs et les ensembles bâtis typiques des lieux. (Léonidoff et al.,1989 et
Desrosiers, 2010 et Cyr et al., 2009)
Fig. 9 Vue aérienne de l’Ile Verte, de ses attractions principales et de l’implantation des 3 éléments du projet
15
3.2 Historique
L’île a tout d’abord été habitée par des Amérindiens dont des traces sont aujourd’hui découvertes grâce à
des fouilles. Les insulaires ont commencé à s’installer sur le côté sud de l’île, de part et d’autre du chemin
principal, depuis 1764. L’île est d’ailleurs une histoire de famille puisque les premiers habitants dont les
Fraser et les Lindsay y sont encore présents et d’autres comme les Fontaines y possèdes de nombreuses
propriétés. Lors de son apogée dans le début des années 1920, l’île va jusqu’à compter 400 habitants. Leur
autonomie vient de l’industrie de la récolte de mousse de mer, de l’agriculture, de la foresterie, mais surtout
de la pêche. Le déclin, ou même l’extinction de ces industries fait en sorte que le nombre de résidents
permanents est aujourd’hui situé entre 25 et 30 selon les années. Les gens y ont plutôt des résidences
secondaires vu l’absence d’école (fermées depuis 1972) et de services sur l’île et gagnent leur vie grâce à
l’industrie touristique. Des éléments du passé ont par contre marqué le lieu et constituent l’âme du site avec
comme porte-flambeau le phare et son histoire, construit en 1809. Ce dernier a d’ailleurs été classé
monument historique par la Commission des Lieux et Monuments Historiques du Canada en 1976 et a servi
de « modèle » à d’autres phares du Saint-Laurent. Certains éléments, comme les chalands et les pêches à
fascine sont disparus alors que ces dernières enrichissaient le paysage insulaire et formaient une tradition
d’entraide et de partage dans la communauté lors de leur construction.
16
4. Lire le paysage culturel _ l’esprit du lieu
4.1 Démarche d’analyse des paysages
La démarche choisie consiste en une analyse rigoureuse du paysage culturel de l’île afin de mettre en
lumière les traits évocateurs à mettre en valeur ou à interpréter dans l’architecture du projet. Elle se divise
plus particulièrement en deux parties soit le milieu bâti et le paysage en général. Toute cette analyse et
reconnaissance de la mémoire de l’île permettra d’en profiler le paysage culturel et d’ainsi pouvoir
réinterpréter les éléments marquants issus de l’analyse dans l’élaboration d’une architecture analogue.
4.1.1 Application de la grille d’analyse d’Avocat
L’analyse du paysage culturel s’effectue par l’application de la grille analytique qualitative de Charles
Avocat. (voir annexe D) Celle-ci permet une analyse globale permettant d’identifier certains traits de
caractère à conserver et mettre en valeur afin de guider le projet d’architecture. La séparation de l’île en
unités paysagères en plus de l’analyse de son réseau touristique actuel permet aussi de situer les
interventions voulues afin de promouvoir l’ensemble des unités paysagères. Compléter cette grille est
possible uniquement après un recensement de l’histoire, des pratiques, des coutumes et des légendes de
l’île à travers les écrits, les photos historiques, les témoignages et les reportages effectués sur celle-ci. Un
séjour à l’île pour « vivre » le paysage est aussi obligatoire.
La méthodologie de la grille de Charles Avocat
La grille se divise en quatre thèmes principaux qui sont : le constat
émotionnel ou approche sensorielle, l’analyse des caractères du
paysage, les composantes socio-économiques du paysage retenu
et les composantes naturelles. Chacune de ces sections sert à
identifier des éléments constitutifs du paysage et servira à
déterminer les constituantes de l’esprit du lieu. (Avocat, 1984)
La première section, le constat émotionnel ou approche sensorielle
se subdivise en trois sous-rubriques soit les moyens de découverte,
Fig. 10 Schéma de la méthodologie de
la description et l’échelle de perception. Cela constitue une
l’approche analytique qualitative de Charles
Avocat
17
approche globale du paysage qui sert à l’appréciation des ensembles caractéristiques et de l’architecture. Il
est aussi question dans cette partie de diviser les sous-ensembles homogènes correspondants aux unités
paysagères. On y souligne les principales composantes visuelles identifiables sur photographies ou sur
place. Il s’agit de la partie tournée vers la perception visuelle incluant la subjectivité de l’observateur et il en
résulte la définition d’une ambiance paysagère. Avocat défini ces ambiances paysagères comme suit :
« correspond à l’image sensorielle que l’observateur a reçue du paysage en question, à la fois regard sur la
réalité et représentation de celle-ci à travers ses schémas de perception et ses acquis ou héritages
culturels.» (Avocat, 1984; 16)
La deuxième section, l’analyse des caractères des paysages, permet de passer de ce qui est perçu à un
paysage compris. Il s’agit d’identifier le caractère du paysage grâce à une succession de binômes de
caractéristiques (présence ou absence) qui réfèrent à la fois à l’espace physique et au temps, c’est-à-dire à
l’aspect dynamique du paysage. Cette partie tend à objectiver l’analyse en y omettant les jugements de
valeur de l’observateur. Elle sert à comprendre l’organisation actuelle et son évolution temporelle qu’elle
soit naturelle, donc généralement plus lente, ou résultante d’actions humaines. Le résultat permet
d’identifier quels caractères ont la plus grande influence sur le paysage et lui donne sa « tonalité ». (Avocat,
1984)
La troisième partie de la grille d’analyse, les composantes socio-économiques du paysage retenu, consiste
en une explication de l’ensemble du processus ayant forgé le paysage. En effet, tel qu’expliqué dans la
section « paysage culturel », l’occupation par l’homme laisse des traces et celles-ci se superposent dans le
temps pour faire du paysage le témoignage de son appropriation. Ces processus de façonnement se font
en fonction des données relatives au milieu de vie, à l’organisation de la société, l’économie, la technologie,
les coutumes, etc. Ces éléments sont rarement identifiables par l’analyse visuelle et découlent d’une
connaissance du milieu, du contexte socio-économique et de ses habitants. Ces données sont divisées en
quatre rubriques dans la grille soit l’habitat, les activités, les infrastructures et les usages et pratiques. Le
résultat de cette section est l’identification de la « symbolique et valeur culturelle du paysage ». (Avocat,
1984)
La dernière section de la grille est un inventaire des composantes naturelles du paysage, dont le relief,
l’hydrographie, la végétation, etc. Il s’agit d’un complément d’informations permettant une compréhension
globale du paysage. (Avocat, 1984)
18
4.1.2 Analyse typologique du bâti
Malgré le fait qu’une analyse du bâti est déjà intégrée à la grille de Charles Avocat, l’étude des
constructions doit être plus approfondie. En effet, une analyse plus poussée des typologies du bâti
vernaculaire de l’île s’impose pour en faire ressortir certaines caractéristiques typomorphologiques. Les
matériaux, la forme, la relation à l’extérieur, la couleur et d’autres éléments sont analysés grâce à un
ensemble de fiches effectuées par le comité d’urbanisme (2010) et par l’étude sur l’ensemble patrimonial de
l’Ile Verte effectuée en 1989. (voir annexe H)
4.1.3 Identification des éléments à réinterpréter
La dernière étape consiste à cibler les éléments à réinterpréter dans l’implantation, la matérialité ou
l’architecture des bâtiments à concevoir. D’autres éléments, tel que les vues sont aussi à cibler à cette
étape. Parmi les éléments à réinterpréter dans l’architecture analogue, il y a la verticalité répétitive présente
dans les interventions humaines comme les clôtures de perches et les pêches à fascine. La symbolique du
phare et sa morphologie sont aussi à réarticuler et cela se prête à la tour d’observation. D’autres éléments
tels que l’espace tampon incarné par la cuisine d’été et la galerie couverte, la surélévation des résidences
par rapport au sol ainsi que le mode de ventilation naturelle des fumoirs sont à intégrer par l’architecture
analogue.
4.2 Présentation du résumé l’analyse qualitative du site
La grille de Charles Avocat a été complétée sur place et cela à plusieurs endroits sur le site vu la diversité
des paysages offerts par l’île Verte. La complexité de cette grille permet de comprendre le site de fond en
comble et de valider des intuitions grâce aux relations entre les formes et les modes d’implantations
humaines. L’analyse qualitative suivante représente un résumé de l’ensemble des grilles complétées en
décrivant l’île de manière générale pour arriver à cibler les différentes unités et ambiances paysagères qui
sont définies dans la première section d’analyse proposée par Charles Avocat.
