Structures de base en théorie des nombres avancée. John BOXALL

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Structures de base en théorie des nombres avancée.
John BOXALL
Version du 5 janvier 2011.
Ce texte a comme origine des notes d’un cours de master M2 enseigné à l’Université ce Caen BasseNormandie en 2008–2009. Il a été relu, corrigé et légèrement augmenté.
Prologue
(0.1) Traditionnellement, on entend par équation diophantienne une équation de la forme
f (x1 , x2 , . . . , xn ) = 0, où f est un polynôme en n indéterminées et à coefficients dans Z. Plus
généralement, un système diophantien est un système d’équations
(∗)
f1 (x1 , x2 , . . . , xn ) = f2 (x1 , x2 , . . . , xn ) = fN (x1 , x2 , . . . , xn ) = 0,
avec des polynômes f1 , f2 , . . ., fN toujours en n indéterminées et à coefficients entiers. On cherche
à décrire l’ensemble des solutions dans Zn , dans Qn ou dans (Z/mZ)n (m ≥ 1 un entier), puis
dans d’autre anneaux, tels que les corps finis, ou les corps de nombres, (qui sont, par définition,
des corps qui sont des Q-espaces vectoriels de dimension finie). Cela nous amène parfois à élargir
les notions d’équation et de système diophantien en autorisant les polynômes à coefficients dans
d’autres anneaux. (Sauf indication contraire, les anneaux seront toujours supposés commutatifs
et unitaires.)
Notons f = (f1 , f2 , . . . , fN ) et Z(f, A) l’ensemble des solutions dans An du système (∗), A
étant un anneau, qui sera au début A = Z, Q ou Z/mZ. Il est clair que Z(f, Z) ⊆ Z(f, Q) et que
l’homomorphisme canonique Z → Z/mZ induit une application Z(f, Z) → Z(f, Z/mZ).
(0.2) On peut se poser diverses questions concernant la nature et la structure de Z(f, A),
dont les réponses dépendront évidemment de f et de A.
(0.2.1) L’ensemble Z(f, A) est-il non-vide ? Lorsque A = Z, Matsejevic a montré qu’il n’y a
pas d’algorithme pour déterminer si Z(f, Z) est vide ou non. La situation concernant Z(f, Q) est
moins claire. En ce qui concerne Z(f, Z/mZ) (ou, plus généralement, Z(f, A) lorsque A est un
anneau fini), il suffit en principe de tester chaque élément de l’ensemble fini (Z/mZ)n (ou An ).
Vu le résultat de Matsejevic, il est naturel d’étudier la situation lorsque f est limité à des
familles particulières (par exemple la famille des polynômes de degré fixé et dans un nombre
d’indéterminées fixé).
(0.2.2) Notons qu’il n’y a pas forcément de relation logique entre les formes de l’ensemble des
solutions en entiers et celui des solutions rationnelles. Par exemple, si m ∈ Z, m > 0, résoudre
xy = m en entiers équivaut à factoriser m, alors que les solutions rationnelles sont de la forme
(x, m
) avec x ∈ Q× . En revanche, il évident que l’équation diophantienne x4 + y 4 = 17 n’a que des
x
solutions en entiers (x, y) = (±1, ±2) et (x, y) = (±2, ±1), mais beaucoup plus difficile de montrer
que ce sont les seules solutions rationnelles.
1
(0.2.3) L’ensemble Z(f, A) est-il fini ou infini ? Il est clairement toujours fini lorsque A est un
anneau fini. Mis à part le fait que Z(f, Z) est fini lorsque Z(f, Q) est fini, il n’y a pas de règle
général concernant Z(f, Z) et Z(f, Q).
(0.2.4) Si Z(f, A) est fini, peut-on énumérer ses éléments ? Lorsque A = Z ou Q, les démonstrations de finitude procèdent souvent par l’absurde et, même lorsqu’il existe une démostration
effective, elle donne souvent de bornes très élévées pour les solutions, ce qui exclue une recherche
par tâtonnement.
(0.2.5) Lorsque Z(f, A) est infini, peut-on en donner une description explicite ? Ceci est parfois
possible lorsque Z(f, A) est muni d’une structure, par exemple de groupe. Si, par exemple, il s’agit
d’un groupe, on peut chercher à le décrire par un système de générateurs et de relations.
(0.3) Passons en revue quelques exemples illustrant ce que nous savons faire et ce que nous
ne savons pas faire.
(0.3.1) Soit (a, b, c) ∈ Z3 avec ab 6= 0. Alors l’équation ax+by = c a une solution si et seulement
si c est un multiple du pgcd d de a et de b et, lorsque c’est le cas, il y a une infinité de solutions.
On peut donner l’ensemble de solutions la déscription suivante : si (x0 , y0 ) est l’une d’elles, toute
autre solution est de la forme (x0 + kb/d, y0 − ka/d) avec k ∈ Z. On peut dire que l’ensemble des
solutions est la classe de (x0 , y0 ) dans Z2 suivant le sous-groupe {(kb/d, −ka/d) | k ∈ Z}. Enfin
on connaı̂t un algorithme permettant de déterminer une solution particulière (x0 , y0 ) (l’algorithme
d’Euclide étendu). Dans ce cas donc, on dispose d’une solution de tous les problèmes soulevés plus
haut.
L’étude de l’ensemble des solutions rationnelles est un exercice trivial d’algèbre linéaire. Remarquons simplement qu’il est toujours infini, formé d’un sous-espace affine du Q-espace vectoriel
Q2 .
L’étude des solutions dans (Z/mZ)2 équivaut à l’étude de la congruence ax + by ≡ c (mod m).
Grâce au théorème chinois, on se ramène au cas où m est une puissance pe d’un nombre premier
p (voir le § 2). On trouve que lorsque p ne divise pas ab, il y a toujours des solutions. Lorsque p
divise ab, il y a des solutions ou non selon les puissances de p divisant a, b, c et m. Cela illustre un
point que nous allons souvent rencontrer, à savoir qu’il y a associé à un système diophantien un
ensemble fini de « mauvais » nombres premiers (dits de mauvaise réduction), alors tous les autres
premiers sont de « bonne réduction ».
Des considérations semblables s’appliquent à l’équation de Bézout généralisée a1 x1 + a2 x2 +
· · · + an xn = c, où (a1 , a2 , . . . , an , c) ∈ Zn+1 et a1 a2 · · · an 6= 0.
(0.3.2) Passons à l’équation de degré deux (conique) ax2 + bxy + cy 2 + dx + ey = f , où
(a, b, c, d, e, f ) ∈ Z6 , (a, b, c) 6= (0, 0, 0). L’exemple x2 +y 2 = −1 montre que l’ensemble des solutions
rationnelles — et donc également des solutions en entiers — peut être vide. Notons que, dans ce cas,
même l’ensemble des solutions réelles est vide. Lorsque (x0 , y0 ) est une solution rationnelle, on peut
chercher à construire une autre comme point d’intersection d’une droite p(x − x0 ) + q(y − y0 ) = 0,
(p, q) ∈ Q2 , (p, q) 6= (0, 0) avec la conique. Cela marche (x0 , y0 ) est un point régulier de la conique
(c’est-à-dire qu’elle y possède une droite tangente). Notons qu’une droite passant par un point
singulier ne recontre pas forcément la conique en un second point (par exemple (x0 , y0 ) = (0, 0)
sur la conique x2 + y 2 = 0).
La situation concernant les solutions en entiers est plus complexe. On sait que x2 + y 2 = p (p
un nombre premier) a une solution si et seulement si soit p = 2 soit p ≡ 1 (mod 4). On en déduit
que x2 + y 2 = m (où m ∈ Z) a une solution en entiers si et seulement si m ≥ 0 et, lorsque m > 0,
l’exposant dans m de tout nombre premier p ≡ 3 (mod 4) divisant m est pair.
2
Lorsque p ≡ 1 (mod 4) est premier et (x0 , y0 ) est l’une des solutions en entiers de x2 +y 2 = p, les
autres solutions (±x0 , ±y0 ) et (±y0 , ±x0 ). On peut, en principe, trouver une solution de x2 +y 2 = p
√
par tâtonnement (car |x|, |y| ≤ p) mais il y a des algorithmes plus efficaces.
Lorsque D > 1 est un entier, nous ne disposons pas, sauf cas particuliers, de description aussi
simple des entiers m qui peuvent être écrit sous la forme x2 + Dy 2 avec (x, y) ∈ Z2 . Cette question
est étroitement
liée à l’arithmétique du corps de nombres Q[x]/(x2 +D) (qui est traditionnellement
√
noté Q( −D)). Pour davantage de renseignements, on consultera le livre passionnant de D. Cox
[Co].
(0.3.3) L’équation de Pell x2 −Dy 2 = 1 est un exemple intéressant d’équation diophantienne
où l’ensemble des solutions peut être muni d’une structure de groupe. Ici, D > 0 est un entier qui
2
2
n’est
φD l’application de Z(f, Z)√vers l’anneau
√ pas un carré. Si f (x, y) = x √− Dy − 1, on note
2
Z[ D] des réels de la forme a + b D avec (a, b) ∈ Z définie par φ√D (x, y) = x √
+ y D. Alors φD
est injectif et son image est le groupe des éléments inversibles Z[ D]× de Z[ D]. On sait que
ce groupe est engendré par −1 et par un élément ε d’ordre infini. On peut démontrer ce résultat
à l’aide des fractions continues, qui permettent également le calcul de l’élément ε. Mais il sera
également une conséquence du théorème (9.9) de ce cours.
√
Remarquons que les coordonnées x, y de ε = x + y D peuvent être grandes par rapport à
D. Pour les très petites valeurs√de D, il est facile de trouver ε à la main√mais, lorsque D = 19,
on trouve déjà ε = 170
√ + 39 19, lorsque D = 46, ε = 24335 + 3588 46, lorsque D = 94,
ε = 2143295 + 221064 94 et, lorsque D = 991, on a
√
ε = 379516400906811930638014896080 + 12055735790331359447442538767 991.
On constate que la taille de ε varie très irrégulièrement avec D. Cela suggère qu’il n’y a pas
de « formule simple » pour ε en fonction de D. Ces exemples servent aussi à mettre en garde
le lecteur contre l’idée naı̈ve que si on ne trouve pas facilement une solution d’une équation
diophantienne, ou si on ne trouve que quelques solutions « triviales », alors l’équation n’a pas de
solution intéressante.
√ ×
√
Notons qu’on peut étendre
φ
à
une
application
injective
de
Z(f,
Q)
dans
Q(
D)
,
où
Q(
D)
D
√
est le corps de fractions de Z[ D]. Par consq́uent, Z(f, Q) peut√également être muni de la structure
d’un groupe abélien, sous-groupe du groupe multiplicatif Q( D). Dans le langage de la√théorie
des nombres algébriques, déterminer Z(f, Q) équivaut à déterminer les éléments de Q( D) de
norme un.
(0.3.4) Mentionnons brièvement les courbes elliptiques. Dans leur incarnation la plus banale, il s’agit de l’équation diophantienne y 2 = x3 + ax + b, où (a, b) ∈ Z2 est tel que le polynôme
x3 + ax + b est à racines simples. Alors f (x, y) = x3 − ax − b − y 2 . D’après un théorème de Siegel,
Z(f, Z) est un ensemble fini. Par exemple, lorsque a = 0, b = 17, on a
Z(f, Z) = {(−2, ±3), (−1, ±4), (2, ±5), (4, ±9), (8, ±17), (43, ±282), (52, ±375), (5234, ±378661)}.
La démonstration du théorème de Siegel donne une borne beaucoup trop grande sur la taille des
solutions pour permettre d’en déduire cette liste des solutions en entiers de y 2 = x3 + 17. Pour le
faire, on a besoin d’autres techniques.
En ce qui concerne les solutions rationnelles, on ajoute à Z(f, Q) (qui peut être vide) un
point à l’infini. (Cela sera rendu rigoureux lorsque on parle de coordonnées projectives.) Notons
comme on a l’habitude l’ensemble qui en résulte E(Q) (où E désigne la courbe elliptique associée
à l’équation y 2 = x3 + ax + b, voir le § 2). Alors E(Q) est muni d’une structure de groupe abélien,
dont l’élément neutre est le point à l’infini (que l’on note O), et la somme de trois points est nulle si
et seulement s’ils sont collinéaires. En particulier, si (x0 , y0 ) ∈ E(Q), la droite verticale d’équation
3
x = x0 coupe E(Q) en les deux points (x0 , y0 ) et (x0 , −y0 ) (qui coı̈ncident si et seulement si y0 = 0)
ainsi qu’en O. Si donc P = (x0 , y0 ), alors −P = (x0 , −y0 ).
La figure montre la courbe elliptique y 2 = x3 + 1 et la droite passant par (−1, 0) et (0, 1) ; elle
coupe la courbe en le troisième point (2, 3). Par conséquent, (2, 3) + (−1, 0) + (0, 1) = O dans loi
de groupe, d’où (−1, 0) + (0, 1) = (2, −3).
Le théorème de Mordell affirme alors que E(Q) est un groupe abélien de type fini. Par exemple,
lorsque E est la courbe y 2 = x3 + 17, on peut montrer que E(Q) est libre de rang 2, avec (−2, 3)
et (−1, 4) comme générateurs. Une généralisation (théorème de Mordell-Weil) affirme que, si K
est un corps de nombres E(K) est encore un groupe abélien de type fini.
Côté algorithmes, la situation ici est un peu étonnante. En pratique, on arrive à déterminer
E(Q) (pourvu que a et b ne soient pas trop grands). Toutefois, nous ne disposons pas d’algorithme
dont l’aboutissement est toujours garanti.
En ce qui concerne les courbes elliptiques sur Z/mZ, on a un d’abord un ensemble de nombres
premiers de mauvaise réduction qui doit être à part. Ici, c’est l’ensemble des nombres premiers p
où x3 + ax + b (mod p) a une racine multiple, c’est-à-dire p divise le discriminant −(4a3 + 27b2 )
de x3 + ax + b. En outre, il y a mauvaise réduction en 2. (Cela peut être évité en utilisant des
équations plus générales pour définir une courbe elliptique.) Tout autre nombre premier p est de
bonne réduction, et définit une courbe elliptique Ep sur le corps Z/pZ et on peut définir une loi
d’addition sur Ep (Z/pZ). Ces groupes ont trouvé des applications importantes en cryptographie.
Il existe de nombreux textes introductifs concernant les courbes elliptiques. Voir par exemple
[Si], [Hu]. Des livres plus élémentaires, tels [Ca1], [SiTa] et [Kn], peuvent également être consultés
avec profit.
(0.3.5) L’étude de l’équation diophantienne f (x, y) = 0, où f est un polynôme cubique en 2
indéterminées peut être ramenée à l’étude soit de courbes elliptiques soit de coniques. (Passons
sous silence le fait que nous ne disposons pas d’algorithme permettant de savoir si Z(f, Q) est non
vide . . ..) Lorsque f est de degré au moins 4, la situation « générale » est que Z(f, Q) (et donc
Z(f, Z)) est un ensemble fini. On peut formuler un énoncé précis ; il implique, en particulier, que
l’équation de Fermat xn + y n = 1 n’a qu’un nombre fini de solutions rationnelles (x, y) lorsque
n ≥ 4 est un entier. Cette affirmation est moins précise que le dernier théorème de Fermat
(démontré par Wiles en 1994), qui a pour conséquence que les seules solutions rationnelles de
xn + y n = 1 sont celles avec xy = 0. Ce résultat est valable également lorsque n = 3.
4
(0.4) Signalons enfin le très joli résultat suivant. Rappelons qu’un polynôme est dit homogène de degré d si tous ses monômes ont le même degré total d. Plus précisément, si
xd11 xd22 · · · xdnn est un monôme, son degré total est d1 + d2 + · · · + dn . Un polynôme homogène
de degré total d est souvent appelé une forme de degré d ; on parle alors d’une forme quadratique lorsque d = 2, d’une forme cubique lorsque d = 3, . . .. Voir aussi le § 2.
(0.4.1) Théorème (Hasse-Minkowski, première version). Soit f (x1 , x2 , . . . , xn ) une forme quadratique en n indéterminées et à coefficients entiers. Pour que Z(f, Z) contienne un élément autre
que (0, 0, . . . , 0), il faut et il suffit que Z(f, R) et tous les ensembles Z(f, Z/mZ), ou m parcourt
les entiers m ≥ 2, contienne un élément autre que (0, 0, . . . , 0).
L’une des implications est facile. Si (x1 , x2 , . . . , xn ) 6= (0, 0, . . . , 0) appartient à Z(f, Z) on peut,
grâce à l’hypothèse que f soit homogène, supposer que le pgcd de (x1 , x2 , . . . , xn ) soit égal à 1.
Alors (x1 , x2 , . . . , xn ) (mod m) est non nul quelque soit l’entier m ≥ 2 et appartient à Z(f, Z/mZ).
En outre, il est clair que (x1 , x2 , . . . , xn ) ∈ Z(f, R).
Tout l’intérêt de ce théorème réside donc dans l’implication réciproque.
En outre, une fois acquise, la notion de nombre p-adique permet de formuler ce résultat de
façon bien plus agréable :
(0.4.2) Théorème (Hasse-Minkovski, deuxième version). Soit f (x1 , x2 , . . . , xn ) un polynôme
homogène non-nul de degré deux en n indéterminées et à coefficients rationnels. Pour que Z(f, Q)
contienne un élément autre que (0, 0, . . . , 0), il faut et il suffit que Z(f, R) et tous les ensembles
Z(f, Qp ), ou p parcourt les nombres premiers, contienne un élément autre que (0, 0, . . . , 0).
Ici, Qp désigne le corps des nombres p-adiques qui sera introduit plus tard dans ce cours § 4.
Si f est une forme de degré d à coefficients entiers, on a f (λx1 , λx2 , . . . , λxn ) = λd f (x1 , x2 , . . . , xn )
quelque soit λ ∈ Q. En particulier, si (x1 , x2 , . . . , xn ) ∈ Z(f, Q) est non nul, on obtient, en
multipliant par le dénominateur commun des xi , un élément non nul de Z(f, Z). Ces remarques
facilitent le passage entre Z(f, Z) et Z(f, Q) dans les deux versions du théorème.
(0.4.3) Formulé ainsi, le résultat est davantage susceptible de généralisation, ou d’attirer des
contrexemples à des généralisations potentielles. Par exemple, une forme cubique à coefficients
rationnels peut avoir des solutions réelles ainsi que des solutions dans le corps Qp pour tout
nombre premier p, sans avoir des solutions rationnelles. (On ne tient pas compte de la solution
(0, 0, 0).) Un premier exemple a été donné par Selmer pendant les années 1950 : il s’agit de la
forme cubique f (x, y, z) = 3x3 + 4y 4 + 5z 5 . De nombreux autres exemples ont été trouvés depuis.
On dit qu’une telle forme viole le principe de Hasse. Par contre, une forme cubique en 10
variables ou plus vérifie le principe de Hasse ; en ce qui concerne les formes cubiques lisses, 4
variables suffisent. Ici, lisse signifie sans point singulier, c’est-à-dire que le gradient (vecteur des
dérivées partielles) ne s’annule pas (voir à (1.2.1)).
On trouvera la démonstration du théorème de Hasse-Minkowski dans de nombreux textes, par
exemple [Se1], [Ca2], [BoSh].
(0.5) Voici donc un plan bref de ce texte. La § 1 contient quelques rappels et complément
d’algèbre, surtout concernant les anneaux commutatifs. La § 2 étudie les congruences, et les
renseignements concernant des équations diophantiennes que l’on peut en tirer.
La suite du texte est surtout concernée par l’étude des valuations, notion introduite dans la
§ 3. Soit K un corps. Une valuation sur K est une application v : K × → Γ, où Γ est un groupe
totalement ordonné, telle que, pour tout x, y ∈ K ×
v(xy) = v(x) + v(y)
et
v(x + y) ≥ min (v(x), v(y) ,
la deuxième propriété n’ayant un sens que lorsque x+y 6= 0. Il convient de poser v(0) = +∞. Dans
5
ce texte, on se limitera aux valuations à valeurs dans un sous-groupe du groupe additif de R (muni
de l’ordre usuel). L’exemple de base d’une valuation sur Q est l’ordre ordp en un nombre premier
p. Si x ∈ Q× , alors ordp (x) est l’exposant de la puissance de p apparaissant dans la factorisation
en nombres premiers de x. Par exemple
ord2
12 = 2,
5
ord3
12 = 1,
5
ord5
12 = −1
5
et ordp
12 = 0 pour tout p ≥ 7.
5
Les entiers relatifs sont alors caractérisés comme étant les rationnels x tels que ordp (x) ≥ 0 pour
tout nombre premier p.
Une valuation définit une distance dv sur le corps K, par exemple en posant dv (x, y) = e−v(x−y) .
On dit que K est complet pour v si l’espace métrique K muni de la distance dv est complet. Même
si ce n’est pas le cas, on peut construire le complété de K. Lorsque K = Q et v = ordp , on obtient
ainsi le corps des nombres p-adiques, noté Qp .
La § 4 étudie le complété d’un anneau le long d’un idéal I. Dans le cas particulier où l’anneau
et Z et I est un idéal pZ, p étant un nombre premier, cette construction donne l’anneau des entiers
p-adiques, qui est communément noté Zp . Il s’agit d’un anneau intègre, dont le corps des fractions
est à nouveau le corps des nombres p-adiques Qp . Cette manière de procéder a l’avantage de mettre
en évidence le lien entre des solutions d’une équation ou système diophantien dans l’anneau Zp
est ses solutions modulo pn pour tout entier n.
Soit K un corps complet pour une valuation v. Le résultat principal de la § 5 (le théorème
(5.8)) est que, si L est un corps qui est une extension finie et séparable de K, alors v possède un
prolongement unique à w, qui est de plus, donnée par une formule explicite et simple. Il s’agit d’un
résultat puissant qui est à la base d’une partie importante de la suite du texte. Bien entendu, le cas
particulier où K = Qp est d’une importance particulière. On étudie également dans cette section
la notion de ramification et de degré résiduel dans une extension séparable de corps complets.
Dans la § 6, les résultat de la § 5 sont appliquées à l’étude des extensions d’une valuation d’un
corps qui n’est pas forcément complet. Un cas typique est celui où K = Q ; une extension finie de
Q s’appelle un corps de nombres. On montre que, lorsque L est une extension finie et séparable de
K de degré n, toute valuation sur K possède au moins un prolongement et au plus n extensions
à L. Cette étude est complétée par celle de la ramification et du degré résiduel dans le présent
cadre.
Les § 5 et § 6 sont concernées par les extensions d’une seule valuation sur le corps de base K.
Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de comparer différentes valuations. C’est le but de la § 7
qui peut, en fait, être lue immédiatement après la § 3. Un résultat typique est le corollaire (7.3.1),
qui montre que, si v1 , v2 , . . ., vn sont des valuations non-triviales et inéquivalentes (c’est-à-dire
aucune n’est un multiple constant d’une autre) sur le corps K, et si pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n} on
se donne xi ∈ K × , alors il existe x ∈ K × tel que v(xi ) = vi (xi ) pour tout i. Lorsque K = Q et,
pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n} on suppose que vi = ordpi pour un nombre premier pi , ce résultat est
un exercice trivial. Mais la démonstration dans le cas général nécessite un peu de soin.
Le résultat central de la § 8 est le théorème (8.1.1), affirmant que, si ZL désigne l’anneau des
entiers du corps de nombres L, alors tout idéal non nul de ZL s’écrit de façon unique, à ordre près,
comme produit d’idéaux premiers (et, en fait maximaux) de ZL . En poursuivant le point des vue
des sections précédentes, ZL est le sous anneau de L formé des x ∈ L tels que w(x) ≥ 0 quelque
soit la valuation w de L. (Voir (8.1.2) pour une discussion plus détaillée.)
Enfin, la § 9 contient des résultats généraux sur les corps des nombres, et surtout ceux dont la
démonstration fait intervenir leurs plongements dans les corps R et C. On y démontre notamment
la finitude du groupe des classes (le groupe des idéaux fractionnaires de ZL quotienté par le groupe
de idéaux principaux), et on étudie le groupe des éléments inversibles de ZL .
6
(0.5.1) Ce matériel est traité dans de nombreux autres textes de différents points de vue.
Comme littérature plus avancée concernant les corps de nombres et les corps p-adiques, on peut
citer [N], [Se2]. Les livres de H. Cohen [Coh1] et [Coh2] traitent la théorie algorithmique des
nombres ; voir aussi [Co3].
§ 1. Quelques préliminaires
(1.1) Cette section propose un assemblage de rappels divers. Dans un premier temps, il est
conseillé d’en donner une lecture rapide puis de le consulter au fur et à la mesure que l’on en a
besoin. On trouvera au début du § (5) quelques rappels concernant les extensions de corps et la
théorie de Galois.
(1.2) Dans ce cours, tous les anneaux sont supposés commutatifs et unitaires et tout homomorphisme d’anneaux transforme l’unité en unité. Si A est un anneau, on note A× le groupe
des éléments inversibles de A. Par anneau principal on entend un anneau dont tout idéal est
principal, c’est-à-dire engendré par un seul élément. Contrairement à certains usages, un anneau
principal n’est pas forcément supposé intègre.
(1.2.1) Soit A est un anneau. Alors il existe un unique homomorphisme d’anneaux ε : Z →
A. La condition ε(1) = 1A (où 1A désigne l’unité de A) est essentielle ici. Par définition, la
caractéristique de A est le générateur positif ou nul de l’idéal ker ε de Z.
P
i
Si n ∈ Z, on écrit souvent n à la place de ε(n). Par exemple, si f (x) = P
i≥0 ai x est un
polynôme à coefficients dans A en une variable x, la dérivée de f est le polynôme i≥1 ai ixi−1 =
P
i−1
.
i≥1 ai ε(i)x
L’élément a de A est appelé un diviseur de zéro s’il existe b ∈ A, b 6= 0 tel que ab = 0.
L’anneau A est dit intègre lorsque A contient au moins deux éléments et si le seul diviseur de
zéro de A est 0. Un corps est un anneau contenant au moins deux éléments dont tout élément
non-nul est inversible. Par conséquent, un corps est un anneau intègre.
(1.3) Soit A un anneau. Sauf indication contraire, on entend par A-module un A-module
unitaire à gauche, autrement dit, un groupe abélien E (dont la loi de groupe est notée additivement), muni d’une loi externe A × E → E vérifiant a(x + y) = ax + ay, (a + b)x = ax + bx et
(ab)x = a(bx) pour tout a, b ∈ A et pour tout x, y ∈ A ainsi que 1A X = x pour tout x ∈ A. Dans
le cas où A et un corps, ces propriétés sont les mêmes que celles utilisées pour définir un A-espace
vectoriel. On définit alors les notions de homomorphisme, noyau, image, sous-module et module
quotient dans le cadre des modules de la même manière que chez les espaces vectoriels.
Soit G un groupe abélien, noté additivement. On munit G de la structure d’un Z-module en
posant ng = g + g + · · · + g lorsque n ≥ 0 est un entier (il y a n copies de g dans la somme), et
ng = −(−ng) lorsque n < 0. Ainsi, tout groupe abélien est, de façon naturelle, un Z-module.
Soit E un A-module et soit S un sous-ensemble
de E. Le sous-module de E engendré par
P
S est l’ensemble des éléments de la forme s∈S as s avec as ∈ A et as = 0 pour tout s ∈ S à un
nombre fini d’exceptions près. Un module est de dit de type fini lorsque il est engendré par un
ensemble fini.
Si F et G sont deux sous-modules de E, on écrit F + G pour le sous-module de E formé de
tous les éléments de E de la forme x + y avec x ∈ F et y ∈ G. Si en plus F ∩ G = {0}, on parle
de la somme directe de F et de G et écrit souvent F ⊕ G pour F + G.
Le A-module E est dit libre s’il existe un sous-ensemble S de E tel que tout élément de
7
P
E s’écrit de manière unique sous la forme s∈S as s avec as ∈ A et as = 0 pour tout s ∈ S à
un nombre fini d’exceptions près. Ceci équivaut à dire que E est isomorphe au A-module AS des
applications de S vers A (le « produit cartésien de S copies de A »). Lorsque c’est le cas, le cardinal
de S ne dépend que de E et non du choix de S. Le cardinal de S s’appelle alors le rang de E et
on dit que S est une base de E.
Lorsque A est un anneau intègre, l’élément x d’un A-module E est dit de torsion s’il existe
un élément a 6= 0 de A tel que ax = 0. L’ensemble des éléments de torsion de E forment un
sous-module de A, appelé le sous-module de torsion et noté Etors . On dit que E est de torsion
lorsque E = Etors .
(1.3.1) Théorème. Soit A un anneau intègre principal et soit E un A-module de type fini.
Alors il existe un sous-module E0 de E, libre et de rang fini, tel que E = Etors ⊕ E0 .
(1.3.2) Théorème. Soit A un anneau intègre principal, soit n ≥ 1 un entier et soit E un
A-module libre de rang n.
(i) Tout sous-module de E est libre et de rang au plus n.
(ii ) Soit F un sous-module libre de rang m ≤ n. Alors il existe une base (x1 , x2 , . . . , xn ) de E
et des éléments non-nuls ai , (1 ≤ i ≤ m) de A tels que (a1 x1 , a2 x2 , . . . , am xm ) soit une base de F .
En outre, on peut supposer que ai divise ai+1 pour tout i ∈ {1, 2, . . . , m − 1}. Lorsque c’est le cas
la suite des idéaux a1 A, a2 A, . . ., am A est uniquement déterminée par F .
(iii ) Soit F un sous-module de E. Pour que F soit de rang n il faut et il suffit que E/F soit
de torsion.
Ce résultat s’applique notamment aux groupes abéliens libres et de rang fini, et notamment
lorsque E = Zn . Les éléments ai de la partie (ii ) sont alors des entiers, que l’on peut supposer
positifs. On les appellent les diviseurs élémentaires de F .
(1.4) Notons I0 (A) l’ensemble des idéaux de l’anneau A. Alors (I, J) 7→ I + J et (I, J) 7→ IJ
définissent des lois internes sur I0 (A) qui sont commutatives et associatives. On a (I1 + I2 )J =
I1 J + I2 J quelque soient I1 , I2 , J ∈ I0 (A). En plus, A + I = A, {0} + I = I, AI = I et {0}I = {0}
quelque soit l’idéal I.
(1.4.1) On suppose que l’anneau A soit intègre et on note K son corps de fractions. Un
idéal fractionnaire de A est un sous-module I du A-module K tel qu’il existe a ∈ A, a 6= 0,
vérifiant aI ⊆ A. (Autrement dit I est un sous-ensemble de K et il existe a ∈ A, a 6= 0 tel que
aI = {ax | x ∈ I} soit un idéal de A.) L’idéal fractionnaire I est dit principal s’il existe x ∈ K
tel que I = xA = {xa | a ∈ A}. Un tel élément x s’appelle un générateur de I ; il est alors unique
à multiplication par un élément de A× près.
(1.5) Soit A un anneau. Un ensemble multiplicatif dans A est un sous-ensemble S de A
vérifiant (a) 1 ∈ S et (b) si a, b ∈ S, alors ab ∈ S. Si A est intègre et si S est un ensemble
multiplicatif dans A avec 0 ∈
/ S, on définit l’anneau des fractions à dénominateurs dans S
comme étant le sous-anneau du corps de fractions de A dont les éléments sont représentés par
des quotients as avec a ∈ A et s ∈ S. On le note S −1 A. Il s’agit bien d’un anneau, car, S étant
multiplicatif, les formules
a b
at + bs
+ =
,
s t
st
ab
ab
= ,
st
st
a, b ∈ A, s, t ∈ S
prouvent que S −1 A est bien stable par addition et par multiplication.
(1.5.1) L’idéal I de l’anneau A est dit premier si lorsque I 6= A et lorsque, étant donnés
8
deux éléments a, b ∈ A tels que ab ∈ I, on a soit a ∈ I soit b ∈ I. Pour que l’idéal I soit un idéal
premier, il faut et il suffit que l’anneau quotient A/I soit intègre.
On dit que l’idéal I est maximal lorsque I 6= A et lorsque J est un idéal vérifiant I ⊆ J ⊆ A,
on a soit J = I, soit J = A. Pour que l’idéal I soit un idéal maximal, il faut et il suffit que l’anneau
quotient A/I soit un corps.
Tout idéal maximal est un idéal premier.
(1.5.2) Théorème. Soit A un anneau. Tout idéal I 6= A de A est contenu dans un idéal
maximal.
La démonstration du résultat général nécessite le Lemme de Zorn. Dans des cas simples, cela
peut se faire « à la main ».
On tire comme corollaire :
(1.5.3) Corollaire. Soit A un anneau et soit a ∈ A. Les deux conditions suivantes sont
équivalentes.
(i ) a ∈
/ A× ;
(ii ) a appartient à au moins un idéal maximal de A.
(1.6) Par définition, un anneau local est un anneau possédant un et un seul idéal maximal.
On déduit du théorème (1.5.2) que, pour qu’un anneau A soit un anneau local, il faut et il suffit
que A \ A× soit un idéal de A. Voir aussi (3.5).
(1.6.1) Soit I un idéal de l’anneau A. Pour que le complémentaire A \ I de I dans A soit
un ensemble multiplicatif, il faut et il suffit que I soit un idéal premier. Lorsque P est un idéal
premier et S = A \ P , l’anneau S −1 A est noté AP est appelé le localisé de A en P . On vérifie que
AP est toujours un anneau local, son idéal maximal étant formé des éléments représentables par
/ P.
des quotients as avec a ∈ P et s ∈
(1.6.2) Théorème. Soit A un anneau intègre. Alors tout sous-groupe fini du groupe multiplicatif A× est cyclique.
Le plus souvent, on trouve ce résultat énoncé dans le cadre des corps. On passe au cas d’un
anneau intègre en considérant comme un sous-anneau de son corps de fractions.
Le résultat serait faux en l’absence de l’hypothèse de commutativité.
(1.7) Soit n ≥ 1 un entier. Une racine n-ième de l’unité dans A est un élément ζ vérifiant
ζ = 1. L’ensemble des racines n-ièmes de l’unité dans A forment un sous-groupe de A× , qui sera
noté µn (A).
on pose
S Lorsque A est intègre,Sµn (A) est cyclique d’ordre divisant n. En général,
×
µ∞ (A) = n≥1 µn (A) et µn∞ (A) = r≥1 µnr (A). Ce sont encore des sous-groupes de A . Lorsque
A est intègre, on dit que ζ est une racine primitive n-ième de l’unité dans A si ζ ∈ µn (A) mais
ζ∈
/ µm (A) pour tout m < n. Alors ζ est une racine primitive n-ième de l’unité si et seulement si
ζ ∈ µn (A) mais ζ ∈
/ µm (A) pour tout m < n qui divise n.
n
(1.7.1) Soient A, B deux anneaux intègres, soit φ : A → B un homomorphisme et soit φ0 :
µ(A) → B × sa restriction à µ(A).
(i) On suppose que B est de caractéristique 0. Alors φ0 est injectif.
(ii ) On suppose que B est de caractéristique p > 0. Alors ker φ0 = µp∞ (A). En particulier, si
n est un entier premier à p, la restriction de φ0 à µn (A) est injective.
Preuve. On démontre les deux parties en même temps. Si φ0 n’est pas injectif, alors il existe
un nombre premier ` tel que ker φ0 contienne une racine primitive `-ième de l’unité ζ. Puisque
9
ζ ` − 1 = 0 alors que ζ − 1 6= 0, la factorisation ζ ` − 1 = (ζ − 1)
Mais φ0 (ζ) = 1, d’où, en appliquant φ :
`=
`−1
X
r=0
1=
`−1
X
r=0
r
φ0 (ζ ) =
`−1
X
P`−1
r=0
P
r
ζ r entraı̂ne que `−1
r=0 ζ = 0.
`−1
X
φ(ζ ) = φ
ζ r = φ(0) = 0.
r
r=0
r=0
Cela n’est possible que si B est de caractéristique p > 0 et ` = p.
On en tire que si ζ ∈ ker φ0 , B est de caractéristique p > 0 et p est le seul nombre premier qui
peut diviser l’ordre de ζ. Par conséquent, ζ ∈ µp∞ (A).
e
Réciproquement, si B est de caractéristique p > 0, si e ≥ 1 et si ζ ∈ Ae vérifie ζ p = 1, alors
