INTERVIEW D'UN LECTEUR “L'ARCHITECTURE DOIT SIGNIFIER QUELQUE CHOSE POUR LA SOCIETE” LA DURABILITE EST UNE QUESTION D'ATTITUDE, D'EDUCATION ET DE CULTURE L e bureau Goffart Polomé Architectes est tout jeune mais il peut déjà présenter un magnifique portfolio. Brice Polomé et Damien Goffart forment le tandem parfait pour proposer une architecture réfléchie. Leur collaboration avec d'autres bureaux est importante également. Elle est bénéfique non seulement pour l'architecture mais aussi pour ces deux architectes passionnés. "La pollinisation croisée reste importante", déclarent-ils. Philip Willaert “Ce qui compte, c'est de faire un bâtiment intelligent et de saisir l'essentiel.” Goffart Polomé Architectes le prouve avec cette maison destinée à une profession libérale UN BUREAU JEUNE EN QUETE DE NOUVEAUX STIMULI Malgré leur modestie extrême, ces deux architectes savent très bien ce qu'ils resprésentent. "Nous sommes encore un jeune bureau", commence Brice Polomé, le plus jeune de ces deux architectes ambitieux. "Nous étions dans le même kot à Bruxelles et notre amitié a débouché sur le bureau que nous avons aujourd'hui." Damien a commencé en 2006. Brice l'a rejoint cinq ans plus tard. Ils s'entendent parfaitement et sont tous les deux sur la même longueur d'onde. Entre eux, pas de flagornerie. C'est justement ça la force de l'amitié: elle autorise les regards critiques et les idées différentes. Ce bureau de conception travaille régulièrement avec d'autres bureaux pour enrichir des concepts et des concours avec un apport supplémentaire. Il travaille ainsi en étroite collaboration avec l'architecte belgo-suisse Serge Grard. Visez-vous projets? uniquement les gros "Pas du tout! Nos projets vont de 50 m² à 80.000 m². C'est dire si nous ne nous imposons pas de restrictions!" Les secteurs dans lesquels le duo opère sont variés. "Nous aimons la diversité et les nouveaux stimuli, qu'il s'agisse de nouvelles constructions, de rénovations ou de réaffectations. Nous ne voulons absolument pas nous cantonner à une certaine catégorie ou à un certain segment." conception implique de répondre à plusieurs questions et de tenir compte du programme demandé." "Certainement! Les concours obligent à réfléchir au programme et à tout ce qui s'y rapporte. Le bureau ne repose pas sur un certain type d'architecture ou sur la création de signes marquants. Pour nous, le résultant est très important. Nous parlons ici de contexte, d'histoire, d'applications de matériaux, de durabilité, ... Notre architecture est un cocktail de tous ces éléments." VOLONTE POLITIQUE La participation à des concours permet-elle de vous profiler en tant que bureau? Le bureau est-il pragmatique? "Absolument. Nous considérons l'architecture en termes d'utilité pratique et d'avantage social." Damien Goffart: "L'architecture doit signifier et exprimer quelque chose pour la société. Pour nous, la The Swiss Connection Au niveau de la réalisation, est-il important que l'entrepreneur se base sur des dessins bien élaborés? "En effet et c'est ce à quoi nous aspirons. Plus on dessine, plus la réalisation est bonne jusque dans les moindres détails. Dans la réalité, ce n'est pas toujours possible. Il faut faire des choix." Comment vous positionnez-vous par rapport à la durabilité et plus spécifiquement par rapport à la construction passive? "La durabilité est aussi question de sentiment, de philosophie. Pour nous, il ne s'agit pas d'un prétexte bon marché mais plutôt d'une atti- tude et d'un aspect de l'éducation et de la culture. Ce qui compte, c'est de faire un bâtiment intelligent et de saisir l'essentiel. Pour cela, il faut une volonté politique. Un exemple concret: à la périphérie de Fribourg (Allemagne) se trouvent des quartiers écologiques. Ils sont le fruit d'un choix politique clair. On y trouve