4.2.1 Les couches de l’île
L’Ile Verte est constituée de l’addition de différentes trames qui forme le paysage culturel et permettent de
mieux la comprendre. Ces couches nous informent sur le mode d’implantation humaine et permettent de
cibler des éléments importants de l’esprit du lieu en plus de permettre une délimitation d’unités paysagères.
19
Accès et intérêts
Fig. 11 Plan de l’Ile Verte – Accès et intérêts
L’Ile est accessible à longueur d’année à partie de la rive-sud du Saint-Laurent. Les moyens de transport
diffèrent selon la saison; soit le traversier ou bateau taxi l’été, l’hélicoptère pendant l’entre-saison et le pont
de glace l’hiver. L’activité touristique de l’île est actuellement plus active l’été, mais ce flux est contrôlé par
les contraintes d’accès du traversier qui sont dictées par les marées. Un nombre limité de personnes et de
véhicules peuvent se rendre sur l’île par jour.
La vie sur l’île, est depuis toujours, construite de part et d’autre du chemin principal qui borde la rive sud de
l’île et qui la traverse du « bout d’en haut » jusqu’au « bout d’en bas ». Sur cette route on retrouve le musée
du squelette et l’école Michaud qui sont deux attraits touristiques importants. Cette route donne aussi accès
à trois chemins secondaires qui donnent accès au quai de la Richardière, au site du vieux phare et au vieux
quai du « bout d’en haut ». Un « sentier » secondaire est aussi accessible aux piétons lors de marées
basses. En effet, à ce moment la rive-nord parsemée de grands rochers et de plages devient un grand
chemin piéton.
Topographie
Fig. 12 Plan de l’Ile Verte – Topographie
La topographie de l’île est plutôt standard, c’est-à-dire que son point culminant est au centre. Ce pli rocheux
crève les eaux du Saint-Laurent, donnant un aspect de rondeurs associé dans les légendes à la forme
d’une baleine échouée, recouverte de végétation au fil du temps.
20
Environnement
Fig. 13 Plan de l’Ile Verte – Environnement
L’Ile Verte est située dans le corridor de vent du fleuve Saint-Laurent et dans l’axe des vents de tempêtes
ce qui en fait un espace particulièrement venteux et exposé au mauvais temps. Les brumes de l’estuaire du
Saint-Laurent la recouvrent très souvent. Ces éléments justifient en partie la présence stratégique du phare
pour faciliter la navigation aux abords de ce site aux conditions relativement extrêmes.
Couvert forestier
Fig. 14 Plan de l’Ile Verte – Couvert forestier
Le couvert forestier de l’île est actuellement beaucoup plus vaste qu’auparavant ou les terres étaient plus
exploitées. Aujourd’hui, les friches tendent à devenir des forêts et même à obstruer certaines vues. La forêt
est particulièrement dense au nord du chemin principal ce qui forme une barrière pour le vent et permet à
chaque propriétaire d’avoir une portion boisée.
21
Parcellaire
Fig. 15 Plan de l’Ile Verte – Parcellaire
Les Verdoyants ont un système particulier pour séparer leur terre soit de « l’eau à l’eau » et il n’est pas
possible de les subdiviser. Ce mode d’implantation permet un dynamisme sur le chemin principal puisque
les constructions ne se font pas face à face. Elles sont plutôt implantées en alternance de part et d’autre de
la route. Cette implantation fait en sorte que les maisons ne créent pas de front en bordure de route et
permet un positionnement plus libre, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de parallélisme des résidences et de leurs
bâtiments annexes. La parcelle en rouge ne correspond pas au style d’implantation typique de l’île. C’est
l’espace réservé au phare.
Zones bâties
Fig. 16 Plan de l’Ile Verte – Zones bâties
Les constructions sont règlementées de manière à respecter une limite de distance maximale par rapport
au chemin principal, ce qui laisse beaucoup d’espace vacant du côté nord où l’eau est plus éloignée. Les
constructions sont donc concentrées du côté le mieux protégé des contraintes environnementales par le
couvert forestier et le plus enclin à la culture des terres. La densité est faible et peu des bâtiments ont un
usage résidentiel. L’île compte en moyenne 3,3 bâtiments annexes par maison pour les constructions
précédents 1980. (voir annexe H) C’est ce qui confère à l’île son mode d’implantation en petits ensembles
très caractéristiques. Le phare est pour sa part situé au nord de l’île.
22
Types de bâtiments
Fig. 17 Plan de l’Ile Verte – Types de bâtiments
La zone grise représente l’espace non construit, tandis que la partie pâle est l’espace constitué de maisons
semblables à celles que l’on retrouve aux Iles-de-la-Madeleine. Les extrémités, vu leur exposition aux
éléments sont plutôt constituées de chalets pratiquement essentiellement habités l’été. Une autre zone est
majoritairement constituée de maisons sur plateaux, elles sont en recul du chemin et implantées sur des
plateaux rocheux à proximité de l’eau.
Plan d’affectation des sols
Fig. 18 Plan de l’Ile Verte – Plan d’affectation des sols
La zone agricole (récréo-touristique), en pâle, correspond avec la zone de maison rurale tandis que la zone
patrimoniale est limitée à la parcelle du phare.
23
4.2.2 Unités paysagères
Fig. 19 Plan de la division des 4 unités paysagères
Le paysage d’un lieu vaste est appelé aires paysagères ou régions paysagères et est dans le cas du projet,
l’Ile Verte. Sa dimension est de l’ordre du kilomètre ou davantage et est généralement composée de la
juxtaposition de divers sous-espaces présentant des éléments similaires permettant de les définir et de les
délimiter. Ces cloisonnements de cellules aux caractéristiques distinctes sont appelés unités paysagères et
servent à passer du domaine visuel au domaine spatial. Ces unités sont des zones créant une ambiance
paysagère distincte. Les quatre unités de l’île sont les suivantes : Agriculture et habitat vernaculaire, les
prés salins, la forêt de conifères et les plages et enrochements. Chacune de celles-ci est composée de
groupes d’unités de vue qui comportent des caractéristiques semblables. Ces dernières sont multiples
puisqu’elles sont l’image qui découle d’un coup d’œil à partir d’un point d’observation fixe. Elles sont
caractérisées par leurs composantes ainsi que par l’ampleur du champ visuel. (Flatrès-Mury, 1982)
Agriculture et habitats vernaculaires
Fig. 20 Unité de vue : Photo du chemin principal, des champs et des ensembles résidentiels typiques
L’unité paysagère du « bout d’en haut » est caractérisée par ses champs ondulés traversés par le chemin
principal. La dominante horizontale de l’ensemble fait ressortir certains éléments, dont les clôtures de
perches qui donnent une impression de séquences d’éléments verticaux. Elles sont présentes en bordure
de la route de terre, mais aussi entre chaque parcelle afin de délimiter les champs et les propriétaires
terriens. Elles permettent une compréhension rapide du parcellaire de l’île qui divise l’île « d’eau en eau ».
24
Les champs servent aussi d’écrin aux ensembles résidentiels caractéristiques composés, dépendant des
spécialités des familles qui les occupaient, de la maison, la grange, le hangar, la saline, les fumoirs, les
rangements pour le bois et le puits d’eau potable. C’est l’ensemble où le plus de résidences
caractéristiques sont situées, autant celles des pêcheurs que des cultivateurs. Cette unité paysagère est la
seule à permettre des vues profondes et des panoramas sur 360°.
Les prés salins
Fig. 21 Unité de vue : Les prés salins vus du parc du portage (musée du squelette)
Cette unité paysagère est la moins vaste de toutes. Elle a la particularité principale d’être dynamique. Elle
change effectivement d’aspect selon l’heure de la journée et cela en fonction des marées. Les grandes
herbes et les marais qui s’y loge changent aussi d’une année à l’autre puisque les percées emplies d’eau
salée sont provoquées par l’arrachement des herbes par les glaces lors des grandes marées. Ces herbes
représentent aussi une partie de l’économie locale, puisqu’on y a longtemps élevé des moutons de prés
salins. (tiré du reportage Desrosiers, 2010) Les herbes agissent comme un seuil vaste et en cohésion avec
l’horizon ainsi qu’entre l’eau et la terre.
La forêt de conifères et habitats isolés
Fig. 22 Unité de vue : Vue de la forêt de conifères et d’une maison isolée (exemple de maison sur plateau, résidence de Pierre-Henry
Fontaine)
25
Cette unité paysagère est la plus vaste et occupe de plus en plus de territoire de l’île. Les friches,
auparavant entretenues, ont poussé et augmenté la surface forestière constituée principalement d’épinette
vu l’acidité du sol. Elle est la première unité perceptible de l’île puisqu’elle englobe le quai, mais ne permet
pas de vue profonde une fois sur l’île. Elle abrite aussi certaines habitations, dont celle sur l’illustration qui
est un exemple de maison sur plateau caractéristique de cette unité. Les maisons sont en bordure du fleuve
et isolées de la route par de la forêt.