e
e
φ0 (ζ)p − 1 = 0 et donc (φ0 (ζ) − 1)p = 0 car les coefficients binomiaux pr sont divisible par p
lorsque 1 ≤ r ≤ pe − 1. Il s’ensuit que φ0 (ζ) = 1, d’où ζ ∈ ker φ0 .
(1.8) Soit A un anneau. Une A-algèbre est un couple (B, ε) formé d’un anneau B et d’un homomorphisme d’anneaux ε : A → B, appelé homomorphisme structural. Ici, nous n’insistons
pas que B soit forcément commutatif ou unitaire. Quelques exemples : (i ) D’après ce qui précède,
tout anneau unitaire est une Z-algèbre ; (ii ) on prend pour B = A[x1 , x2 , . . . , xn ] l’anneau des polynômes en n indéterminées et pour ε l’homomorphisme qui associe à a ∈ A le polyôme constant
a ; (iii ) on prend pour B l’anneau des matrices carrées d’ordre n ≥ 1 et pour ε l’homomorphisme
qui transforme a ∈ A en la matrice scalaire aIn ; (iv ) on choisit un idéal I de de A et on prend
pour B l’anneau quotient A/I et pour ε l’homomorphisme canonique A → A/I.
Si (C, η) est une seconde A-algèbre, un homomorphisme de A-algèbres φ : (B, ε) → (C, η)
est un homomorphisme d’anneaux (supposé unitaire si B et C sont unitaires) tel que η = φ ◦ ε.
En règle générale, nous omettrons la référence explicite à l’homomorphisme structural ε si
aucune ambiguité n’est à craindre. Si B et C sont deux A-algèbres, on note alors HomA−alg (B, C)
l’ensemble les A-homomorphismes de B vers C.
L’importance de l’algèbre commutative dans l’étude des solutions des systèmes diophantiens
a comme point de départ la proposition suivante :
(1.8.1) Proposition. Soit A un anneau, soit A[x1 , x2 , . . . , xn ] l’algèbre de polynômes en n
variables à coefficients dans A, et soit I un idéal de A[x1 , x2 , . . . , xn ]. Alors pour toute A-algèbre
B, il y a une bijection naturelle entre l’ensemble HomA−alg (A[x1 , x2 , . . . , xn ]/I, B) et l’ensemble
Z(I, B) des éléments b = (b1 , b2 , . . . , bn ) ∈ B n vérifiant f (b) = 0 pour tout f ∈ I.
Démonstration. Afin de voir les choses clairement, nous allons commencer avec le cas où
I = {0}. Il s’agit alors de construire une bijection entre l’ensemble des A-homomorphismes de
A[x1 , x2 , . . . , xn ] vers B et l’ensemble B n . Le point crucial est qu’un tel A-homomorphisme φ est
déterminé par ses valeurs en les variables x1 , x2 , . . ., xn . En effet, on a alors φ(axd11 xd22 · · · xdnn ) =
φ(a)φ(x1 )d1 · · · φ(xn )dn quelque soient les entiers positifs d1 , d2 , . . ., dn et, comme tout polynôme
est une somme de terme de la forme axd11 xd22 · · · xdnn , on déduit la valeur de φ(P ) quelque soit
P ∈ A[x1 , x2 , . . . , xn ].
Réciproquement, il est clair que, étant donné (b1 , b2 , . . . , bn ) ∈ B n , cette construction fournit un
unique A-homomorphisme A[x1 , x2 , . . . , xn ] → B tel que φ(xi ) = bi quelque soit i ∈ {1, 2, . . . , n}.
La bijection cherchée est donc donnée par
HomA−alg (A[x1 , x2 , . . . , xn ], B) 3 φ 7→ φ(x1 ), φ(x2 ), . . . , φ(xn ) ∈ B n .
En général, si π : A[x1 , x2 , . . . , xn ] → A[x1 , x2 , . . . , xn ]/I désigne l’homomomorphisme canonique, tout élément φ de HomA−alg (A[x1 , x2 , . . . , xn ], B) est déterminé par ses valeurs en les
images π(xi ) des variables xi (1 ≤ i ≤ n). On pose donc b = φ(π(x1 ), φ(π(x2 ), . . . , φ(π(xn ) .
10
Posons φ̃ = φ ◦ π. Alors ker(φ̃) ⊇ I, et donc f (b) = 0 pour tout f ∈ I, c’est-à-dire b ∈ Z(I, B).
Réciproquement, si b ∈ I(Z, B), alors l’unique A-homomorphisme φ̃ : A[x1 , x2 , . . . , xn ] → B
défini par φ̃(xi ) = bi pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n} s’annule sur I, et définit donc un unique
φ ∈ HomA−alg (A[x1 , x2 , . . . , xn ]/I, B) par passage au quotient. La bijection cherchée etsb donc
donnée par
HomA−alg (A[x1 , x2 , . . . , xn ]/I, B) 3 φ 7→ φ(x1 ), φ(x2 ), . . . , φ(xn ) ∈ Z(I, B).
(1.8.2) L’intérêt de ce résultat est qu’il montre que les ensembles Z(I, B), lorsque B parcourt
la classe des A-algèbres, est encapsulé par l’algèbre A[x1 , x2 , . . . , xn ]/I. On peut aller beaucoup
plus loin, en montrant que des propriétés géométriques des points de Z(I, B) (par exemple si le
point est lisse) peuvent être traduites en des propriétés algébriques de A[x1 , x2 , . . . , xn ]/I et des
algèbres associés (par exemple des localisés aux idéaux premiers, voir (1.6)). Ce point de vue ne
sera développé dans ce texte.
(1.9) Rappelons qu’un espace topologique est un couple (X, τ ) formé d’un ensemble X
muni d’une topologie τ . Si aucune confusion n’est à craindre, on omettra τ de la notation. Si Y
est un second espace topologique, l’application f : X → Y est continue si et seulement si f −1 (V )
est un ouvert de X quelque soit l’ouvert V de Y , ce qui équivaut à demander que f −1 (G) est
fermé quelque soit le fermé G de Y . La topologie produit sur X × Y est la plus petite topologie
contenant les produit cartésiens U × V , U parcourant les ouverts de X et V ceux de Y .
(1.9.1) Un groupe topologique est un groupe Γ muni d’une topologie. On suppose que la
loi de composition Γ × Γ → Γ et l’inversion Γ → Γ soient continues.
(1.9.2) Un anneau topologique est un anneau muni d’une topologie. On suppose que l’addition et la multiplication A × A → A sont continues, et que l’application a 7→ −a est continue sur
A. On n’exige pas que l’application a 7→ a−1 soit continue sur A× . (Ce sera toutefois en général le
cas pour les anneaux topologiques qui interviendront dans ce cours.)
(1.9.3) Un corps topologique est un anneau topologique qui est un corps K tel que a 7→ a−1
soit continu sur K × .
EXERCICES
(e1.1) Soit k un corps de caractéristique différente de 2. On note C(k) l’ensemble des points (x, y)
de k 2 vérifiant x2 + y 2 = 1.
(i ) Soit (x, y) un point de C(k) différent de (0, 1). Vérifier que la pente de la droite passant par (x, y)
et par (0, 1) appartient à k.
(ii ) Soit t ∈ k tel que t2 6= −1. Montrer que la droite passant par (0, 1) et de pente t coupe C(k) en
un second point, dont on précisera les coordonnées.
(iii ) En déduire une bijection entre l’ensemble C(k) dépourvu de (0, 1) et l’ensemble {t ∈ k | t2 6= −1}.
(iv ) On suppose que k soit un corps fini, de cardinal q impair. Montrer qu’il existe t ∈ k tel que
t2 = −1 si et seulement si q ≡ 1 (mod 4). (Rappel : le groupe multiplicatif k × est cyclique.)
(v ) En déduire que dans le situation de la question (iv ), le cardinal de C(k) est q + 1 si q ≡ 3 (mod 4)
et q − 1 si q ≡ 1 (mod 4).
(vi ) Quel est le cardinal lorsque k est un corps fini de caractéristique 2 ?
(e1.2) Soit A un anneau intègre de caractéristique 0 et soit n ≥ 2 un entier. On suppose que A
contienne une racine primitive n-ième de l’unité, que l’on note ζ.
11
(i ) Montrer que si n n’est pas une puissance d’un nombre premier, alors 1 − ζ ∈ A× . (Raisonner par
l’absurde, en supposant que 1 − ζ ∈
/ A× et considérant un idéal maximal M contenant 1 − ζ (1.5.2), puis
en appliquant (1.7.1) à l’homomorphisme canonique A → A/M .)
r
×
(ii ) Montrer que si n > 1 est un entier quelconque, et si r est un entier premier à n, alors 1−ζ
1−ζ ∈ A .
(Utiliser le fait qu’il existe un entier s > 1 tel que rs ≡ 1 (mod n).)
§ 2. Méthodes élémentaires d’étude de systèmes diophantiens
(2.1) Dans ce paragraphe, nous allons illustrer par des exemples simples l’utilisation des
méthodes élémentaires dans l’étude des systèmes diophantiens. Il est difficile de donner un sens
précis au mot élémentaire ; une définition quelque peu approximative serait de dire que l’on n’utilise
que des méthodes n’appliquant que des notions de mathématiques générales enseignées jusqu’au
niveau Licence ou en première année de Master. Ainsi, on ce paragraphe n’exige en principe qu’une
connaissance des propriétés simples de l’anneau des entiers, des congruences, ainsi que quelques
propriétés simples de fonctions d’une variable réelle ou complexe.
Toutefois, afin d’éviter des répétitions inutiles, les énoncés simples concernant les congruences
sont pour la plupart présentés dans un cadre plus général des anneaux commutatifs unitaires. Cela
permettra leur application ultérieure à partir du moment où d’autres outils ont été développés.
(2.2) Soit donc A un anneau. Si I, J sont deux idéaux de A, on note I + J l’idéal engendré
par I ∪ J, c’est-à-dire l’ensemble des éléments de A de la forme a + b avec a ∈ I et b ∈ J. Deux
idéaux I et J sont dits comaximaux si I + J = A, autrement dit, s’il existe u ∈ I, v ∈ J tels
que u + v = 1. On note IJ l’idéal engendré
par l’ensemble des produits ab avec a ∈ I, b ∈ J. Tout
P
élément de IJ s’écrit sous la forme i ai bi avec ai ∈ I, bi ∈ J. Il est clair que IJ ⊆ I ∩ J. Lorsque
I et J sont comaximaux, on a IJ = I ∩ J (voir l’exercice (e2.1).)
(2.3) Théorème (théorème chinois). Soit A un anneau, soit m ≥ 1 un entier et soient
{Ir }1≤r≤m un ensemble d’idéaux de A deux-à-deux comaximaux. Alors l’homomorphisme naturel
φ : A → A/I1 × A/I2 × · · · × A/Im est surjectif et son noyau est I1 ∩ I2 ∩ · · · ∩ Im = I1 I2 · · · Im .
Preuve. Par définition φ transforme l’élément a de A en (a + I1 , a + I2 , . . . , a + Im ). Il est
clair que le noyau de φ est I1 ∩ I2 ∩ · · · ∩ Im , et l’égalité entre cet idéal et I1 I2 · · · Im fait partie
de l’exercice (e2.1). Montrons donc la surjectivité de φ. La condition Ir +QIs = A lorsque r 6= s
signifie qu’il existe ur,s ∈ Ir , Q
us,r ∈ Is tels que ur,s + us,r = 1. Posons ur = s6=r us,r . Alors ur ∈ Is
pour tout s 6= r et ur − 1 = s6=r (1 − ur,s ) − 1 ∈ Ir . Il s’ensuit que si (a1 , a2 , . . . , am ) ∈ Am , alors
(a1 + I1 , a2 + I2 , . . . , am + Im ) = φ(a1 u1 + a2 u2 + · · · + am um ).
(2.3.1) En particulier, si f est un polynôme en n indéterminées et à coefficients dans A et si
(b1 , b2 , . . . , bn ) ∈ An , alors f (b1 , b2 , . . . , bn ) ∈ I1 I2 · · · In si et seulement si f (b1 , b2 , . . . , bn ) ∈ Ir pour
tout r ∈ {1, 2, . . . , n}. On en tire le corollaire suivant, où, I étant un idéal de A, on note Z(f, A/I)
l’ensemble des solutions x = (x1 , x2 , . . . , xn ) ∈ (A/I)n de f (x) = 0, ou de f1 (x) = f2 (x) = · · · =
fN (x) = 0 lorsque f désigne une famille de polynômes (f1 , f2 , . . . , fN ).
(2.3.2) Corollaire Soit f = (f1 , f2 , . . . , fN ) une famille de polynômes en n indéterminées et
à coefficients dans A. Si {Ir }1≤r≤m est une famille d’idéaux de A deux-à-deux comaximaux, alors
les ensembles Z(A/I1 I2 · · · In ) et Z(f, A/I1 ) × Z(f, A/I2 ) × · · · × Z(f, A/In ) sont en bijection.
En particulier, lorsque A est un anneau principal intègre et a 6= 0 un élément de A avec
e
factorisation comme produit d’irréductibles deux-à-deux non associés a = π1e1 π2e2 · · · πgg , résoudre
12
la congruence f (x) ≡ 0 (mod a) équivaut à résoudre le système de congruences f (x) ≡ 0 (mod πiei )
pour i ∈ {1, 2, . . . , g}. Cela s’applique en particulier, lorsque A = Z. On peut donc se limiter, par
la suite, au congruences modulo une puissance d’un nombre premier.
(2.4) Soit encore A un anneau et soit f = (f1 , f2 , . . . , fN ) une famille de polynômes en n
indéterminées et à coefficients dans A. Si I est un idéal de A, on note encore Z(f, A/I) l’ensemble
des solutions x = (x1 , x2 , . . . , xn ) ∈ (A/I)n de f1 (x) = f2 (x) = · · · = fN (x) = 0. Bien que la
remarque suivante soit une trivialité, elle fournit une méthode simple et efficace pour prouver que
certaines équations diophantiennes n’ont pas de solution.
(2.4.1) Proposition. On suppose qu’il existe un idéal I tel que Z(f, A/I) est vide. Alors
Z(f, A) est vide.
Illustrons ce principe par un exemple.
(2.4.2) L’équation diophantienne x2 − 5y 2 = 7. Si (x, y) ∈ Z2 est un solution, alors x2 ≡
7 (mod 5). Mais les carrés (mod 5) sont ±1 (mod 5), et 7 6≡ ±1 (mod 5). Par conséquent,
l’équation n’a pas de solutions en entiers.
On peut parfois utiliser la même méthode pour montrer que l’équation n’a pas de solution
rationnelle. Supposons qu’elle possède une solution rationnelle (ξ, η). On peut écrire ξ = xz , η = yz
avec (x, y, z) ∈ Z3 et z 6= 0. En multipliant par z 2 , on constate que l’équation est équivalente à
l’équation x2 − 5y 2 = 7z 2 avec (x, y, z) ∈ Z3 et z 6= 0. Par conséquent, x2 ≡ 5y 2 (mod 7). Puisque
5 n’est pas un carré (mod 7), on en tire que x ≡ y ≡ 0 (mod 7). Par conséquent, 72 divise x2 − 5y 2
et donc 72 divise 7z 2 . Par conséquent, 7 divise z 2 et 7 étant premier, 7 divise z. Si l’on écrit
x = 7X, y = 7Y et z = 7Z, alors l’équation x2 − 5y 2 = 7z 2 devient X 2 − 5Y 2 = 7Z 2 . En raison
de la même manière, on constate que 7 divise chacun des entiers X, Y et Z et donc que 72 divise
chacun des entiers x, y, z. En répétant, on voit que x, y et z sont divisibles par des puissances de
7 arbitrairement grandes, ce qui implique que x = y = z = 0.
On trouvera d’autres exemples dans l’exercice (e2.2).
(2.5) Soit A un anneau et soient I, J deux idéaux de A tels que I ⊆ J et soit encore
f = (f1 , f2 , . . . , fN ) une famille de polynômes en n indéterminées et à coefficients dans A. Alors
l’homomorphisme canonique A/I → A/J induit une application πI,J : Z(f, A/I) → Z(f, A/J) qui
n’est, en générale, ni injective ni surjective. On peut toutefois se demander sous quelles conditions
un élément de Z(f, A/J) soit dans l’image de πI,J . Lorsque A = Z, I = mZ et J = nZ avec n
divisant m, cela revient à demander sous quelles conditions une solution x = (x1 , x2 , . . . , xn ) du
système de congruences f1 (x) ≡ f2 (x) ≡ · · · ≡ fN (x) ≡ 0 (mod n) provient d’une solution y =
(y1 , y2 , . . . , yn ) du système f1 (y) ≡ f2 (y) ≡ · · · ≡ fN (y) ≡ 0 (mod m) (c’est-à-dire yi (mod m) =
xi (mod n) quelque soit i ∈ {1, 2, . . . , n}).
Il s’avère qu’il y a toute une famille de résultats fournissant une réponse positive à cette
question, connues génériquement par le nom de lemmes de Hensel. D’après le théorème chinois,
il suffit de considérer le cas où m et n sont des puissances d’un même nombre premier. En voici
un ; le théorème (4.10.2) en propose un autre, et l’exercice (e4.11) exprime (2.5.1) dans le langage
des complétés.
(2.5.1) Théorème (lemme de Hensel). Soit A un anneau intègre et soit π un élément irréductible de A tel que A/πA soit un corps. Soit f un polynôme en n indéterminées à coefficients dans
A et soit x = (x1 , x2 , . . . , xn ) une solution de la congruence f (x) ≡ 0 (mod π). On suppose
qu’au moins une des dérivées partielles de f en x soit non nulle (mod π). Alors pour tout entier
(m)
(m)
(m)
m ≥ 1, il existe une solution x(m) = (x1 , x2 , . . . , xn ) de f (x(m) ) ≡ 0 (mod π m ) vérifiant
(m)
(m−1)
xi ≡ xi
(mod π m ).
13
Preuve. Elle se fait par récurrence sur m, le cas m = 1 étant l’hypothèse du théorème.
Supposons donc que m ≥ 2 et admettons l’existence de x(m−1) . On cherche x(m) de la forme
x(m) = x(m−1) + π m−1 y, où y = (y1 , y2 , . . . , yn ) ∈ An est à déterminer. Pour i ∈ {1, 2, . . . , n} on
pose ai = fi0 (x(m−1) ) (i-ème dérivée partielle). D’après la formule de Taylor
X
f (x(m−1) + π m−1 y) ≡ f (x(m−1) ) +
ai yi π m−1 (mod π m ),
i
car les autres termes sont ≡ 0 (modP
π 2m−2 ) et m ≤ 2m − 2 lorsque m ≥ 2. Par conséquent,
on a f (x(m) ) ≡ 0 (mod π m ) dès que i ai yi ≡ −f (x(m−1) )/π m−1 (mod π). Puisqu’il existe i tel
que ai 6≡ 0 (mod π) et grâce à l’hypothèse que A/πA soit un corps, il existe toujours un choix
convenable de y.
EXERCICES
(e2.1) Soit A un anneau.
(i ) Montrer que si I et J sont deux idéaux comaximaux de A, alors IJ = I ∩ J.
(ii ) Donner des exemples dans Z de deux idéaux I et J tels que IJ 6= I ∩ J. Quels sont les idéaux
d’un anneau qui sont comaximaux avec eux-mêmes ?
(iii ) Montrer que si I1 , I2 et J sont trois idéaux de A tels que I1 et J sont comaximaux et I2 et J
sont comaximaux, alors I1 I2 et J sont comaximaux et que I1 I2 J = I1 ∩ I2 ∩ J.
(iv ) En déduire que si {Ir }1≤r≤n est une famille d’idéaux de A deux-à-deux comaximaux, alors
I1 I2 · · · In = I1 ∩ I2 ∩ · · · ∩ In .
(v ) Montrer que si I et J sont deux idéaux maximaux de A et si I 6= J, alors I k et J ` sont comaximaux
quelque soient les entiers k ≥ 0, ` ≥ 0.
(vi ) Montrer que si A est un anneau principal, et si I et J sont deux idéaux avec générateurs respectifs
a et b, alors I et J sont comaximaux si et seulement si a et b sont premiers entre eux.
(vii ) Montrer que dans l’anneau de polynômes Z[x, y] en deux indeterminées à coefficients entiers,
les idéaux xZ[x, y] et yZ[x, y] sont premiers entre eux mais ne sont pas comaximaux.
(e2.2) Montrer que les équations diophantiennes suivantes n’ont pas de solutions dans Z.
(i ) x2 − 3y 2 = 7. (Considérer les congruences (mod 8).)
(ii ) x2 − 33y 2 = 13.
(iii ) x3 − x = y 2 + 1. (Considérer les congruences (mod 3).)
(iv ) x2 y 2 + x2 + y 2 = 4w − 2.
(v ) x4 + y 4 + z 4 = 4(w2 − w + 1).
(vi ) Montrer que les équations (i ) et (ii ) n’ont pas de solutions rationnelles.
(vii ) Trouver une solution rationnelle de l’équation (iii ), ainsi qu’une solution rationnelle de l’équation
(v ).
(viii ) Montrer que l’équation (iv ) a une infinité de solutions rationnelles et décrire explicitement
l’ensemble des solutions rationnelles.
(e2.3) Soit n ∈ N∗ .
(i ) Montrer que si n ≡ 7 (mod 8), alors n n’est pas la somme de trois carrés d’entiers.
(ii ) Montrer plus généralement que si n = 4k m, avec k ∈ N et m ≡ 7 (mod 8), alors n n’est pas la
somme de trois carrés d’entiers.
Remarque. La réciproque est vraie : si n n’est pas la somme de 4 carrés, alors n est de la forme 4k m,
où k ∈ N et m ≡ 7 (mod 8).
(e2.4) Soit p un nombre premier impair et soit a ∈ Z premier à p.
(i ) On suppose qu’il existe x ∈ Z tel que x2 ≡ a (mod p). Montrer que quelque soit l’entier m ≥ 1,
il existe un entier x(m) tel que (x(m) )2 ≡ a (mod pm ).
(ii ) Déterminer, pour tout m ≥ 1, le nombre de solutions x(m) (mod pm ) de (x(m) )2 ≡ a (mod pm ).
14
(e2.5) On se place dans le cadre du lemme de Hensel (2.5.1), en ajoutant l’hypothèse que le corps
A/πA soit un corps fini, dont on note q le cardinal. Montrer que si x = (x1 , x2 , . . . , xn ) est une solution
(m) (m)
(m)
(mod π) de f (x) ≡ 0 (mod π), alors il y a q (m−1)(n−1) solutions x(m) = (x1 , x2 , . . . , xn ) de f (x(m) ) ≡
(m)
0 (mod π m ) qui vérifient xi ≡ xi (mod π m ) pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n}. (Combien de choix pour y y-at-il dans la dernière ligne de la démonstration de (2.5.1) ?)
En particulier, s’il n’existe pas de point x = (x1 , x2 , . . . , xn ) (mod π) tel que fi0 (x) ≡ 0 (mod π) pour
tout i ∈ {1, 2, . . . , n}, alors le nombre de solutions de f (x(m) ) ≡ 0 (mod π m ) est q (m−1)(n−1) fois le nombre
de solutions de f (x) ≡ 0 (mod π). Autrement dit, sous cette hypothèse, le problème de déterminer le
nombre de solutions (mod π m ) est réduit au problème de déterminer le nombre de solutions (mod π).
(e2.6) (Théorème de Chevalley-Warning) Il s’énonce ainsi. Soit k un corps fini à q = ps éléments
et soit f ∈ k[x1 , x2 , . . . , xn ] un polynôme de degré total d, p étant un nombre premier. Si n > d, alors le
nombre de solutions de f (a) = 0 avec a = (a1 , a2 , . . . , an ) ∈ k n est divisible par p.
P
P
(i ) Soit r ∈ N. Montrer que a∈k ar = −1 si q − 1 divise r et r > 0 et que a∈k ar = 0 sinon.
(ii ) En déduire que si (d1 , d2 , . . . dn ) ∈ Nn , alors
X
(a1 ,a2 ,...,an )∈kn
ad11 ad22
· · · adnn
=
(−1)n
0
si q − 1 divise di et di > 0 pour tout i,
sinon.
On pose F (x) = 1 − f (x)q−1 .
(iii ) Soit a ∈ k n . Montrer que F (a) = 1 siPf (a) = 0 et F (a) = 0 sinon. En déduire que, afin de
démontrer la théorème, il suffit de montrer que a∈k F (a) = 0.
P
On écrit F (x) = (d1 ,d2 ,...,dn ) cd1 ,d2 ,...,dn xd11 xd22 · · · xdnn , où les coefficients cd1 ,d2 ,...,dn appartiennent à k.
(iv
P ) Soit (d1 , d2 , . . . , dn ) tel que cd1 ,d2 ,...,dn 6= 0. Montrer qu’il existe i tel que di < q − 1. En déduire
que (a1 ,a2 ,...,an )∈kn ad11 ad22 · · · adnn = 0.
(v ) Conclure.
(vi ) Application. On suppose que f (0) = 0. Alors f (x) = 0 possède une solution a ∈ k n telle que
a 6= 0. C’est le cas, en particulier, si f est homogène de degré d (et d < n toujours).
§ 3. Valuations
(3.1) Soit A un anneau. Une valuation sur A est une application v : A → R ∪ {∞} vérifiant
les trois propriétés :
(i ) On a v(a) = ∞ si et seulement si a = 0,
(ii ) v(ab) = v(a) + v(b) quelque
soient a, b ∈ A tels que ab 6= 0,
(iii ) v(a + b) ≥ min v(a), v(b) quelque soient a, b ∈ A tels que ab(a + b) 6= 0.
On utilise les règles habituelles de calcul avec le symbole ∞, à savoir λ < ∞ lorsque λ ∈ R et
λ + ∞ = ∞ lorsque λ ∈ R ∪ {∞}. Certains auteurs considèrent, plus généralement, des valuations
à valeurs dans un groupe totalement ordonné arbitraire (auquel on ajoute un élément ∞), mais
dans ce cours nous nous limiterons aux valuations à valeurs réelles (voir toutefois la remarque
(3.5.2)).
Un anneau valué est un couple (A, v) formé d’un anneau A muni d’une valuation v. En
particulier, lorsque A est un corps, on parle d’un corps valué.
(3.1.1) Un exemple de base et celui où A est un anneau factoriel, π un élément irréductible
de A et, lorsque a 6= 0, v(a) est l’exposant de la puissance exacte de π divisant a : a = π v(a) u,
où π ne divise pas u. Cette valuation est appelée la valuation π-adique et notée vπ ou ordπ ou
encore ordP lorsque P désigne l’idéal engendré par π. Bien entendu, le cas particulier où A = Z
15
et π est un nombre premier jouera un rôle central par la suite. On remarque que ordπ ne dépend
que de π à association près.
(3.1.2) Soit v une valuation sur A et soit λ ∈ R×
+ . Alors λv est une valuation sur A. On sait
que toute valuation sur Q est de la forme λ ordp , où λ > 0 et p est un nombre premier (voir
l’exercice (e3.1)).
(3.1.3) Soit (A, v) un anneau valué. Si A 6= {0}, alors A est intègre.
Preuve. En effet, si A 6= {0} et si A n’est pas intègre, il existe a, b ∈ A, tels que ab = 0 mais
a 6= 0 et b 6= 0. La condition (i ) implique que v(ab) = ∞ et que v(a), v(b) ∈ R. La condition (ii )
implique alors que v(ab) = v(a) + v(b) ∈ R, ce qui est absurde.
(3.2) Proposition. Soit (A, v) un anneau valué.
(i ) La restriction de v à A× est un homomorphisme du groupe des éléments inversibles A× de
A vers le groupe additif R.
(ii ) On a v(1/a) = −v(a) quelque soit a ∈ A× .
(iii ) On a v(−a) = v(a) quelque soit a ∈ A.
(iv ) Soient a, b ∈ A. Si v(a) 6= v(b), alors v(a + b) = min v(a), v(b) .
(v ) Plus généralement, si n ≥ 2, si a1 , a2 , . . ., an sont des éléments de A et s’il existe un
indice i tel que v(aj ) > v(ai ) pour tout j 6= i, alors v(a1 + a2 + · · · + an ) = v(ai ).
Preuve. (i ) On a 0 ∈
/ A× . Par conséquent, v(A× ) ⊆ R. Le fait que v : A× → R est un
homomorphisme découle alors de la propriété (ii ) de (3.1).
(ii ) C’est une conséquence immédiate de (i ).
(iii ) Remarquons d’abord que v(−1) = 0. En effet, on a (−1)2 = 1 et donc 2v(−1) = v(1) = 0.
Par conséquent, v(−a) = v(a) + v(−1) = v(a).
(iv ) Quitte à échanger a et b, on peut supposer que v(a) < v(b). Supposons pour une contradiction que v(a + b) 6= v(a). La propriété (iii ) de (3.1) implique alors que v(a + b) > v(a). Par
conséquent, v(a) = v((a + b) − b) ≥ min(v(a + b), v(−b)) = min(v(a + b), v(b)) > v(a), ce qui est
absurde.
P
(v ) Il suffit d’appliquer le (ii ) avec a = ai et b = j6=i aj .
(3.3) Proposition. Soit A un anneau intègre et soit K le corps de fractions de A. Alors toute
valuation v sur A se prolonge de manière unique en une valuation sur K.
Preuve. Tout élément α de K s’écrit sous la forme ab avec a, b ∈ A et b 6= 0. La propriété (ii )
figurant dans la définition d’une valuation implique que, si v se prolonge en une valuation V sur
K, alors
a
a
a
v(a) = V (a) = V (b ) = V (b) + V ( ) = v(b) + V ( ),
b
b
b
et donc que
a
V (α) = v(a) − v(b), où α = .
b
Il faut ensuite montrer que cette définition a un sens, c’est-à-dire que V (α) ne dépend pas
de l’écriture de l’élément α sous la forme ab avec a, b ∈ A et b 6= 0. En effet, si encore α = dc
avec c, d ∈ A et d 6= 0, alors ad = bc et donc v(a) + v(d) = v(b) + v(c), ce qui entraı̂ne que
v(a) − v(b) = v(c) − v(d).
Nous avons donc défini une fonction V : K → R ∪ {∞} dont la restriction à A est égale à v.
Il reste à vérifier que V est bien une valuation. Soit α ∈ K. Si α 6= 0, alors α = ab avec a, b ∈ A et
ab 6= 0. Par conséquent, V (α) = v(a) − v(b) 6= ∞, d’où la propriété (i ) de (3.1). Si encore β ∈ K,
16
β 6= 0 et β =
c
d
V (αβ) = V (
avec c, d ∈ A et cd 6= 0, alors
ac
) = v(ac) − v(bd) = v(a) + v(c) − v(b) − v(d) = (v(a) − v(b)) + (v(c) − v(d))
bd
= V (α) + V (β),
c
d’où la propriété (ii ). Enfin, la propriété (iii ) se montre en écrivant à nouveau α = ab , β =
d avec
a, b, c, d ∈ A et bd 6= 0. Alors bdα, bdβ ∈ A et donc v(bd(α + β)) ≥ min v(bdα), v(bdβ) . On en
tire l’inégalité V (α + β) ≥ min V (α), V (β) en soustrayant v(bd) des deux côtés.
(3.3.1) La proposition implique notamment qu’une valuation sur un corps est uniquement
déterminée par ses valeurs sur un sous-anneau dont il est le corps de fractions. Par la suite, nous
utiliserons le plus souvent le même symbole pour désigner une valuation sur un anneau intègre A
et pour son extension au corps de fractions de A.
(3.4) Proposition. Soit (K, v) un corps valué.
(i ) L’ensemble
Ov = OK,v = {α ∈ K | v(α) ≥ 0}
est un sous-anneau de K.
(ii ) Un élément α ∈ Ov est inversible si et seulement si v(α) = 0.
(iii ) L’ensemble Mv = MK,v = {α ∈ Ov | v(α) > 0} est un idéal de Ov .
(iv ) Ov est la réunion disjointe de Ov× et de Mv . En outre, Mv est l’unique idéal maximal de
Ov .
L’anneau Ov s’appelle l’anneau de valuation de (K, v).
La démonstration est immédiate, sauf peut-être la deuxième phrase de (iv ). Il s’agit de montrer
que si I ⊆ Ov est un idéal tel que I 6= Ov , alors I ⊆ Mv . Mais la condition I 6= Ov équivaut à
1∈
/ I ou encore à Ov× ∩ I = ∅. Puisque Ov est la réunion disjointe de Ov× et de Mv , on en déduit
que I ⊆ Mv .
(3.4.1) Corollaire. On reprend les notations de la proposition.
(i ) Soit α ∈ K × . Alors α ∈
/ Ov si et seulement si 1/α ∈ Mv .
(ii ) Le corps K est égal à la réunion disjointe Mv−1 ∪Ov× ∪Mv , où Mv−1 = {1/α | α ∈ Mv \{0}}.
À nouveau, la démonstration est simple. La condition α ∈
/ Ov équivaut à v(α) < 0 et donc,
×
v : K → R étant un homomorphisme, à v(1/α) > 0 et donc à α ∈ Mv . D’où le (i ). Le (ii ) est
une conséquence de (i ).
(3.4.2) Exemple. Lorsque K = Q et v = ordp , p étant un nombre premier, l’anneau Ov est
souvent noté Z(p) et appelé le localisé de Z en p.
(3.4.3) Corollaire. Soit (K, v) un corps valué et soit Ov comme dans la proposition. Alors
le noyau de l’homomorphisme v : K × → R est Ov× . Par conséquent, on a un isomorphisme de
groupes K × /Ov× ' v(K × ).
(3.5) Par définition, un anneau local est un anneau possédant un unique idéal maximal.
Voir aussi (1.6). La proposition (3.4) montre que Ov est un anneau local. Un anneau local est
caractérisé par la proposition suivante.
(3.5.1) Proposition. Soit A un anneau. Les trois conditions suivantes sont équivalentes.
(i ) A est un anneau local.
(ii ) A \ A× est un idéal de A.
17
Preuve. Elle repose sur le fait que l’élément a d’un anneau A est inversible si et seulement si
a n’appartient à aucun idéal I 6= A de A.
(3.5.2) Remarque. Soit K un corps. On suppose que K contienne un anneau local O tel que
K = M −1 ∪ O× ∪ M , M étant l’idéal maximal de O et M −1 = {1/α | α ∈ M \ {0}}. Notons
Γ le groupe quotient K × /O× , la loi de groupe de Γ étant noté additivement. On munit Γ d’un
ordre en déclarant que γ ∈ Γ est vérifie γ > 0 si et seulement si les représentants de γ dans
K × appartiennent à M . On vérifie aussitôt que < est un ordre total sur Γ et que Γ devient
ainsi un groupe totalement ordonné. En outre, l’application v0 : K → Γ ∪ {∞} qui prolonge
l’homomorphisme canonique K × → Γ en transformant 0 en ∞ est une valuation sur K et on a
un isomorphisme de groupes K × /O× ' Γ.
Par conséquent, se donner une valuation v sur K (dans le sens plus général de valuations à
valeur dans un groupe totalement ordonné) est équivaut à se donner un sous-anneau local O de
K tel que K = M −1 ∪ O ∪ M . L’anneau O est alors l’anneau de valuation de (K, v).
Comme tout groupe totalement ordonné que nous allons rencontrer est isomorphe (en tant que
groupe totalement ordonné) à un sous groupe du groupe additif R, la restriction aux valuations à
valeurs réelles ne constituera pas une perte de généralité importante.
(3.5.3) Deux valuations sur le même corps K sont dites équivalentes si elles ont le même
anneau de valuation. Il est clair que si v1 et v2 sont deux valuations (à valeurs dans R) et s’il existe
λ > 0 tel que v2 = λv1 , alors v1 et v2 sont équivalentes. La réciproque est également vraie (voir
(3.7.1) pour un cas particulier important). Une place est une classe déquivalence de valuations.
(3.6) Soit encore (A, v) un anneau valué et soit K le corps de fractions de A. On note encore
v l’extension de v à K (voir la proposition (3.3)). D’après le (i ) de la proposition (3.2), v(K × ) est
un sous-groupe du groupe additif R. On dit que v est une valuation discrète si v(K × ) est un
sous-groupe discret de R, ce qui équivaut à dire qu’il existe λ ≥ 0 tel que v(K × ) = λZ.
(3.6.1) On dit que (A, v) est un anneau de valuation si A = {α ∈ K | v(α) ≥ 0} (c’està-dire que A et de la forme Ov dans la notation de la proposition (3.4)). On dit que (A, v) est
un anneau de valuation discrète si (A, v) est un anneau de valuation et si v est discrète. Les
valuations ordπ mentionnées dans (3.1.1) sont toujours discrètes, et on a alors v(K × ) = Z.
(3.6.2) On dit que v est triviale (ou est la valuation triviale) si v(K × ) = {0}. Ceci équivaut
à dire que v(A \ {0}) = {0}. La valuation v est triviale si et seulement si Ov = K, ou encore si et
seulement si Mv = {0}.
(3.7) Théorème. Soit (A, v) un anneau de valuation discrète, soit K le corps de fractions de
K et soit M l’idéal maximal de A. On suppose v non-triviale.
(i) A est un anneau principal.
(ii ) Soit I 6= {0} un idéal et soit t ∈ I. Alors I = tA si et seulement si v(x) ≥ v(t) quelque
soit x ∈ I.
(iii ) Soit π un générateur de M . Alors tout x ∈ K × s’écrit d’une manière unique dans la
v(x)
forme x = π n u avec n ∈ Z et u ∈ A× . On a alors n = v(π)
.
(iv ) Tout idéal fractionnaire (1.4.1) non-nul de A est de la forme π n A, avec n ∈ Z.
On appelle uniformisante de A (ou de K) tout générateur de l’idéal maximal de A.
Preuve. (i ) Soit I un idéal de A. Si I = {0}, alors I est principal. Supposons donc que I 6= {0}.
Puisque v est discrète et v(a) ≥ 0 pour tout a ∈ A, I contient un élément t tel que v(x) ≥ v(t)
pour tout x ∈ I. Montrons que I = tA. En effet, si x ∈ I, alors v(x) ≥ v(t) et donc v( xt ) ≥ 0, d’où
x
∈ A et x = t xt ∈ tA. Par conséquent, I ⊆ tA. Puisque t ∈ I, on a I ⊇ tA et donc I = tA.
t
18
(ii ) Soit t ∈ I. On a déjà vu pendant la démonstration de (i ) que si t ∈ I et si v(x) ≥ v(t)
quelque soit x ∈ I, alors I = tA. Par contre, s’il existe x ∈ I tel que v(x) < v(t), alors t = xt x et
t
∈ M . Par conséquent, x ∈
/ tA et donc I 6= tA.
x
(iii ) Soit π un générateur de M . Puisque v est non triviale, on a M 6= {0} et donc π 6= 0.
Posons λ = v(π) de sorte que λ > 0 et v(y) ≥ λ quelque soit y ∈ M . Soit x ∈ K × . Il existe un
unique entier n tel que nλ ≤ v(x) < (n + 1)λ. Posons u = πxn . Il s’ensuit que 0 ≤ v(u) < λ et, par
conséquent, que u ∈ A. Si v(u) > 0, alors u ∈ M et donc v(u) ≥ λ, contraire aux hypothèses. On
en tire que v(u) = 0 et donc que u ∈ A× .
v(x)
. On conlut que n est
Par conséquent, v(x) = v(π n u) = nv(π) + v(u) = nv(π) et donc n = v(π)
uniquement déterminé par x et enfin que u est uniquement déterminé par l’équation x = π n u.
(iv ) Soit I 6= {0} un idéal fractionnaire de A et soit a ∈ A, a 6= 0 tel que aI ⊆ A. Alors aI
est un idéal non nul de A, qui est principal d’après le (i ). Il s’ensuit que I est principal. Soit donc
x ∈ K × un générateur. On peut ainsi écrire x = π n u avec n ∈ Z et u ∈ A× . Alors I = π n A.
(3.7.1) Corollaire. Soit K un corps.
(i ) Soit v une valuation sur K et soit Ov son anneau de valuation. Pour que v soit discrète,
il faut et il suffit que le groupe K × /Ov× soit isomorphe au groupe additif Z.
(ii ) Soient v1 , v2 deux valuations sur K dont au moins une est discrète. Si v1 et v2 sont
équivalentes, alors les deux sont discrètes et il existe λ > 0 tel que v2 = λv1 .
Preuve. (i) Supposons que v soit discrète. Soit π une uniformisante de v. D’après le (iii )
v(x)
du théorème, l’homomorphisme K × → Z qui envoie x vers v(π)
est surjectif. Par définition, son
×
×
×