une forme de mobilité 'douce', les gens peuvent accéder au centre-ville de Fribourg grâce aux transports en commun." Récemment, le bureau a remporté un concours pour l'extension d'une école passive à Gembloux. La forme arrondie, la façade verte avec toiture verte et les ouvertures de fenêtre ludiques témoignent d'une réflexion approfondie. L'esthétique de ce bâtiment scolaire n'affiche aucune signature architecturale reconnaissable. Chaque projet trouve GOFFART POLOME ARCHITECTES sa propre voie, EN BREF comme la petite CREATION 2006 école de village à Gilly (Hainaut). SITUATION Grand-Leez (Namur) Dans cette commune COLLABOTrois freelances: un urbaniste, un fusionnée de CharRATEURS architecte paysagiste et un architecte leroi, le bureau d'intérieur ASSOCIATIONS en een interieurarchitect La maison d'art'chitecture Serge Grard SA (CH); Julien De Smedt Architects (B+DK+CN+BR); alinea-ter (B); abr-sc (B); azero (B); pluricité (B). Comment deux architectes belges se sont-ils retrouvés en Suisse? C'est une histoire surréaliste. En effet, cela tient plutôt du hasard que d'un plan bien établi. Brice Polomé, architecte: "Lorsque j'ai terminé mes études à l'Institut Saint-Luc à Bruxelles, j'ai eu une évaluation finale comme cela se fait toujours. Dans le jury, il y avait Serge Grard, un architecte belge qui habite et travaille en Suisse. Son évaluation sur mon travail de fin d'étude fut positive. Il m'a donc invité à suivre un stage chez lui. Ça a bien collé entre nous, tant sur le plan professionnel que sur le plan humain. Après un certain temps, j'étais responsable des concepts au sein de son bureau." Et puis les choses se sont enchaînées et c'est ainsi qu'ont été posées les bases de The Swiss Conenction. Pour des projets en Suisse, Goffaert et Polomé collaborent régulièrement avec la maison d'art'chitecture Serge Grard SA, sous la forme d'une collaboration temporaire. "Inversement, nous participons à des concours en Belgique avec Serge Grard", déclare Brice Polomé. Damien Goffart, architecte architecte.pmg.be Brice Polomé, architecte Architecte 140 • Avril 2013 9 INTERVIEW D'UN LECTEUR Construire en Suisse Lignes parallèles En collaboration avec la maison d’art’chitecture Serge Grard SA, le bureau Goffart Polomé Architectes a transformé une habitation toute simple en un habitat vivant inspiré de la nature environnante. A Cortaillod, près du lac de Neuchâtel en Suisse, ces deux architectes ont récemment conçu une extension pour une habitation existante. La maison d'origine, avec sa forme de chalet reconnaissable, est typiquement suisse et donne sur un lac allongé. L'exercice n'était pas facile mais les architectes ont évolué progressivement vers une réponse adaptée. Quand on regarde le plan, on a l'impression que la maison est 'embrassée' par un volume en bois. La transition entre l'ancien et le nouveau ne saute pas aux yeux. La nouvelle construction semble se présenter comme une villa moderne autonome. Sur le nouveau plan, on a attaché beaucoup d'attention non seulement à la circulation mais aussi à l'orientation des pièces. Les fenêtres de la chambre à coucher parentale sont orientées sud-est et laissent entrer la lumière du matin. En revanche, le séjour bénéficie du soleil couchant le soir. Le souci du détail se traduit aussi dans la façade avant. A droite de l'entrée ouverte, une porte est parfaitement intégrée dans la surface de façade en bois. Une solution pratique pour ranger les vélos et le matériel de ski! Autre élément pratique: le routing de la cuisine jusqu'au potager. Toutes ces interventions font en sorte que la maison a un 'fonctionnement' très pratique et que la circulation s'accommode de manière ludique avec l'expérience intérieure et extérieure. Des détails subtils témoignent du fonctionnement en profondeur du concept. Les