Les plages et enrochements.
Fig. 23 Unité de vue : Vue des anses de plages et des ensembles rocheux à proximité de phare
Les plages, les enrochements et leur relation avec l’eau de l’estuaire du Saint-Laurent, en plus de la
présence du phare, font de cette unité paysagère la plus caractéristique et marquante. Elle occupe toute la
rive faisant face à Tadoussac et permet de vastes panoramas sur l’eau et la bordure de l’île. Les maisons,
typiquement, n’étaient pas sur ce côté de l’île et sont encore rares aujourd’hui, ce qui donne une impression
d’intimité à ce secteur. (Léonidoff et al.,1989) L’unité est marquée par un rythme entre sable et rochers ainsi
que la sonorité des vagues. La stratification des rochers de schiste tendre témoigne de toute la force et la
pression encourue pour former l’île. On perçoit bien la géologie tourmentée issue de la pression des
glaciers et de la faille de Champlain qui est aujourd’hui le chenal commercial du fleuve. D’autres rochers,
étrangers au sol de l’île témoignent de la fonte de glaciers anciens qui ont transporté des fragments
d’autres continents dont l’Angleterre. (tiré du reportage Desrosiers, 2010)
26
4.2.3 Réseau touristique
Fig. 24 Plan du réseau touristique existant
Le réseau touristique actuel couvre moins de la moitié de la superficie de l’Ile Verte et est composé
majoritairement des routes perpendiculaires au chemin principal qui relie le quai de la Richardière au phare.
Deux autres attraits soient la petite école et le musée du squelette incite les gens à découvrir une maigre
portion du chemin principal. Le réseau actuel ne permet pas la découverte de l’unité paysagère
« Agriculture et habitats vernaculaires » et ne fait qu’effleurer « les prés salins ». Bien sûr, les gens peuvent
se rendre plus loin, mais actuellement les activités offertes ne les incitent pas à découvrir l’ensemble de
l’île.
4.2.4 Typologie du bâti
Les maisons
L’analyse sur les maisons de l’Ile Verte a été effectuée sur 90 résidences et est divisée en trois catégories
basées sur l’intérêt patrimonial des maisons, soit haute (28 maisons), moyenne (9 maisons) et aucune (53
maisons). Différentes catégories ont été établies afin de définir les traits marquants des maisons
répertoriées par le comité d’urbanisme. (voir annexe H)
§
La hauteur : plus de 74% des maisons ont 1,5 étages. Celles ayant 2 étages ont soit été construites
après l’année 2000 où ont été l’objet de rénovations majeures.
§
Usage de la couleur : Les maisons de l’île sont aujourd’hui très colorées, à l’image des maisons
des Iles-de-la-Madeleine. Par contre, cet usage de teintes vives est relativement récent, puisqu’au
départ, les maisons étaient plutôt colorées de blanc, de gris ou d’autres couleurs plus modestes. La
couleur est utilisée pour marquer les ouvertures par des moulures contrastantes.
§
Toitures : 87,8% des maisons ont une toiture à 2 versants. Par contre, d’autres modèles de toitures
existent comme le toit mansard et sont présents dans les autres types de construction comme les
granges. Les toitures sont revêtues de bardeaux d’asphalte, d’acier ou de bardeaux de cèdre.
27
§
Revêtements extérieurs : Le bardeau de cèdres recouvre 44,7% des maisons. Le bois est aussi
utilisé comme parement sous d’autres formes. Le vinyle est aussi très présent dans les nouvelles
constructions, les maisons ayant été rénovées ou les constructions de type chalet.
§
Les espaces tampons : Les espaces tampons sont présents sur une grande majorité des maisons
de n’importe quelle catégorie d’intérêt patrimonial. Ces espaces prennent différentes formes dont
les galeries couvertes ou non ou des espaces fermés non-chauffés (cuisines d’été).
§
La surélévation du rez-de-chaussée : Sur l’ensemble des maisons répertoriées, 44,7% des rez-dechaussées sont surélevés du sol. Il est intéressant de prendre de note que 26 maisons sur 28
ayant un intérêt patrimonial élevé présentent cette particularité. Ce sont les constructions de types
chalets qui n’ont pas d’intérêt patrimonial et qui sont généralement situées aux extrémités de l’île
qui abaisse le pourcentage.
§
Les bâtiments annexes : Les maisons à intérêt patrimonial élevé (28) ont 93 bâtiments annexes soit
une moyenne de 3,3. Il est à noter que certains bâtiments en très mauvais état, ou sur des
parcelles non occupées par des résidences n’ont pas été calculés. Le nombre de bâtiments issus
des anciennes économies de l’île comme les granges, les fumoirs, les salines et autres sont
aujourd’hui de plus en plus rares puisque certaines sont démolies ou s’écroule.
§
L’année de construction : Les maisons ayant une haute importance patrimoniale ont en majorité été
construites entre 1830 et 1860. Malgré que sur l’île, la majorité des constructions visibles semble
uniforme dans leurs styles, 24,4% d’entre elles ont été érigées après l’année 2000. Cela témoigne
d’une forte conscience des paysages de l’île et d’une gestion fort efficace des nouvelles
constructions par une règlementation sévère.
Fig. 25 Photos de maisons vernaculaires
Les ensembles
Les maisons vernaculaires implantées sur l’Ile Verte sont rarement érigées seules sur leur parcelle. Elles
sont généralement accompagnées de différents bâtiments annexes comme les fumoirs, les granges, les
poulaillers, les hangars, les puits, les bâtiments pour le bois ou les fours à pain. L’implantation de
l’ensemble de ces bâtiments varie selon le terrain et les priorités du propriétaire de l’époque. Ils sont parfois
28
parfaitement alignés tandis que d’autres fois leurs dispositions peuvent sembler parfaitement aléatoires. Ce
type d’implantation et l’importance de ces groupes de bâtiments sont typiques de l’île. Même les bâtiments
érigés sur la parcelle du phare reprennent cette typologie. En effet, le phare est entouré de différents
bâtiments, dont la « cabane du criard » et la maison du gardien.
Fig. 26 Photos d’ensembles résidentiels typiques et de l’ensemble du phare Sources : Louise Newbury et Jean Cloutier
Les fumoirs
Parmi les bâtiments annexes présents sur l’île, le fumoir est, encore aujourd’hui, relativement répandu. Ce
bâtiment servait à fumer le poisson. Il occupe une petite superficie au sol et a une toiture abrupte pour
maximiser la ventilation par effet de cheminée. L’espace au sol sert à faire des feux afin d’emboucaner les
poissons suspendus dans l’espace de la toiture. L’élément le plus important de ce type de construction est
le capuchon permettant à la fumée de s’évacuer tout en offrant une protection aux intempéries.
Fig. 27 Photos de fumoir et exploration des interprétations possibles des particularités constructives du fumoir : la ventilation
naturelle par la toiture
Les granges
Les granges sont les bâtiments les plus vastes de l’île. Elles sont généralement construites sur deux
niveaux et leur large passerelle d’accès au niveau du haut est leur caractéristique première. Ces vastes
espaces sont actuellement vides ou sous-utilisés. Leur usage est passé de l’élevage du bétail à
rangements format géant. Cet emploi défaillant et leur imposante grandeur font en sorte que leur entretien
laisse actuellement à désirer. Plusieurs d’entre elles se sont déjà écroulées ou menacent de le faire
prochainement. Leur aménagement intérieur a changé dans le temps puisque certaines ont des stalles pour
les animaux tandis que d’autres ont des niveaux libres de cloisons. Un espace est généralement ouvert sur
deux étages afin de permettre le passage de certains éléments comme le foin. Le matériau principal de
construction est le bois, autant pour la structure que pour le revêtement extérieur. Les murs ne sont pas
29
isolés et l’espace entre les planches (pas embouvetées) donne une ambiance particulière à l’intérieur des
vastes espaces.
Fig. 28 Photos de granges Source : Louise Newbury
4.2.5 Matérialité
Identification des différentes matérialités et couleurs présentes dans les constructions de l’île et dans le
paysage en général.
L’ambiance
L’ambiance générale de l’île est particulièrement influencée par les facteurs naturels soit les grands vents,
les odeurs d’eau salée et d’algues en plus des vues profondes avec comme ligne directrice les vastes
espaces horizontaux du fleuve. L’île est colorée de verts, d’orangés ou de blanc selon les saisons, mais
l’ensemble de ces couleurs est généralement désaturé par le climat insulaire. Les gris et les ciels à couper
le souffle donnent une impression théâtrale de mise en scène d’un paysage qui semble figé dans le temps.