noyau est Ov . Pour la réciproque, soit φ : K /Ov → Z un isomorphisme et soit π ∈ K × tel que
φ(π) = 1. Alors π ∈
/ Ov× . Par conséquent, on a soit π ∈ M soit 1/π ∈ M , M étant l’idéal maximal
de Ov . Si 1/π ∈ M , on remplace φ par ι ◦ φ, où ι : Z → Z est l’automorphisme n 7→ −n. On
peut donc supposer que π ∈ M . Soit alors x ∈ K × . Alors x = π φ(x) u avec φ(u) = 0. On a donc
u ∈ Ov× , d’où v(u) = 0. On en tire que v(x) = v(π)φ(x) et donc que v(K × ) = v(π)Z, ce qui est
un sous-groupe discret de R.
(ii ) Supposons que v1 soit discrète. Puisque v1 et v2 sont équivalentes, Ov1 = Ov2 ce qui
implique que v2 est discrète et que les deux valuation ont le même ensemble d’uniformisantes. Si
donc π est une uniformisante commune, et si v1 (π) = λ1 et si v2 (π) = λ2 , on voit aussitôt que
v2 = λλ12 v1 .
×
Le résultat suivant donne un critère utile pour qu’un homomorphisme K → R soit une
valuation.
(3.8) Théorème. Soit K un corps et soit v : K × → R un homomorphisme du groupe multiplicatif K × vers le groupe additif R. On prolonge v en une application K → R ∪ {∞} en posant
v(0) = ∞. On suppose qu’il existe C ∈ R tel que
(∗)
x ∈ K et v(x) ≥ 0 =⇒ v(1 + x) ≥ C.
Alors v est une valuation.
Preuve. Soient a 6= 0, b ∈ K tels que v(a) ≤ v(b). Alors v(a+b) = v(1+ ab )+v(a) ≥ C +v(a) ≥
C +min v(a), v(b) . En échangeant les rôles de a et de b, on voit que v(a+b) ≥ C +min v(a), v(b)
quelque soit a, b ∈ K. Il s’ensuit que si a1 , a2 , a3 , a4 ∈ K, alors
v(a1 + a2 + a3 + a4 ) ≥ C + min v(a1 + a2 ), v(a3 + a4 )
≥ C + min C + min(v(a1 ), v(a2 )), C + min(v(a3 ), v(a4 )
= 2C + min v(a1 ), v(a2 ), v(a3 ), v(a4 ) ,
19
puis, par récurrence sur n, que si a1 , a2 , . . ., a2n sont 2n éléments de K, alors
2n
X
v
ai ≥ nC + minn v(ai ) .
1≤i≤2
i=1
Soit alors a, b ∈ K. On cherche à montrer que v(a + b) ≥ min v(a), v(b) . C’est clair lorsque
ab = 0. On peut donc supposer que ab 6= 0.
Supposons d’abord que min v(a), v(b) = 0. En développant
on
par la formule du binôme,
2n −1 2n −1−k k
2n −1
n
n
voit que(a + b)
s’écrit comme somme de 2 termes
a
b , 0 ≤ k ≤ 2 − 1. Or,
k
n
2n −1
v
≥ 0 (voir l’exercice (e3.2)). Puisque v est un homomorphisme, on a v((a + b)2 −1 ) =
k
n
(2n − 1)v(a + b) et v(a2 −1−k bk ) = (2n − 1 − k)v(a) + kv(b), ce qui est positif, car v(a) ≥ 0 et
v(b) ≥ 0. Il s’ensuit que
(2n − 1)v(a + b) = v((a + b)2
n −1
) ≥ nC +
minn
0≤k≤2 −1
v(a2
n −1−k
bk ) ≥ nC
d’où, en divisant par 2n − 1 puis en faisant tendre n vers +∞, que v(a + b) ≥ 0 = min v(a), v(b) .
Supposons enfin que a et b sont des éléments arbitraires de K × . Quitte à échanger a et b, on
peut supposer v(a) ≤ v(b). Posons c = ab . Puisquev(1) = 0 et v(c) = v(b) − v(a) ≥ 0, on déduit de
ce qui précède que v(1 + c) ≥ 0 = min v(1), v(c) . Par conséquent, v(a + b) = v(1 + c) + v(a) ≥
min v(1), v(c) + v(a) = min v(a), v(b) .
(3.9) Soit K un corps. Un valeur absolue sur K est une application | · | : K → R+ vérifiant
les trois propriétés
(i ) |a| ≥ 0 quelque soit a ∈ K et |a| = 0 si et seulement si a = 0.
(ii ) |ab| = |a| |b| quelque soient a, b ∈ K.
(iii ) |a + b| ≤ |a| + |b| quelque soient a, b ∈ K.
La valeur absolue |·| est dite non-archimédienne ou ultramétrique si elle vérifie l’inégalité
ultramétrique
(iii 0 ) |a + b| ≤ max(|a|, |b|) quelque soient a, b ∈ K.
Il est clair que l’inégalité (iii 0 ) entraı̂ne l’inégalité triangulaire (iii ).
En outre, (a, b) 7→ |a − b| est une distance sur K que l’on notera d|·| ou tout simplement d.
(3.9.1) Soit (K, v) un corps valué. On définit la valeur absolue associée | · |v par |a|v = e−v(a)
(où e est la base du logarithme népérien) lorsque a 6= 0 et |0|v = 0. Lorsque aucune confusion
n’est à craindre, on écrira | · | à la place de | · |v . Il est clair que | · | est une valeur absolue
non-archimédienne.
(3.9.2) Réciproquement si K est un corps et si | · | : K → R+ est une valeur absolue nonarchimédienne sur K, alors l’application v : K → R∪{∞} définie par v(0) = ∞ et v(a) = − log |a|
si a 6= 0 est une valuation sur K.
(3.10) On appelle espace ultramétrique un couple (X, d) formé d’un ensemble et d’une
distance ultramétrique, c’est-à-dire une application d : X × X → R+ vérifiant
(i ) d(x, y) ≥ 0 quelque soient x, y ∈ X avec égalité si et seulement si x = y.
(ii ) d(x, y) = d(y, x) quelque soient x, y ∈ X.
(iii ) (inégalité ultramétrique) d(x, y) ≤ max(d(x, z), d(y, z)) quelque soient x, y, z ∈ X.
À nouveau, l’inégalité ultramétrique entraı̂ne l’inégalité triangulaire usuelle ; un espace ultramétrique est, par conséquent, un espace métrique. Par conséquent, si K est un corps si et
d(a, b) = |a − b|, | · | étant une valeur absolue non-archimédienne sur K, (K, d) est un espace
ultramétrique.
20
(3.10.1) Soit (X, d) un espace ultramétrique et soient x, y, z ∈ X. Si d(x, z) 6= d(y, z), alors
d(x, y) = max(d(x, z), d(y, z)).
La démonstration est laissée en exercice, toute comme celle de la conséquence suivante.
(3.10.2) Soit (X, d) un espace ultramétrique. Si r ∈ R×
+ et si x ∈ X, on note B(x; r) la boule
ouverte de X de centre x et de rayon r. Si y ∈ B(x; r), alors B(y; r) = B(x; r).
Autrement dit, tout élément de B(x; r) est centre de la boule ! Voici une autre propriété à
retenir concernant les espaces ultramétriques.
(3.10.3) Soit (xn )n≥1 une suite d’éléments d’un espace ultramétrique, convergente et à limite
x. Si y ∈ X et si y 6= x, alors d(xn , y) = d(x, y) pour tout n assez grand.
Preuve. Par hypothèse, on a d(x, y) > 0 et donc d(xn , x) < d(x, y) pour tout n assez grand.
Alors d(xn , y) = max(d(xn , x), d(x, y)) = d(x, y) d’après (3.10.1).
(3.11) On dit que le corps valué (K, v) est complet (ou que K, ou que la valuation v est
complète) si l’espace ultramétrique (K, d) associé est complet (c’est-à-dire si toute suite de Cauchy
converge). Mentionnons également le résultat suivant, qui fait rêver plus d’un étudiant de licence. . .
(3.11.1) Théorème. Soit (K, v) un corps valué complet et soit (un )n≥1 une suite d’éléments
de K. Pour que la série
∞
X
(∗)
uk
k=1
converge, il faut et il suffit que son terme général uk tende vers 0.
Preuve.P
Bien entendu,
dire que la série (∗) converge veut dire que la suite de ses sommes
n
u
partielles
converge.
La nécessité se démontre comme dans le cas des suites réelles
k=1 n n≥1
(et par ailleurs ne nécessite pas l’hypothèse que K soit complet). Supposons que uk → 0 lorsque
k → +∞. Soit ε > 0 et soit n0 tel que |uk | ≤ ε lorsque k ≥ n0 . Si n > m sont des entiers naturels,
alors
n
X
u
n ≤ max |uk | ≤ ε
k=m+1
m<k≤n
dès que m ≥ n0 , la première inégalité étant une conséquence de l’inégalité ultramétrique. Par
conséquent, la série (∗) vérifie le critère de convergence de Cauchy.
(3.12) Soit K un corps muni d’une valeur absolue | · | et soit E un K-espace vectoriel. Une
norme sur E associée à | · | est une application || · || : E → R+ vérifiant, pour tout (x, y) ∈ E 2 et
pour tout λ ∈ K : ||x + y|| ≤ ||x||
+ ||y||, ||λx|| = |λ|||x|| et ||x|| = 0 si et seulement si x = 0. Si en
plus ||x + y|| ≤ max ||x||, ||y|| pour tout (x, y) ∈ E 2 , on dit que || · || est non-archimédienne.
Un couple (E, || · ||) formé d’un K-espace vectoriel et || · || une norme associée à | · | est appelé
un K-espace vectoriel normé (ou (K, | · |)-espace vectoriel normé s’il y a risque d’ambiguité).
Contrairement à certains auteurs, nous n’imposons pas à || · || d’être non-archimédienne lorsque
| · | l’est. À nouveau, il est clair que si || · || est une norme non-archimédienne sur un K-espace
vectoriel E, alors (x, y) 7→ ||x − y|| est une distance ultramétrique.
Deux normes || · || et || · ||0 sur E sont dites équivalentes si elles sont associées à la même
valeur absolue et s’il existe deux constantes réelles C > 0 et C 0 > 0 telles que ||x|| ≤ C 0 ||x||0 et
||x||0 ≤ C||x|| quelque soit x ∈ E.
21
(3.12.1) Soit K un corps muni d’une valeur absolue | · | et soit E un K-espace vectoriel de
dimension finie. Alors il existe une norme sur K associée à | · |.
Soit en effet (e1 , e2 , . . . , ed ) P
est une base de E, de sorte que tout élément de E s’écrit
P d’une
manière unique
sous la forme
i λi ei avec λi ∈ K pour tout i. Alors la fonction
i λi ei 7→
maxi |λi | est une norme sur E associée à | · |. On remarque qu’elle est non-archimédienne si | · |
l’est. En outre, si K est complet, il en est de même pour E muni de cette norme.
Par contre, le lecteur prendra garde de ne pas généraliser impestivement certains résultats
familiers concernant les R- ou C-espace vectoriels de dimension finie à ce cadre plus général. Par
exemple, il n’est pas vrai, en général, que deux normes sur un K-espace vectoriel de dimension finie
E et associées à la même valeur absolue sont nécessairement équivalentes, où qu’elles induisent la
même topologie sur E. Voir (e3.8). Toutefois, nous verrons aussitôt (3.13) que si K est complet,
toutes les normes associées à la même valeur absolue sur un K-espace vectoriel de dimension finie
sont équivalentes et que si K est supposé localement compact, les parties fermées et bornées d’un
K-espece vectoriel de dimension finie sont compactes.
(3.13) Théorème. Soit K un corps muni d’une valeur absolue | · |. On suppose que K soit
complet pour | · |. Alors toutes les normes sur un K espace-vectoriel de dimensions qui sont associées à | · | sont équivalentes.
Preuve. On raisonne par récurrence sur la dimension d du K-espace vectoriel E, le cas d = 0
étant trivial. On suppose donc que d ≥ 1. Soit (e1 , e2 , . . . P
, ed ) une base de E. On note || · ||∞ la
norme sur E définie par ||x||∞ = maxi |λi | lorsque x = i λi ei . Il suffit de montrer que toute
norme sur E associée à | · | est équivalente à || · ||∞ . Alors
||x|| ≤
d
X
i=1
|λi | ||ei || ≤ d max |λi | max ||ei || ≤ A||x||∞ ,
i
i
où A = d maxi ||ei ||.
Cherchons donc B > 0 tel que ||x||∞ ≤ B||x|| pour tout x ∈ E. Soit E 0 le sous-espace de E
engendré par (e1 , e2 , . . . , ed−1 ). Par l’hypothèse de récurrence, il existe B 0 > 0 tel que ||y||∞ ≤ B||y||
pour tout y ∈ E 0 .
Tout élément x de E s’écrit alors x = y + λ(x)ed avec y ∈ E 0 et λ(x) ∈ K. Alors
||x||∞ ≤ ||y||∞ + |λ(x)| ||ed ||∞ ≤ B 0 ||y|| + |λ(x)| =
= B 0 ||x − λ(x)ed || + |λ(x)| ≤ B 0 ||x|| + (B 0 C + 1)|λ(x)|.
Afin de conclure, il suffit de montrer qu’il existe une constante B 00 > 0 telle que |λ(x)| ≤ B 00 ||x||
quelque soit x ∈ E.
Pour cela, on raisonne par l’absurde. Il existerait alors, quelque soit l’entier naturel n > 0, un
xn
→ 0 et
élément xn de E vérifiant |λ(xn )| > n||xn ||. Puisque xn = yn + λ(xn )ed , on en tire que λ(x
n)
yn
yn
0
donc que λ(xn ) → −ed dans la norme || · ||. Mais yn ∈ E quelque soit n : il s’ensuit que λ(xn ) n≥1
est une suite de Cauchy dans (E 0 , ||·||) et donc, d’après l’hypothèse de récurrence, dans (E 0 , ||·||∞ ).
yn
Or, (E 0 , || · ||∞ ) est complet. Il s’ensuit que (E 0 , || · || est complet. Par conséquent, λ(x
n ) n≥1
converge dans (E 0 , || · ||) et vers la même limite −ed . On en tire que ed ∈ E 0 ce qui est absurde.
(3.13.1) Corollaire. Soit K un corps muni d’une valeur absolue |·| pour laquelle il est complet.
Alors
(i ) Tout K-espace vectoriel de dimension finie est complet (pour une norme quelconque associée à | · |).
22
(ii ) Toute application linéaire d’un K-espace vectoriel de dimension finie vers un K-espace
vectoriel normé est continue.
(iii ) Tout sous-espace de dimension finie d’un K-espace vectoriel normé est fermé.
Preuve. (i ) Soit E un K-espace de dimension finie. On sait que E est complet pour une norme
de la forme || · ||∞ . Puisque toutes les normes sont équivalentes, il en de même quelque soit la
norme.
(ii ) Soit φ : E → F une
P application linéaire, avec E de dimension finie. Si (e1 , e2 , . . . , ed ) est
une base de E, et si x = i λi ei , alors
X
||φ(x)|| ≤
|λi |||φ(ei )|| ≤ C||x||∞ ,
i
où C = maxi ||φ(ei )|| et ||x||∞ = maxi |λi |. On en déduit que φ est continue en 0, puis partout
grâce à la linéarité.
(iii ) est une conséquence de (i ).
EXERCICES
(e3.1) On note v une valuation sur Q, que l’on suppose non triviale.
(i ) Montrer que v(n) ≥ 0 quelque soit n ∈ Z, et qu’il existe n ∈ N∗ tel que v(n) > 0.
(ii ) Soit p le plus petit entier p > 0 tel que v(p) > 0. Montrer que p est un nombre premier.
(iii ) On pose λ = v(p) de sorte que λ > 0. Montrer que v(n) = λ ordp (n) pour tout n ∈ Z.
(iv ) Conclure que toute valuation sur Q est de la forme λ ordp où λ > 0 est un réel et p un nombre
premier.
(e3.2) Soit (K, v) un corps valué.
(i ) Montrer que si a ∈ K est une racine de l’unité (c’est-à-dire qu’il existe n ∈ N∗ tel que an = 1),
alors v(a) = 0.
(ii ) En déduire que la seule valuation sur un corps fini et la valuation triviale.
(iii ) Vérifier que si K0 est un sous corps de K, alors la restriction de v à K0 est une valuation sur
K0 .
(iv ) Soit ε : Z → K l’unique homomorphisme d’anneaux (1.2.1). Montrer que v(ε(n)) ≥ 0 pour tout
n ∈ Z.
(e3.3) Soit k un corps. On note A = k[x] la k-algèbre de polynômes en une indéterminée x et à
coefficients dans k et K = k(x) son corps de fractions. On note deg f le degré de l’élément non nul f de
A.
(i ) Montrer qu’il existe une unique valuation ord∞ sur K telle que ord∞ (f ) = − deg f quelque soit
f ∈ A \ {0}. Vérifier que ord∞ est trivial sur k (c’est-à-dire ord∞ (k × ) = {0}).
Soit v une valuation non triviale sur K, dont la restriction à k est triviale.
(ii ) On suppose qu’il existe f ∈ A tel que v(f ) < 0. Montrer que v(x) < 0 puis qu’il existe λ > 0 tel
que v = λ ord∞ .
(iii ) On suppose que v(f ) ≥ 0 pour tout f ∈ A. Montrer qu’il existe f ∈ A de degré au moins un tel
que v(f ) > 0. En déduire qu’il existe λ > 0 et un polynôme irréductible p tel que v = λ ordp . (Se calquer
sur la démarche de l’exercice (e3.1)).
(e3.4) Soit (K, v) un corps valué. On suppose en plus que K soit algébriquement clos et que v soit
non-triviale. Montrer que v n’est pas une valuation discrète.
(e3.5) Soit (K, v) un corps valué et soit K[x] l’algèbre des polynômes en une indéterminée à coefficients dans K.
23
P
Si f ∈ K[x], on pose V (f ) = ∞ si f = 0 et V (f ) = min0≤i≤n v(ci ) lorsque 0 6= f (x) = ni=0 ci xi , où
ci ∈ K pour tout i ∈ {0, 1, . . . , n}.
(i ) Montrer que V est une valuation sur K[x] dont la restriction à K est v.
On note également V son extension au corps de fractions K(x) de K[x].
(ii ) Décrire l’anneau de valuation OV de V en fonction de celui de v. Décrire l’idéal maximal de OV
ainsi que le groupe des éléments inversibles de OV .
(iii ) Montrer que V (K(x)) = v(K).
(e3.6) Soit K un corps et soient v1 , v2 deux valuations sur K. On note O1 et O2 les anneaux de
valuation de v1 et v2 et M1 , M2 leurs idéaux maximaux. Montrer que si O1 ⊆ O2 et si M1 ⊆ M2 ∩ O1 ,
alors O1 = O2 . (Montrer d’abord que la condition O1 ⊆ O2 implique que M1 ⊇ M2 , en appliquant
(3.4.1).)
(e3.7) Soit (O, v) un anneau de valuation (pas forcément discret). Si r ∈ R+ , on pose
Ir+ = {x ∈ O | v(x) > r}.
Ir = {x ∈ O | v(x) ≥ r},
Vérifier que Ir et Ir+ sont des idéaux de O et montrer que tout idéal non nul de O est de l’une de ces
deux formes.
√
√
√
2 } de R. Montrer que a+b 2 7→ |a+b 2|,
2
|
(a,
b)
∈
Q
(e3.8)
Soit
E
le
sous-Q-espace
vectoriel
{a+b
√
√
√
a + b 2 7→ |a − b 2| et a + b 2 7→ max |a|, |b| sont trois normes associées à la valeur absolue usuelle
sur Q qui sont deux-à-deux inéquivalentes. Laquelle parmi ces normes induit sur E la topologie induite
par la topologie usuelle sur R ?
§ 4. Complétion
(4.1) Le but de ce paragraphe est d’introduire le complété d’un anneau le long d’un idéal,
dont un cas spécial est l’anneau de entiers p-adiques. Nous en donnerons quelques applications.
(4.1.1) Soit A un anneau etQ
soit I un idéal de A. Rappelons que si n ∈ N∗ , I n désigne l’idéal
de A engendré par les produits nr=1 ir , les ir étant des éléments de I. On a I n ⊇ I n+1 pour tout
n, d’où l’homomorphisme canonique πn,m : A/I n → A/I m qui transforme a + I n en a + I m lorsque
n ≥ m. Il est clair que π`,m ◦ πn,` = πn,m lorsque n ≥ ` ≥ m.
(4.1.2) Par définition, le complété de A le long de I, noté ÂI , est l’anneau des suites
α = (αn ), où αn ∈ A/I n quelque soit n ≥ 1, telles que πn,m (αn ) = αm pour tout n ≥ m. Les lois
de compositions sont celles induites par les lois de composition des anneaux A/I n : si α = (αn )
et si β = (βn ) avec αn , βn ∈ A/I n pour tout n, alors (α + β)n = αn + βn et (αβ)n = αn βn . Cette
définition a un sens car les πn,m sont des homomorphismes. L’élément 0 (resp. 1) de ÂI est la suite
(0n ) (resp. (1n )) où 0n (resp. 1n ) est l’élément 0 (resp. 1) de A/I n .
Si n ∈ N∗ , alors tout élément de A/I n est une classe an + I n modulo I n avec an ∈ A. L’élément
α = (αn ) de ÂI peut donc être représenté explicitement par une suite de classes (an + I n ) avec
an ∈ A pour tout n. La condition πn,m (αn ) = αm pour tout n ≥ m équivaut alors à an ≡ am
(mod I n ) pour tout n ≥ m. Si β = (βn ) est un deuxième élément de ÂI , alors α + β est la suite
(an + bn + I n ) et αβ = (an bn + I n ). Les suites (an + I n ) et (bn + I n ) représentent le même élément
de ÂI si et seulement si an ≡ bn (mod I n ) pour tout n. En particulier, (an + I n ) représente 0
(resp. 1) si et seulement si an ≡ 0 (mod I n ) (resp. an ≡ 1 (mod I n )) pour tout n. Ces remarques
découlent immédiatement des définitions.
(4.1.3) Lorsque A = Z, p est un nombre premier et I = (p) = pZ, l’anneau ÂI est appelé
l’anneau des entiers p-adiques et est noté Zp (à ne pas confondre avec le localisé Z(p) (3.4.2),
24
nous verrons aussitôt la relation entre les deux). L’utilisation du mot complété sera en partie
justifiée par (4.7.7), qui affirme que « compléter le complété » n’apporte rien de nouveau, le
complété d’un complété étant isomorphe au complété mui-même.
(4.1.4) L’application A → ÂI qui envoie a ∈ A sur la suite (a+I n ) est un homomorphisme, que
nous noterons ηI ou η. Il s’agit d’un homomorphisme canonique, et nous considérerons donc
ÂI comme une A-algèbre avec ηI comme homomorphisme structural. Par exemple, un polynôme
ou série formelle à coefficients dans A sera identifié avec le polynôme ou série formelle obtenu en
appliquant ηI à ses coefficients.
(4.1.5) Soit a ∈ A. Alors
a ∈ ker ηI équivaut à a + I n = I n pour tout n, et donc
à a ∈ I n pour
T
T
tout n ou encore à a ∈ n≥1 I n . On en tire que η est injectif si et seulement si n≥1 I n = {0}.
(4.1.6) Si n ∈ N∗ , on note πn : A → A/I n l’homomorphisme canonique et π̂n : ÂI → A/I n
l’homomorphisme défini par π̂n ((αm )m≥1 ) = αn . On vérifie aussitôt que πn = π̂n ◦ ηI et que
π̂m = πn,m ◦ π̂n lorsque n ≥ m.
(4.1.7) Si k est un anneau et si A est une k-algèbre avec homomorphisme structural , alors
ÂI devient une k-algèbre avec homomorphisme structural ηI ◦ .
(4.2) Considérons d’abord le cas où A = k[T ], la k-algèbre des polynômes en une indéterminée
à coefficients dans l’anneau k. Pronons pour I l’idéal engendré par T . Si n ∈ N∗ , alors I n est l’idéal
engendré par T n et tout élément de A/I n s’écrit fn (T ) + I n avec un unique polynôme fn qui est de
degré au plus n − 1. Soit donc (αn ) ∈ ÂI : pour tout n ∈ N∗ on note fn l’unique polynôme de degré
au plus n − 1 tel que αn = fn (T ) + I n . La condition πn,m (αn ) = αm lorsque n ≥ m se traduit par la
condition que fm est obtenu en tronquant fn aux termes de degré au plus m − 1. Réciproquement,
si (fn )n≥1 est une suite de polynômes avec fn de degré au plus n ayant la propriété que fm est
obtenu en tronquant fn en degré au plus m − 1 lorsque n ≥ m, il existe un unique (αn ) ∈ ÂI tel
que αn = fn (T ) + I n .
Notons alors A la k-algèbre k[[T ]] des séries formelles en T . Si f ∈ A et si fn désigne le
polynôme obtenu en tronquant f en degré n − 1, alors (fn + I n ) appartient à ÂI . Soit alors
φ : A → ÂI l’application définie par φ(f ) = (fn + I n ). On vérifie aisément que φ est un khomomorphisme. D’après ce qui précède, φ est surjectif et il est clair que si φ(f ) = 0, alors fn = 0
pour tout n et donc f = 0. on en tire que φ est injectif, donc un k-isomorphisme.
En arguant de la même manière avec A = k[T1 , T2 , . . . , Td ], I l’idéal de A engendré par T1 , T2 ,
. . ., Td on obtient le résultat suivant
(4.2.1) Si d ≥ 1 et si A = k[T1 , T2 , . . . , Td ], alors le complété de A le long de l’idéal engendré
par {Tr | 1 ≤ r ≤ d} est k-isomorphe à la k-algèbre des séries formelles k[[T1 , T2 , . . . , Td ]].
(4.3) Considérons ensuite le cas de l’anneau des entiers p-adiques Zp . Nous cherchons une
d] par les séries formelles
manière de décrire les éléments de Zp , analogue à la description de k[T
(T )
(4.2.1) ou encore le développement décimal d’un nombre réel, qui peut être considéré comme la
valeur d’une série entière (ou d’une série de Laurent) en 10−1 .
Soit donc p un nombre premier. On note Σ l’ensemble {0, 1, . . . , p − 1}. Alors Σ est un système
de représentants de Z modulo pZ : en plus, si n ∈ N∗ , alors {0, 1, . . . , pn − 1} est un système de
représentants de Z modulo pn Z et tout entier a ∈ {0, 1, . . . , pn −1} s’écrit dans une manière unique
dans la forme a = a0 + a1 p + · · · + an−1 pn−1 avec (a0 , a1 , . . . , an−1 ) ∈ Σn : c’est le développement
en base p de a.
(4.3.1) Soit donc (αn ) ∈ Zp . Si n ∈ N∗ , alors αn ∈ Z/pn Z et il existe un unique représentant
25
Pn−1 (n) r
(n)
a(n) de αn dans {0, 1, . . . , pn − 1}. On écrit a(n) = r=0
ar p avec les ar ∈ Σ. Lorsque n ≥ m,
la condition πn,m (αn ) = αm se traduit par la condition que a(m) est l’unique entier entre 0 et
pm − 1 tel que a(m) ≡ a(n) (mod pm ). Il s’ensuit que le développement en base p de a(m) est
(m)
(n)
obtenu en tronquant celui de a(n) au terme pm−1 . Plus correctement, ar = ar si r ≤ m − 1.
(n)
Soit donc (ar )r≥0 la suite d’éléments de Σ définie en prenant pour ar la valeur commune des ar
pour n ≥ r + 1 ; alors (ar ) ne dépend que de (αn ) est l’association (αn ) 7→ (ar ) est une application
ψ de Zp dans l’ensemble ΣN des suites
dans Σ. Réciproquement, si (ar ) ∈ ΣN , alors on
Pn−1 à valeurs
r
n
peut définir (αn ) ∈ Zp par αn = r=0 ar p + p Z, d’où une application φ : ΣN → Zp . On vérifie
aisément que φ ◦ ψ = idZp et que ψ ◦ φ = idΣN , d’où le résultat suivant :
(4.3.2) Tout élément de Zp s’écrit d’une façon unique comme somme
∞
X
ar p r
r=0
avec (ar )r≥0 une suite d’éléments de Σ = {0, 1, . . . , p − 1}.
P∞
Ici la notation r=0 ar pr n’est qu’une notation formelle pour la suite (ar ) ; aucune notion de
convergence n’estPentendue, au moins pour l’instant. (Voir toutefois (4.9.2)). Elle est suggérée par
r
n
Si a ∈ N, alors η(a) est l’élément (a + pn )n
la formule αn = n−1
r=0 ar p + p Z, valable pout
P∞tout n.
de Zp et on en tire que si η(a) correspond à r=0 ar pr , alors cette somme est le développement en
r
base
P∞ p der a. Il s’agit dans ce cas d’une somme finie, car ar = 0 dès que p > a. On appelle alors
développement p-adique de α.
r=0 ar p leT
Comme n≥1 pn Z = {0}, l’homomorphisme η : Z → Zp est injectif. Désormais, on considère
donc Z comme un sous-anneau de Zp et η comme l’inclusion. Nous allons donner quelques propriétés simples de Zp .
Soit α = (αnP
) un élément non-nul de Zp . On note v(α) le plus petit entier n ≥ 0 tel que
r
αn+1 6= 0. Si α = ∞
r=0 ar p , alors v(α) est également le plus petit entier r tel que ar 6= 0. On pose
v(0) = ∞.
(4.3.3) Lemme. (Zp , v) est un anneau valué. En particulier, Zp est un anneau intègre.
Preuve. Soit α ∈ Zp . Il est clair que
seulement si α P
6= 0. Soient donc α, β deux
P∞
P∞v(α) =r ∞ si et
r
r
éléments non-nuls de Zp . Soient α = r=0 ar p , β = r=0 br p , αβ = ∞
r=0 cr p , où ar , br , cr ∈ Σ
s
s+1
pour tout r. Posons v(α) =Ps, v(β) = t. Alors αs+1 =Pas p + p Z et βt+1 = bt pt + pt+1 Z. Soit
n−1
r
n
r
n
n > max(s,
t). Alors αn = n−1
r=s ar p + p Z et βn =
r=t br p + p Z : si donc n > s + t, alors
Pn−1
r
n
(αβ)n = r=0 cr p + p Z avec cr = 0 si r ≤ s + t − 1 et cs+t ≡ as bt (mod p). Puisque as 6= 0,
bt 6= 0, on a bien cs+t 6= 0 d’où v(αβ) = v(α) + v(β).
Afin de démontrer l’inégalité v(α+β) ≥ min v(α), v(β) il suffit
de remarquer que αn +βn = 0
si αn = 0 et βn = 0, ce qui est le cas lorsque n < min v(α), v(β) .
(4.3.4) Soit a ∈ Z. Alors v(a) = ordp (a), où ordp désigne la valuation p-adique (3.1.1).
Preuve. C’est claire lorsque a = 0. P
Supposons que a > 0. Rappelons alors que ordp est la
r
puissance exacte de p divisant a. Si a = n−1
r=0 ar p (ar ∈ Σ) est le développement en base p de a,
alors ar = 0 si r < ordp (a) et aordp (a) 6= 0. Puisque v(−a) = v(a) et ordp (−a) = ordp (a), le résultat
est vrai également lorsque a < 0.
(4.3.5) Soit α ∈ Zp . Pour que α soit inversible, il faut et il suffit que v(α) = 0.
Preuve. Supposons d’abord que α soit inversible. Alors α1 = π̂1 (α) est inversible
dans Z/pZ,
P∞
r
d’où v(α) = 0. Réciproquement,
Pn−1 sir v(α) = 0, alors α1 est inversible. Si α = r=0 ar p , on en tire
que a0 6= 0 et donc que r=0 ar p est premier à p pour tout n. Il s’ensuit que αn est inversible
26
dans Z/pn Z quelque soit n. Soit βn l’inverse de αn et soit β = (βn ). On voit aussitôt que β ∈ Zp
et que αβ = 1.
(4.3.6) Zp est un anneau local dont l’idéal maximal est pZp .
Preuve. En effet, d’après (4.3.3), {α ∈ Zp | v(α) > 0} est un idéal de A. D’après (4.3.5),
un élément de Zp est inversible si et seulement si v(α) = 0. L’assertion que A est un anneau
local P
découle donc de (3.5.1). Il reste à vérifier que α ∈ pZp si et seulement si v(α) > 0. Soit
r
α= ∞
r=0 ar p avec les ar ∈ Σ. Si α ∈ pZp , alors
P∞a0 = 0 ret donc v(α) > 0. Réciproquement, si
v(α) > 0, alors a0 = 0 et donc α = pβ, où β = r=0 ar+1 p . Au total, donc α ∈ pZp .
∗
v(α)
(4.3.7) Soit α ∈ ZP
β. P
p , α 6= 0. Alors il existe β ∈ Zp tel que α = p
r
r
Soit en effet α = ∞
a
p
avec
a
∈
Σ
et
soit
s
=
v(α).
Posons
β= ∞
r
r=0 r
r=0 ar+s p . Puisque
s = v(α), on a as 6= 0 et donc β ∈ Z∗p . En outre, α = ps β, d’où l’assertion.
(4.3.8) Soit n ∈ N∗ . Alors Zp /pn Zp est isomorphe à Z/pn Z. En particulier, le corps résiduel
de Zp est Z/pZ.
Preuve. Soit ψ : Zp → Zp /pn Zp l’homomorphisme canonique et soit η : Z → Zp l’inclusion. Il
suffit alors de montrer que l’homomorphisme composé ψ ◦ η : Z → Zp → Zp /pn Zp est surjectif et
que son noyau est pn Z.
P∞
r
Commençons par la surjectivité.
α + pn Zp P
∈ Zp /pn Zp , où α ∈ Zp . Si α =
r=0 ar p
Pn−1 Soit
∞
avec les ar ∈ Σ, on pose a = r=0 ar pr . Soit β = r=0 ar+n pr . Alors α − η(a) = pn β et donc
ψ η(a) = ψ(α), d’où la surjectivité.
Montrons enfin que ker(ψ ◦ η) = pn Z. Il est clair que pn Z ⊆ ker(ψ ◦ η). Soit donc a ∈ ker(ψ ◦ η).
Alors η(a) ∈ pn Zp et donc v(η(a)) ≥ n. Puisque v(η(a)) = ordp (a) d’après (4.3.4), on voit que pn
divise a et donc que a ∈ pn Z.
(4.4) Le corps de fractions de Zp s’appelle le corps des nombres p-adiques et est noté Qp .
Puisque Z ⊆ Zp , on a Q ⊆ Qp ; par conséquent, Qp est un corps de caractéristique nulle. D’après
(3.3), v s’étend en une valuation sur Qp . Puisque v coı̈ncide avec ordp sur Z, elle coı̈ncide également
avec v sur Q. On note souvent v par ordp par la suite, en l’appelant la valuation p-adique sur
Qp . Puisque v(Zp ) = N ∪ {∞}, on voit que v(Q×
p ) = Z et donc, en particulier, que ordp est une
valuation discrète.
(4.4.1) Proposition. On suppose Qp muni de la valuation discrète ordp . Alors Zp est l’anneau
de valuation de ordp . Par conséquent, Zp est un anneau de valuation discrète dont l’idéal maximal
est pZp .
Démonstration. Notons A = {α ∈ Qp | ordp (α ≥ 0)} l’anneau de valuation. Par construction,
si α ∈ Zp , alors ordp (α) = v(α) ≥ 0. On en tire que Zp ⊆ A. Soit réciproquement α ∈ A. Si α = 0,
β
alors α ∈ Zp . Supposons donc α 6= 0. Puisque α ∈ Qp , on peut trouver β, γ ∈ Z×
p tels que α = γ .
ordp β 0
D’après (4.3.7), il existe β 0 , γ 0 ∈ Z×
β et γ = pordp γ γ 0 . Puisque ordp (α) ≥ 0,
p tels que β = p
on a ordp (β) ≥ ordp (γ) et donc
α = pordp (β)−ordp (γ)
β0
∈ Zp .
γ0
(4.4.2) Corollaire. L’anneau Zp est un anneau local principal. Tout idéal fractionnaire nonnul de Qp est de la forme pn Zp avec n ∈ Z. En particulier, tout idéal non-nul de Zp est de la
forme pn Z avec n ∈ N.
C’est une conséquence immédiate de (3.7).
27
(4.5) La construction de Zp (ainsi que l’exemple (4.2) lorsque k et donc A est un anneau
factoriel) se généralise aisément au cas où A est un anneau factoriel est I = P un idéal premier
principal. Fixons alors un générateur π de P ainsi qu’un système de représentants Σ de A/P dans
A. On note K le corps de fractions de A et ordP la valuation P -adique associé (3.1.1). Rappelons
que tout x ∈ K ∗ s’écrit d’une manière unique sous la forme π ordP (x) u avec u ∈ K ∗ et ordP (u) = 0.
(4.5.1)
P Soit ar ∈ A.n Alors il existe une unique suite (σr )r≥0 à valeurs dans Σ tel que, pour tout
n, a − n−1
r=0 σr π ∈ P .
Démonstration. On construit (σr ) de proche en proche. Puisque Σ est un système de représentants de A/P dans A, il existe
σ0 ∈ Σ tel que a − σ0 ∈ P . Soit nP≥ 1 et soit
Pun unique
n−1
r
n
(σ0 , σ1 , . . . , σn−1 ) ∈ Σn tel que a − n−1
σ
π
∈
P
. Alors il existe
a − r=0
σr π r =
r=0 r
Punn ∈ A rtel quen+1
n
un π . Soit donc σn ∈ Σ tel que un − σn ∈ P : on a alors a − r=0 ur π ∈ P
. La suite (σr )
ainsi construite est l’unique suite vérifiant
la
condition
de
l’énoncé.
Soit
en
effet
(τ
r )r≥0 une suite
Pn−1
r
n
vérifiant τr ∈ Σ pour tout r et a − r=0 τr π ∈ P quelque soit n. Supposons
P que (σr ) 6= (τrr) :
on note s le plus petit indice tel que σs 6= τs . Soit n > s : alors (σs − τs )π s + n−1
r=s+1 (σr − τr )π ∈
n
s
s+1
s+1
s+1
P et donc (σs − τs )π ∈ P . Puisque P
est engendré par π , il existe v ∈ A tel que
(σs − τs )π s = vπ s+1 . Puisque A est intègre, on en tire que vπ = σs − τs et donc que σs = τs car Σ
est un système de représentants de A/P dans A.
Ce résultat est en quelque sorte une généralisation du développement en base p lorsque A = Z,
P = pZ et Σ = {0, 1, . . . , p − 1}. RemarquonsPtoutefois que dans ce cadre plus général, un élément
r
de A n’est pas forcément égal à une somme n−1
r=0 σr π avec n assez grand.
Les résultats envisagés sont résumés par le théorème suivant.
(4.5.2) Théorème. Soit A un anneau factoriel, soit P un idéal premier principal de A et soit
π un générateur de P . On note Σ un système de représentants de A/P dans A tel que 0 ∈ Σ. Soit
ÂP le complété de A le long de P . Alors :
(i) L’homomorphisme ηP : A → ÂP est injectif.
(ii ) Tout élément α de ÂP s’écrit d’une manière unique sous la forme
α=
∞
X
σr π r
r=0
avec σr ∈ Σ pour tout r ∈ N et l’application α 7→ (σr )r≥0 est une bijection de ÂP sur ΣN .
On considère désormais A comme un sous-anneau de ÂP .
On pose v(0) = ∞ et, si α ∈ ÂP , α 6= 0, on note v(α) le plus petit entier n tel que σn 6= 0.
(iii ) L’application v : ÂP → N∪{∞} est une valuation discrète dont la restriction à A coı̈ncide
avec ordP . En outre, v ne dépend pas du choix de Σ.
On suppose désormais que A/πA soit un corps ; on note K̂P le corps de fractions de ÂP et
ordP la valuation v étendue sur K̂P .
(iv ) L’élément α de ÂP est inversible si et seulement si α1 6= 0.
(v ) ÂP est l’anneau de valuation discrète de (K̂P , ordP ).
(vi ) Tout idéal fractionnaire non-nul de K̂P est de la forme π n ÂP avec n ∈ Z. En particulier,
tout idéal non-nul de ÂP est de la forme π n ÂP avec n ∈ N.
La démonstration est analogue à celle des propriétés de Zp et de Qp : nous nous limiterons
donc à quelques commentaires brefs.
T
Le (i) est une conséquence du fait que n≥1 P n = {0}.
En ce qui concerne le (ii ), la bijection ÂP → ΣN est définie de la manière suivante. Soit α =
(αn )n≥1 ∈ ÂP , où αn ∈ A/P n . Pour tout n ∈ N∗ , on choisit an ∈ A tel que αn = an + I n . D’après
28
Pn−1 (n) r
(n)
(n)
(n)
(n)
(n)
(n)
(4.5.1), il existe (σ0 , σ1 , . . . , σn−1 ) ∈ Σn tel que an − r=0
σr π ∈ I n . Ici, (σ0 , σ1 , . . . , σn−1 )
ne dépend pas du choix de an , car si encore αn = bn + P n , alors an − bn ∈ P n et donc bn −
P
(n)
(m)
n−1 (n) r
n
= σr
r=0 σr π ∈ P . Ensuite, la condition πn,m (αn ) = αm lorsque n ≥ m entraı̂ne que σr
(n)
lorsque n ≥ m ≥ r + 1. On définit
P∞donc σrr comme étant la valeur commune des σr lorsque
n ≥ r + 1. À nouveau, la notation r=0 σr π n’a pour l’instant qu’un sens formel, sans notion de
convergence, mais nous verrons au (4.9.2) comment l’interpréter comme une série convergente.
L’hypothèse 0 ∈ Σ intervient dans le (iii ), dans la description de v(α) comme étant le plus
petit entier r tel que σr 6= 0. Alors v(α) est également le plus petit entier n tel que αn ∈
/ P n , ce