lignes de la maison sont parallèles à la nature et s'y soumettent. Cela fait penser aux habitations de Frank Lloyd Wright, qui, comme dans la Massaro House, a dessiné des auvents caractéristiques pour encadrer le paysage de manière épurée et poétique. d'architectes va bientôt transformer une école 'usée' en un établissement moderne. La couleur et la forme jouent un rôle crucial à cet égard ainsi que l'association avec l'environnement. Il ne s'agit pas d'un simple lifting mais d'une réflexion conceptuelle, confrontée aux besoins pédagogiques actuels et à la pertinence sociale de demain. Bref, il y a une interaction avec tous les aspects qui déterminent l'architecture et la dirigent dans un certain contexte." CULTURE DE CONCOURS La culture de concours est-elle différente en Flandre et en Wallonie? "Les concours sont moins présents en Wallonie qu'en Flandre, où il y a plus d'objectivité et de distance et où il règne un réflexe architectural différent." Goffart Polomé Architectes ture. remarque que la Flandre libère plus La grosse différence par rapport à de ressources à cet effet et qu'elle a un Bouwmeester est que ce dernier donc plus d'expérience dans l'orga- a un mandat provisoire. Ce n'est donc pas un fonctionnaire, nisation de concours. Selon ces deux archice qui crée une tectes, les choses sont "L' ARCHITECTE DOIT distance et une objectivité. plus lentes en CONSOLIDER SON Sur le plan communal, Wallonie. ROLE DE les choses sont un peu Toutefois, on y organise REPRESENTANT DU quand même des MAITRE D ' OUVRAGE " plus compliquées en concours de manière Wallonie. très professionnelle, avec des Ici, ce sont surtout la politique et les cahiers des charges soignés. "On relations qui jouent." voit qu'il y a une volonté – et c'est positif – mais les choses sont plus CONSOLIDER lentes. Nous participons à ces concours lorsque nous sommes Quels sont les bons et les mauvais invités. côtés du métier d'architecte? Les concours qui sont organisés via "Cela varie d'un jour à l'autre. la Cellule Architecture au sein de la Nous avons des hauts et des bas fédération Wallonie-Bruxelles sont mais disons que nous sommes très généralement sérieux. flexibles dans notre philosophie La Cellule Architecture fait du bon pratique. travail et aime clairement l'architec- Les nombreux contacts variés génèrent une grande richesse d'idées. Quand le téléphone sonne pour annoncer qu'une mission est acceptée, ça donne des ailes." Le rôle de l'architecte a-t-il évolué au fil des ans? "Jusqu’il y a peu, l'adjudicateur faisait appel à l'architecte, qui cherchait à son tour un entrepreneur. Avec les collaborations public-privé, l'entrepreneur est plus proche du maître d'ouvrage. Ce dernier veut moins de risques, tant sur le plan financier qu'au niveau de la réalisation. C'est aux architectes à surveiller leur concept et à défendre leur mission face au maître d'ouvrage. Nous remarquons que le rapport entre l'adjudicateur, l'architecte et l'entrepreneur est en train d'évoluer de manière déséquilibrée. L'architecte doit consolider son rôle de représentant du maître d'ouvrage." “Nous concevons des projets de 50 m² à 80.000 m²” Le bureau conçoit des projets pour la construction d'habitations et d'appartements, pour des commerces et des bâtiments publics: réaménagement de bijouterie, aménagement de bureaux dans un bâtiment historique, transformation d'écoles, extension d'une maison communale, ... Extension d'une école passive à Gembloux (concours 1er prix, chantier 2013-2015) Restaurant scolaire de l'IATA à Namur (concours sur invitation, en attente de décision) Extension d'une maison familiale (Bruxelles) architecte.pmg.be Extension d'une habitation pour deux logements (Auderghem) Transformation école à Gilly (concours 1er prix, chantier à commencer) Architecte 140 • Avril 2013 11