L’environnement naturel
Les matérialités naturelles les plus présentes dans les paysages de l’île sont l’eau du fleuve, les grands
rochers striés, les conifères, le sable des plages, les algues, les grandes herbes et les plantes indigènes,
dont les rosiers sauvages.
Fig. 29 Échantillons de la matérialité naturelle de l’Ile Verte : l’eau, la roche, les arbres, le sable, les algues, les grandes herbes et les
rosiers sauvages
Construction et parements
Le mode de construction de l’Ile Verte favorise des matériaux légers comme le bois. Ceux-ci, au départ,
étaient directement puisés dans les terres boisées, tandis qu’aujourd’hui, leur choix est judicieux vu les
problèmes d’approvisionnement. Tout ce qui se rend sur l’île doit passer par le traversier et le bois est
30
facilement transportable et maniable. Les charpentes sont généralement à plate-forme et il est possible de
voir certaines charpentes imposantes équarries à la hache dans les granges. Les parements sont
généralement de bois et vont du bardeau de cèdres pour les toitures ou les murs jusqu’au clin horizontal et
vertical. Le traitement du bois est aussi multiple. Les bâtiments annexes sont généralement laissés naturels
ce qui leur donne un aspect grisonnant qui témoigne de leur histoire tandis que les résidences sont peintes
de couleurs diverses ou alors blanchis à la chaux. L’usage de pierres trouvées sur place est aussi courant
pour surélever les constructions par rapport au sol. Aujourd’hui, ces fondations sont remplacées par le
béton ou les pieux vissés.
Fig. 30 Échantillons de la matérialité des bâtiments de l’Ile Verte : le bois de charpente, le bardeau de cèdre, le clin horizontal, le bois
naturel, le clin vertical, le bois blanchi ou peint et la pierre
4.2.6 Éléments historiques
L’esprit du lieu est aussi présent dans l’histoire. Cette partie permet l’identification des éléments historiques
importants dans le développement de l’Ile Verte. Ces éléments peuvent être disparus, comme les pêches à
fascine et la récolte de la mousse de mer ou encore présent comme le phare.
Phare
Le phare de l’île Verte est une fierté pour ses résidents. Il est le plus vieux phare du Saint-Laurent et a servi
de modèles à d’autres. Il a aussi été le point de départ d’une tradition de gardien de phare importante qui a
marqué l’île. Le choix de ce dernier comme symbole de ce peuple témoigne de son importance. Le blanc de
son revêtement de planchéiage de bois ainsi que le rouge de ses ouvertures et de sa toiture contrastent
avec le paysage. Un escalier hélicoïdal ponctuer de petites fenêtres mène au sommet qui est aujourd’hui un
observatoire important en plus de toujours diriger les bateaux dans l’estuaire du Saint-Laurent.
Fig. 31 Images du phare et du logo de l’Ile Verte Sources : Jean Cloutier et www.ledevoir.com
31
Pêches à fascine
Fig. 32 Photos d’époque des pèches à fascines Sources : BANQ et Pierre-Henry Fontaine
Certains éléments, comme les pêches à fascine, sont disparus alors que ces constructions enrichissaient le
paysage insulaire et formaient une tradition d’entraide et de partage dans la communauté lors de leur
construction. Ces installations dans le fleuve servaient à la pêche, mais caractérisaient aussi le paysage
côtier de l’île. Les grandes perches verticales enfoncées dans le sol étaient ensuite tressées avec des
branches d’arbres. Ces installations demandaient un savoir particulier, passé d’homme en homme afin de
faire de bonnes prises. Elles tenaient compte des courants dominants, des marées et des mouvements
instinctifs des poissons. Ces derniers suivaient un grand mur de perche pour aboutir dans un élément
circulaire duquel il était difficile de s’échapper. À marée basse, les pêcheurs gagnaient cette trappe pour
récupérer leur prise. Malgré la disparition de ces installations, elles continuent de marquer la mémoire
collective.
Fig. 33 Photos de la construction des pêches à fascines Source : Pierre-Henry Fontaine
Les bateaux, les chalands et la récolte de mousse de mer
L’île Verte, vue de son isolement dans le fleuve a toujours eu une relation étroite avec les bateaux. Ils ont
servi à la pêche, à transporter les produits de l’industrie forestière, à la récolte de la mousse de mer afin de
fertiliser les champs et bien sûr de transport entre la terre ferme et l’île. Encore aujourd’hui, le quai de la
Richardière est un lieu important dans l’île. La présence du phare témoigne aussi de plusieurs histoires
d’embarcations échouées où les navigateurs ont été, à l’époque, sauvés par des résidents de l’Ile Verte.
32
5. Le projet d’architecture _ Esprit Verdoyant
5.1 Le projet
Le projet se divise en trois éléments distincts, dont le positionnement et la fonction résultent de l’analyse
paysagère du site et de la connaissance de la culture locale. Premièrement, l’île est habitée et les
installations existantes sont importantes dans le paysage. C’est pourquoi les interventions ne seront pas
que des bâtiments neufs et que l’une d’entre elles concerne la conservation d’un bâtiment existant. En effet,
le projet de déplacement du musée du squelette prévoit sa nouvelle implantation dans une vieille grange
typique. Deuxièmement, l’architecture analogue témoigne de l’importance du symbole pour l‘homme, c’est
pourquoi l’un des projets reprend l’image forte de la fierté de ce peuple, le phare, pour en faire une tour
d’observation. Celle-ci est située à l’extrémité du « bout d’en haut » afin d’étendre le réseau touristique à
toutes les unités paysagères. Finalement, l’ajout d’une nouvelle couche, plus contemporaine est déjà
présente sur l’île, dans les nouvelles constructions résidentielles et vient s’y ajouter le nouveau centre
culturel. Les trois projets distincts s’inscrivent dans des unités paysagères différentes afin de valoriser les
ambiances particulières de chacune.
Fig. 34 Plan de l’Ile Verte – Implantation des nouveaux projets
5.2 Mission et enjeux
5.2.1 Question de recherche
Comment une architecture analogue peut-elle générer des espaces valorisant l’esprit du lieu ciblé par une
analyse du paysage culturel ou plus précisément du site de l’Ile Verte, de son histoire, de son architecture
vernaculaire et de son contexte paysager humanisé?
33
5.2.2 Mission
Le projet consiste à proposer un moyen de matérialiser et de mettre en valeur l’identité insulaire unique de
l’Ile Verte qui est inscrite dans un paysage humanisé. L’approche préconisée vise, par la reconnaissance
d’une culture et d’une identité à travers l’étude de son paysage culturel, à traduire et à interpréter l’esprit du
lieu dans des interventions architecturales analogues.
5.2.3 Enjeux
Les enjeux du projet sont divers, mais le plus important est celui relatif à l’esprit du lieu et donc à l’identité
de l’Ile Verte. Il est la raison d’être du projet, puisque la démarche choisie tend à identifier l’esprit du lieu
pour l’interpréter dans une architecture analogue. Le deuxième enjeu en ordre d’importance, est celui de
visibilité, puisque les installations doivent être perceptibles et facilement reconnaissables par les touristes.
Leur emplacement doit donc être stratégique tout en s’intégrant au milieu. L’enjeu de visibilité doit aussi
tenir compte des vues à mettre en valeur à chacun des points d’implantation des projets. La lisibilité de l’île
et de son trajet touristique est aussi un enjeu important, car, vu les changements socio-économiques qui
s’opèrent, le réseau touristique actuel est défaillant et son analyse pourra aider à en améliorer la lisibilité.
Dans le cas du centre culturel, un enjeu de flexibilité s’impose. En effet, considérant les différents usagers
et la multiplicité des activités devant se dérouler dans un même espace, les lieux devront être flexibles pour
accommoder les besoins de chacun et changer de fonction rapidement. L’ensemble de ces enjeux doit être
pris en compte tout en ne négligeant pas l’environnement afin de s’implanter en continuité de
l’humanisation de l’île. L’environnement naturel fait partie de l’esprit du lieu et doit être respecté, de plus,
une partie des visiteurs sont des biologistes amateurs ou ornithologues. Ils viennent sur l’île pour sa
biodiversité, qui doit demeurer suite à l’implantation des projets. Les contraintes d’approvisionnements des
matériaux et le souci de cibler des interventions réalistes est aussi un facteur important dont les trois
interventions devront tenir compte.