qui montre que v(α) ne dépend pas de Σ et, lorsque α ∈ A, que v(α) = ordP (α).
Montrons le (iv ). Il est clair que si α ∈ ÂP est inversible, alors α1 est un élément inversible
de A/πA, donc non-nul. Réciproquement, si α1 est inversible, alors tous des αn , n ≥ 1 sont
inversibles, comme on le voit de proche en proche par un argument semblable à celle figurant dans
−1
lorsque n ≥ m, et donc
la démonstration du lemme de Hensel (2.5.1). En outre, πn,m (αn−1 ) = αm
−1
(αn ) est l’inverse de α.
Enfin, (v ) se démontrent de la même manière que (4.4.1) et (vi ) en découle en appliquant
(3.7).
(4.6) Revenons à l’étude générale de la notion de complété. Soient d’abord A, B deux anneaux
et soit φ : A → B un homomorphisme. Soit I (resp. J) un idéal de A (resp. B). On suppose que
φ(I) ⊆ J. Alors φ(I n ) ⊆ J n quelque soit n ∈ N∗ et donc φ induit une suite d’homomorphismes
(A)
(B)
φn : A/I n → B/J n (n ∈ N∗ ). Si n ≥ m, on note πn,m (resp. πn,m ) l’homomorphisme canonique
(B)
(A)
A/I n → A/I m (resp. B/J n → B/J m ). Alors πn,m ◦ φn = φm ◦ πn,m pour tout n, m avec n ≥ m et
la suite (φn ) induit donc un homomorphisme φ̂ : ÂI → B̂J . Explicitement, si α = (αn ) ∈ ÂI alors
φ̂(α) = β, où β = (β)n avec βn = φn (αn ) quelque soit n.
(4.6.1) Soit C un troisième anneau, soit K un idéal de C et soit ψ : B → C un homomorphisme tel que ψ(J) ⊆ K. Alors ψ[
◦ φ = ψ̂ ◦ φ̂.
(4.6.2) Proposition. Soit φ : A → B un homomorphisme.
(i ) Si tous les φn sont injectifs, alors φ̂ est injectif.
(ii ) Si tous les φn sont des isomorphismes, alors φ̂ est un isomorphisme.
Preuve. (i ) Soit α ∈ ÂI tel que φ̂(α) = 0. Alors φn (αn ) = 0 pour tout et donc αn = 0 pour
tout n. On en tire que α = 0.
(ii ) D’après (i ), il suffit de montrer que si tous les φn sont surjectifs, alors φ̂ est surjectif. Soit
n
donc β = (β)
n ∈ B̂J . Pour tout n, il existe αn ∈ A/I tel que φn (αn ) = βn . Si n ≥ m, alors
(A)
(A)
φm πn,m (αn ) = βm et φm (αm ) = βm . Puisque φm est injectif, on en tire que πn,m (αn ) = αm . On
en déduit que α = (αn ) ∈ ÂI et que φ̂(α) = β.
(4.7) Soit A un anneau et soit I un idéal de A. Abrégeons ÂI en Â. Rappelons que η = ηI
désigne l’homomorphisme A → Â qui transforme a en la suite (a + I n ). Si J est un idéal de A, on
note Jˆ l’idéal de ÂI engendré par ηI (J). On munit A de la topologie I-adique et  de la topologie
ˆ
I-adique
(que l’usage appelle également topologie I-adique), de sorte que A et  deviennent des
ˆ η est continue. Il est clair que η(A) est une partie dense
anneaux topologiques. Puisque η(I) ⊆ I,
de Â.
On dit que A est complet pour la topologie I-adique si η : A → Â est surjectif. On dit
que A est
T séparé pour la topologie I-adique lorsque la topologie I-adique est séparée, c’est-à-dire
lorsque n≥1 I n = {0}. Un anneau local est dit complet (resp. séparé) s’il est complet (resp.
séparé) pour la topologie M -adique, M étant son idéal maximal. On remarque qu’un anneau de
29
T
valuation discrète est nécessairement séparé. En effet, on a n≥1 M n = {0} d’après (3.7).
Notons que lorsque η est bijectif, η(a + I n ) = η(a) + Iˆn pour tout a ∈ A et pour tout n ≥ 1
et donc η est un homéomorphisme. On a donc le résultat suivant.
(4.7.1) Les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) A est séparé et complet pour la topologie I-adique.
(ii ) η est bijectif.
(iii ) η est un homéomorphisme, donc un isomorphisme topologique.
Lorsque J désigne un idéal de A on note Jˆ l’idéal de  engendré par η(J) et par J son
adhérence dans Â.
(4.7.2) Si J est un idéal de A, alors J est un idéal de Â. Il est composé des suites (αn ) ∈ Â
ayant la propriété que, pour tout n, αn soit de la forme jn + I n avec jn ∈ J.
On sait qu’en général l’adhérence d’un idéal d’un anneau topologique est un idéal. Donc J est
un idéal. Soit α = (αn ) un élément de J, avec αn = an + I n , an ∈ A. Pour tout m ∈ N, il existe
(m)
un élément β (m) = (jn + I n ) de Jˆ tel que α − β (m) ∈ I m . Or, tout élément de Jˆ s’écrit dans la
P
(m)
forme i η(j (i) )a(i) avec les j (i) ∈ J et les a(i) ∈ Â : on peut donc supposer jn ∈ J pour tout n.
(n)
(n)
Alors an − jn ∈ I n pour tout n et donc α = (jn + I n ). Réciproquement, il est clair que toute
suite de la forme (jn ) avec jn ∈ J appartient à J.
(4.7.3) Soit r ≥ 1 un entier et soit J1 , J2 , . . ., Jr des idéaux de A. Alors J 1 J 2 · · · J r =
r
J1 J2 · · · Jr . En particulier, I r = I pour tout r ∈ N∗ .
C’est une conséquence de (4.7.2). En effet, on a (j1 +I n )(j2 +I n ) · · · (jr +I n ) = (j1 j2 · · · jr +I n )
pour tout (j1 , j2 , . . . , jr ) ∈ J1 × J2 × · · · × Jr et pour tout n ≥ 1. Or, le n-ième terme d’un élément
de J 1 J 2 · · · J r s’exprime comme une somme de la forme
X
(j1 + I n )(j2 + I n ) · · · (jr + I n )
alors que le n-ième terme d’un élément de J1 J2 · · · Jr s’exprime sous forme d’une somme de la
forme
X
(j1 j2 · · · jr + I n ).
(4.7.4) On a J = Â si et seulement si I + J = A.
Preuve. Soit (αn ) ∈ Â, avec αn = an + I n , an ∈ A. Remarquons d’abord que (αn ) ∈ J si et
seulement si, pour tout n, an appartient à I n + J. La condition J = A équivaut donc à I n + J = A
pour tout n. En particulier, si J = Â, alors I + J = A. Pour la réciproque, il suffit de montrer que
si I + J = A, alors I n + J = A pour tout n ∈ N, ce qui est une propriété générale des anneaux
(voir (e2.1)).
(4.7.5) Pour tout r ∈ N∗ il y a un homomorphisme surjectif  → A/I r . Il induit un isomorr
phisme Â/I ' A/I r .
Preuve. Soit r ∈ N∗ . L’application  → A/I r qui associe à la suite (an + I n ) le terme ar + I r ∈
A/I r est un homomorphisme. Il est surjectif car si a ∈ A, alors l’élément a+I n de A/I n est l’image
de la suite η(a). La suite (an + I n ) appartient au noyau si et seulement si an ∈ (I n + I r )/I n pour
tout n ce qui équivaut à dire que an ∈ I r pour tout n ≥ r et donc (an ) ∈ I r d’après (4.7.2). Or,
r
I r = I d’après (4.7.3).
(4.7.6) L’idéal I est premier (resp. maximal) si et seulement si I est premier (resp. maximal).
En effet, d’après (4.7.5), Â/I ' A/I. Puisque I premier (resp. maximal) équivaut à A/I
intègre (resp. un corps), le résultat est immédiat.
30
ˆ
ˆ
(4.7.7) Proposition. Soit  le complété de  le long de I et soit η̂ :  →  l’homomorphisme
induit par η : A → Â (4.6). Alors η̂ est un isomorphisme topologique.
n
Démonstration. D’après (4.7.5), η induit des isomorphismes ηn : A/I n ' Â/I pour tout n.
En appliquant (4.6.2), on en tire que η est un isomorphisme. D’après (4.7.1), η̂ est un homéomorphisme.
Par exemple, le complété de Zp le long de pZp est isomorphe à Zp . De même, lorsque k est un
anneau, le complété de k[[T ]] le long de T k[[T ]] est isomorphe à k[[T ]].
(4.7.8) Si A est séparé pour la topologie I-adique,
 est séparé
pour la topologie I-adique.
T∞ alors
T∞
r
r
Démonstration. Il s’agit de montrer que si r=1 I T= {0}, alors r=1 I = {0}. On T
sait que
r
∞
r
r
r
I = I quelque soit r (4.7.3). Supposons donc que r=1 I = {0}. Soit α = (αn ) ∈ ∞
r=1 I .
(r)
(r)
∗
r
n
Puisque α ∈ I r , on peut trouver pour tout n ∈ N , grâce à (4.7.2), an ∈ I tel que αn = an + I .
(s)
En remplaçant r par un second entier s, on trouve que pour tout n il existe an ∈ I s tel que
(s)
(r)
(s)
αn = an + I s . Puisque αn − αn = 0, on a an − an ∈ I n pour tout n. En prenant s ≥ n, on voit
(r)
que an ∈ I n pour tout n, d’où αn = 0 pour tout n. Il s’ensuit que α = 0.
(4.8) Soit encore A un anneau et soit I un
Tidéal de A. On définit une fonction
TvI : A → N∪{∞}
par vI (a) = max({n ∈ N | a ∈ I n }) si a ∈
/ n≥1 I n et par vI (a) = ∞ si a ∈ n≥1 I n . Pour tout
a ∈ A, on pose alors |a|I = e−vI (a) avec la convention que e−∞ = 0. Définissons enfin une fonction
3
dI : A × A → R+ par d(a, b) = |a − b|I . On vérifie
facilement que pour tout (a, b, c) ∈ A on a
dI (a, b) = dI (b, a), dI (a, c) ≤ max dI (a, b), dI (a, c) ≤ dI (a, b) + dI (a, c) et que dI (a, b) ≥ 0 avec
égalité si et seulement si a − b ∈ ∩n≥1 I n .
(4.8.1) Pour que dI soit une distance sur A, il faut et il suffit que A soit séparé pour la
topologie I-adique.
C’est une conséquence immédiate des définitions. On en tire que lorsque A est séparé, dI est
une distance sur A.
(4.8.2) On suppose A séparé pour la topologie I-adique. Pour que A soit complet pour la
topologie I-adique, il faut et il suffit que l’espace métrique (A, dI ) soit complet.
Démonstration. Supposons A complet pour la topologie I-adique. Soit (xn ) une suite de Cauchy
dans (A, dI ). Soit n ∈ N∗ . Si (p, q) ∈ N2 est tel que d(xp , xq ) ≤ e−n , alors xp − xq ∈ I n . On en tire
que l’image de xp dans A/I n par l’homomorphisme canonique A → A/I n est constante pour tout
p assez grand. Notons le αn . Alors l’image de αn+1 dans A/I n est égale à αn et donc (αn ) définit
un élément α de ÂI . Puisque A est complet, ηI : A → ÂI est un isomorphisme il existe un unique
β ∈ A tel que ηI (β) = α. Vérifions que xp → β lorsque p → ∞. Pour cela il suffit de vérifier que
si n ≥ 1 alors β et xp ont les mêmes images dans A/I n pour tout p assez grand, ce qui découle de
la construction des αn .
Supposons pour la réciproque que (A, dI ) soit complet. Soit α = (αn ) ∈ ÂI et soit xn ∈ A tel
que αn = xn + I n . Alors (xn ) est une suite de Cauchy, qui converge donc vers une limite β ∈ A. On
voit aussitôt que ηI (β) = α et donc ηI est surjectif. Puisque A est séparé, ηI est injectif d’après
(4.7). Il s’ensuit que ηI est un isomorphisme.
(4.8.3) Théorème. Soit A un anneau et soit I un idéal de A. On considère A comme muni
de la topologie I-adique. Alors les deux conditions suivantes sont équivalentes.
(i ) A est compact.
(ii ) A est separé et complet et tous les quotients A/I n (n ≥ 1) sont finis.
Démonstration. (i )=⇒(ii ). D’après les définitions, tout espace compact est séparé. On sait que
tout espace métrique compact est complet. Soit n ≥ 1 un entier. D’après la définition même de la
31
topologie I-adique, les classes de A/I n forment un recouvrement d’ouverts deux-à-deux disjoints
de A. On en tire que si A est compact, A/I n est nécessairement fini.
(ii )=⇒(i ). D’après théorème de Bolzano-Weierstrass et (4.8.2), il suffit de montrer que de
toute suite d’éléments de l’espace métrique (A, dI ) on peut extraire une sous-suite convergente.
Pour tout k ∈ N, on note πk : A → A/I k l’homomorphisme canonique. Soit donc (xn ) une suite
déléments de A. Puisque A/I est finie, il existe une partie infinie Λ1 de N telle que tous les xn avec
n ∈ Λ1 aient la même image dans A/I par π1 . Notons n1 le plus petit élément de Λ1 . Ensuite,
il existe une partie infinie Λ2 de Λ1 telle que tous les xn avec n ∈ Λ2 aient aient la même image
dans A/I 2 par π2 . Notons n2 le plus petit élément de Λ2 vérifiant n2 > n1 . Puisque Λ2 ⊆ Λ1 , on
a π1 (xn2 ) = π1 (xn1 ). En continuant ainsi, on construit une chaı̂ne emboitée de parties infinies Λk
de N et une suite strictement croissante d’entiers nk ∈ Λk indexées par k ∈ N∗ . Puisque Λ` ⊆ Λk
lorsque ` ≥ k, on a πk (xn` ) = πk (xnk ) pour tout ` ≥ k. Il s’ensuit que dI (xn` − xnk ) ≤ e−k pour
tout ` ≥ k et par conséquent (xnk ) est une suite de Cauchy. Puisque (A, dI ) est supposé complet,
(xnk ) est bien une suite extraite convergente de (xn ).
Le lecteur remarquera l’analogie de la démonstration que (ii ) implique (i ) avec la démontration
classique qu’un intervalle fermé et borné de R possède la propriété de Bolzano-Weierstrass.
Remarque. On suppose que I soit engendré par un ensemble fini d’éléments et que A/I soit fini.
Alors A/I n est fini quelque soit l’entier n. En effet, on voit aisément que I r /I r+1 est fini quelque
soit l’entier r. Par conséquent, dans la chaı̂ne décroissante de A-modules A ⊇ I ⊇ I 2 ⊇ · · · ⊇ I n ,
chaque quotient successif est fini. Donc A/I n est fini.
(4.8.4) Corollaire. Soit p un nombre premier.
(i ) L’anneau Zp est compact.
(ii ) Le corps Qp est localement compact.
Démonstration. (i ) ParTdéfinition, Zp est le complété de Z le long de pZ. Puisque Z/pn Z est
fini pour tout n et puisque n≥1 pn Z = {0}, le résultat est une conséquence de (4.8.3). (ii ) découle
alors du fait que Zp est un voisinage de 0 dans Qp .
(4.8.5) Corollaire. Soit k un corps fini et soit T une indéterminée.
(i ) La k-algèbre k[[T ]] est compacte.
(ii ) Le corps k((T )) est localement compact.
Démonstration. (i ) À nouveau, k[[T ]] est le complété de k[T ] le long de l’idéal engendré par
T . Puisque k est fini, la k-algèbre k[T ]/T n k[T ] est un ensemble fini pour tout n. En plus, on a
∩n≥1 T n k[T ] = {0}. Le résultat découle donc à nouveau de (4.8.3). Enfin, (ii ) découle du fait que
k[T ] est un voisinage de 0 dans k(T ).
Remarque. Par contre, lorsque le corps k est infini, k[[T ]] n’est même pas localement compact.
Voir (e4.9).
(4.9) Soit A un anneau factoriel, soit P un idéal premier principal, soit ÂP le complété de A
le long de P et soit K̂P le corps de fractions de ÂP . Reprenons les notations de (4.8) avec l’idéal I
remplacé par P . Dans le présent cadre, on aTalors vP = ordP , |a|P = e− ordP (a) et dP (a, b) = |a−b|P .
Puisque A est un anneau factoriel, on a n≥1 P n = {0} et, par conséquent, l’espace métrique
(ÂP , dP ) est complet (4.8.2). Une suite de Cauchy étant bornée, on en tire aussitôt que le corps
valué (K̂P , | · |ordP ) est complet. Puisque A est dense dans ÂP , Fr(A) est dense dans K̂P . Vue
l’unicité du complété d’un espace métrique et d’un corps valué, on tire le résultat suivant.
(4.9.1) Théorème. Le corps valué (K̂P , ordP ) est le complété (au sens des espaces métriques)
du corps valué (K, ordP ).
32
(4.9.2) Soit | . | la valeur absolue non archimédienne associée à ordP sur KP , soit π un
générateur de P et soit Σ un système de représentants des classes de A modulo P . On suppose que v(A) ⊆ R+ ∪ {∞}, de sorte que |a| ≤ 1 quelque soit a ∈ A. Alors |π| < 1, et donc
|π n | → 0 lorsque n → +∞. Si (σr )r≥0 est une suite d’éléments de Σ, alors on tire de (3.11.1) que
la série
(∗)
∞
X
σr π r
r=0
converge dans K̂P . On devine facilement sa limite : si α ∈ ÂP est tel que (σr )r≥0 est construite par
la procédure de
(4.5.1), alors la série converge vers α. La supposition est toute à fait correcte
Pn−1
Pn−1 : enr
r
n
effet, on a α− r=0 σr π ∈ π ÂP pour tout n, ce que veut dire que les sommes partielles r=0 σr π
tendent vers α. Ainsi, la série (∗), qui a déjà fait son apparition en guise d’une série formelle dans
l’énoncé du théorème (4.5.2), a désormais un sens analytique comme série convergente.
Bien entendu, cette remarque s’applique également dans le cadre particulier de Zp étudié
auparavant (4.3.2).
(4.10) Soit encore A un anneau, I un idéal de A et  le complété le long de I. Dans ce qui
suit, le lecteur gardera en vue le cas particulier A = Z et I = pZ, p étant un nombre premier.
Soit m ≥ 1 et soit f ∈ A[X1 , X2 , . . . , Xn ], l’algèbre des polynômes en m indéterminées à
coefficients dans A. Soit α = (α(1) , α(2) , . . . , α(m) ) ∈ Am . Selon nos règles générales que nous nous
sommes fixées (4.1.4), f (α) signifie le résultat de la substitution de α dans le polynôme obtenu en
appliquant l’homomorphisme ηI : A → Â aux coefficients de f . Nous laissons au lecteur la tache
de vérifier que la construction suivante conduit également à cette valeur de f (α).
(i)
(i)
Pour tout i ∈ {1, 2, . . . , m} et pour tout n, on choisit an ∈ A tel que αn = an + I n . On
(1) (2)
(m)
(i)
pose an = (an , an , . . . , an ). Alors la classe de f (an ) (mod I n ) de dépend pas du choix de an
et f (an+1 ) ≡ f (an ) (mod I n ) pour tout n. Il s’ensuit que (f (an ) + I n ) est un élément de  qui
coı̈ncide avec f (α).
Cette remarque a comme conséquence les affirmations suivantes, qui illustrent l’importance
de la technique de complétion.
(4.10.1) Proposition. Soient m ≥ 1, N ≥ 1 des entiers et soient f1 , f2 , . . ., fN des éléments
de l’algèbre des polynômes en m indéterminées A[X1 , X2 , . . . , Xm ].
Si α = (α(1) , α(2) , . . . , α(m) ) ∈ Am est une solution de f1 (α) = f2 (α) = · · · = fN (α) = 0 et si
(i)
(i)
l’on écrit chacun des α(i) comme de suites (an + I n ) avec an ∈ A pour tout n, et si l’on pose
(1) (2)
(m)
an = (an , an , . . . , an ), alors an est solution du système de congruences
f1 (an ) ≡ f2 (an ) ≡ · · · ≡ fN (an ) ≡ 0 (mod I n ).
(1)
(2)
(m)
Réciproquement, si on se donne, quelque soit n ∈ N∗ , une solution an = (an , an , . . . , an ) ∈
(i)
(i)
Am de ce système de congruences, et si en plus an+1 ≡ an (mod I n ) pour tout i ∈ {0, 1, . . . , m} et
(i)
(i)
pour tout n ≥ 1, alors l’élément α = (α(1) , α(2) , . . . , α(m) ) de Âm défini par αn = an + I n vérifie
f1 (α) = f2 (α) = · · · = fN (α) = 0.
Il est clair d’après ce qui précède que s’il existe α ∈ Am vérifiant f1 (α) = f2 (α) = · · · =
fN (α) = 0, alors il existe a1 ∈ (A/I)m tel que
f1 (a1 ) ≡ f2 (a1 ) ≡ · · · ≡ fN (a1 ) ≡ 0 (mod I n ).
En général, la réciproque est inexacte, mais sous certaines hypothèses on peut effectivement « remonter » une solution de ce système de congruences en une solution α ∈ Am de f1 (α) = f2 (α) =
33
· · · = fN (α) = 0. Les énoncés qui conduisent à cette conclusion font parti des résultats connus
génériquement par le nom de Lemmes de Hensel. Le théorème (2.5.1) en est un exemple, que
l’on peut par ailleurs traduire dans le langage des compétés (e4.11) En voici un autre, où il n’y a
qu’une seule indéterminée.
(4.10.2) Proposition. Soit A un anneau de valuation discrète complet, soit M son idéal
maximal et soit k son corps residuel. Soit f ∈ A[T ] tel que f 6= 0. On suppose que le coefficient
directeur de f soit inversible et que l’image f˜ de f dans k[T ] par l’homomorphisme canonique
φ : A[T ] → k[T ] admette une factorisation f˜ = g̃ h̃ dans k[T ] avec g̃ et h̃ premiers entre eux. Alors
f se factorise dans A[T ] comme gh, les images respectives de g et de h par φ étant g̃ et h̃. En
outre, deg(g) = deg(g̃) et deg(h) = deg(h̃).
Preuve. Nous allons construire, pour tout n ∈ N, deux polynômes gn , hn vérifiant f − gn hn ∈
M n , deg(f − gn hn ) < deg(f ), deg(gn ) = deg(g̃), deg(hn ) = deg(h̃) φ(gn ) = g̃, φ(hn ) = h̃ et
gn+1 − gn , hn+1 − hn ∈ M n [T ]. Puisque A est complet, on voit que (gn ) et (hn ) convergent
(coefficient par coefficient) à des polynômes g et h avec les propriétés requises.
Supposons que n = 1. Puisque φ est surjectif, on peut certainement trouver g1 , h1 tels que
φ(g1 ) = g̃, φ(h1 ) = h̃. Alors les coefficients de g1 , h1 sont déterminés modulo M et on peut donc
supposer que deg(g1 ) ≤ deg g̃ et que deg(h1 ) ≤ deg(h̃). En outre, puisque le coefficient directeur
de f est inversible, on a deg f˜ = deg f . Comme f˜ = g̃ h̃ on a f − g1 h1 ∈ M [T ] et deg(g1 ) = deg g̃,
deg(h1 ) = deg h̃. Enfin, le produit des coefficients directeurs de g1 et de h1 est congru (mod M )
au coefficient directeur de f qui est inversible. En modifiant les coefficients directeurs de g1 et
de h1 on peut supposer que leur produit est égal au coefficient directeur de f , c’est-à-dire que
deg(f − g1 h1 ) < deg(f ).
Supposons alors n ≥ 1 et que l’on a construit gn et hn avec les propriétés requises. Cherchons
à construire gn+1 et hn+1 .
Fixons une uniformisante π de A, de sorte que M n = π n A. Il faut chercher gn+1 et hn+1 de la
forme gn+1 = gn + π n Gn , hn+1 = hn + π n Hn , où Gn et Hn sont à déterminer. Or,
(∗)
f − gn+1 hn+1 = (f − gn hn ) − π n (gn Hn + hn Gn ) − π 2n Gn Hn .
Pour que f − gn+1 hn+1 appartienne à M n+1 [T ] il suffit que gn Hn + hn Gn + f −gπnn hn ∈ πA[T ], c’est
à dire que φ(gn )φ(Hn ) + φ(hn )φ(Gn ) = −φ( f −gπnn hn ). Puisque φ(gn ) = g̃ et φ(hn ) = h̃ et puisque g̃
et h̃ sont premiers entre eux, il existe G̃n , H̃n ∈ k[T ] vérifiant l’équation de Bézout
g̃ H̃n + h̃G̃n = −φ(
f − gn hn
).
πn
Par hypothèse, on a deg(f − gn hn ) < f : d’après la théorie des équations de Bézout, on peut donc
supposer que deg(H̃n ) < deg (h̃) et que deg(G̃n ) < deg (g̃). Par conséquent, on peut supposer que
deg(Hn ) < deg h̃ et que deg(Gn ) < deg(g̃). En revenant à (∗), on voit alors que deg(f −gn+1 hn+1 ) <
deg f puis que deg gn+1 = deg g̃ et que deg hn+1 = deg h̃ et gn+1 , hn+1 ont donc toutes les propriétés
cherchées.
(4.10.3) Exemple. On prend A = Zp , p étant un nombre premier. Soit f (X) = X p−1 − 1.
Puisque le corps résiduel de Zp est Z/pZ, le petit théorème de Fermat montre que
Y
f˜(X) =
(X − u).
u∈(Z/pZ)∗
Il en découle que toutes les racines de f˜ sont simples. Il s’ensuit que si u ∈ (Z/pZ)∗ , il existe un
unique ω(u) ∈ Zp dont l’image dans Z/pZ est u et qui vérifie ω(u)p−1 = 1. D’où une application ω
34
de (Z/pZ)∗ vers le groupe µp−1 (Zp ) des racines (p−1)-ièmes de l’unité contenus dans Zp . Puisque Zp
est intègre et de caractéristique nulle, le cardinal de µp−1 (Zp ) ne peut pas dépasser p−1 : il est donc
égal à p−1 et ω est bijective. En fait, il s’agit d’un isomorphisme de groupes, car si u, v ∈ (Z/pZ)∗ ,
alors ω(uv) et ω(u)ω(v) ont tous les deux pour image uv ∈ Z/pZ par l’homomorphisme canonique.
Si u ∈ (Z/pZ)∗ , alors ω(u) s’appelle le représentant de Teichmüller de u dans Z∗p .
EXERCICES
(e4.1) Montrer que Zp est non-dénombrable. (Soit Σ = {0, 1, . . . , p − 1}. Montrer d’abord que ΣN est
non-dénombrable puis appliquer (4.3.2).) En déduire que Zp 6= Z et que Qp 6= Q.
(e4.2) On note p un nombre premier.
P
r
(i ) Soit Σ = {0, 1, . . . , p − 1}. Trouver le développement p-adique ∞
r=0 ar p (ar ∈ Σ) de −1.
(ii ) Trouver le développement 2-adique et le développement 3-adique de −2 ainsi que de 12 .
(iii ) On prend
Σ = {0, 3}. Montrer que, quelque soit l’entier n ≥ 1, il ne pas possible d’écrire
P p = 2 et
r avec σ ∈ Σ pour tout r ∈ {0, 1, . . . , n − 1}. Décrire l’ensemble les entiers qui
1 sous la forme n−1
σ
2
r
r
r=0
sont de cette forme.
(e4.3) Montrer que Q ∩ Zp = Z(p) , où Z(p) est l’anneau défini au (3.4.2).
(e4.4) (i ) Soit A un anneau, soit I un idéal et soit E une partie de A. On suppose que la restriction
à E de l’homomorphisme canonique A → A/I n est surjective pour tout n. Montrer que E est dense dans
ÂI .
(ii ) En déduire que N est dense dans Zp .
(e4.5) Soit H un sous-groupe d’indice fini du groupe additif Zp . Montrer qu’il existe ν ≥ 0 tel que
H = pν Zp . (Montrer d’abord que H est ouvert, puis utiliser (4.3.8).)
(e4.6) (i ) Soit A un anneau et soient I, J deux idéaux de A. Montrer que s’il existe deux entiers r
et s tels que I r ⊆ J ⊆ I s , alors ÂI et ÂJ sont isomorphes.
(ii ) On note p un nombre premier. Soit A = Z(p) l’anneau de (3.4.2) et soit I l’idéal de A engendré
par p. Montrer que ÂI est isomorphe à Zp .
(e4.7) (i ) Soit K un corps et soit I l’idéal {0}. Décrire K̂I ?
(ii ) Soit A un anneau et soit I un idéal de I. On suppose que I 2 = I. Montrer que I n = I pour tout
n ≥ 1. Décrire l’anneau ÂI .
(iii ) Donner un exemple d’un anneau A possédant un idéal I 6= {0}, A vérifiant I 2 = I.
(e4.8)
On note Ẑ le complété de Z le long de la chaı̂ne In = n!. Montrer que les anneaux topologiques
Q
Ẑ et p Zp , où p parcourt l’ensemble des nombres premiers, sont topologiquement isomorphes. (Appliquer
Q
le théorème chinois (2.3) à l’homomorphisme Z → p Z/pordp (n!) Z pour tout n.)
(e4.9) Justifier la remarque de (4.8.5). Indication : Tout voisinage de 0 dans k[[T ]] contient T n k[[T ]]
pour tout n assez grand. Penser à la démonstration de (i )=⇒(ii ) de (4.8.3).
avec la
(e4.10) Soit p un nombre premier et soit a ∈ Zp . Si n ∈ N on pose na = a(a−1)···(a−n+1)
n!
convention que a0 = 1.
(i ) Montrer que pour tout a ∈ Zp , na appartientPà Zp . (Rappel
: c’est vrai lorsque a ∈ N.)
a n
Soit a ∈ Zp et soit x ∈ pZp . On pose (1 + x)a = ∞
x
.
n=0 n
(ii ) Justifier la convergence de la série. Expliquer pourquoi (1 + x)a ≡ 1 (mod pZp ).
(iii ) Montrer que (1 + x)a (1 + x)b = (1 + x)a+b pour tout a, b ∈ Zp , x ∈ pZp .
(iv ) Calculer (1 + 3)1/2 dans Z3 .
(e4.11) Vérifier que le théorème (2.5.1) peut être traduit en termes de complétés par l’énoncé suivant.
Soit A un anneau intègre et soit π un élément irréductible de A tel que A/πA est un corps. On note
35
 le complété de A le long de πA. Soit f un polynôme en n variables et à coefficients dans A et soit
x = (x1 , x2 , . . . , xn ) ∈ An une solution de f (x) ≡ 0 (mod πA). On suppose qu’il existe un indice i tel
que fi0 (x) 6= 0 (mod πA). Alors il existe une solution ξ = (ξ1 , ξ2 , . . . , ξn ) ∈ Ân de f (ξ) = 0 vérifiant
ξ ≡ x (mod π Â).
(e4.12) (i ) Soient `, p deux nombres premiers distincts. Montrer que l’entier a premier à p est une
puissance `-ième de Zp si et seulement si a est une puissance `-ième (mod p).
(ii ) La conclusion de (i ) est-elle vraie si on suppose que ` = p ?
∗
(iii ) Soit x ∈ Q×
p et soit n ∈ N . Montrer que si ordp (x) 6≡ 0 (mod n) alors x ne peut pas être une
puissance n-ième dans Qp .
(e4.13) (i ) Soit p un nombre premier impair et soit a ∈ Fp . Montrer qu’il existe (x, y) ∈ F2p vérifiant
p+1
x2 + y 2 = a. (En utilisant le fait que F×
p est un groupe cyclique, montrer qu’il existe 2 carrés dans Fp
2
et p+1
2 éléments de Fp de la forme a − y .)
2
2
2
(ii ) En déduire que si a ∈ Z×
p , alors il existe (x, y) ∈ Zp vérifiant x + y = a.
2
2
2
(iii ) Existe-t-il (x, y) ∈ Zp vérifiant x + y = p ? (La réponse dépend de p.)
(iv ) Montrer qu’il n’existe pas (x, y) ∈ Z22 vérifiant x2 + y 2 = −1.
(e4.14) Soit p un nombre premier et soit T une indéterminée. Montrer que le complété de Z[T ] le
long de l’idéal (p, T ) est topologiquement isomorphe à Zp [[T ]], en précisant la topologie sur Zp [[T ]].
§ 5. Prolongements de valuations I
(5.1) Soit (K, v) un corps valué et soit L une extension de K (c’est-à-dire un corps contenant
K). Dans cette section, nous allons étudier des prolongements de v à L, c’est-à-dire des valuations
w sur L dont la restriction à K est égale à v.
Lorsque L = K(x), le corps de fractions rationnelles en une variable x et à coefficients dans
K, l’exercice (e3.5) indiquent comment prolonger v sur L. Ici, nous serons surtout intéressés par
les cas où L est une extension algébrique de K, c’est-à-dire que tout élément de L est racine d’un
polynôme non nul à coefficients dans K. L’essentiel de la discussion se réduit alors au cas où L est
une extension finie de K, c’est-à-dire L est de dimension finie en tant que K-espace vectoriel. Afin
de ne pas être limité à la caractéristique nulle ou de corps finis, nous expliquerons brièvement et
sans démonstration la notion de séparabilité puis nous formulerons nos résultats dans ce cadre.
Dans cette section, nous traiterons le cas où (K, v) est complet, le résultat principal étant
alors le théorème (5.8). La section suivante traitera le cas où (K, v) n’est plus complet.
Avant d’aller plus loin, nous aurons donc besoin de quelques rappels brefs concernant les
extensions de corps.
On écrit souvent L/K pour indiquer que K est un corps et L une extension de K. Si α ∈ L,
on désigne par K(α) la sous-extension de K engendrée par α. Autrement dit, K(α) est le plus
petit sous-corps de L contenant à la fois α et K ; K(α) est également l’intersection de tous les
sous-corps de L contenant α et K.
(5.2) Soit donc K un corps et soit L une extension de K. L’élément α de L est dit algébrique
s’il existe un polynôme non nul f (x) ∈ K[x] tel que f (α) = 0. Dans le cas contraire, on dit que α
est transcendant sur K. L’extension L/K est dite algébrique si tout élément de L est algébrique
sur K.
Lorsque L/K est une extension finie, on appelle degré de L/K et on note [L : K] la dimension
de L en tant que K-espace vectoriel. Les résultats qui suivent ont été vus en M1.
36
(5.2.1) Soit α ∈ L. Pour que α soit algébrique sur K, il faut et il suffit que K(α) soit une
extension finie de K.
(5.2.2) Soit K un corps, soit L une extension finie de K et soit M une extension finie de L.
Alors M est une extension finie de K et [M : K] = [M : L][L : K].
Preuve. Il suffit de vérifier que si (αi )1≤i≤m est une base du K-espace vectoriel L et si (βj )1≤j≤n
est une base du L-espace vectoriel M , alors (αi βj )1≤i≤m,1≤j≤n est une base du K-espace vectoriel
M.
(5.2.3) Soit L/K une extension de corps. L’ensemble des éléments de L qui sont algébriques
sur K constituent un sous-corps de L contenant K, que l’on appelle la clôture algébrique de
K dans L.
(5.3) Soit L/K une extension de corps et soit α ∈ L. Si α est algébrique sur K, on entend
par polynôme minimal de α sur K le polynôme unitaire de degré minimal Mα (x) ∈ K[x] tel
que Mα (α) = 0. Bien entendu, Mα est un polynôme irréductible.
(5.3.1) Deux éléments α et β (éventuellement appartenant à des extensions différentes de K)
sont dits conjugués sur K s’ils ont le même polynôme minimal.
(5.4) Soit encore L/K une extension de corps. On dit que α ∈ L est séparable sur K si
α est algébrique sur K et si Mα est sans racine multiple, ce qui équivaut à dire que la dérivée
de Mα n’est pas indentiquement nul, ou encore que le discriminant de Mα est non nulle. Dans le
cas contraire, on dit que α est inséparable. (La démonstration de l’équivalence des différentes
conditions pour que α soit séparable n’est pas difficile, mais n’est pas immédiate non plus.)
(5.4.1) Lorsque K est de caractéristique 0, tout élément algébrique sur K est séparable.
Lorsque K est de caractéristique p > 0, p un nombre premier, la dérivée d’un polynôme f ∈ K[x]
est identiquement nulle si et seulement s’il existe g ∈ K[x] tel que f (x) = g(xp ). On en tire que si
p ne divise pas le degré de Mα , alors α est séparable.
(5.4.2) Le corps K est dit parfait s’il satisfait l’une des deux conditions suivantes :
(i) K est de caractéristique 0 ;
(ii ) K est de caractéristique p > 0 et alors l’homomorphisme φ : K → K défini par φ(a) = ap
de K est bijectif.
Lorsque K est parfait, tout élément de L qui est algébrique sur K est séparable. Tout corps
fini est parfait ; il en est de même pour un corps algébriquement clos.
(5.4.3) Soit L/K une extension de corps. L’ensemble des éléments de L qui sont séparables
sur K constituent un sous-corps de L contenant K, que l’on appelle la clôture séparable de K
dans L.
L’extension de corps L/K est dite séparable si tout élément de L est séparable sur K.
(5.4.4) Le corps K est dit séparablement clos si tout élément séparable sur K appartient
à K. Si K est un corps quelconque, une clôture séparable de K est un corps séparablement
clos contenant K et dont tout élément est séparable sur K. Par exemple, si Ω est un corps
algébriquement clos contenant K, alors la clôture séparable de K dans Ω est une clôture séparable
de K. Une clôture séparable est unique à K isomorphisme près.
(5.4.5) Exemple. Soit p > 0 un nombre premier et soit k un corps de caractéristique p. On
37
pose K = k(t), le corps de fractions rationnelles en une variable t et à coefficients dans k ; on note
ordt la valuation sur K correspondant à l’élément irréductible de k[t] (3.1.1). Soit L une extension
de K contenant une racine α du polynôme xp − t (vu comme polynôme en une seconde variable x).
Dans L[x], on a alors xp − t = (x − α)p . Par contre, xp − t est irréductible comme élément de K[x].
En effet, dans le cas contraire, il existerait un entier r ∈ {1, 2, . . . , p − 1} tel que (x − α)r ∈ K[x].
En particulier, le coefficient constant −αr de ce polynôme appartiendrait à K. Puisque αp = t, on
aurait alors ordt (αr ) = pr ordt (t) = pr , ce qui est impossible, car ordt (f ) ∈ Z quelque soit f ∈ K × .
On a donc Mα (x) = xp −t. Il s’ensuit que Mα0 (x) = 0 et donc que α est inséparable sur K. Bien
que Mα soit irréductible comme élément de K[x], il a une unique racine α, qui est de multiplicité
p. L’extension K(α)/K est de degré p.
(5.5) L’importance de la notion de séparabilité réside dans le fait qu’une partie importante
de la théorie des corps de caractéristique nulle, et notamment la théorie de Galois, s’étend aux
extensions séparables. Voici donc un rappel bref des énoncés de base de la théorie de Galois, rédigé
dans le cadre des extensions séparables.
(5.5.1) Soit donc L/K une extension finie de corps. On montre que groupe AutK (L) des
automorphismes du corps L dont la restriction à K est l’application identique est un groupe fini,
d’ordre au plus [L : K]. On dit que L/K est une extension galoisienne si l’ordre de AutK (L) est
égal à [L : K]. Lorsque c’est le cas, on appelle AutK (L) le groupe de Galois de L/K et on le
note Gal(L/K).
(5.5.2) Proposition. Soit L/K une extension finie de corps. Alors les conditions suivantes
sont équivalentes.
(i ) L/K est galoisienne.
(ii ) L/K est séparable et il existe un polynôme irréductible de K[x] dont l’ensemble des racines
engendre L sur K.
(iii ) L/K est séparable et tout polynôme irréductible de K[x] ayant une racine dans L a toutes
ses racines dans L.
(5.5.3) Afin d’illustrer l’importance de la séparabilité dans l’énoncé qui précède, revenons
pour un instant à l’exemple (5.4.5). L’extension K(α)/K est de degré p et tout élément φ de
AutK (K(α)) transforme α en une seconde racine φ(α) de xp − t. Mais α est l’unique racine de
xp − t et donc φ(α) = α et donc φ est l’application identique sur K(α). Par conséquent, K(α)/K
n’est pas galoisienne. Mais K(α) est engendré sur K par l’ensemble des racines de xp − t.
La correspondance de Galois pour les extensions finies s’énonce alors ainsi.
(5.5.4) Théorème. Soit L/K une extension galoisienne finie. On note Γ son groupe de Galois.
Pour tout sous-groupe ∆ de Γ, on note
L∆ = {a ∈ L | φ(a) = a pour tout φ ∈ ∆}.
Pour tout corps intermédiaire F , K ⊆ F ⊆ L, on note
∆F = {φ ∈ Γ | φ(a) = a pour tout a ∈ F }.
(i ) L∆ /K est une sous-extension de L/K et ∆F est un sous-groupe de Γ.
(ii ) L’application ∆ 7→ L∆ est une bijection entre l’ensemble des sous-groupes de Γ et l’ensemble des extensions intermédiaires de L/K. L’application réciproque est F 7→ ∆F .
0
(iii ) Si ∆, ∆0 sont deux sous-groupes de Γ, alors ∆ ⊆ ∆0 si et seulement si L∆ ⊇ L∆ .
−1
(iv ) Soit ∆ un sous-groupe de Γ et soit φ ∈ Γ. Alors φ(L∆ ) = Lφ∆φ .
38
(v ) Pour que l’extension L∆ /K soit galoisienne, il faut et il suffit que ∆ soit un sous-groupe
distingué de Γ. Lorsque c’est le cas, l’application φ 7→ φ|L∆ est un homomorphisme surjectif de Γ
dans le groupe de Galois de L/K dont le noyau est ∆.
(5.6) Soit L/K une extension finie de corps et soit a ∈ L. On note Ma le polynôme minimal
de a et ua l’endomorphisme du K-espace vectoriel L défini par multiplication par a. On sait que
Ma est également le polynôme minimal de ua . Si Ca désigne le polynôme caractéristique de ua ,
[L:K(a)]
alors Ca = Ma
. (Nous adoptons la convention que Ca (x) = det (idL x − ua ), de sorte que Ca
soit un polynôme unitaire.)
(5.6.1) Par définition, la norme de a dans l’extension L/K est égale à det ua . On la note
NL/K (a). On a alors NL/K (ab) = NL/K (a) NL/K (b) quelque soient a, b ∈ L, de sorte que NL/K
induit un homomorphisme de L× vers K × .
(5.6.2) De même, la trace de a dans l’extension L/K est égale à la trace de l’application
linéaire ua . On la note TrL/K (a). Il s’agit alors d’une forme K-linéaire sur L.
(5.6.3) Soit M une extension finie de L et soit L une extension finie de K, alors TrM/K =
TrL/K ◦ TrM/L et NM/K = NL/K ◦ NM/L .
(5.6.4) Soit L/K une extension finie galoisienne et soit a ∈ L. Alors
X
Y
TrL/K (a) =
γ(a),
NL/K (a) =
γ(a).
γ∈Gal(L/K)
γ∈Gal(L/K)
(5.6.5) Soit L/K une extension finie séparable. Alors il existe a ∈ L tel que TrL/K (a) 6= 0. Par
conséquent, la forme bilinéaire β : L × L → K définie par β(a, b) = TrL/K (ab) est non dégénérée.
Lorsque K est de caractéristique nulle ou la caractéristique de K ne divise pas [L : K], on
a TrL/K (1) = [L : K] 6= 0. Un argument différent (indépendence linéaire des caractères) est
nécessaire en général, qui sera omis.
(5.6.6) Soit L/K une extension finie et séparable. Alors il existe a ∈ L tel que L = K(a). Un élément a ∈ L vérifiant L = K(a) est appelé un élément primitif de L/K. À nouveau,
une extension finie mais non séparable ne possède pas forcément d’élément primitif.
Après ces préliminaires, nous pouvons revenir à notre étude d’extensions de corps valués.
(5.7) Proposition. Soit (K, v) un corps valué et soit (L, w) une extension de (K, v) avec
L/K séparable. Alors v est triviale si et seulement si w est triviale.
En effet, il est clair que si w est triviale, alors v est triviale. Montrons la réciproque. Supposons
pour une contradiction que w soit non triviale alors que v est triviale. Il existe alors a ∈ L× tel
que w(a) 6= 0. Quitte à remplacer a par 1/a, on peut supposer w(a) < 0. Le polynôme minimal
de a s’écrit Ma (x) = xn + λn−1 xn−1 + · · · + λ0 , où λi ∈ K pour tout i et λ0 6= 0. Par hypothèse,
v(λi ) = 0 lorsque λi 6= 0 et donc
n
nw(a) = w(a ) = w −
n−1
X
i=0
λi ai ≥ min
0≤i≤n−1
w(−λi ai ) = w(ar ) = rw(a)
où r est le plus grand entier ≤ n − 1 tel que λr 6= 0. Cette inégalité est impossible car w(a) < 0
et n > r ≥ 0.
39
(5.8) Théorème. Soit (K, v) un corps valué complet et soit L/K une extension finie et séparable. Alors v possède un unique prolongement w à L : il est donné par la formule
w(a) =
1
v NL/K (a) ,
[L : K]
a ∈ L.
En outre, (L, w) est complet.
Remarques. (i ) On peut montrer à l’aide d’un argument utilisant le lemme de Zorn si (K, v)
est un corps valué quelconque, et L une extension de K, alors v possède au moins un prolongement
à w.
(ii ) Le théorème reste vrai sans l’hypothèse que L/K soit séparable (avec la même formule
pour w).
(iii ) Si on omet l’hypothèse que (K, v) soit complet, alors v peut avoir plusieurs prolongements
à L. (Voir l’exercice (e5.1). Ce sera le cas typique dans le cadre des extensions de corps de nombres.)
La démonstration passe par plusieurs étapes. Puisque L est un K-espace vectoriel de dimension
finie, on déduit de (3.13) que L est complet pour la valeur absolue associée à un prolongement w
de v à L. Il suffit donc d’établir l’existence et l’unicité de w.
(5.8.1) Établissons d’abord l’unicité. Soient w1 , w2 deux prolongements de v à K. Par hypothèse, L est un K-espace vectoriel de dimension finie. On définit ||·||1 et ||·||2 par ||a||1 = e−w1 (a)
et par ||a||2 = e−w2 (a) pour tout a ∈ L. Alors || · ||1 et || · ||2 sont des normes sur L associées à
| · |v . D’après le théorème (3.13), elles sont équivalentes. On en tire qu’il existe A, B ∈ R tels que
A ≤ w1 (a) − w2 (a) ≤ B pour tout a ∈ L. On en tire que pour tout n ∈ N∗ , on a
A ≤ w1 (an ) − w2 (an ) = n w1 (a) − w2 (a) ≤ B
d’où, en divisant par n puis le faisant tendre vers +∞, on conclut que w1 (a) = w2 (a).
(5.8.2) On tire de ce qui précède que si w est un prolongement de v à L et si φ est un
automorphisme de L/K, alors w(φ(a)) = w(a) pour tout a ∈ L.
En effet, a 7→ w(φ(a)) est encore un prolongement de v à K, donc identique à w.
(5.8.3) Si w est un prolongement de v à L, alors
(∗)
w(a) =
1
v NL/K (a)
[L : K]
quelque soit a ∈ L.
Pour le démontrer, on suppose d’abord que L/K est galoisienne.
Dans ce cas, on sait (5.6.4),
Q
en notant ΓL/K le groupe de Galois de L/K, que NL/K (a) = φ∈ΓL/K φ(a). Par conséquent,
X
X
w φ(a) =
w(a) = [L : K]w(a).
v NL/K (a) = w NL/K (a) =
φ∈ΓL/K
φ∈ΓL/K
Dans le cas où L/K n’est pas galoisienne, on note L̃ une clôture galoisienne de L. D’après ce
qui précède, le seul prolongement possible de v à L̃ est donnée par w̃(a) = [L̃ : K]−1 v NL̃/K (a) .
Grâce à (5.8.1), v a au plus un prolongement w à L. La seule possibilité pour w est alors la
restriction de w̃ à L. Mais si a ∈ L, on a, d’après (5.6.3),
w̃(a) =
1
1
[L̃ : L]
v NL̃/K (a) =
v NL/K (a)[L̃:L] =
v NL/K (a)
[L̃ : K]
[L̃ : K]
[L̃ : K]
40
ce qui est égal à [L : K]−1 v NL/K (a) .
(5.8.4) Pour achever la démonstration du théorème (5.8), il reste donc à établir que la formule
(∗) définit effectivement une valuation sur L lorsque L/K est galoisienne. Il est clair que w(ab)
=
×
w(a) + w(b) pour tout a, b ∈ L . La difficulté est d’établir que w(a + b) ≥ min w(a), w(b) pour
tout a, b ∈ L. Pour le faire, nous allons appliquer (3.8). Il faut alors montrer que qu’il existe C ∈ R
tel que w(1 + a) ≥ C lorsque w(a) ≥ 0.
Dans ce but, on fixe une norme || · || sur le K-espace vectoriel L, associée à | · |v . On suppose
en outre que ||a|| = |a|v lorsque a ∈ K. (Par exemple, si (x1 , x2P
, . . . , xn ) est une base de L telle
que x1 = 1, on peut prendre ||x|| = max1≤i≤n |λi |v lorsque x = ni=1 λi xi .) On note encore ΓL/K
le groupe de Galois de L/K.
(5.8.5) Il existe deux constantes A, B vérifiant 0 < A ≤ B et
A||x||[L:K] ≤ | NL/K (x)|v ≤ B||x||[L:K]
pour tout x ∈ L.
En effet, si φ ∈ ΓL/K alors φ est un automorphisme du K-espace vectoriel L et x 7→ ||φ(x)|| est
encore une norme sur L associée à | · |v . Par conséquent, il existe deux constantes Aφ , Bφ vérifiant
0 < Aφ ≤ Bφ et
Aφ ||x|| ≤ ||φ(x)|| ≤ Bφ ||x||
Q
pour tout x ∈ L. Puisque NL/K (x) = φ∈ΓL/K φ(x), il suffit de multiplier ces inégalités lorsque φ
parcourt ΓL/K pour conclure.
(5.8.6) Étant donné E ≥ 0, il existe F ≥ 0 tel que si x ∈ L vérifie ||x|| ≤ E, alors | NL/K (1 +
x)|v ≤ F .
À nouveau, il suffit de voir que si φ ∈ ΓL/K , alors il existe Fφ tel que ||x|| ≤ E =⇒ ||1+φ(x)|| ≤
Fφ . Mais ||1 + φ(x)|| ≤ 1 + ||φ(x)|| ≤ 1 + Bφ E lorsque ||x|| ≤ E et donc Fφ = 1 + Bφ E convient.
(5.8.7) On peut alors achever la démonstration du théorème (5.8). Soit a ∈ L tel que w(a) ≥ 0.
Alors | NL/K (a)|v ≤ 1 et donc ||a|| ≤ 1/A[L:K] lorsque A désigne la constante de (5.8.5). On conclut
alors en appliquant (5.8.6) avec E = 1/A[L:K] .
(5.9) Soit encore (K, v) un corps valué complet et soit L/K une extension séparable. D’après
(5.8), v a un unique prolongement w0 à toute extension intermédiaire finie F . On en tire que v
a un unique prolongement w à L : si a ∈ L, alors w(a) = w0 (a) lorsque a ∈ F . Cette remarque
s’applique notamment dans le cas où L est une clôture séparable de L.
(5.9.1) Proposition. Soit (K, v) un corps valué complet et soit K sep une clôture séparable de
K. Alors v possède un unique prolongement v sep à K sep . Si a et b sont deux élements de K sep
conjugués sur K, alors v sep (a) = v sep (b).
La dernière affirmation découle de (5.8.2).
(5.9.2) Prenons par exemple le cas où K = Qp et v est l’ordre p-adique ordp . Alors ordp
possède un unique prolongement à une clôture algébrique Qp , appelé également l’ordre p-adique
et noté encore ordp . Remarquons que ordp n’est pas une valuation discrète. En effet, si n ∈ N∗ ,
r ∈ Z et si θ ∈ Qp vérifie θn = pr , alors n ordp (θ) = r ordp (p) = r et donc ordp (θ) = nr . Par
conséquent, ordp (Qp ) ⊇ Q. En fait,
on a ordp (Qp ) = Q, car si a ∈ Qp , a 6= 0, alors ordp (a) =
[Qp (a) : Qp ]−1 ordp NQp (a)/Qp (a) ∈ Q.
(5.9.3) Soit (K, v) un corps valué complet, soit L une extension finie séparable de K et soit
w un prolongement de v à L. Pour que w soit discrète, il faut et il suffit que v le soit.
41
En effet, il est clair que si v n’est pas discrète, alors w n’est pas discrète. Mais w(L× ) ⊆ [L :
K] v(K × ) d’après la formule explicite trouvée pour w. Si donc v(K × ) = λZ avec λ ∈ R, alors
w(L× ) ⊆ λ[L : K]−1 Z est encore un sous-groupe discret de R.
Si a ∈ L, on note respectivement Ca et Ma le polynôme caractéristique et le polynôme minimal
de a sur K (5.6). On note Ov l’anneau de valuation de v et Ow celui du prolongement w de v en
L.
−1
(5.9.4) Proposition. Soit (K, v) un corps valué complet, soit L une extension finie séparable
de K et soit w le prolongement de v à L. Soit a ∈ L. Les quatre conditions suivantes sont
équivalentes.
(i ) a ∈ Ow .
(ii ) Ma (x) ∈ Ov [x].
(iii ) Ca (x) ∈ Ov [x].
(iv ) NL/K (a) ∈ Ov .
Démonstration. (i )⇒(ii ). Soient
Q {ai }i∈I l’ensemble des conjugués de a dans une clôture galoisienne de L/K. Alors Ma (x) = i∈I (x − ai ). D’après (5.8.2), on a w(ai ) = w(a) pour tout i ∈ I.
Si donc w(a) ≥ 0, alors w(ai ) ≥ 0 pour tout i ∈ I. Les coefficients de Ma (à l’exception du coefficient directeur que est égal à un) sont des polynômes symétriques en les racines et à coefficients
entiers : ils appartiennent donc encore à Ow . On conclut en rappelant que v est la restriction de
w à K.
(ii )⇒(iii ) est clair car Ca est une puissance de Ma .
(iii )⇒(iv ) est également clair car NL/K (a) = ±C
a (0).
(iv )⇒(i). Comme w(a) = [L : K]−1 v NL/K (a) , il est clair que w(a) ≥ 0 si et seulement si
v(NL/K (a)) ≥ 0.
Rappelons que Mv et Mw désignent les idéaux maximaux de Ov et de Ow .
(5.9.5) Proposition. Soit (K, v) un corps valué complet, soit L une extension finie séparable
de K et soit w le prolongement de v à w. Soit a ∈ L. Les quatre conditions suivantes sont
équivalentes
(i ) a ∈ Mw .
(ii ) Tous les coefficients de Ma à l’exception du coefficient directeur appartiennent à Mv .
(iii ) Tous les coefficients de Ca à l’exception du coefficient directeur appartiennent à Mv .
(iv ) NL/K (a) ∈ Mv .
La démonstration est presque identique à celle de (5.9.4).
(5.9.6) Proposition. Soit (K, v) un corps valué discret complet, soit L/K une extension finie
séparable et soit w un prolongement de v à K. Alors Ow est un Ov -module libre de rang [L : K].
Démonstration. Rappelons d’abord que l’hypothèse que v soit discrète implique que Ov est un
anneau principal. D’après la théorie générale des modules de type fini sur un anneau principal, il
suffit de trouver deux Ov -sous-modules E et F de L, libres de rang [L : K], et tels que E ⊆ Ow ⊆ F .
Posons n = [L : K] et notons (x1 , x2 , . . . , xn ) une K-base de L. Il existe alors λ ∈ Ov tel que λ 6= 0
et w(λxi ) ≥ 0 pour tout i. Quitte à remplacer xi par λxi , on peut alors supposer xi ∈ Ow pour
tout i. Le Ov -module E engendré par (x1 , x2 , . . . , xn ) est alors libre de rang n est contenu dans
Ow .
Par ailleurs, on sait d’après (5.6.5), que la forme bilinéaire (x, y) 7→ TrL/K (xy) sur L est nondégénérée. Soit donc F le Ov -module engendrée par la base duale (y
P1n, y2 , . . . , yn ) de (x1 , x2 , . . . , xn ) ;
F est alors un Ov -module libre de rang n. Si x ∈ Ow , alors x = i=1 TrL/K (xxi )yi . Puisque xi et
x appartiennent à Ow , on a xxi ∈ Ow et donc TrL/K (xxi ) ∈ Ov d’après (5.9.4). Par conséquent,
x ∈ F . On en conclut que Ow ⊆ F .
42
(5.10) Soit encore (K, v) un corps valué complet. Soit L une extension séparable de K et soit
w l’unique prolongement de v à w. Alors v(K × ) est un sous-groupe de w(L× ). On appelle degré
de ramification de L sur K (et on note e(w|v, L/K) (ou e(L/K) ou e(w|v) si aucune confusion
n’est à craindre) l’indice (fini ou infini) de v(K × ) dans w(L× ).
(5.10.1) On suppose que L/K est fini. Alors e(L/K) est fini et divise [L : K].
En effet, il est la clair d’après la formule de (5.8) que, si a ∈ L× , alors [L : K]w(a) ∈ v(K × ).
Par conséquent l’indice de v(K × ) dans w(L× ) divise [L : K].
(5.10.2) Soit encore M une extension séparable de L. Alors e(M/K) = e(M/L)e(L/K).
C’est une conséquence immédiate de la transitivité de l’indice de sous-groupes.
(5.11) Soit encore (K, v) un corps valué complet, soit L une extension séparable de K et soit
w l’extension de v à L. On note respectivement Ov et Ow les anneaux de valuation de K et de L,
Mv et Mw leurs idéaux maximaux, et κv et κw leurs corps résiduels. Alors κw est une extension
de κv . On appelle degré résiduel de L sur K (et on note f (w|v, L/K) (ou f (L/K) ou f (w|v)
si aucune confusion n’est à craindre) le degré de l’extension κw /κv .
(5.11.1) On suppose que L/K est fini. Alors f (L/K) est fini, majoré par [L : K].
Preuve. Il suffit de montrer que toute famille finie d’éléments de Ow dont les images dans κw
par l’homomorphisme canonique forment une famille κv -libre est K-libre. Il est clair qu’une telle
famille est Ov -libre. Puisque K est le corps de fractions de Ov , elle est K-libre.
(5.11.2) Soit encore M une extension séparable de L. Alors f (M/K) = f (M/L)f (L/K).
C’est une conséquence de la transitivité du degré d’une tour d’extensions (5.2.2).
(5.12) Théorème. Soit (K, v) un corps valué discret et complet, soit L une extension séparable de K et soit w le prolongement de v à L. Soit e(L/K) le degré de ramification et f (L/K) le
degré résiduel de L/K. On note respectivement κv et κw les corps résiduels de K et de L. Alors
e(L/K)f (L/K) = [L : K].
Preuve. On reprend la notation de (5.11). D’après (5.9.6), Ow est un Ov -module libre de rang
[L : K]. On en tire aussitôt que Ow /Mv Ow est un κv -espace vectoriel de dimension [L : K]. En
effet, si (x1 , x2 , . . . , xn ), (où n = [L : K]), est une Ov -base de Ow , et si π : Ow → Ow /Mv Ow est
l’homomorphisme canonique, alors (π(x1 ), π(x2 ), . . . , π(xn )) est une κv -base de Ow /Mv Ow . Nous
allons calculer dimκv Ow /Mv Ow d’une autre façon, et montrer ainsi que cette dimension est
égale à e(L/K)f (L/K).
Notons alors t une uniformisante de Ow et posons e = e(L/K). Alors w(te ) = ew(t) et, d’après
la définition même de e, toute uniformisante t0 de Ov vérifie v(t0 ) = ew(t). Il s’ensuit que
Mv Ow = {x ∈ K | w(x) ≥ v(t0 )} = {x ∈ K | w(x) ≥ ev(t)} = te Ow .
Or, dans la chaı̂ne décroissante
Ow ⊇ tOw ⊇ t2 Ow ⊇ · · · ⊇ te Ow ,
chaque quotient successif tr−1 Ow /tr Ow (1 ≤ r ≤ e) est un κv -espace vectoriel, la structure étant
celle induite par la structure de Ov -module sur tr−1 Ow . En outre, il y a un isomorphisme Ow →
43
tr−1 Ow de Ov -modules défini par x 7→ tr−1 x. Il induit, par passage au quotient, un isomorphisme
de κv -espaces vectoriels
κw = Ow /tOw ' tr−1 Ow /tr Ow .
Par conséquent, tous les espaces vectoriels tr−1 Ow /tr Ow sont de la même dimension dimκv κw =
f (L/K). Puisqu’il y a e(L/K) espaces tr−1 Ow /tr Ow , on en tire que
dimκv Ow /Mv Ow =
e
X
dimκv tr−1 Ow /tr Ow = e(L/K)f (L/K),
r=1
d’où le résultat.
EXERCICES
(e5.1) (i ) On note Z[i] l’anneau des entiers de Gauss {a + bi | (a, b) ∈ Z2 } et L son corps de fractions.
On rappelle que a + bi 7→ a2 + b2 est un stathme euclidien sur Z[i], et donc que Z[i] est un anneau
principal.
(i ) Montrer que ord2+i et ord2−i sont deux prolongements distincts de la valuation ord5 de Q à L.
(ii ) La fonction a + bi 7→ [L : Q]−2 ord5 (NL/Q (a + bi)) est-elle une valuation sur L ?
(e5.2) Soit p un nombre premier impair. Si a ∈ Q×
p , on note La l’extension de Qp (dans une clôture
algébrique fixée de Qp ) engendré par une racine carrée de a. Soient a, b ∈ Q×
p . On rappelle que, d’après
la théorie générale de corps, alors La = Lb si et seulement si a/b est une carré de Q×
p.
(i ) Soit c ∈ Q× . Montrer que c est un carré de Qp si et seulement s’il existe m ∈ Z et u ∈ Z×
p avec
u (mod p) un carré tels que c = p2m u.
On fixe un élément u ∈ Z×
p avec u (mod p) un non-carré. On pose Sp = {1, p, u, pu}.
×
(ii ) Soit a ∈ Qp . Montrer qu’il existe un unique élément b de Sp tel que a/b soit un carré de Q×
p.
× )2 est d’ordre 4 et, en fait, un groupe de Klein.
(iii ) En déduire que le groupe Q×
/(Q
p
p
(iv ) En conclure que si a n’est pas un carré de Q×
p , alors La ∈ {Lp , Lu , Lpu } puis que Qp est exactement
3 extensions quadratiques.
Lorsque a est fixé, on note w l’unique prolongement à La de la valuation ordp sur Qp .
(v ) Montrer que les degrés de ramification e(Lp /Qp ) et e(Lup /Qp ) sont égaux à 2. En déduire que
e(Lp /Qp ) = e(Lup /Qp ) = 1.
(vi ) Montrer que l’extension f (Lu /Qp ) = 2, et donc que e(Lu /Qp ) = 1.
(e5.3) (i ) Soit a ∈ Z×
2 . Montrer que si a est le carré d’un élément de Z2 , alors a ≡ 1 (mod 8).
(ii ) Soit a ∈ Z2 tel que a ≡ 1 (mod 8). Montrer que a est le carré d’un élément de Z2 . (Considérer
d’abord le polynôme x2 + x + (a − 1)/4.)
(iii ) En déduire que l’élément a ∈ Q×
2 est le carré d’un élément de Q2 si et seulment s’il existe m ∈ Z
et u ∈ Z2 vérifiant u ≡ 1 (mod 8) tel que a = p2m u.
× 2
(iv ) En déduire que Q×
2 /(Q2 ) est un groupe fini d’ordre 8, isomorphe au produit direct de trois
groupes cycliques d’ordre deux.
(v ) En conclure que Q2 possède exactement 7 extensions quadratiques.
(vi ) On pose L = Q2 [x]/(x2 + x + 1)Q2 [x]. Montrer que f (L/Q2 ) = 2 et donc que e(L/Q2 ) = 1.
(vii ) Montrer que si M est une extension quadratique de Q2 qui n’est pas isomorphe à L, alors
e(M/Q2 ) = 2 et donc f (M/Q2 ) = 1.
Remarque. Ces deux exercices montrent, en particulier, que Qp n’a qu’un nombre fini d’extensions
quadratiques. On peut également montrer que Qp ne possède qu’un nombre fini d’extensions d’un degré
donné.
(e5.4) Soit p un nombre premier. Soit f ∈ Zp [x] un polynôme unitaire : f (x) = xd + ad−1 xd−1 +
· · · a1 x + a0 avec ai ∈ Zp pour tout i ∈ {0, 1, . . . , d − 1}. On suppose que p divise ai pour tout i mais que
p2 ne divise pas a0 .
(i ) Expliquer pourquoi f est irréductible dans Qp [x].
44
(ii ) On note L l’extension de Qp engendré par une racine de f . Montrer que e(L/Qp ) = d. En déduire
que f (L/Qp ) = 1.
§ 6. Prolongements de valuations II
(6.1) Soit (K, v) un corps valué, que l’on ne suppose plus nécessairement complet. On se
donne une extension finie et séparable L de K et on note PL (v) l’ensemble des valuations sur L
prolongeant v.
(6.1.1) Soit a un élément primitif de L sur K et soit Ma (x) ∈ K[x] son polynôme minimal.
Écrivons
g
Y
Ma (x) =
Ma,i (x)
i=1
la décomposition comme produit de polynômes irréductibles et unitaires de Ma dans Kv [x]. Puisque
Ma est séparable, les facteurs irréductibles Ma,i sont à racines simples et deux-à-deux distincts.
Pour tout i ∈ {1, 2, . . . , g}, on note wi l’unique prolongement de v au corps Kv [x]/Ma,i (x), puis
on note ce corps Lwi .
Le polynôme Ma,i ayant une racine α dans Lwi et a étant un élément primitif de L, il y un
unique plongement φ de L dans Lwi qui envoie a sur α. On définit alors une valuation sur L par
b 7→ wi (φ(b)). En appliquant (5.8.2), on constate que cette valuation est indépendante du choix
de la racine α de Ma,i . On a note également wi . Il est clair que wi ∈ PL (v). La propriété suivante
garantit que les notations qui viennent d’introduites sont consistentes avec celles du § 5.
(6.1.2) Le corps Lwi est le complété de L en wi .
En effet, il suffit de vérifier que L est dense dans Lwi . Soit β ∈ Lwi . Alors β s’écrit sous la
P
(n)
chaque j une suite (λj )n d’éléments de K
forme rj=0 λj αj avec λj ∈ Kv . En choisissant pour
P (n)
j
converge vers β.
convergeant vers λj , il est clair que
j λj φ(a)
n
(6.1.3) Soit w ∈ PL (v). Alors il existe un indice i tel que w = wi .
En effet, soit Lw le complété de L en w. Alors a est un élément primitif de Lw sur Kv et
le polynôme minimal de a sur Kv est alors un polynôme irréductible de Kv [x] qui divise Ma (x).
Ce polynôme minimal est donc égal à l’un des facteurs Ma,i (x) de Ma (x) et il est alors clair que
w = wi .
(6.1.4) Proposition. Soit (K, v) un corps valué et soit L/K une extension finie séparable.
Alors
(i ) L’ensemble PL (v) est fini et non-vide. Son cardinal est égal au nombre de facteurs Kv [x]irréductibles du polynôme minimal d’un élément primitif de L sur K.
(ii ) On a
X
[Lw : Kv ] = [L : K].
w∈PL (v)
Démonstration. (i ) D’après les considérations qui précèdent, il suffit de vérifier que wi 6= wj
lorsque i 6= j. Supposons donc pour une contradiction qu’il existe deux indices i 6= j tels que
wi = wj . On peut alors identifier les deux complétés Lwi et Lwj . On choisit dans ce corps une
racine α de Ma,i et une racine β de Ma,j . Alors wi (P (a)) = wi (P (α)) et wj (P (a)) = wj (P (β))
45
pour tout P ∈ K[x]. Soit donc (Pn )n une suite de polynômes unitaires de K[x] dont chaque suite
de coefficients du même degré converge vers le coefficient de Ma,i (x) de degré correspondant. Alors
wi (Pn (a)) → +∞ car Ma,i (α) = 0 alors que wj (Pn (a)) P
reste borné puisque Ma,i (β) 6= 0.
(ii ) D’après le (i ), la formule à démontrer s’écrit gi=1 [Lwi : Kv ] = [L : K]. Mais Ma est de
degré
Qg [L : K] et, pour tout i ∈ {1, 2, . . . , g}, le degré de Ma,i est [Lwi : Kv ]. Puisque Ma (x) =
i=1 Ma,i (x), le résultat est alors clair.
(6.1.5) Supposons à présent que l’extension L/K soit galoisienne et notons Γ son groupe de
Galois. Si γ ∈ Γ et si w ∈ PL (v), alors a 7→ w(γ(a)) est une valuation sur L dont la restriction à
K est v. D’où une action à droite de Γ sur PL (v).
(6.1.6) Proposition. Soit (K, v) est un corps valué et soit L/K une extension finie galoisienne
de groupe Γ.
(i ) Les extensions Lw /Kv , où w parcourt PL (v), sont toutes galoisiennes et isomorphes.
(ii ) Les extensions Lw /Kv , w ∈ PL (v), sont toutes du même degré. Si d(v) désigne leur degré
commun, et si g(v) désigne le cardinal de PL (v), alors
d(v)g(v) = [L : K].
(iii ) L’action de Γ sur PL (v) est transitive.
(iv ) Soit w ∈ PL (v). Alors le groupe de Galois de Lw /Kv est naturellement isomorphe au
sous-groupe Γw = {σ ∈ Γ | w ◦ σ = w}.
Démonstration. (i ) On reprend les notations de (6.1.1). Soit a un élément primitif de L sur
K. Fixons une extension finie Ω de Kv contenant toutes les racines de Ma puis, pour tout i ∈
{1, 2, . . . , g}, un plongement φi de Lwi dans Ω. Alors tout conjugué de a est une fonction rationnelle
de a à coefficients dans K ⊆ Kv . Par conséquent, si i ∈ {1, 2, . . . , g}, chaque racine de Ma,i dans
Ω appartient à φi (Lwi ) et ce corps est donc le corps de rupture de Ma,i dans Ω. Par conséquent,
φi (Lwi )/Kv est une extension galoisienne, qui est donc indépendant du plongement φi . En outre,
si j ∈ {1, 2, . . . , g}, alors chaque racine de Ma,j dans Ω appartient à φi (Lwi ). On en tire que
φj (Lwj ) ⊆ φi (Lwi ) quelque soit i, j, et donc que φj (Lwj ) = φi (Lwi ) quelque soit i, j puis que Lwj
et Lwi sont isomorphes.
(ii ) découle alors de (6.1.4) (ii ).
(iii ) Soient w, w0 ∈ PL (v). D’après le (i ), il existe un isomorphisme ι : Lw → Lw0 entre les
complétés Lw et Lw0 . On a alors w = w0 ◦ ι. Mais, si a ∈ L, alors ι(a) est racine du polynôme
minimal de a. Par conséquent, ι(a) ∈ L et la restriction de ι à L est un automorphisme de L qui
fixe K, donc un élément γ de Γ. Par conséquent, w = w0 ◦ γ.
(iv ) Comme dans la démonstration du (iii ), un élément σ un élément du groupe de Galois
Gw de Lw /Kv induit un automorphisme de L/K, donc un élément de Γ. D’où un homomorphisme
Gw → Γ. Celui-ci est injectif, car L étant dense dans Lw , la restriction à L d’un élément différent
de l’élément neutre de Gw opère non-trivialement sur L. D’où une injection Gw → Γ, et l’image
est contenue dans Γw en raison de l’unicité du prolongement de v à Lw (5.8.2). Puisque Lw /Kv
est une extension galoisienne, l’ordre de Gw est égal à [Lw : Kv ] = d(v). Mais d’après (iii ), l’indice
de Γw dans Γ est égal au cardinal de PL (v), soit g(v). On conclut grâce à (ii ) que l’image de Gw
est égale à Γw .
(6.2) Soit (K, v) un corps valué et soit Kv le complété de K. Nous avons besoin de quelques
compléments concernant le lien entre les idéaux de l’anneau de valuation de K et ceux de Kv .
Rappelons que Kv est une extension de K et que K est dense dans Kv pour la topologie induite
par la valeur absolue | · |v .
46
(6.2.1) Soit (xn ) une suite à valeurs dans Kv . Si (xn ) est de Cauchy, ou convergente, alors
ou bien xn → 0 ou bien |xn |v est constante à partir d’un certain rang.
C’est une conséquence de (3.10.3).
En particulier, en prenant pour (xn ) une suite d’éléments de K convergeant vers l’élément
non-nul x de Kv , on voit que v(xn ) = v(x) à partir d’un certain rang. On en tire le résultat
suivant.
(6.2.2) Soit Kv le complété de (K, v). Alors v(Kv× ) = v(K × ).
On note respectivement OK et OK,v l’anneau de valuation de K et de Kv . Puisque Kv est une
extension de K, on a OK ⊆ OKv . On trouve dans (e3.7) une description de tous les idéaux d’un
anneau de valuation. Si I est un idéal de OK on note IOKv l’idéal de OKv engendré par I.
(6.2.3) Proposition. Soit (K, v) un corps valué et soit Kv le complété de K.
(i) Soit I un idéal de OK . Alors v(I) = v(IOKv ) et IOKv ∩ OK = I.
(ii ) I 7→ IOKv est une bijection entre l’ensemble des idéaux de OK et l’ensemble des idéaux
de OKv . Si MK est l’idéal maximal de OK , MK OKv est l’idéal maximal de OKv .
(iii ) Pour tout idéal I de OK , l’inclusion OK → OKv induit un isomorphisme OK /I '
OKv /IOKv . En particulier, les corps résiduels κK,v et κKv ,v sont isomorphes.
Démonstration. (i ) Il est clair que v(I) ⊆ v(IOKv ). Si x ∈ IOKv , x 6= 0, il existe une suite
(xn ) de K convergeant vers x. Alors v(xn ) = v(x) pour tout n assez grand. On en tire que
v(Kv× ) = v(K × ). Appliquons alors (e3.7), en supposant I 6= {0}. Il existe r ∈ R+ tel que I est
égal soit à Ir = {λ ∈ K | v(λ) ≥ r} soit à Ir+ = {λ ∈ K | v(λ) > r}. D’après ce qui précède,
on trouve que Ir OKv = {x ∈ Kv | v(x) ≥ r} et que Ir+ OKv = {x ∈ Kv | v(x) > r}. En étudiant
chacune des deux possibilités, on conclut aussitôt que IOKv ∩ OK = I.
(ii ) Si I, J sont deux idéaux tels que IOKv = JOKv , alors I = IOKv ∩ OK = JOKv ∩ OK = J
d’après le (i ). D’après (e3.7) et les formules Ir OKv = {x ∈ Kv | v(x) ≥ r} et Ir+ OKv = {x ∈
Kv | v(x) > r} de la preuve de (i ), tout idéal de OKv est de la forme IOKv avec I un idéal de
OK . Puisque I 7→ IOKv respecte les inclusions, il est clair que les deux idéaux maximaux sont en
correspondance.
(iii ) Considérons le composé α : OK → OKv /IOKv de l’inclusion de OK dans OKv et de
l’homomorphisme canonique OKv → OKv /IOKv . Par construction, on a ker α = IOKv ∩ OK .
D’après (i ), on a donc ker α = I. Soit ξ ∈ OKv /IOKv et soit x un élément OKv représentant ξ. Si
(xn ) est une suite d’éléments de K convergeant vers x, alors v(xn − x) → +∞ lorsque n → +∞.
En rappelant que I est de l’une des formes Ir ou Ir+ , on voit que xn − x ∈ I pour tout n assez
grand. Par conséquent, α(xn ) = ξ pour tout n assez grand et α est donc surjectif.
(6.3) Soit encore (K, v) un corps valué et soit L/K une extension séparable. Fixons un prolongement w de v à L. Nous allons étendre à ce cadre les notions de degré résiduel et de degré de
ramification déjà introduites (5.10), (5.11) dans le cas où K est complet.
Le noyau de l’homomorphisme OK,v → κL,w , composé de l’inclusion OK,v ⊆ OL,w et de
l’homomorphisme canonique est ML,w ∩ OK,v = MK,v . Par conséquent, κL,w est une extension
de κK,v , dont le degré (qui peut être fini ou infini) s’appelle le degré résiduel de L/K. Nous le
noterons par f (w|v, L/K) ou par f (w|v).
(6.3.1) On a f (w|v) ≤ [L : K]. En particulier, si L/K est une extension finie, alors f (w|v)
est fini.
Preuve. En effet, si n ∈ N∗ et si n ≤ f (w|v), il existe une famille κv -libre (ξ1 , ξ2 , . . . , ξn ) dans
κw . Puisque l’homomorphisme canonique πw : Ow → κw est surjectif et de noyau Mw , il existe
(x1 , x2 , . . . , xn )P∈ Own tel que πw (xi ) = ξi pour tout i. Alors (x1 , x2 , . . . , xn ) est une famille K-libre.
En effet, soit ni=1 λi xi = 0 est une relation de dépendance K-linéaire. Quitte à multiplier par
47
λ−1
i0 , l’indice i0 étant choisi de telle sorte que v(λi0 ) = mini v(λ
Pni ), on peut supposer que λi ∈ Ov
pour tout i et qu’il existe un indice i0 tel que λi0 = 1. Alors i=1 πv (λi )ξi = 0 est une relation de
dépendance κv -linéaire entre les ξi , ce qui est une contradiction.
(6.3.2) D’autre part de groupe v(K × ) = {α ∈ R | ∃ λ ∈ K × tel que v(λ) = α} est un sousgroupe de w(L× ). L’indice w(L× ) : v(K × ) s’appelle de degré de ramification de L/K. Nous
le noterons par e(w|v, L/K) ou par e(w|v). À nouveau, e(w|v) peut être fini ou infini et e(w|v)
est fini lorsque [L : K] est fini. En effet, lorsque K est complet, on tire (5.8) que e(w|v) divise
[L : K] lorsque [L : K] est fini. Le, cas général se déduit alors en appliquant (6.2.2). On dit que
l’extension séparable L/K est non-ramifiée lorsque l’extension κw /κv est séparable et lorsque
e(w|v) = 1, c’est-à-dire si v(K × ) = w(L× ).
(6.3.3) Soit L/K une extension séparable. Pour que L/K soit non-ramifiée il faut et il suffit
que toute extension intermédiaire finie soit non-ramifiée.
Preuve. En effet, κL est la réunion des κF lorsque F/K parcourt l’ensemble des extensions
intermédiaires finies de L/K. Par conséquent, κL /κk est séparable si et seulement si tous les
κF /κK le sont. En outre, si K ⊆ F ⊆ L, alors v(K × ) ⊆ w0 (F × ) ⊆ w(L× ) = v(K × ) et donc
w(F × ) = v(K × ). Réciproquement, si x ∈ L, alors K(x)/K est une extension finie, donc nonramifiée. Par conséquent, w(x) ∈ v(K × ). On a donc w(L× ) ⊆ v(K × ).
(6.3.4) Soit L/K une extension séparable et soit F un corps intermédiaire. Soit w0 la restriction de w à F . Alors
e(w|v) = e(w|w0 )e(w0 |v)
et
f (w|v) = f (w|w0 )f (w0 |v).
Preuve. En effet, si w0 désigne
le prolongement de v à F , alors la première formule découle
de l’égalité w(L× ) : v(K × ) = w(L× ) : w0 (F × ) w0 (F × ) : v(K × ) et la seconde de l’égalité
[κw : κv ] = [κw : κw0 ][κw0 : κv ].
(6.3.5) Proposition. Notons Kv , Lw les complétés respectifs de K et de L. Alors
e(w|v) = e(w|v, Lw /Kv )
et
f (w|v) = f (w|v, Lw /Kv ).
×
Preuve. En effet, en appliquant (6.2.2), on voit que w(L× ) : v(K × ) = w(L×
w ) : v(Kv ) ,
d’où la première égalité. En ce qui concerne la seconde, on a le diagramme commutatif
OL,w −−−→ OLw ,w −−−→ κLw ,w
x
x
x