5.2.4 Objectifs de design
Une première qualité que doit rencontrer le projet est la lisibilité des éléments interprétés dans l’architecture
analogue. Ces éléments, qu’ils appartiennent au patrimoine bâti de l’île ou aux paysages, doivent être
reconnaissables dans la conception des nouveaux bâtiments. Ces éléments, une fois unis dans une
nouvelle construction, doivent créer des espaces qui stimulent la mémoire collective des Verdoyants par
leur pouvoir d’évocation. Les points d’implantation choisis pour les trois projets ont tous des vues
particulières sur des unités paysagères distinctes. Ces vues doivent être maximisées afin de permettre aux
34
utilisateurs une reconnaissance de la diversité des paysages et l’implantation doit respecter la biodiversité
et l’environnement naturel de l’Ile Verte. Les bâtiments doivent aussi bien s’intégrer à ces paysages tout en
affirmant leurs présences dans le réseau touristique qui doit d’ailleurs s’étendre au maximum et relier
fortement les différentes installations qui le constituent. Ces installations, du moins les nouvelles, doivent
représenter des lieux favorisant les échanges et une multiplicité de fonctions afin d’être utilisées à la fois
par les Verdoyants et par les visiteurs.
5.3 Le centre culturel
La nouvelle installation la plus vaste est un centre culturel qui s’inscrit dans
les volontés du comité d’urbanisme. Ce dernier souhaite un espace
communautaire accessible aux Verdoyants et une halte touristique. Il s’agit
donc de créer un espace commun alliant touristes et Verdoyants afin de
faciliter les échanges et d’ainsi enrichir l’expérience touristique. L’esprit du
lieu est inhérent au site, mais aussi aux gens et un espace commun est une
manière d’assurer un partage entre les résidents, mais aussi vers les
touristes. Ce projet commun a pour but de créer un lieu de passage pour la
mémoire des Verdoyants, leurs anecdotes et leur savoir est d’ainsi assurer
Fig. 35 Schéma du projet de centre
culturel
leur pérennité. Cette partie du projet s’implante à proximité Est du site du
vieux phare et est orientée de manière à mettre en valeur les anses et
plages où la promenade est particulièrement intéressante. Ce site a été
choisi vu son importance sur l’île autant pour les résidents que les visiteurs.
Il permet aussi, comme c’est le cas actuellement sur l’île de séparer les
résidences au sud d’un élément unificateur fort au nord, comme c’est le cas
Fig. 36 Implantation du nouveau
du phare. Ce projet a pour but de permettre aux gens de mieux « vivre » le
centre culturel par rapport au phare
paysage spectaculaire de l’île et les vues sur l’estuaire du Saint-Laurent.
Fig. 37 Vue du site projeté pour le centre culturel
35
5.3.1 Programmation
Le centre culturel vise une clientèle mixte composée de Verdoyants et de touristes de tous âges. Il a une
fonction à la fois de halte touristique, de centre communautaire et de lieu d’échanges culturels. Pendant
l’hiver, le bâtiment agira aussi à titre de relais pour les motoneigistes. Le centre doit, par son attractivité et
la multiplicité de ses services, devenir un pôle suffisamment fort pour sortir les Verdoyants de leur parcelle.
Il sera, à la fois, un espace de regroupement, mais aussi, à l’image de la marina typique, un espace
alternatif à la maison permettant une appropriation.
La détermination des superficies découle de l’analyse programmatique de précédents de centres
communautaires dont la dimension correspond au projet (voir annexe E). Le centre communautaire Reggie
Rodriguez de Sparano, démontre que certains espaces peuvent être extérieurs, mais protégés des
intempéries, ce qui est intéressant dans le cas de l’Ile Verte, puisque le bâtiment sera beaucoup plus
achalandé en été qu’en hiver. Les lieux extérieurs sont donc à exploiter. La superficie totale prévue pour le
projet est d’environs 400 mètres carrés. Le plus grand espace anticipé est pour une salle multifonctionnelle
avec plus ou moins 35% de la superficie qui sera au cœur de la conception du bâtiment avec beaucoup de
soins mis dans sa relation étroite avec l’extérieur et la vue vers les anses. Une salle d’exposition et une
salle de détente/travail/bibliothèque sont aussi prévues pour accoutumer à la fois les résidents et les
touristes. Afin de créer un pôle fort sur l’île, un espace est aussi réservé pour des réunions, des bureaux
pour la ville ainsi qu’un atelier d’artiste permettant aux Verdoyants de travailler, mais aussi aux artistes
extérieurs de venir figer l’île dans leur art.
Fig. 38 Schéma programmatique du centre culturel
36
5.3.2 Concept formel, interprétations et matérialisation
Fig. 39 Images globales du nouveau centre culturel et de son intégration au paysage
Interprétations
Fig. 40 Plan du centre culturel
Le point de départ à réinterpréter est la notion d’ensemble, c’est pourquoi le bâtiment est composé de
plusieurs blocs de dimensions diverses reliés ensemble par un vide. Celui-ci, vu le climat, est couvert.
Chaque bloc est orienté en fonction des vues à promouvoir. La forme globale permet de rappeler les
37
silhouettes des habitations présentes sur l’île. Le plan, tout comme l’élévation démontre d’ailleurs le
rassemblement de fonctions unies par une passerelle couverte. (fig.40 et 41)
Fig. 41 Relation entre les silhouettes de l’Ile Verte et le centre culturel
Les vides couverts agissent à titre d’espaces semi-extérieurs qui reprennent l’idée des espaces tampons.
Ces espaces sont à l’image d’un quai reliant entre elles les différentes fonctions. Ils permettent aussi de
vivre d’autres facteurs importants de ce lieu spécifique soit les vents frais en provenance du fleuve et
l’odeur particulière de l’eau salée et de la mousse de mer à marée basse.
L’entrée du bâtiment se fait par une grande passerelle qui reprend les accès caractéristiques des vieilles
granges et permet d’aisément signaler l’entrée. (fig.42) La forme de cette rampe se retrouve d’ailleurs aussi
sur le toit de l’espace de relaxation qui devient un observatoire. C’est en quelque sorte une rampe de
lancement vers le fleuve. Une série de paliers permet d’accéder à un espace « vestiaire » et de créer des
bancs dans les différents niveaux. Le bâtiment est généralement surélevé du sol afin de respecter les
modes de constructions des Verdoyants. Cette surélévation de l’espace central permet un travail dans les
niveaux et de créer de grands bancs en bordure des espaces semi-extérieurs. Les extrémités s’abaissent
pour mieux épouser le paysage et même pénétrer le sol d’un côté. Cela permet une multiplicité
d’expérience dans le cheminement et dans le rapport au sol. (fig. 43)
Fig. 42 Vue de l’entrée du centre culturel et de sa relation avec le phare
38
Fig. 43 Coupe longitudinale montrant les différents niveaux de planchers
Un des éléments disparus les plus marquants de l’île est la pêche à fascine. Elle était un élément unifiant
de la collectivité en plus de marquer fortement le paysage. C’est pourquoi elle est réinterprétée en une
structure métallique extrêmement fine et blanche se découpant sur le paysage qui sert à délimiter les
espaces. Les perches guident le visiteur comme elles le fessaient avec le poisson en plus d’unir les
différents pavillons de l’ensemble comme elles unissaient la population. Comme les lignes d’une rue, elles
servent de guide au projet et ces lignes se projettent à l’extérieur du bâtiment pour orienter le regard et
définir la route de terre battue menant au phare. (fig.44) Les perches s’alignent et se perdent en bordure de
la route pour devenir une clôture typique noyée dans les rosiers sauvages. Cet élément lie donc les deux
points focaux de l’île soient le phare, fierté d’un peuple et le centre culturel, lieu de rassemblement.
Fig. 44 Images de la structure blanche qui représente la verticalité des pêches à fascines
Les fumoirs typiques sont intégrés dans le projet par leur principe de ventilation naturelle qui utilise l’effet
de cheminée. Le vide recouvert par un toit entre le bloc multifonctionnel et celui de service agit à même
titre que le capuchon des fumoirs et permet d’évacuer la chaleur et d’ainsi autoréguler l’espace le plus
vaste en plus de laisser pénétrer la lumière. La prise d’air fraiche se fait à la base du vitrage du côté du
fleuve permettant de un approvisionnement aux odeurs typiques de l’île. (fig.45)
Fig. 45 Coupe transversale avec ventilation naturelle par le « capuchon » central
39
La salle multifonctionnelle est en relation directe avec le bloc de services et contient une petite cuisinette à
même l’espace. Les vues sont orientées vers l’estuaire du Saint-Laurent, mais aussi les plages et le phare.
Ces vues sont coupées par la présence d’un grand foyer et d’un espace logeant le bois pour le chauffage.