 ,
OK,v −−−→ OKv ,v −−−→ κKv ,v
où les flèches verticales et les deux flèches horizontales à gauche sont les inclusions alors que
les deux flèches horizontales à droite sont les homomorphismes canoniques. D’après (6.2.3), les
homomorphismes composés OL,w → κLw ,w et OK,v → κKv ,v sont surjectifs et leurs noyaux sont
respectivement ML,w et MK,v . Mais ML,w ∩ OK,v = MK,v .
(6.4) Théorème. Soit (K, v) un corps valué et L/K une extension séparable finie. Si en plus
v est discrète, alors
e(w|v)f (w|v) = [Lw : Kv ].
C’est une conséquence immédiate de (5.12) et de (6.3.5).
48
Rappelons que Lw et Kv désignent respectivement le complété de L en w et celui de K en v.
On tire alors de (6.1.4) le corollaire suivant
(6.4.1) Corollaire. Soit (K, v) un corps valué discret et soit L/K une extension finie et séparable. Si PL (v) désigne l’ensemble des prolongements de v à L, alors
X
e(w|v)f (w|v) = [L : K].
w∈PL (v)
(6.4.2) Ces résultats suggèrent les définitions suivantes. Soit L/K une extension séparable
et soit w un prolongement à L de la valuation discrète v de K. Lorsque L/K est finie, on dit
que w est totalement ramifiée lorsque e(w|v) = [L : K] (et, par conséquent, w est l’unique
prolongement de v à L et f (w|v) = 1). En général, on dit que L/K est totalement ramifiée lorsque
toute extension finie intermédiaire F/K est totalement ramifiée.
(6.4.3) Supposons à présent que L/K soit galoisienne et notons Γ son groupe de Galois. Soit
w ∈ PL (v), soit F une extension intermédiaire et soit w0 la restriction de w à F . Soit τ ∈ Γ.
Alors w0 ◦ τ est la restriction de w ◦ τ à τ −1 (F ) et l’on a donc w0 (F × ) = w0 ◦ τ (τ −1 (F )× ). Par
conséquent,
e(w0 |v, F/K) = e(w0 ◦ τ |v, τ −1 (F )/K)
et, en particulier, e(w|v, L/K) = e(w ◦ τ |v, L/K). Puisque Γ opère transitivement sur PL (v)
(6.1.6), on en tire que l’indice de ramification e(w|v, L/K) ne dépend que de v et non du choix de
w ∈ PL (v). On le note alors e(v, L/K) ou e(v).
D’autre part, τ induit un isomorphisme de Ov -algèbres Oτ −1 (F ),w0 ◦τ → OF,w0 et donc, par
passage au quotient, un isomorphisme de κv -extensions κτ −1 (F ),w0 ◦τ → κF,w0 . Par conséquent,
f (w0 |v, F/K) = f (w0 ◦ τ |v, τ −1 (F )/K)
et, en particulier, f (w|v, L/K) = f (w ◦ τ |v, L/K). À nouveau, on conclut que le degré résiduel
f (w|v, L/K) ne dépend que de v et on le note alors f (v, L/K) ou f (v). En appliquant (6.4.1), on
obtient ainsi le corollaire suivant.
(6.4.4) Corollaire. Soit (K, v) un corps valué et soit L/K un extension finie galoisienne.
Alors le degré de ramification e(w|v) et le degré résiduel f (w|v) ne dépendent que de v et non du
choix de w ∈ PL (v). Si e(v) désignent la valeur commune des e(w|v) et f (v) celle des f (w|v), et
si g(v) désigne le cardinal de PL (v), alors
e(v)f (v)g(v) = [L : K].
(6.5) Proposition. Soit (K, v) un corps valué, soit L/K une extension finie et séparable et
soit PL (v) l’ensemble des prolongements de v à L. Soit a ∈ L. Alors les trois conditions suivantes
sont équivalentes.
T
(i ) a ∈ w∈PL (v) Ow ,
(ii ) Ma (x) ∈ Ov [x],
(iii ) Ca (x) ∈ Ov [x].
Q Démonstration. (i ) ⇒ (ii ). Soit L̃ une clôture galoisienne de L sur K. Écrivons Ma (x) =
i (x − ai ), les ai étant les conjugués de a dans L̃. On sait que le groupe de Galois de L̃/K opère
49
transitivement sur PL̃ (v) (6.1.6), ainsi que sur les ai . Puisque w(a) ≥ 0 pour tout w ∈ PL (v), on
en tire que que w̃(ai ) ≥ 0 pour tout i et pour tout w̃ ∈ PL̃ (v). Par conséquent, les coefficients
de Ma — qui sont des polynômes en les ai à coefficients dans Z — appartiennent à Ow̃ lorsque
w̃ ∈ PL̃ (v). Mais Ow̃ ∩ K = Ov , d’où Ma (x) ∈ Ov [x].
(ii ) ⇒ (iii ) est clair car Ca est une puissance de Ma .
(iii ) ⇒ (i ). Supposons pour une contradiction qu’il existe w ∈ PL (v) tel que w(a) < 0. On
reprend les notations utilisées dans (6.1) et notamment à partir de (??). Soit φ ∈ Φ tel que
w = wφ et soit Θ l’orbite de φ. En appliquant (5.9.4) à l’extension des complétés Lw /Kv , on
/ OKv ,v [x]. Mais Ca (x) ∈ Ov [x] ⊆ OKv ,v [x] et d’après le lemme de Gauss, tout
tire que CaΘ (x) ∈
polynôme unitaire de Kv [x] divisant Ca (x) appartient à OKv ,v [x], ce qui est une contradiction. EXERCICES
(e6.1) Soit (K, v) un corps valué, soit L une extension finie et séparable de K et soit a un élément
primitif de L. On suppose que a soit racine d’un polynôme unitaire à coefficients dans l’anneau de
valuation Ov de K (autrement dit, que a soit entier sur Ov ).
(i ) Pourquoi le polynôme minimal Ma de a est-il à coefficients dans Ov ?
On suppose désormais que le discriminant de Ma appartienne à Ov× et on note M̄a le polynôme à
coefficients dans le corps résiduel κv obtenu en appliquant l’homomorphisme canonique Ov → κv aux
coefficients de Ma .
(ii ) Montrer que le discriminant de M̄a est égal à l’image du discriminant de Ma par l’homomorphisme
canonique Ov → κv . En déduire que toutes les racines de M̄a (dans une clôture algébrique de κv ) sont
simples.
Q
(iii ) En utilisant le lemme de Hensel, montrer que si M̄a (x) = gi=1 Pi (x) est la factorisation comme
produit de polynômes irréductibles de M̄a dans κv [x], alors v possède g prolongements à L qui sont tous
non ramifiés et dont les degrés résiduels sont les degrés des facteurs irréductibles Pi (1 ≤ i ≤ g).
(e6.2) Soit L un corps quadratique (c’est-à-dire une extension de degré deux de Q) et soit p un
nombre premier. On note respectivement e(p, L), f (p, L) et g(p, L) le degré de ramification de ordp dans
L, le degré résiduel de ordp dans L et le nombre de prolongements de ordp à L.
(i ) À l’aide du corollaire (6.4.4), expliquer pourquoi e(p, L) et f (p, L) ne dépendent que de p et non
d’un prolongement de p à L et pourquoi un et un seul des entiers e(p, L), f (p, L) et g(p, L) vaut 2 et les
deux autres sont égaux à 1.
On dira que p est ramifié dans L, lorsque e(p, L) = 2, inert dans L lorsque f (p, L) = 2 et
décomposé dans L lorsque g(p, L) = 2.
On note S l’ensemble des entiers relatifs D ∈
/ {0, 1, 4} qui sont de l’une des deux formes suivantes :
soit (a) D ≡ 1 (mod 4) et D = ±p1 p2 · · · pt , où p1 , p2 , . . ., pt sont des nombres premiers impairs deuxà-deux distincts, soit (b) D = ±4p1 p2 · · · pt , où p1 , p2 , . . ., pt sont des nombres premiers deux-à-deux
distincts tels que D
4 6≡ 1 (mod 4).
(ii ) Montrer que S est un système complet de représentants de Q× suivant le groupe des carrés
(Q× )2 . En déduire qu’il existe un unique entier D ∈ S tel que L soit isomorphe à Q[x]/(x2 − D)Q[x]. On
appelle D le discriminant de L (voir aussi (e8.2)).
On note alors θ un élément de L vérifiant θ2 = D.
(iii ) Montrer que si p est impair et si divise D, alors w(θ) = 12 quelque soit le prolongement de ordp
à L. En déduire que p est ramifié dans L.
(iv ) On suppose que 2 divise D. Vérifier que ord2 (D) ∈ {2, 3}. Montrer que si w prolonge ord2 , alors
w 1 + 2θ = 12 lorsque ord2 (D) = 2 et que w(θ) = 12 lorsque ord2 (D) = 3.
On suppose désormais que p ne divise pas D.
(v ) On suppose que p est impair. Montrer que p est décomposé ou inert dans L selon que D est un
carré (mod p) ou non. (Reprendre (e5.2).)
(vi ) On suppose p = 2. Montrer que 2 est décomposé ou inert dans L selon que D ≡ 1 (mod 8) ou
D ≡ 5 (mod 8). (Considérer le polynôme x2 + x + D−1
4 et revoir (e5.3))
50
(vii ) En déduire que p est ramifié dans L si et seulement si p divise D. En conclure qu’il n’y a qu’un
nombre fini de nombres premiers p ramifiés dans un corps quadratique, et qu’il y en a toujours au moins
un.
(e6.3) On note L le corps de nombres Q(θ) où θ3 = 2. Si p est un nombre premier, on note PL (p)
l’ensemble PL (ordp ).
(i ) Montrer que si w ∈ PL (2), alors w(θ) = 31 . En déduire que e(w| ord2 ) = 3 puis que PL (2) ne
contient qu’un seul élément w, qui vérifie f (w| ord2 ) = 1.
(ii ) Montrer que si w ∈ PL (3), alors w(1 + θ) = 31 . (Appliquer (e5.4) au polynôme (x − 1)3 − 2.)
En déduire e(w| ord3 ) puis le cardinal de PL (3) ainsi que le degré de ramification et le degré résiduel de
chacun des éléments de PL (3).
(iii ) Soit p un nombre premier. On suppose que p ≡ 5 (mod 6). Expliquer pourquoi il existe un
unique α ∈ Z/pZ vérifiant α3 = 2. En déduire que x2 − 2 se factorise dans Z/pZ comme produit de x − α
avec un facteur irréductible de degré deux. En conclure que PL (p) contient deux éléments w1 et w2 dont
un (w2 disons) vérifie f (w2 | ordp ) = 2, puis que f (w1 | ordp ) = e(w1 | ordp ) = e(w2 | ordp ) = 1.
(iv ) On suppose que p est un nombre premier vérifiant p ≡ 1 (mod 6). Montrer que dans Qp le
polynôme x3 − 2 est soit irréductible soit produit de trois facteurs de degré un deux-à-deux distincts.
Montrer que si x3 − 2 est irréductible, alors PL (p) contient un seul élément dont le degré résiduel est 3 et
le degré de ramification est 1. Que se passe-t-il lorsque x3 − 2 est produit de trois facteurs de degré un ?
§ 7. Comparaison de valuations
(7.1) Cette section fait suite à la § 3. Si (K, v) est un corps valué, on note respectivement Ov
et Mv son anneau de valuation et l’idéal maximal de Ov . On pose Mv−1 = {1/a | a ∈ Mv \ {0}}, de
sorte que K est la réunion disjointe de Mv−1 , de Ov× et de Mv (voir (3.4.1)). Nous allons surtout
étudier le cas où K est muni de plusieurs valuations deux-à-deux inéquivalentes.
Rappelons que deux valuations v et w sur K sont dites équivalentes si Ov = Ow . Une place
est une classe d’équivalence de valuations.
(7.1.1) Proposition. Soit K un corps et soient v, w deux valuations sur K. Alors les conditions suivantes sont équivalentes.
(i ) Il existe λ > 0 tel que w = λv.
(ii ) v et w sont équivalentes.
(iii ) Mv = Mw .
Preuve. Il est clair que (i ) ⇒ (ii ) et que (ii ) ⇒ (iii ). Montrons que (iii ) ⇒ (ii ). Puisque
Mv = Mw , on a Mv−1 = Mw−1 d’où, en prenant les complélmentaires dans K, on trouve Ov = Ow .
Pour conclure, il suffit de montrer que (ii ) et (iii ) ensemble impliquent (i ). Notons O l’anneau
Ov = Ow et M son idéal maximal. Il suffit de montrer qu’il existe λ > 0 tel que w(a) = λv(a)
pour tout a ∈ O.
Le résultat est clair si v et w sont triviales. On suppose donc v non triviale et on fixe x0 ∈ M
0)
tel que x0 6= 0 ; on, pose alors λ = w(x
. Par hypothèse, on a λ > 0. Posons E = {x ∈ O | w(x) =
v(x0 )
λv(x)}. Il est clair que O× ⊆ E et que x0 ∈ E. Soit x ∈ M . Supposons d’abord qu’il existe m,
×
n ∈ N tels que nv(x) = mv(x0 ). Alors v(xn ) = v(xm
0 ) et, par conséquent, il existe y ∈ O tel que
1
1
1
m
m
n
m
n
m
m
x = x0 y. Par conséquent, w(x) = n w(x ) = n w(x0 y) = n w(x0 ) = n w(x0 ) = λ n v(x0 ) = λv(x),
d’où x ∈ E.
v(x)
∈ Q. Ça suffit pour
On conclut que E contient tous les éléments x de O qui vérifient v(x
0)
×
établir (i ) lorsque v est discrète. Dans le cas contraire, le groupe v(K ) est dense dans R. Si donc
x ∈ O et si ε > 0, il existe y1 , y2 ∈ E vérifiant v(x) − ε ≤ v(y1 ) ≤ v(x) ≤ v(y2 ) ≤ v(x) + ε. Puisque
51
v(y1 ) ≤ v(x), il existe z1 ∈ O tel que x = y1 z1 . Par conséquent, w(y1 ) ≤ w(x). Par un argument
semblable, w(x) ≤ w(y2 ). Puisque y1 , y2 ∈ E, on en tire que
λ(v(x) − ε) ≤ λv(y1 ) = w(y1 ) ≤ w(x) ≤ w(y2 ) = λv(y2 ) ≤ λ(v(x) + ε).
En faisant tendre ε vers 0, on en déduit que x ∈ E.
Lorsqu’une des valuations est non-triviale, la proposition (7.1.1) peut être améliorée.
(7.2) Proposition. Soient v, w deux valuations sur le même corps K. On suppose que w est
non triviale. Les trois conditions suivantes sont alors équivalentes.
(i ) Il existe λ > 0 tel que w = λv.
(ii ) Mw ⊆ Mv .
(iii ) Ov ⊆ Ow .
Preuve. Il est clair que (i ) implique (ii ).
(ii ) ⇒ (iii ). Si Mw ⊆ Mv , alors Mw−1 ⊆ Mv−1 d’où, en prenant les complémentaires dans K,
Ow ⊇ Ov .
(iii ) ⇒ (i ). D’après la proposition (7.1.1), il suffit de montrer que Ov = Ow . On suppose pour
une contradiction que Ov ⊆ Ow mais que Ov 6= Ow . Alors Ov 6= K, et v est donc non triviale.
Soit alors x ∈ K vérifiant w(x) ≥ 0 et v(x) < 0. Alors v(1 + x) = min(v(1), v(x)) = v(x), et donc
v(x/(1 + x)) = 0. Par conséquent, x/(1 + x) ∈ Ov× et donc x/(1 + x) ∈ Ow× . Il s’ensuit que x ∈ Ow× .
En effet, dans le contraire, on a w(x) > 0, d’où w(1 + x) = 0 et donc w(x/(1 + x)) = w(x) > 0,
en contradiction avec x/(1 + x) ∈ Ow× .
Puisque w est non triviale, il existe y ∈ K tel que w(y) < 0. Puisque x ∈ Ow× , on a w(y/xn ) =
w(y) − nw(x) = w(y) < 0 et donc y/xn ∈
/ Ow quelque soit l’entier n. Par contre, v(x) < 0 et donc
v(y/xn ) = v(y) − nv(x) est positif pour tout n assez grand. On en tire que y/xn ∈ Ov pour tout
n assez grand, ce qui contredit l’hypothèse que Ov ⊆ Ow .
(7.2.1) Corollaire. Soient v, w deux valuations non-triviales et non-équivalentes sur le même
corps K. Alors il existe a ∈ K × tel que v(a) < 0 et w(a) > 0.
Preuve. En effet, w étant non triviale, on a Ov 6⊆ Ow . et il existe x ∈ K vérifiant v(x) < 0
et w(x) ≥ 0. Puisque v est non triviale, on peut inverser les rôles de v et de w et en déduire
l’existence de y ∈ K vérifiant w(y) < 0 et v(y) ≥ 0. il suffit alors de prendre a = x/y.
(7.2.2) Corollaire. Soit n ≥ 2 un entier et soient v1 , v2 , . . ., vn une famille finie de valuations
deux-à-deux non-équivalentes sur le corps K. Alors il existe a ∈ K tel que v1 (a) < 0 et vi (a) > 0
pour tout i ∈ {2, 3, . . . , n}.
Preuve. Le corollaire précédent traite le cas n = 2. Supposons donc que n ≥ 3 et qu’il existe
b ∈ K vérifiant v1 (b) < 0 et vi (b) > 0 lorsque i ∈ {2, 3, . . . , n − 1}. Soit c ∈ K tel que v1 (c) < 0 et
vn (c) > 0.
Si vn (b) > 0, il suffit de prendre a = b.
Si vn (b) = 0, il suffit de prendre a = bm c avec m ∈ N assez grand. En effet, on a v1 (bm c) =
mv1 (b) + v(c) < 0 et v(bm c) = v(c) > 0. Si i ∈ {2, 3, . . . , n − 1}, alors vi (bm c) = mvi (b) + v(c) et
donc vi (bm c) > 0 pour tout m assez grand.
Enfin, si vn (b) < 0, il suffit de prendre a = bm c(1 + bm ) avec m assez grand. En effet, si m ≥ 1,
alors v1 (1 + bm ) = min(v1 (1), v1 (bm )) = v1 (bm ) et donc v1 (bm c/(1 + bm )) = v1 (bm ) + v1 (c) − v1 (1 +
bm ) = v1 (c) < 0. Par le même argument, on a vn (bm c/(1+bm )) = vn (c) > 0. Si i ∈ {2, 3, . . . , n−1},
alors vi (1 + bm ) = 0 lorsque m ≥ 1 et donc vi (bm c/(1 + bm )) = vi (bm ) + vi (c) − vi (1 + bm ) =
mvi (b) + vi (c) ce qui est > 0 pour tout m assez grand.
52
(7.3) Théorème (théorème d’approximation faible). Soit n ≥ 1 un entier, soit v1 , v2 , . . .,
vn une famille finie de valuations non-triviales et non-équivalentes sur le corps K. Soient x1 , x2 ,
. . ., xn des éléments de K et soit R > 0. Alors il existe x ∈ K vérifiant vi (x − xi ) ≥ R pour tout
i ∈ {1, 2, . . . , n}.
Preuve. Si n = 1, il suffit de prendre x = x1 . Supposons donc que n ≥ 2. Soit i ∈ {1, 2, . . . , n}.
D’après (7.2.2), il existe ai ∈ K tel que vi (a) < 0 et vj (a) > 0 pour tout j 6= i, j ∈ {1, 2, . . . , n}.
m
Posons bi = am
choisi plus tard. Alors vj (bi ) = mvj (ai ) lorsque
i /(1 + ai ), où l’entier m >
0 sera −m
−m
−m
j 6= i et vi (bi − 1) = vP
+ 1) = vi (a
i − ai /(ai
Pi ) = mvi (1/ai ).
Posons donc x = nj=1 bj xj . Alors x − xi = j6=i bj xj + (bi − 1)xi , d’où
vi (x − xi ) ≥ min vi ((bi − 1)xi ), min vi (bj xj ) .
j6=i
Puisque vj (ai ) > 0 lorsque j 6= i et vi (1/ai ) > 0, les formules vj (bi ) = mvj (ai ) (j 6= i) et
vi (bi − 1) = mvi (1/ai ) montrent qu’en choisissant m assez grand, on peut supposer vi (bj xj ) ≥ R
et vi ((bi − 1)xi ) ≥ R. Il s’ensuit que vi (x − xi ) ≥ R, ce qui achève la démonstration.
(7.3.1) Corollaire. On reprend les hypothèses de (7.3), en supposant en plus que xi 6= 0 pour
tout i. Alors il existe x ∈ K tel que vi (x) = vi (xi ) pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n}.
Preuve. Puisque les xi sont non nuls, on peut choisir R > 0 tel que vi (xi ) < R pour tout
i. Soit alors x ∈ K vérifiant vi (x − xi ) ≥ R pour tout i. Alors vi (x − xi ) > vi (xi ) et donc
vi (x) = min(vi (x − xi ), vi (xi )) = vi (xi ) pour tout i d’après (3.2) (iv ).
(7.3.2) Théorème. On reprend les hypothèses duTthéorème (7.3), en supposant en plus que
toutes les valuations vi soient discrètes. On pose A = ni=1 Ovi .
(i ) Soit i ∈ {1, 2, . . . , n}. Alors Ovi possède une uniformisante πi vérifiant vj (πi ) = 0 pour
tout j 6= i.
On choisit pour tout i une uniformisante πi comme dans le (i ).
est un anneau principal, et tout idéal non nul de A a un unique générateur de la forme
Qn (ii )mA
i
avec mi ∈ N pour tout i.
i=1 πi
(iii ) Les idéaux premiers non nuls de A sont les idéaux πi A, i ∈ {1, 2, . . . , n}. Ils sont tous
maximaux et l’inclusion A ⊆ Ovi induit un isomorphisme A/πi A ' Ovi /πi Ovi .
Preuve. (i ) Il suffit d’appliquer le corollaire précédent avec pour xi une uniformisante de vi et
xj = 1 lorsque j 6= i.
(ii ) Puisque la valuation vi est discrète, elle est équivalente à ordπi . Sans perte de généralité,
on peut donc supposer que vi = ordπi pour tout i. On a donc vi (πi ) = 1 lorsque et vj (πi ) = 0
lorsque j 6= i.
Soit donc I 6= {0} un idéal
tout i ∈ {1, 2, . . . , n}, on pose mi = mi (I) = inf{vi (x) |
Qnde A.miPour
x ∈ I}. Il est clair que I ⊆
π
A.
Nous
allons montrer l’inclusion réciproque. Pour cela, il
i=1 i
suffit
un élément x vérifiant vi (x) = mi pour tout i. En effet, on a alors
Q de montrer que I contient
Q
x/ ni=1 πImi ∈ A× , d’où ni=1 πImi ∈ I.
Soit donc y ∈ I tel que y 6= 0. Pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n}, on note xi un élément de I
vérifiant vi (xi ) = mi . Soit R un réel tel que vi (y) ≤ R et mi < R pour tout i. D’après le théorème
(7.3), il existe x ∈ K vérifiant vi (x − xi ) ≥ R pour tout i. Alors vi (x − xi ) > vi (xi ) et donc
vi (x) = vi (xi ) = mi pour tout i. Il faut montrer que x ∈ I. Pour cela, in écrit
x − x i
x=
y + xi .
y
Dans cette formule, on a xi ∈ I et y ∈ I. En outre, vi (x − xi ) ≥ R ≥ vi (y) pour tout i et donc
(x − xi )/y ∈ A. Il s’ensuit que x ∈ I.
53
(iii )P
Soit I 6= A un idéal non-nul
de A et soit mi l’entier défini lors de la démonstration de
Q
(ii ). Si ni=1 mi ≥ 2, l’élément ni=1 πimi ne peut pas être
Pnirréductible et, par conséquent, I ne
peut être premier. On en tire que si I est premier, alors i=1 mi = 1, puis qu’il existe un unique
indice i tel que mi = 1 et mj = 0 pour tout j 6= i. Autrement dit, si I est premier, il est de la
forme πi A. On tire aussitôt de (ii ) que les idéaux πi A (1 ≤ i ≤ n) sont maximaux, donc premiers.
Soit enfin φ : A → Ovi /Mvi le composé de l’homomomorphisme canonique Ovi → Ovi /Mvi
et de l’inclusion A ⊆ Ovi . Alors ker φ est un idéal premier de A. Puisque πi ∈ ker φ et πi A est
maximal, on en tire que ker φ = πi A. Montrons que φ est surjectif. Soit y ∈ Ovi . En appliquant
(7.3), on voit qu’il existe x ∈ K vérifiant vi (x − y) ≥ 1 et vj (x − 1) ≥ 1 lorsque j 6= i. Alors
vj (x) = vj (1) = 0 lorsque j 6= i et vi (x) ≥ 0. Il s’ensuit que x ∈ A. Enfin, la condition vi (x−y) ≥ 1
montre que φ(x) = y + Mvi , et donc que y + Mvi ∈ im φ.
EXERCICES
(e7.1) Soit n ≥ 1 un entier et soit v1 , v2 , . . ., vn une famille de n valuations sur le corps K. On
suppose que les vi sont non triviales et deux-à-deux non-équivalentes. Montrer que K est dense dans le
Q
produit ni=1 Kvi des complétés de K, muni de la topologie produit. (Appliquer (7.3) ; cela justifie le nom
« théorème d’approximation » donné à ce résultat. On parle du « théorème d’approximation faible » car
il y a également une notion « d’approximation forte ».)
§ 8. Factorisation en produit d’idéaux premiers
(8.1) Dans cette section, nous allons démontrer, à l’aide de ce qui précède, la célèbre généralisation aux corps de nombres de la factorisation comme produit de puissances de nombres premiers
d’un entier (ou nombre) rationnel. Rappelons qu’un corps de nombres est une extension finie
de Q, c’est-à-dire un corps L qui est un Q-espace vectoriel de dimension finie. À l’intérieur de L
on trouve un anneau, appelé l’anneau des entiers de L, que nous allons noter ZL , qui joue le
rôle de Z dans le cas où L = Q. Le résultat suivant sera alors un cas particulier des résultats qui
suivent.
(8.1.1) Théorème. Soit L un corps de nombres et soit ZL son anneau des entiers. Alors tout
idéal non nul de ZL s’écrit comme produit d’idéaux premiers de manière unique à ordre près.
(8.1.2) Il y a plusieurs manières de démonstrer de ce résultat. Celle que nous allons présenter
ici a comme point de départ l’exercice (e3.1), qui montre que l’ensemble des valuations sur le corps
des rationnels Q (à équivalence près) est en bijection avec l’ensemble des nombres premiers.
En anticipant la notation qui sera introduite dans les paragraphes qui suivent, on note Σ
l’ensemble de toutes les valuations de la forme ordp , où p parcourt l’ensemble des nombres premiers.
Alors Σ contient un et un seul représentant de l’ensemble des valuations de Q à équivalence près
(voir (3.7.1)). On a alors
\
(∗)
Z(p) = Z,
p premier
où Z(p) est l’anneau de valuation de ordp . Cette formule dit tout simplement que le rationnel a 6= 0
appartient à Z si et seulement si ordp (a) ≥ 0 pour tout p.
54
On appelle
diviseur un élément du groupe abélien libre DivΣ (Q) engendré par
P
Q Σ.npÀ tout
élément p np [ordp ] de DivΣ (Q), on associe l’idéal fractionnaire de Z engendré par p p . Réciproquement,
à tout idéal fractionnaire non nul de Z, avec générateur a, on peut associer le diviseur
P
p ordp (a)[ordp ].
Si A est un anneau intègre avec corps de fractions K, on note I(A) l’ensemble des idéaux
fractionnaires non nuls de A (1.4.1). Il s’agit d’un monoı̈de commutatif pour la multiplication des
idéaux, ayant pour élément neutre l’idéal A de A. En géneral, I(A) n’est pas un groupe, car si
I ∈ I(A), il n’existe pas de J ∈ I(A) vérifiant IJ = A. On dit que I est inversible s’il existe
J ∈ I(A) vérifiant IJ = A. Or, tout idéal principal est inversible, car si I = aA, a ∈ K × , alors
l’idéal J = a1 A vérifie bien IJ = A. Par conséquent, si A est un anneau principal, alors I(A) est
un groupe.
En revenant à la discussion précédente, on obtient ainsi deux applications DivΣ (Q) → I(Z)
et I(Z) → DivΣ (Q) et on vérifie aussitôt qu’il s’agit d’isomorphismes de groupes, l’une étant la
fonction réciproque de l’autre. En outre, ces isomorphismes mettent en correspondance les idéaux
premiers non nuls de Z et les diviseurs de la forme [ordp ]. Même si la vérification est facile, il est
important de noter que la factorisation unique dans Z joue un rôle essentiel.
(8.1.3) Si L est un corps de nombres, ZL n’est plus un anneau principal en général. On note
alors Σ(L) l’ensemble des prolongements d’éléments de Σ à L et DivΣ (L) le groupe abélien libre
engendré par Σ(L). Nous allons définir deux morphismes de monoı̈des δ : I(ZL ) → DivΣ (L) et
ι : DivΣ (L) → I(ZL ) puis montrer qu’ils s’agissent de deux applications mutuellement réciproques
qui mettent en correspondance des éléments de Σ(L) et les idéaux premiers non nuls de ZL . Puisque
DivΣ (L) est un groupe, on en tire que I(ZL ) est un groupe. Enfin, on en déduit le théorème (8.1.1)
par un argument facile.
Explicitement, on
Ppeut supposer toutes les valuations w ∈ Σ(L) normalisées de telle façon que
w(L× ) = Z. Si D = w nw [w] ∈ DivΣ (L), alors on vérifie que
ι(D) = {x ∈ L | w(x) ≥ nw pour tout w ∈ Σ(L)}
est bien un idéal fractionnnaire et, lorsque I ∈ I(ZL ), que
X
δ(I) =
mw (I)[w],
où mw (I) = min{w(x) | x ∈ I}
appartient à DivΣ (L). En outre, il faut montrer que δ ◦ ι et ι ◦ δ sont les applications identiques
respectives de DivΣ (L) et de I(ZL ), et que les idéaux premiers non-nuls de ZL correspondent aux
éléments de Σ(L). Si ZL était un anneau principal, tout cela serait facile. Le cas général nécessitera
un peu de soin.
(8.2) En vue de certaines généralisations qui ont des applications importantes, par exemple
en théorie des nombres géométrique, nous allons axiomatiser le cadre dans lequel nous allons
travailler.
(8.2.1) Soit donc K un corps
T et soit Σ une famille de places (classes d’équivalence de valuations) sur
K.
On
pose
O
=
Σ
S
Tv∈Σ Ov et, si L est une extension finie séparable de K, on note
Σ(L) = v∈Σ PL (v) et OL,Σ = w∈Σ(L) OL,w . Ici, comme auparavant, Ov est l’anneau de valuation
de v. On note désormais PL (v) l’ensemble des places de L prolongeant v et, si w est une place de
L, OL,w est l’anneau de valuation de w. Puisque toute intersection d’anneaux est un anneau, on
constate que OΣ est un sous-anneau de K et que OL,Σ est un sous-anneau de L.
(8.2.2) Théorème. Soit a ∈ L. Les trois conditions suivantes sont équivalentes.
(i ) a ∈ OL,Σ .
55
(ii ) Ma ∈ OΣ [x].
(iii ) Ca ∈ OΣ [x].
S
Puisque Σ(L) = v∈Σ PL (v), ce résultat découle de (6.5).
Exemple. Lorsque K = Q et Σ est l’ensemble des places p-adiques, avec p parcourant l’ensemble
de tous les nombres premiers, on a OΣ = Z. En plus, L est un corps de nombres. Si a ∈ L, alors
a ∈ OL,Σ si et seulement si Ma ∈ Z[x]. Rappelons que a ∈ L est dit un entier algébrique
s’il existe f ∈ Z[x] vérifiant f (a) = 0. En appliquant le lemme de Gauss, on voit que a est un
entier algébrique si et seulement si son polynôme minimal Ma appartient à Z[x]. Par conséquent, le
théorème dit que OL,Σ est l’ensemble des entiers algébriques de L. On appelle donc OL,Σ l’anneau
des entiers de L, et on le note ZL .
(8.2.3) Proposition. Soit a ∈ L. Les conditions suivantes sont équivalentes.
×
(i ) a ∈ OL,Σ
.
(ii ) Ma ∈ OΣ [x] et le coefficient constant de Ma appartient à OΣ× .