Un grand banc en bordure de la fenestration crée un déambulatoire contemplatif, sans bloquer les vues de
la grande salle. (fig.40 et 46)
Matérialisation
Finalement, la matérialité dominante de l’île, soit le bois, est respectée dans le projet. La matière première
est utilisée pour la charpente, les planchers, les plafonds et les murs. Afin de démarquer les différents
volumes, le matériau est utilisé de différentes manières. Certains blocs sont recouverts de clin horizontal
tandis que l’espace le plus imposant, la salle multifonctionnelle, est en clin vertical. Pour sa part, l’espace
réservé aux artistes est vitré et recouvert de lattes qui créent un claustra. Les planchers et plafonds servent
à délimiter les espaces entre la passerelle et chaque fonction. L’orientation des planches sépare les
différents usages et ce bois est généralement blanchi afin de rendre les espaces plus lumineux. (fig.46) Le
détail de la passerelle illustre bien la simplicité et la réduction possible de l’impact au sol de la construction
grâce à l’utilisation de bois léger et de pieux vissés. Un autre matériau important venant des constructions
des vides sanitaires et de la matérialité de l’espace visé est aussi utilisé dans le projet. En effet, les
enrochements dans lesquels l’espace de détente / travail / bibliothèque se glisse sont minérals et ce bloc
est par conséquent en béton.
Fig. 46 Vues de l’espace tampon semi-extérieur et de la salle multifonctionnelle et des différentes utilisations du bois
40
5.4 La tour d’observation
Le deuxième point d’intervention ciblé est le faîte du « bout d’en haut », au cœur d’un
vaste champ situé au bout du chemin principal. Le réseau touristique actuel ignore
cette partie du site de laquelle le paysage bâti vernaculaire visible est remarquable et
démontre l’importance des ensembles qui font partie des compositions
caractéristiques de l’île. De plus, cet espace représente, selon l’expert de la biologie
sous-marine Pierre-Henry Fontaine, un site de choix pour l’observation des cétacés
qui se nourrissent près de la pointe du « bout d’en haut ». La vue de cet endroit est
sur 360° et permet un visuel sur l’entièreté de l’île, ainsi que sur la rive sud et nord.
Fig. 47 Implantation de la
La tour se veut un lieu semi-extérieur qui favorise ces vues à différentes hauteurs en
tour d’observation
plus de rappeler la physionomie du phare.
Fig. 48 Vues du site projeté pour la tour _ 1. Champ et vue vers le Fleuve 2. Champs et maisons en bordure du chemin principal
5.4.1 Programmation
La tour d’observation ne demande pas spécifiquement de pièce ou
d’usage différent et est destinée aux touristes et aux résidents. Par
contre, une analyse de précédents de différentes tours (voir annexe F)
a permis d’en identifier quatre types différents soit les tours de
projection, les tours à découverte continue, les tours à découverte
unidirectionnelle et les tours à découverte multidirectionnelle. Cette
dernière est le modèle applicable à l’Ile Verte, puisque les vues à
promouvoir sont multiples (360°) et que différentes hauteurs de
Fig. 49 Schéma programmatique de la
perception sont possibles. Les espaces d’observation doivent permettre
tour
une protection des intempéries, vu le climat et les vents forts à cette
extrémité de l’île.
41
5.4.2 Concept formel, interprétations et matérialisation
Fig. 50 Image globale de la tour le jour
Interprétations
La nouvelle tour d’observation est une interprétation de l’image typique du phare, mais a
pour but de voir en plus d’être vue. Elle reprend donc la forme cylindrique, l’escalier
hélicoïdal ainsi que le « chapeau » rouge du phare présent sur l’île. Les matériaux en
sont changés pour lui donner une impression plus contemporaine et l’allure d’un fantôme
sur le site. (fig.50) La tour a une hauteur d’environ 17 mètres tout comme le phare de
l’île. La nouvelle construction est déposée sur le site, au cœur de grandes herbes, sans
aménagement particulier puisque traverser ces herbes fait partie de l’expérience du lieu.
Des paliers à plusieurs niveaux avec de grandes ouvertures permettent des vues à
différentes hauteurs et directions. Au sommet, l’observateur peut choisir de s’exposer
aux intempéries ou alors de demeurer dans un espace vitré permettant une protection.
(fig.51 et 52)
Fig. 51 Coupe
perspective de la tour
Matérialisation
Le phare est constitué de bois de charpente et de panneaux de polycarbonate translucide, mais pas
transparent. Le choix de la structure en bois est dû aux problèmes d’acheminements des matériaux et à
l’expertise locale. L’ensemble du phare est constitué de 2’’x 6’’ et de 2’’x 4’’ assemblés, en rectangle ou en
trapèze contreventé, de manière répétitive. Ces assemblages forment deux tubes contreventés par les
marches de l’escalier hélicoïdal. (fig.51 et 52)
42
Fig. 52 Plans de la base, de l’observatoire et du toit et coupe de l’observatoire
Durant le jour, le choix de l’enveloppe en panneaux de polycarbonate permet une transparence laissant
deviner la structure de bois, mais donnant un aspect fantomatique tandis que le soir, le phare devient une
lanterne format géant permettant à la structure de se découper dans l’espace. Cette peau permet aux
utilisateurs d’être protégés du vent pendant leur ascension.
Fig. 53 Image de la tour illuminée la nuit
5.5 Le musée du squelette
Le musée du squelette est un des attraits touristiques privés de l’île.
Celui-ci se situe au centre du chemin principal et est aménagé dans un
hangar de tôle peu intéressant au point de vue patrimonial et qui bloque
une vue privilégiée sur les vastes prés salins, une des unités
paysagères de l’île. De plus, la collection d’ossements du propriétaire
est trop volumineuse pour la dimension actuelle du musée. Il possède,
juste en face du lieu existant, une vieille grange aux traits
caractéristiques et beaucoup plus vastes. La grange est vouée à
s’effondrer et disparaître puisqu’elle n’a pas de fonction. Actuellement,
Fig. 54 Nouvelle implantation du musée
du squelette
43
aucune de ces granges n’est accessible. Un déménagement est donc prévu afin de libérer les vues sur les
prés salins, de rendre accessible un bâtiment typique et de permettre une exposition de l’ensemble de la
collection du biologiste. Le défi est de rendre accessible ce vaste espace sombre et d’y mettre en valeur les
ossements du musée sans dénaturer l’esprit du lieu.
Fig. 55 Photo de l’intérieur et de l’extérieur du musée du squelette existant, de la grange à réaménager et de la vue sur les prés salins
5.5.1 Programmation
Le musée du squelette est principalement destiné aux touristes
et doit mettre en valeur les squelettes reconstitués par
monsieur Pierre-Henry Fontaine pour faciliter les explications
lors des visites. Il doit aussi être possible d’y exposer de très
grosses pièces comme des ossements de baleines. La
programmation du musée est simple et a été établie grâce à un
entretien avec le propriétaire. Ses besoins ne correspondent
pas à ceux des musées standards. La plus grande partie de
l’espace est dédiée à l’exposition des pièces, mais une autre
zone doit être prévue pour l’initiation aux techniques de
reconstitution et pour de petites conférences. Une attention
spéciale devra être portée à la lumière puisque l’intérieur de la
grange est actuellement très sombre.
Fig. 56 Schémas programmatiques en
coupe et des 2 niveaux de la grange
44
5.5.2 Concept formel, interprétations et matérialisation
Fig. 57 Image de l’extérieur de la grange avec l’ajout de l’estrade et du pan translucide
Le point de départ du projet est une phrase qui illustre bien la façon de penser du propriétaire du musée.
« …je ne suis pas dans la "mouvance" des musées modernes où on ne voit plus, la plupart du temps que
quelques pièces très joliment éclairées avec des kilomètres de textes à lire... pour moi un musée, ça nous
met en contact avec le maximum d'objets, avec un guide qui nous fait comprendre pourquoi ils sont là, ce
qu'ils ont à nous dire. »
- P.H Fontaine
Cette grange doit devenir une mine d’information, un espace qui demeure neutre à l’extérieur en gardant
son aspect de grange typique, mais qui révèle son trésor une fois à l’intérieur. (fig.57) La grange doit être
un espace d’apprentissage à l’image de son propriétaire, grand communicateur, raconteur hors pair et
professeur de carrière. Chaque espace doit promouvoir sa passion, mais aussi les échanges.
Fig. 58 Plans du musée du squelette
L’espace actuel est conservé intact, soit vaste et sans cloison. (fig.59) Puisque le bâtiment actuel s’auto
régule aisément, et que le musée est accessible uniquement pendant l’été, les parois existantes ne sont
45
pas isolées. Cela permet de garder le bois existant apparent à l’intérieur et à
l’extérieur. Les interventions sont minimes. À l’extérieur, le pan de toit situé au
nord-est est remplacé par des panneaux de polycarbonate qui laissent passer
une lumière diffuse. Ce niveau abrite la collection de squelettes sur des étalages
foncés mettant en vedette la blancheur des reconstitutions. L’espace central agit
à titre de podium et d’estrade en plus d’être rétro-éclairé pour mettre l’accent sur
les plus belles pièces. (fig.60)
Un espace sur deux niveaux est utilisé afin de suspendre les plus gros
squelettes de cétacé du biologiste. Le côté « aveugle » de l’étage situé au sud-
Fig. 59 Photo de la maquette
de la grange et de ses vastes
espaces
est est ponctué de petits percements, permettant des alcôves de contemplation
pour les prés salins. (fig.60)
Fig. 7 Coupes transversales et détails du musée du squelette (jonction existant / ajout, podium central, alcôves de contemplation)
Au rez-de-chaussée, l’espace est vaste afin d’accueillir des groupes pour différentes activités. La partie
avant est aménagée afin de permettre la reconstitution de squelettes et de servir de « bureau de cours »
lors de conférence. Un ajout de béton ancré dans le sol est prévu à l’arrière afin de permettre plus d’espace
pour les services. Celui-ci est détaché par un filet de verre et sert d’estrades pour l’attente des visites ou
alors des conférences en pleine nature. Le positionnement de cet élément permet d’exploiter pleinement la
forme du terrain et l’espace est protégé des vents et du soleil assurant le confort en été. (fig.58)
Fig. 61 Coupe perspective du musée du squelette et images d’ambiances intérieures
46
6. Retour critique
« Un jour, j’ai fait visiter la plus belle église de Pologne à un non-croyant. En sortant, il m’a dit que ça
donnait envie d’y croire. C’est ce que me fait ce projet, j’ai envie d’y croire. »
- Jan B. Zwiejski
6.1 Processus de l’essai projet
Le cheminement de l’essai projet est complexe et ponctué de retour afin de bien lier la théorie au projet
final. Ayant pour base le site, cet essai projet s’ancre plus à celui-ci qu’à de grandes théories. Il devient
effectivement difficile de lier habilement trois éléments soit la théorie le site et le projet. Je crois que le
projet et le site sont fondus l’un à l’autre, mais que certains éléments théoriques auraient pu être mieux
rattachés à l’ensemble.
Le sujet de l’esprit du lieu est très vaste et influence tout, du choix de la mise en page en passant par les
couleurs et la façon de « raconter » son site. Chaque décision normalement anodine devient empreinte de
sens, ce qui rend le processus plus ardu qu’à l’habitude.
L’ensemble de l’essai projet est effectué seul et cela, comme ça a été mon cas, peut poser problème. En
effet, le « débat » est une chose saine en architecture et lorsque nous sommes seul, il peut devenir difficile
de cibler les éléments à améliorer ou changer. Il peut aussi devenir difficile, dans un projet tel que celui-ci
de faire la différence entre ce qui nous touche personnellement et ce qui touchera vraiment les Verdoyants.
Comme Jan B. Zwiejski me l’a répété si souvent, un projet sur l’esprit du lieu et le paysage ça devient
presque religieux, c’est-à-dire qu’il faut y croire, et seul, c’est facile de croire trop ou pas assez…
47
6.2 Limites du projet
Beaucoup de références à l’île Verte sont intégrées dans le projet, mais je suis d’avis que l’image de la
pêche à fascine aurait pu être exploitée encore plus. Les perches illustrent la structure de celle-ci, mais le
tissage d’algues et de branchage aurait pu être réinterprété pour créer des murs ou s’étaler sur le site. Je
crois aussi qu’il aurait été intéressant de pousser plus loin le projet en allant jusqu’à faire plus de détails de
construction afin d’établir des solutions simples prouvant à quel point le projet est réalisable.
Le choix de créer des projets déposés sur le site était voulu, puisque l’extérieur doit, selon moi, être
« habité » de façon à ressentir le sol et les particularités du site. Traverser les grandes herbes pour se
rendre à la tour de l’observation fait partie de l’expérience du lieu. Il va de même pour le centre culturel, les
sentiers pour s’y rendre devraient se faire de façon naturelle, par le piétinement des usagers. Par contre,
des espaces de vies extérieurs auraient pu être aménagés sans trop les étendre afin de créer un espace
tampon, non seulement entre l’accueil et les autres fonctions, mais aussi entre chaque fonction et
l’extérieur.
L’esprit du lieu ciblé pour réaliser le projet et le choix des éléments caractéristiques est le résultat de
lectures, de visites sur places, de recherches et de discussions, mais demeure empreint de ma vision.
Malgré le cheminement rigoureux pour arriver au projet, les images désaturées, le choix des photographies
et le positionnement des projets demeurent signés par ma personnalité et peut soit toucher fortement ou
moins les gens qui le décode. Je crois que ce type de projet gagne à être conçu en groupe et l’ajout de
coéquipiers ou d’encadrement connaissant l’île aurait permis une plus grande neutralité au projet.
Vu la dimension de l’île, je me suis restreinte à trois projets, mais d’autres comme l’aménagement du vieux
quai du « bout d’en haut » aurait pu être intéressants et démontrer en quoi l’esprit du lieu peut forger autre
chose que des bâtiments, mais plutôt de l’aménagement paysager par des traitements au sol, de la
signalisation ou autres. J’aurais aimé pouvoir élargir les interventions sur le site afin d’affirmer mieux la
nouvelle couche d’architecture qui s’y implante.
48
7. Conclusion
L’essai (projet) est un processus où le cadre théorique informe un projet et dans ce cas-ci, le site de l’Ile
Verte est la souche de la démarche. En effet, la recherche de l’esprit du lieu a initié tout le processus
théorique soit l’établissement d’un cadre d’analyse axée sur le paysage permettant d’identifier les éléments
caractéristiques de l’esprit de l’île. Ces éléments doivent ensuite informer le projet d’architecture et, pour y
arriver, le courant de pensée et de matérialisation ciblé est l’architecture analogue. Par ce type d’édification,
le projet vise à créer des lieux unificateurs et identitaires permettant de perpétuer et de toucher la mémoire
collective des Verdoyants. Le pouvoir d’évocation de l’architecture et toute la subjectivité associée à des
éléments physiques sont exploités dans ce but. Le projet, par sa matérialité, sa forme, ses détails et sa
« symbolique » illustrent donc comment une architecture analogue, quoique fort différente de l’architecture
vernaculaire, peut inspirer un projet cohérent permettant de bien répondre aux besoins définis. Les
références aux éléments les plus caractéristiques permettent de bien cadrer les projets dans le paysage
culturel de l’Ile Verte. Les limites de la démarche sont situées dans la subjectivité de l’ensemble. Celle-ci
est effectivement informée par des témoignages, des lectures et des recherches, mais demeure
personnelle. L’étude, l’analyse et la réinterprétation seront effectivement empreintes d’une sensibilité
architecturale personnelle comme le mentionne Charles Avocat : « …une étude paysagère, quelle qu’elle
soit, ne peut être considérée comme définitive et fermée sur elle-même. Elle porte en elle la subjectivité
d’un individu ou d’un ensemble d’individus : le paysage de l’architecte n’est pas celui du géographe, celui
de l’agriculteur est différent de celui de l’écologiste… ». (Avocat, 1984; 14)
49
Bibliographie
Personnes ressources
Pierre-Henry Fontaine
Biologiste et expert en cétacé il a fondé et anime le « Musée du squelette » sur l’Île
Verte – Depuis son arrivé sur l’Île en 1964, il a acquis plusieurs terrains et sa famille
habite de nombreuses maisons en plus d’en louer d’autres à des touristes.
Jean Cloutier
Fondateur de l’exposition sur le phare
Louise Newbury
Membre du comité d'urbaniste de l'Ile Verte et a travaillé sur une collection de photos historiques des
maisons. Elle s’occupe aussi des parcours touristiques, siège sur la C.A. de la Corporation des maisons du
phare de l'Ile Verte et est technicienne en architecture chez DMG architecture.
Aline Grenon
Fait partie du Regroupement pour la pérennité de l'Ile Verte : www.notreîleverte.org
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l’îlot Redmond. Saint-Georges, Beauce. Essai(p) de maîtrise. Québec : École d’architecture, Université
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Reportage – enregistrement vidéo
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DVD, 42min.
Desrosiers, Robert (2010) L'Ile Verte racontée : La géo de l'Île : l'histoire de l'Île. DVD, 65 min.
Desrosiers, Robert (2010) L'Ile Verte racontée : L'architecture, la santé, l'école. DVD, 75 min.
Desrosiers, Robert (2009) L'Ile Verte racontée : Le pont de glace : La pêche à fascines : La mousse de mer.
DVD, 76min.
Desrosiers, Robert (2009) L'Ile Verte racontée : Tempêtes et naufrages : le phare. DVD, 85 min.