(iii ) Ca ∈ OΣ [x] et le coefficient constant de Ca appartient à OΣ× .
Preuve. (i )⇒(ii ). On sait déjà que Ma ∈ OΣ [x]. Par hypothèse, 1/a ∈ OL,Σ , et donc M1/a ∈
OΣ [x]. Soit M̃ le polynôme x[K(a):K] Ma (1/x). Alors M̃ (1/a) = 0 et M̃ est du même degré [K(a) : K]
que Ma et, puisque [K(a) : K] = [K(1/a) : K], M̃ est également du même degré que M1/a . Par
conséquent, M̃ est un multiple constant de M1/a . Soit donc m0 le coefficient constant de Ma ; alors
m0 est également le coefficient directeur de M̃ . Il s’ensuit que M̃ = m0 M1/a . Mais le coefficient
constant de M̃ est un, et donc celui de M1/a est 1/m0 . Puisque M1/a ∈ OΣ [x] et m0 ∈ OΣ , on en
tire que m0 ∈ OΣ× .
(ii )⇒(iii ). Puisque Ca est une puissance de Ma , le coefficient constant c0 de Ca est une
puissance du coefficient constant m0 de Ma . On en tire que si m0 ∈ OΣ× , alors c0 ∈ OΣ× .
(iii )⇒(i ). On écrit Ca (x) = c0 + c1 x + · · · + cn−1 xn−1 + xn , où ci ∈ OΣ pour tout i et c0 ∈ OΣ× .
Puisque Ca (a) = 0, on a
c0 = −a(c1 + · · · + cn−1 an−2 + an−1 ).
D’après (8.2.2), a appartient à OL,Σ . On en tire que c1 + · · · + cn−1 an−2 + an−1 appartient à OL,Σ .
×
×
Par hypothèse, leur produit appartient à OL,Σ
. On en tire que a ∈ OL,Σ
.
×
(8.2.4) Corollaire. Pour que l’élément a de OL,Σ appartienne à OL,Σ
, il faut et il suffit que
×
NL/K (a) ∈ OΣ .
Cela découle de (8.2.3) en rappelant que le coefficient constant de Ca est égal à ± NL/K (a).
(8.3) Jusqu’à la finT
de ce paragraphe, on note K un corps et Σ une famille de places sur K.
On note encore OΣ = v∈Σ Ov . On suppose, jusqu’à la fin de ce paragraphe, que ces données
vérifiant les trois hypothèses suivantes.
(a) Elles sont non-triviales et discrètes.
(b) OΣ est un anneau principal dont le corps de fractions est K.
(c) Tout v ∈ Σ est la classe d’équivalence d’une valuation de la forme ordπ , π un élément
irréductible de OΣ .
Ces hypothèses sont satisfaites dans deux cas importants.
(i ) K = Q et Σ est l’ensemble des classes d’équivalences des valuations ordp , où p parcourt
l’ensemble des nombres premiers. En effet, on a alors OΣ = {x ∈ Q | ordp (x) ≥ 0 pour tout p},
d’où OΣ = Z. Si p et q sont deux nombres premiers distincts, alors ordp et ordq ne sont pas
équivalentes. Il est alors clair que les conditions (a), (b) et (c) sont satisfaites.
(ii ) K = k(x), k étant un corps et x une indéterminée. Ici, on prend pour Σ l’ensemble des
classes des valuations ordP , où P parcourt l’ensemble des polynômes irréductibles unitaires de
56
k[x]. On a alors OΣ = k[x]. À nouveau, il est clair que les trois conditions (a), (b) et (c) sont
satisfaites.
En pratique, on confondera souvent une place avec l’une des valuations qu’elle contient. Le
lecteur attentif vérifiera que les énoncés qui suivent ne dépend pas du choix qui est fait.
(8.3.1) Si v ∈ Σ, alors la restriction de v à OΣ est non-triviale. Par conséquent, il existe
x ∈ OΣ vérifiant x 6= 0 et v(x) > 0.
En effet, si v était triviale sur OΣ , alors elle le sera sur le corps de fractions de OΣ d’après
(3.3). Elle sera donc triviale sur K, contrairement aux hypothèses.
(8.3.2) Si v ∈ Σ, on note M(v) = Mv ∩ OΣ . Alors M(v) est un idéal maximal de Σ et v 7→ M(v)
est une bijection de Σ sur l’ensemble spm (OΣ ) les idéaux maximaux de OΣ .
Démonstration. Il est clair que M(v) est un idéal premier. En outre, M(v) 6= {0}, car M(v) =
{x ∈ OΣ | v(x) > 0} contient un élément non-nul d’après (8.3.1). Par hypothèse, OΣ est un anneau
principal. Mais dans un anneau principal, tout idéal premier non-nul est maximal.
Soit v 0 6= v un second élément de Σ. Puisque OΣ est un anneau principal, M(v) est engendré
par un élément irréductible πv . On a alors v(πv ) > 0 et v 0 (πv ) = 0. Par conséquent, πv ∈
/ M(v0 ) ,
d’où M(v) 6= M(v0 ) .
Soit enfin M un idéal maximal de OΣ . Si π est un générateur de M , alors ordπ est une
valuation discrète sur K. Remarquons qu’il existe v ∈ Σ avec v(π) > 0, car dans le cas contraire,
on aurait v(π) = 0 pour tout v ∈ Σ et donc π ∈ OΣ× , ce qui est impossible. Soit donc v ∈ Σ tel
que v(π) > 0 ; nous allons montrer que M = M(v) . Puisque v(π) > 0 et π ∈ OΣ , on a π ∈ M(v) .
Puisque π engendre M , on en tire que M ⊆ M(v) . Mais M et M(v) sont deux idéaux maximaux
de OΣ , d’où M = M(v) .
(8.3.3) Soit λ ∈ K × . Il n’y a qu’un nombre fini de v ∈ Σ tels que v(λ) 6= 0.
Puisque OΣ est un anneau principal, il n’y a qu’un nombre fini d’irréductibles π de OΣ (à
association près) qui entre dans la factorisation de λ. Cela veut dire qu’il n’y a qu’un nombe fini
de π tel que ordπ (λ) 6= 0. L’affirmation est alors une conséquence de la condition (c).
(8.3.4) Soit v ∈ Σ. On note Sv l’ensemble multiplicatif {λ ∈ OΣ | v(λ) = 0}. Alors Ov =
Σv−1 OΣ .
Preuve. Il est clair que si λ ∈ OΣ et si µ ∈ Σv , alors µλ ∈ Ov . Soit π un élément irréductible
de OΣ tel que v est équivalente à ordπ . Alors Ov = Oordπ et donc tout élément de Ov s’écrit sous
la forme π n β avec n ≥ 0 et β ∈ K × vérifiant v(β) = 0. Puisque OΣ est un anneau principal
dont le corps de fractions est K, β s’écrit comme quotient µλ avec λ, µ ∈ Sv . Il s’ensuit que
n
π n β = πµλ ∈ Sv−1 OΣ .
(8.4) Soit L une extension finie séparable de K ; on note alors Σ(L) l’ensemble des prolongements des places de ΣSà K. Rappelons que PL (v) désigne l’ensemble des prolongements de v à L,
de sorte queTΣ(L) = v∈Σ PL (v). Rappelons
(??) queTPL (v) est un ensemble fini. On note encore
T
OL,PL (v) = w∈PL (v) OL,w et OL,Σ = w∈Σ(L) OL,w = v∈Σ OL,PL (v) .
(8.4.1) Soit a ∈ L× . Alors il n’y a qu’un nombre fini de w ∈ Σ(L) vérifiant w(a) 6= 0.
Preuve. Soit v ∈ Σ. Pour qu’il existe w ∈ PL (v) tel que w(a) < 0, il faut et il suffit, d’après
(6.5), que Ma ∈
/ Ov [x]. Or, d’après (8.3.3), il n’y a qu’un nombre fini de v ∈ Σ tel que Ma ∈
/ Ov [x].
Puisque PL (v) est un ensemble fini lorsque v ∈ Σ, on en tire qu’il n’y a qu’un nombre fini de
w ∈ Σ(K) tel que w(a) < 0. En appliquant le même raisonnement à 1/a, on voit qu’il n’y a qu’un
57
nombre fini de w ∈ Σ(L) tel que w(a) > 0.
(8.4.2) Proposition. Soit v ∈ Σ. Alors OL,PL (v) = Sv−1 OL,Σ .
Démonstration. Soient a, b ∈ L et soit v ∈ Σ. D’après (6.5), on a a ∈ OL,PL (v) si et seulement
si Ma (x) ∈ Ov [x]. D’après (8.3.4), on a b ∈ OL,Σ si et seulement si Mb (x) ∈ OΣ [x]. Si λ ∈ K × et
si b ∈ L, le polynôme minimal Mb/λ de λb est λ−d Mb (λx), où d = [K(b) : K].
(8.4.3) Proposition. Soit T une partie finie de Σ(L). Pour tout w ∈ T , on se donne xw ∈ L× .
Alors il existe x ∈ L vérifiant w(x) = w(xw ) lorsque w ∈ T et w(x) ≥ 0 lorsque w ∈
/S
T.
Démonstration. D’après (??), il existe S
une partie finie T0 de Σ telle que T ⊆ v∈T0 PL (v).
Quitte à agrandir T , on peut supposer T = v∈T0 PL (v). D’après (7.3.1), il existe y ∈ L× vérifiant
0
w(y) = w(xw ) pour tout w ∈ T . Soit T S
= {w ∈ Σ \ T | w(y) < 0}. Alors il existe une partie finie
0
0
T0 de Σ, disjointe de T0 , telle que T ⊆ v∈T 0 PL (v). Puisque OΣ est un anneau principal, il existe
0
λ ∈ OΣ vérifiant v(λ) = 0 pour tout v ∈ T0 et v(λ) > 0 pour tout v ∈ T00 . Il suffit alors de prendre
x = yλn pour un entier n suffisament grand.
(8.5) Notons I = I(OL,Σ ) le monoı̈de des idéaux fractionnaires non-nuls de OL,Σ (voir (8.1.2)).
Si I ∈ I et si v ∈ Σ, alors IOL,PL (v) désigne le OL,PL (v) -idéal fractionnaire engendré par I.
(8.5.1) Tout élément de IOL,PL (v) s’écrit sous la forme x/s avec x ∈ I et s ∈ Sv .
P
En effet, un élément de IOL,PL (v) est a priori une somme i ai xi avec ai ∈ I et xi ∈ OL,PL (v)
pour tout i. D’après (8.4.2), on peut écrire xi = ysii avec yi ∈ OL,Σ et si ∈ Sv . Si donc on pose
P
Q
P
ai zi /s avec zi ∈ OL,Σ . Puisque I est
s = i si , alors s ∈ Sv et i aiP
xi devient de la forme
un idéal fractionnaire de OL,Σ ,
ai zi est un élément x de I.
T
T
(8.5.2) Proposition. Soit I ∈ I. Alors I = v∈Σ IOL,PL (v) = w∈Σ(L) IOL,w .
T
Démonstration.
Si
v
∈
Σ,
on
a
IO
=
L,P
(v)
L
w∈PL (v) IOL,w d’après (7.3.2). On en déduit
T
T
aussitôt que v∈Σ IOL,PTL (v) = w∈Σ(L) IOL,w . T
Il est clair que I ⊆ v∈Σ IOL,PL (v) . Soit a ∈ v∈Σ IOL,PL (v) . Pour tout v ∈ Σ, il existe xv ∈ I,
sv ∈ Sv tels que a = xsvv . Soit E l’idéal de OΣ engendré par l’ensemble des sv lorsque v parcourt
Σ. Or, Sv ∩ M(v) = ∅ pour tout v. Il s’ensuit que E ne peut être contenu dans aucun des idéaux
maximaux M(v) de OΣ . Puisque tout idéal maximal de OΣ est de la forme M(v) avec v ∈ Σ (8.3.2),
on en tire que E =
POΣ . Par conséquent, il existe une partie finie Σ0 de Σ et, pour tout v ∈ Σ0 ,
uv ∈ OΣ , tels que v∈Σ0 uv sv = 1. Or, sv a = xv appartient à I pour tout v. Il en découle que
a=
X
X
uv sv a =
uv (sv a) ∈ I,
d’où la proposition.
(8.6) On reprend les notations introduites dans les sections précédentes. Soit I ∈ I et soit
w ∈ Σ(L). On fixe un représentant de la classe w, que l’on note également w. On pose w(I) =
inf{w(x) | x ∈ I}. Puisque w est supposé discret, il existe x ∈ I vérifiant w(x) = w(I).
(8.6.1) Proposition. Soient I, J ∈ I.
(i ) Si w ∈ Σ(L), alors w(IJ) = w(I) + w(J).
(ii ) On a J ⊆ I si et seulement si w(J) ≥ w(I) pour tout w ∈ Σ(L).
(iii ) Soit a ∈ K × . Alors w(aOL,Σ ) = w(a) pour tout w ∈ Σ(L).
(iv ) Il n’y a qu’un nombre fini de w ∈ Σ(L) tels que w(I) 6= 0.
(v ) Pour que I soit un idéal entier, il faut et il suffit que w(I) ≥ 0 pour tout w ∈ Σ(L).
58
Démonstration. (i ) Si x ∈ I vérifie w(x) = w(I) et si y ∈ J vérifie w(y) = w(J), alors w(IJ)
P ≤
w(xy) = w(x) + w(y) = w(I) + w(J). Tout élément z de IJ s’écrit comme une
somme
i x i yi
avec xi ∈ I, yi ∈ J. Par conséquent, w(z) ≥ mini w(xi yi ) = mini w(xi ) + w(yi ) ≥ w(I) + w(J).
Il s’ensuit que w(IJ) ≥ w(I) + w(J).
(ii ) Il est clair que si J ⊆ I, alors w(J) ≥ w(I) pour tout w ∈ Σ(L). Pour démontrer la
réciproque, on se donne x ∈ J. Alors w(x) ≥Tw(J) ≥ w(I) pour tout w. L’inégalité w(x) ≥ w(I)
équivaut à x ∈ IOL,w . Par conséquent, x ∈ w∈Σ(K) IOL,w . En évoquant (8.5.2), on conclut que
x ∈ I.
(iii ) Puisque a ∈ aOL,Σ , on a w(a) ≥ w(aOL,Σ ). Mais tout élément de aOL,Σ est de la forme
ax avec x ∈ OL,Σ . Or, w(ax) = w(a) + w(x) ≥ w(a), d’où w(aOL,Σ ) ≥ w(a).
(iv ) Puisque I est un idéal fractionnaire, il existe a ∈ OL,Σ tel que a 6= 0 et aI ⊆ OL,Σ . On
a donc w(a) + w(I) ≥ 0 puis w(I) ≥ −w(a) pour tout w ∈ Σ(L). En outre, si b ∈ I et si b 6= 0,
alors bOL,Σ ⊆ I, d’où w(b) ≥ w(I) pour tout w ∈ Σ(L). Au total, donc, −w(a) ≤ w(I) ≤ w(b)
pour tout w. Or, il n’y a qu’un nombre fini de w ∈ Σ(L) vérifiant w(a) 6= 0 et w(b) 6= 0 (8.4.1),
d’où (iv ).
(v ) Dire que I est un idéal entier équivaut à dire que I ⊆ OL,Σ . Or, w(OL,Σ ) = 0 pour tout
w ∈ Σ(L). Par conséquent, (v ) découle de (ii ).
(8.7) Afin de simplifier l’exposition, nous allons désormais supposer le représentant w choisi
de telle manière que w(L× ) = Z pour tout w ∈ Σ(L). Puisque nous nous ne sommes interéssés
aux éléments de Σ et de Σ(L) qu’à équivalence près, cette hypothèse n’occasionne aucune perte
de généralité.
Notons DivΣ (L) le groupe abélien libre engendré par les éléments de Σ(L). Les éléments de
DivΣ (L) s’appellent
les diviseurs de L à support dans Σ(L). L’élément général de DivΣ (L) sera
P
noté D = w nw (D)[w], où nw = nw (D) ∈ Z est nul pour tout w à un nombre fini d’exceptions
près. Le support de D est alors l’ensemble {w ∈ Σ(L) | nw (D) 6= 0}. On le note |D|.
On dit que D est positif si nw (D) ≥ 0 pour tout w ∈ Σ(L). On dit que D est un diviseur
premier s’il est de la forme [w0 ] avec w0 ∈ Σ(L).
P
On définit une application δ : I → DivΣ (L) par δ(I) = w w(I)[w]. Grâce à notre convention
w(L× ) = Z et à (8.6.1) (iv ), δ(I) appartient bien à DivΣ (L). Il résulte de (8.6.1) (ii ) que δ est
injectif. En outre, on tire de (8.6.1) (i ) que δ est un homomorphisme du monoı̈de I dans le monoı̈de
sous-jacent à la structure de groupe de DivΣ (L). D’après (8.6.1) (v ), I est un idéal entier si et
seulement si δ(I) est un diviseur positif.
De même, on définit une application ι : DivΣ (L) → I par
ι(D) = {x ∈ L | w(x) ≥ nw (D) pour tout w ∈ Σ(L)}.
Vérifions que ι(D) appartient bien à I. Il est clair qu’il s’agit d’un sous-OL,Σ -module de L. Soit
w un élément du support de D. Par hypothèse, il existe xw ∈ L vérifiant w(xw ) = nw . D’après
(8.4.3), il existe x ∈ L vérifiant w(x) = nw lorsque nw 6= 0 et w(x) ≥ 0 lorsque nw = 0. Il est alors
clair que x ∈ I. Par conséquent, I 6= {0}. En outre, il existe a ∈ L vérifiant w(a) = −nw lorsque
nw 6= 0 et w(a) ≥ 0 lorsque nw = 0. Alors aI ⊆ OL,Σ .
Nous sommes enfin en mesure d’énoncer le résultat suivant.
(8.7.1) Théorème. (i ) L’application δ est un isomorphisme de monoı̈des I → DivΣ (L) dont
l’isomorphisme réciproque est ι.
(ii ) Soit I ∈ I. Pour que I soit un idéal maximal, il faut et il suffit que δ(I) soit un diviseur
premier.
(iii ) Il y a une unique structure de groupe abélien sur I dont la structure de monoı̈de est celle
introduite au (8.1.2). Ainsi, I est isomorphe au groupe abélien libre sur l’ensemble spm(OL,Σ ) des
idéaux maximaux de OL,Σ .
59
Reportons la démonstration jusqu’au (8.9) : signalons d’ici là quelques corollaires.
Si w ∈ Σ(L), on note Pw l’idéal ι([w]). D’après (ii ) du théorème, Pw est un idéal maximal.
Le corollaire suivant généralise (8.1.1), qui est le cas particulier obtenu en prenant K = Q
dans toute la discussion depuis (8.3).
(8.7.2) Corollaire. Tout idéal non-nul de OL,Σ s’écrit de façon unique, à l’ordre des facteurs
près, comme produit d’idéaux premiers non-nuls.
En effet, la loi
d’idéaux. Par conséquent,
P de composition du groupe I est la multiplication
Q
w(I)
l’écriture δ(I) = w w(I)[w] correspond à la factorisation I = w Pw .
(8.7.3) Corollaire. Tout idéal premier non-nul de OL,Σ est maximal.
P
En effet, si I 6= OL,Σ est un idéal entier et si w w(I) ≥ 2, on peut écrire δ(I) = D1 + D2 ,
où D1 , D2 sont des diviseurs positifs non-nuls. D’après (8.4.3), il existe x1 , x2 ∈ OL,Σ tels que
w(xi ) = nw (Di ) pour tout w ∈ |Di | et pour i = 1, 2. Alors x1 x2 ∈ I mais x1 ∈
/ ι(D1 ), x2 ∈
/ ι(D2 ).
Par conséquent, I n’est pas premier. On déduit que si P est un idéal premier de OL,Σ , alors
P
w w(P ) = 1, puis que |δ(P )| est un singleton {w} et que δ(P ) = [w]. D’après (8.7.1) (ii ), P est
maximal.
(8.7.4) Dans le cas particulier où OL,Σ est un anneau principal, on a w(I) = ordPw (a) lorsque
a est un générateur de I. On généralise alors l’utilisation de la notation ord au cas où OL,Σ n’est
plus forcément principal de la manière suivante : si P ∈ spm(OL,Σ ), on note désormais ordP la
valuation wQtelle que δ(P ) = [w]. Si I ∈ I, on écrit alors ordP (I) à la place de w(I), de sorte que
l’on a I = P ∈spm(OL,Σ ) P ordP (I) .
(8.7.5) Corollaire. Soit P ∈ spm(OL,Σ ) et soient I, J ∈ I. Alors
ordP (I ∩ J) = max ordP (I), ordP (J) , et
ordP (I + J) = min ordP (I), ordP (J) .
Le résultat suivant est encore un corollaire de (8.7.1) ainsi que de (6.4.1).
(8.8) Théorème. On reprend les notations de (8.7). Soit en outre K ⊆ F ⊆ L une extension
intermédiaire et soit Q un idéal premier de OF,Σ . Alors la décomposition de QOL,Σ en produit
d’idéaux premiers est
g
Y
QOL,Σ =
Piei ,
i=1
où g est égal au nombre de prolongements wi de ordQ à K et, pour tout i ∈ {1, 2, . . . , g}, ei est
le degré de ramification de wi sur ordQ . Si en outre on note fi le degré résiduel de wi sur ordQ ,
alors on a
g
X
ei fi = [L : F ].
i=1
D’après (6.4.4), ce résultat se simplifie lorsque L/F est une extension galoisienne.
(8.8.1) Corollaire. On reprend les notations de (8.8). On suppose, en outre, que l’extension
L/F soit galoisienne. Alors les degrés de ramification ei et résiduel fi ne dépendent que de Q
et non de Pi . Si on note e et f leurs valeurs communes alors on a QOL,Σ = (P1 P2 · · · Pg )e et
ef g = [L : F ].
60
(8.9) Passons donc à la démonstration de (8.7.1).
(i ) On tire de (8.6.1) (i ) que δ est un homomorphisme. Pour conclure, il suffit donc de montrer
que δ ◦ ι = idDivΣ (L) et que ι ◦ δ = idI .
Soit alors D ∈ DivΣ (K) et soit w0 ∈ Σ(L). Si w ∈ |D| ∪ {w0 }, il existe xw ∈ K vérfiant
w(xw ) = nw (D). D’après (8.4.3), il existe yw0 ∈ OL,Σ vérifiant w(yw0 ) = nw (D) pour tout w ∈
|D| ∪ {w0 }. On a alors yw0 ∈ ι(D) et w0 (yw0 ) = nw0 (D) et, en faisant varier w0 , on en tire que
nw (δ◦ι(D)) ≤ nw (D) pour tout w ∈ Σ(L). De l’autre part, si x ∈ ι(D), alors w(x) ≥ nw (D) d’après
les définitions. Par conséquent, nw (δ ◦ ι(D)) ≥ nw (D) pour tout w ∈ Σ(L) et donc δ ◦ ι(D) = D.
Soit enfin
T I ∈ I. Alors ι ◦ δ(I) = {x ∈ L | w(x) ≥ w(I) pour tout w ∈ Σ(L)} et donc
ι ◦ δ(I) = w∈Σ(L) IOL,w . On tire alors de (8.5.2) que ι ◦ δ(I) = I.
(ii ) Puisqu’un idéal I est entier si et seulement si δ(I) est positif, il suffit de considérer
le cas
P
des idéaux entiers. Soit donc I 6= OL,Σ un idéal entier. Si δ(I) n’est pas premier, alors w w(I) ≥ 2
et il existe donc un diviseur D différent de 0 et de δ(I) et vérifiant 0 ≤ nw (D) ≤ w(I) pour tout w.
D’après (i) et (8.6.1) (ii ), ι(D) est un idéal différent de OL,Σ et de I et vérifiant I ⊆ ι(D) ⊆ OK,Σ .
Par conséquent, I n’est pas maximal. De même, si I n’est
il existe un idéal J tel
P pas maximal,
P
que J 6= I, J 6= OL,Σ et I ⊆ J ⊆ OL,Σ . On en tire que w w(I) > w w(J) ≥ 1 et donc que δ(I)
n’est pas premier.
(iii ) Par définition, DivΣ (L) est le groupe abélien libre sur Σ(L). En outre, w 7→ [w] est une
bijection de Σ(L) sur l’ensemble des diviseurs premiers. Le résultat devient alors clair à partir de
(i ) et de (ii ).
(8.9.1) On tire de (8.7.1) que tout idéal fractionnaire I ∈ I est invertible, c’est-à-dire il existe
I −1 ∈ I tel que II −1 = I −1 I = OL,Σ . Il est facile de décrire I −1 explicitement. En effet, si J ∈ I,
alors IJ = OL,Σ équivaut à δ(IJ) = 0 soit à δ(J) = −δ(I). Par conséquent, on a
I −1 = ι(−δ(I)) = {x ∈ L | w(x) ≥ −w(I) pour tout w ∈ Σ(L)}.
Dans (1.4.1), nous avons proposé une autre définition de I −1 , à savoir
I −1 = {x ∈ L | xy ∈ OL,Σ pour tout y ∈ I}.
La vérification de l’équivalence des deux définitions est immédiate, en utilisant le fait que a ∈ K
appartient à OL,Σ si et seulement si w(a) ≥ 0 pour tout w ∈ Σ(L).
(8.10) On reprend les notations du paragraphe précédent. Si A est un anneau intègre, les
idéaux principaux constituent un sous-groupe Pr(A) du monoı̈de I(A) des idéaux fractionnaires,
qui lui est égal si et seulement si A est un anneau principal. Dans le cas où I(A) est un groupe, alors
Pr(A) est un sous-groupe de I(A), et le groupe quotient I(A)/ Pr(A) est un invariant important
de l’anneau A, appelé le groupe de classes de A, et noté Cl(A). Il est trivial si et seulement si A
est un anneau principal. Nous verrons plus loin (9.6.2) que le groupe des classes de l’anneau des
entiers d’un corps de nombres est fini.
(8.10.1) Soit K le corps de fractions de A. On définit alors un homomomorphisme K × → Pr(A)
en associant à un élément de K × l’idéal qu’il engendre. Il s’agit d’un homomorphisme surjectif,
dont le noyau est l’ensemble des éléments qui engendrent l’idéal fractionnaire A, c’est-à-dire le
groupe A× des éléments inversibles de A. Autrement dit, on a une suite exacte de groupes
1 −−−→ A× −−−→ K × −−−→ Pr(A) −−−→ 1.
(8.11) Soit encore L/K une extension finie séparable et soit F une extension intermédiaire.
On reprend les notations utilisées dans les paragraphes qui précèdent, en posant A = OΣ,F et
B = OΣ,L pour abréger.
61
(8.11.1) L’homomorphisme I(A) → I(B) qui transforme l’idéal fractionnaire I ∈ I(A) en
l’idéal fractionnaire IB de B est injectif.
En effet, si IB = B, alors w(IB) = 0 pour tout w ∈ Σ(L), et donc w0 (I) ≥ 0 pour tout
w0 ∈ Σ(F ) et I est un idéal entier de A. S’il existait w0 tel que w0 (I) > 0, alors I serait divisible
par l’idéal premier Q = ι(w0 ) et alors IB serait divisible par l’un des idéaux premiers P de B
apparaissant dans la factorisation de QB ; il existerait alors w ∈ Σ(L) tel que w(I) > 0, ce qui est
une contradiction.
Il est clair que l’homomorphisme I 7→ IB transforme les idéaux principaux en des idéaux
principaux. Il induit dont un homomorphisme Cl(A) → Cl(B). Mais celui-ci n’a aucuen raison
d’être injectif car IB peut être principal sans que I le soit. Il peut même être à image trivial.
(8.11.2) On appelle norme (ou norme idéal) et note NL/F l’unique homomorphisme de I(B)
vers I(A) tel que NL/F (P ) = Qf (P |Q,L/F ) lorsque P est un idéal premier non-nul de B et Q = P ∩A.
Le fait que l’homomorphisme soit bien défini découle de la factorisation unique de tout idéal
fractionnaire de B non-nul comme produit d’idéaux premiers.
(8.11.3) Soit J ∈ I(A). Alors NL/F (JB) = J [L:F ] .
Q
Preuve. Il suffit de vérifier l’affirmation lorsque J est un idéal premier Q. Soit QB = gi=1 Piei
la factorisation de QB comme Q
produit d’idéaux premiers,
ei désignant
le degré de ramification de
P
Qg
g
ei fi
ei fi
ei
i
=Q
= Q[L:K] d’après (8.8). Qi sur Pi . Alors NL/F (QB) = i=1 (NL/F (Pi )) = i=1 Q
La proposition qui suit assure que la définition de la norme d’un idéal soit consistente avec
celle de la norme d’un élément.
(8.11.4) Proposition. Soit F un corps intermédiaire, K ⊆ F ⊆ L.
Q
(i ) On suppose L/F galoisienne de groupe Γ. Si I ∈ I(B), alors NL/F (I)B = γ∈Γ γ(I).
(ii ) Soit I ∈ I(B) un idéal principal et soit a un générateur de I. Alors NL/F (a) est un
générateur de NL/F (I).
Preuve. (i ) Il suffit de traiter le cas où I est un idéal premier P . Soit Q = P ∩ A et soit
P1 = P , P2 , . . ., Pg les idéaux premiers de B apparaissant dans la factorisation de Q, de sorte que
QB = (P1 P2 · · · Pg )e (8.8.1). Puisque Γ opère transitivementQsur {P1 , P2 , . . . , Pg } et ef g = [L : F ],
le stabilisateur de chaque Pi est d’ordre ef . Par conséquent, γ∈Γ γ(P ) = (P1 P2 · · · Pg )ef = Qf B =
NL/F (P )B.
Q (ii ) Lorsque L/F est galoisienne, l’affirmation découle de (i ) et de la formule NL/F (a) =
γ∈Γ γ(a) (5.6.4). Afin de traiter le cas général, on note M une extension galoisienne de F contenant M . Puisque a ∈ L, on a NM/L (a) = a[M :L] d’après (5.6), d’où NM/F (a) = NL/F (a)[M :L] .
D’autre part, (8.11.3) nous renseigne que NM/F (a) est un générateur de NM/F (aOM,Σ ). On en tire
que NL/F (a)[M :L] est un générateur de NL/F (aB)[M :L] puis, en utilisant la factorisation unique, que
NL/F (a) est un générateur de NL/F (aB).
EXERCICES
(e8.1) Soit L/K une extension finie séparable. Si ω = (ω1 , ω2 , . . . , ωn ) est une famille de n éléments
de L, on note M (ω) = M (ω1 , ω2 , . . . , ωn ) la matrice carrée symétrique d’ordre n à coefficients dans K
dont le coefficient à l’interesection de la i-ième ligne est la j-ième colonne est TrL/K (ωi ωj ), où TrL/K
désigne la trace de L/K. On note D(ω) le déterminant de M (ω).
(i ) Montrer que D(ω) = 0 si et seulement si ω est une famille liée (L étant considéré comme un
K-espace vectoriel).
62
On suppose désormais que ω soit une famille K-libre ; on note (K × )2 le sous-groupe des carrées du
groupe K × .
(ii ) Montrer que la classe de D(ω) dans K × /(K × )2 ne dépend pas du choix de ω.
(e8.2) On se place sous les hypothèses de (8.3) et on note n = [L : K]. On utilisera également les
notations de (e8.1).
(i ) Montrer que OL,Σ est un OΣ -module libre de rang n. (On rappelle que par hypothèse OΣ est un
anneau principal dont le corps de fractions est K. Imiter alors la démonstration de (5.9.6).)
Soit alors ω = (ω1 , ω2 , . . . , ωn ) une OΣ base de OL,Σ . On appelle D(ω) (voir (e8.1)) le discriminant
de ω.
×
(ii ) Montrer que si ω 0 est une seconde OΣ -base de OL,Σ , alors il existe λ ∈ OΣ
tel que D(ω 0 ) = λ2 D(ω).
En déduire que lorsque OΣ = Z (et Σ est l’ensemble des valuations ordp sur Q), alors D(ω) est indépendant
du choix de la base Ω.
Lorsque OΣ = Z, on appelle discriminant de L la valeur commune des D(ω) lorsque ω parcourt
l’ensemble des bases de OL,Σ = ZL sur Z
Soit L un corps quadratique et soit d l’unique entier sans facteur carré tel que L un élément θ vérifiant
θ2 = d.
(iii ) Montrer que si d ≡ 2 ou 3 (mod 4), alors (1, θ) est une Z-base de ZL et que si d ≡ 1 (mod 4),
2
alors (1, 1+θ
2 ) est une Z-base de ZL . (Soit λ + µθ, (λ, µ) ∈ Z un élément de L. Montrer à l’aide de (8.2.2)
que λ + µθ appartient à ZL si et seulement si 2λ ∈ Z et λ2 − dµ2 ∈ Z, puis que cette condition équivaut
à son tour à (λ, µ) ∈ Z2 lorsque d ≡ 2 ou 3 (mod 4) et à (2λ, 2µ, λ − µ) ∈ Z3 lorsque d ≡ 1 (mod 4).
(iv ) En déduire que le discriminant de L est égal à d lorsque d ≡ 1 (mod 4) et à 4d lorsque d ≡ 2 ou
3 (mod 4), et donc que le discriminant de L selon la définition de cet exercice coı̈ncide avec celle donnée
dans l’exercice (e6.2).
(e8.3) Soit L un corps quadratique, soit ZL l’anneau des entiers de L et soit p un nombre premier.
En utilisant (e6.2) et (8.8.1), montrer que l’idéal pZL est un idéal premier lorsque p est inert dans L, pZL
est le produit de deux idéaux premiers distincts lorsque p est décomposé dans L, et que pZL est le carré
d’un idéal premier lorsque p est ramifié dans L.
(e8.4) Soit L un corps de nombres, soit n = [L : Q] et soit a ∈ L un élément primitif. Soit Ma le
polynôme minimal de a. On utilise la notation de (e8.1).
(i ) Montrer que (1, a, a2 , . . . , an−1 ) est une Q-base de L.
Q
(ii ) Montrer que D(1, a, a2 , . . . , an−1 ) est égal au discriminant de Ma (c’est-à-dire à 1≤i<j≤n (ai −aj )2
où ai (1 ≤ i ≤ n) sont les racines de Ma ). (Montrer que le produit matriciel t V V , où V est la matrice de
Vandermonde