52
Annexes
A. Planches présentation finale
B. Photos de maquettes
C. Carte des concepts
D. Grille d’analyse de Charles Avocat
E. Analyse de précédents programmatiques
F. Précédents tours d’observation
G. Analyse photographique du site
H. Résumé des fiches des bâtiments
I. Horizon
53
Annexe B _ Photos de maquettes
Ile Verte
60
Centre Culturel
61
Tour d’observation
62
63
Musée du squelette
64
Annexe C _ Carte des concepts
65
Annexe D _ Grille d’analyse de Charles Avocat
66
67
68
69
Annexe E _ Analyse de précédents programmatiques (centre culturel)
Newlands Community Center – CCM architects
Photo et plans du centre communautaire
Source : www.archdaily.com
. Utilisation d’espaces extérieurs
. Accueil comme pivot entre les différentes utilisations
. Pas beaucoup d’accent mis sur les vues
Dønning Community Building - JVA
Photo extérieure et plan du centre communautaire Source : www.archdaily.com
Source : www.archdaily.com
70
. Salle multifonctionnelle comme cœur
. Peu d’espaces extérieurs
. Compact
. Pas de vue de la salle multifonctionnelle
Reggie Rodriguez Community Center – Sparano + Mooney architecture
Photos et plans du centre communautaire
Source : www.archdaily.com
. Certaines fonctions sont dans des espaces extérieurs ou semiextérieurs
. Beaucoup de vues
. Accueil comme point pivot entre les différentes fonctions
71
Programmation projet de l’Ile Verte
Programmation _ Moyenne des % par fonction récurrente
Fonctions
% préc. 1
% préc. 2
% préc. 3
Moyenne %
Hall + Accueil
Vestiaire
Toilettes
Salle de réunion
Salle multifonctionnelle
2,3 + 5,8
2,5
6,1
8,9
20
5
5,5
7
5,5
40
3,4
4,4 + 4,6
13,4 + 36,4
5,5
2,6
7,4
4,8
36,6
Cuisinette
Rangement
Bureau
Circulation
Autres
TOTAL
4
5,4 + 6,8
4,7 + 4,7
7,8 + 11,5
9,5
100
6,25
4,5
17,25
9
100
3,9
5,1
4,6
15,2
9
100
4,7
7,3
4,7
17,2
9,2
100
Notes
Peut être extérieur ou
intérieur
Programmation _ Centre communautaire Ile Verte + halte touristique
Superficie
m2
%
Accueil / artistes
Vestiaire
Cuisinette
16
12
16
4
3
4
Rangement
30
7,5
Toilettes
Salle de réunion
Bureaux
Salle multifonctionnelle
28
20
20
140
7
5
5
35
Fonctions
Espace détente
Espace exposition
30
20
7,5
5
Espace extérieur
aménagé
68
17
Liens avec l’extérieur
Proximité visuelle avec
accueil
Liens
Particularités
Visible
Près de l’accueil
Près salle
multifonctionnelle
Accès à salle
multifonctionnelle
Près de l’accueil
Près de l’accueil
Près de l’accueil
Liens avec l’extérieur
Plus en retrait
Vues +++
Moins visible
Au « cœur » de l’espace
Divisible et moitié int / ext
Protection au climat
TOTAL – 400 m2
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Annexe F _ Précédents tours d’observation
Type 1 - Tour de projection
UNStudio + ABT + BAM Utiliteitsbouw + Haitsma Beton
Photo de maquette, schéma des vues et du trajet à parcourir et élévation de la tour d’observation
Source : www.archdaily.com
. Non protégé des intempéries (pluie, vents)
. Découverte des espaces de façon continue
. Pas de cadrage du paysage
. Vue orientée par les passerelles qui « projette » dans le paysage
. 3 niveaux de vues et d’arrêts fixés
. Aller-retour donc rencontres possibles
Type 2 - Tour à découverte continue
Tour d’observation de la rivière Mur de terrain:loenhart&mayr
Photos et élévation de la tour d’observation
Source : www.archdaily.com
. Non protégé des intempéries (pluie, vents)
. Découverte des espaces de façon continue
. Pas de cadrage du paysage
. Vue orientée par la section du dessus qui dicte le sens de vue
. 1 niveau de vue et d’arrêt fixé
. Trajet continue donc pas de rencontre
. Hauteur fixée selon hauteur des arbres
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Type 3 - Tour à découverte unidirectionnelle
Tour d’observation Seljord de Rintala Eggertsson Architects
Photos de l’extérieur et de la vue cadrée sur le paysage
Source : www.archdaily.com
. Protégé des intempéries (pluie, vents)
. Découverte des espaces par des cadrages du paysage
. Vue orientée par 1 seul cadrage qui dicte le sens de vue
. 1 niveau de vue et d’arrêt fixé
. Allez-retour donc possibilité de rencontres
. Contraste entre intérieur et le sommet
Type 4 - Tour à découverte multidirectionnelle (applicable à l’Ile Verte)
Tour d’observation de ateliereenarchitecten et tour d’observation de ARHIS
Photos de l’extérieur et des différentes possibilités de vues cadrées et élévations montrant les différents cadrages
Source : www.archdaily.com
. Protégé des intempéries (pluie, vents) . Découverte des espaces par des cadrages
du paysage
. Vue orientée par plusieurs cadrages
. Plusieurs niveaux (vues et arrêts)
. Allez-retour donc possibilité de rencontres
. Contraste entre intérieur et le extérieur
Photos de l’extérieur de la tour et plans de deux des différents niveaux
Source : www.archdaily.com
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Annexe G _ Analyse photographique du site
ENSEMBLES
. Maison + grange + poulailler + fumoir + bâtiment pour le bois + saline + puits couvert + four à pain
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ARCHITECTURE RÉSIDENTIELLE
.Usage de la couleur (historiquement plus sobre)
.Contraste des ouvertures
.Présence de galerie / cuisine d’été
.Toits mansards, 2 versants
.Utilisation du bois : bardeau de cèdre, clin de bois
.Détachement du sol
.1 ½ étages
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Annexe H _ Résumé des fiches des bâtiments
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Annexe I _ Horizon
Comme il l’a été mentionné précédemment, le paysage est l’assemblage de plusieurs composantes et
parmi celles-ci, l’une des plus importantes est l’horizon. En effet, selon Michel Collot (1984) c’est un
élément « constitutif » tout comme la limite entre terre et ciel est primordiale dans l’analyse de l’esprit du
lieu selon Norberg-Schultz (1997). Il définit le paysage comme étant « perçu à partir d’un point de vue
unique, découvrant au regard une certaine étendue, qui ne correspond qu’à une “partie” du pays où se
trouve l’observateur, mais qui forme un ensemble immédiatement saisissable ». (Collot, 1984; 121) La
notion de point de vue ainsi que de l’étendue associe l’horizon au paysage. En effet, l’horizon est possible
seulement lorsqu’un observateur est situé à un endroit et observe une étendue. Cela vient donc à dire que
le paysage est uniquement présent dans des éléments incluant l’horizon : la visite in-situ, les
représentations picturales et la photographie contrairement à la représentation cartésienne qui ne permet
pas l’analyse ou la compréhension. La ligne d’horizon est la représentation par excellence de l’alliance
entre paysage et observateur puisque le moindre mouvement de ce dernier implique un déplacement de la
limite du paysage comme l’explique Erwin Straus (cité par Collot, 1984; 122) : « dans le paysage nous
sommes entourés par un horizon, et aussi loin que nous puissions avancer, l’horizon avance avec nous ».
En plus de démontrer l’importance de l’observateur dans la notion de paysage, l’horizon agit à titre de
« limite ». En effet le terme signifie « ce qui délimite » en grec et cela agit comme unificateur des
composantes pour une lecture en un coup d’œil du paysage comme le mentionne Collot (1984; 126) : « Ce
non-lieu qu’est l’horizon fonde pourtant la cohésion du lieu, fait de lui un paysage, c’est-à-dire un ensemble
homogène. C’est précisément parce qu’il ne donne pas tout à voir que le paysage peut-être embrassé
comme une totalité cohérente. Il forme une unité saisissable d’un seul coup d’œil… ». La ligne d’horizon,
dans le cas de l’Ile Verte, est souvent assurée par l’horizontalité de l’eau du fleuve Saint-Laurent. Elle
devient une « clôture » qui est définie comme indissociable de la constitution d’une « bonne forme » dans la
Gestalt théorie. L’horizon et les limites de la vue créent un cadre qui permet de réduire le nombre
d’éléments à mettre en relation pour lire le paysage et aide à définir les unités paysagères. Cet horizon et la
notion de cadrage sont donc primordiaux dans la perception paysagère, mais aussi à prendre en compte
dans la mise en forme architecturale. (Collot, 1984)
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