1 a1 a21 · · · an−1
1
1 a a2 · · · an−1 
2


2
2
. .
.. . .
.. 
 .. ..
.
.
. 
2
n−1
1 an an · · · an
et t V sa transposée, est égal à M (1, a, a2 , . . . , an−1 ).)
On suppose désormais que a ∈ ZL .
(iii ) Soit D le discriminant de L. Montrer que D divise D(1, a, a2 , . . . , an−1 ) et que le quotient est un
carré. (Le Z-module de base (1, a, a2 , . . . an−1 ) est contenu dans ZL et, comme les deux sont libres de rang
n, il est d’indice fini m dans ZL . Alors la matrice de passage d’une base de ZL vers (1, a, a2 , . . . , an−1 )
est à coefficients entiers et de déterminant ±m, et D(1, a, a2 , . . . , an−1 ) = m2 D.)
(iv ) En déduire que si le discriminant de Ma est sans facteur carré, alors ZL = Z[a].
Soit p un nombre premier.
(v ) Montrer que si p ne divise pas le discriminant de Ma , alors le degré de ramification de tout idéal
premier de ZL divisant p vaut un. (Appliquer (e6.1).) En déduire qu’il n’y a qu’un nombre fini de nombres
premiers ramifiés dans L.
(vi ) Montrer en plus que si p ne divise pas le discriminant de Ma , alors la factorisation de pZL en
produit d’idéaux premiers est de la forme P1 P2 · · · Pg où chaque idéal premier Pi correspond à un facteur
irréductible Vi de Ma (mod p) et le degré résiduel de Pi est égal au degré de Vi . (Voir à nouveau (e6.1).)
(vii ) En reprenant les notations de la question précédente, montrer que l’idéal Pi est engendré par p
et par Ṽi (a), où Ṽi est n’importe quel polynôme de Z[x] dont la réduction (mod p) est Vi .
63
Remarque. Le résultat de (vi ) peut être généralisé : si p ne divise ni l’indice de Z[a] dans ZL ni le
e
discriminant de Ma , alors la factorisation de pZL s’écrit pZL = P1e1 P2e2 · · · Pg g , où les Pi sont en bijection
avec les facteurs irréductibles Vi (1 ≤ i ≤ g) de Ma (mod p), le degré résiduels est égal au degré du
polynôme
Vi et le degré de ramification ei de Pi est égal à l’exposant ei de Vi dans la factorisation
Qg
ei de M (x) (mod p). On a également la généralisation de (vii ) : P est engendré par p et par
V
(x)
i
a
i
i=1
Ṽi (a), où Ṽi est n’importe quel polynôme de Z[x] dont la réduction (mod p) est Vi .
(e8.5) Soit L le corps de nombres Q(a), le polynôme minimal de a étant Ma (x) = x3 − x + 1.
(i ) Vérifier que le discriminant de Ma est égal à −23.
(ii ) En déduire de l’exercice (e8.4) que ZL = Z[a] et que L est non ramifié en dehors de 23.
(iii ) Montrer qu’il existe deux idéaux premiers P1 , P2 de degré résiduels un tels que 23ZL = P1 P22 .
(On pourra soit admettre la Remarque soit étudier la situation au niveau des complétés et appliquer les
résultats des sections § 5 et § 6.)
On note M une clôture galoisienne de L.
(iv ) Vérifier que le groupe de Galois de M/Q est le groupe S3 de permutations de trois objets. En
particulier, [M : Q] = 6.
(v ) En déduire de la question (iii ) que 23ZM se factorise comme (P1 P2 P3 )2 , où Pi (1 ≤ i ≤ 3) sont
trois idéaux premiers distincts de degré résiduel 3.
(vi ) Montrer que M contient un sous-corps quadratique Q(b), où b2 = −23. Montrer que si Q est
l’idéal premier de Q(b) qui divise 23, alors la factorisation de QZM est P1 P2 P3 . En particulier, Q est
non ramifié dans M .
(vii ) Montrer que l’extension M/Q(b) est partout non ramifiée. (Appliquer (e6.1), en considérant
x3 − x + 1 comme un polynôme à coefficients dans Q(b).)
(e8.6) Soit L un corps de nombres Q(θ), où θ3 = 2.
(i ) Vérifier que D(1, θ, θ2 ) = −108. En déduire que le discriminant de L appartient à l’ensemble
{−3, −12, −27, −108}.
(ii ) Montrer que le discriminant de L est égal à −108.
(iii ) Discuter de la factorisation des idéaux pZL lorsque p est un nombre premier. (Utiliser l’exercice
(e6.3).)
(e8.7) On reprend les notations de (8.11). Soit T un sous-ensemble fini de Σ(L). Montrer que toute
classe c ∈ Cl(B) contient un idéal I vérifiant w(I) = 0 pour tout w ∈ T . (Utiliser (7.3.1).)
§ 9. Les corps de nombres.
(9.1) Rappelons qu’un corps de nombres est un corps L qui est un Q-espace vectoriel de
dimension finie sur Q. Le degré de L est alors la dimension de L en tant que Q-espace vectoriel.
La § 8 contient des résultats importants concernant les corps de nombres (factorisation unique
en produit d’idéaux premiers, finitude du nombre de premiers ramifiés, . . .), présentés comme
conséquences de résultats sur des valuations, et associés aux plongements dans les corps complets
non archimédiens (extensions finies de Qp ). Dans cette section, nous allons nous concentrer sur les
résultats qui sont démontrés en utilisant les plongements de L dans R ou C.
(9.1.1) Le corps C étant algébriquement clos, il y a n = [L : Q] plongements de L dans C.
On dit que le plongement φ : L → C est réel si φ(L) ⊆ R, complexe dans le cas contraire. On
note r1 (L) (ou r1 ) le nombre de plongements réels de L. Si φ est un plongement complexe, alors
φ̄ (défini par a 7→ φ(a)) en est un autre, distinct de φ, car φ(a) 6= φ(a) lorsque φ(a) ∈
/ R. Par
conséquent, le nombre de plongements complexes est un entier pair, que l’on note r2 (L) (ou r2 ).
On a alors la formule
r1 + 2r2 = n = [L : K].
64
Si a est un élément primitif de L sur Q et si Ma est le polynôme minimal de a, alors r1 est le
nombre de racines réelles de Ma et r2 est égal au nombre de de couples de conjugués de racines
complexes de Ma . On dit que L est totalement réel si r1 = n (et donc r2 = 0), totalement
imaginaire si r1 = 0 (et donc n est pair et r2 = n2 ).
Exemple. Le polynôme p(x) = x5 − 2x + 2 est irréductible dans Q[x] (d’après lep
critère d’Ei4
0
4
senstein). La dérivée p (x) = 5x − 2 a deux racines réelles, α et −α, où α =
2/5. On a
p(−α) > p(α) > 0 et p est croissante sur ] − ∞, −α[ et sur ]α, +∞[, décroissante sur ] − α, α[.
On en tire que f a une unique racine réelle et deux couples de conjugués de racines complexes. Si
donc L désigne le corps de nombres Q[x]/p(x)Q[x], alors r1 = 1 et r2 = 2.
(9.1.2) Fixons donc le corps de nombres L ainsi qu’un ensemble Φ de r1 + r2 plongements de
L dans C. On suppose que Φ contienne tous les plongements réels et un système de représentants
des plongements complexes. Si φ ∈
QΦ, on pose Kφ = R lorsque φ est réel et Kφ = C dans le cas
contraire. On note E la R-algèbre φ∈Φ Kφ (l’addition et la multiplication étant faite composante
par composante). Il s’agit d’un R-espace vectoriel de dimension r1 + 2r2 = n. On notera également
Φ l’homomorphisme de Q-algèbres L → E qui transforme a ∈ L en (φ(a)φ∈Φ ). Il est clair que Φ
est injectif.
(9.2) On reprend les notations qui viennent d’être introduites et on note ZL l’anneau des
entiers de L. Un réseau dans un R-espace vectoriel V de dimension finie est un sous-groupe
engendré par une base.
(9.2.1) Théorème. Φ(ZL ) est un réseau dans E.
Preuve. On sait que ZL est un Z-module libre de rang n = [L : K] (voir (e8.2)). Soit donc
(a1 , a2 , . . . , an ) une Z-base de ZL . Il s’agit de montrer que (Φ(a1 ), Φ(a2 ), . . . , Φ(an )) est une famille
R-libre. Pour cela, on raisonne par l’absurde, en supposant qu’il s’agit d’une famille R-liée. Formons
la matrice

φ1 (a1 )
φ2 (a1 )
..
.





 φr1 (a1 )

 <φr1 +1 (a1 )

M1 =  =φr1 +1 (a1 )

 <φr1 +2 (a1 )
 =φ
 r1 +2 (a1 )

..

.

<φr1 +r2 (a1 )
=φr1 +r2 (a1 )
φ1 (a2 )
φ2 (a2 )
..
.
···
···
..
.
φr1 (a2 )
<φr1 +1 (a2 )
=φr1 +1 (a2 )
<φr1 +2 (a2 )
=φr1 +2 (a2 )
..
.
···
···
···
···
···
..
.
<φr1 +r2 (a2 ) · · ·
=φr1 +r2 (a2 ) · · ·
φ1 (an )
φ2 (an )
..
.






φr1 (an ) 

<φr1 +1 (an ) 

=φr1 +1 (an )  .
<φr1 +2 (an ) 

=φr1 +2 (an ) 


..

.

<φr1 +r2 (an )
=φr1 +r2 (an )
Il s’agit d’une matrice réelle carrée d’ordre n, où φ1 , φ2 , . . ., φr1 désigne les r1 plongements réelles de
L et φr1 +1 , . . ., φr1 +r2 les r2 plongements complexes appartenant à Φ. Par hypothèse, les colonnes
de M1 sont liées, et donc det(M ) = 0. En effectuant des opérations sur les lignes, on voit que
65
det(M1 ) = (−1)r2 2−r2 det(M2 ), où

φ1 (a1 )
 φ2 (a1 )

..


.

 φr1 (a1 )

 φr1 +1 (a1 )

M2 =  φ̄r1 +1 (a1 )
φ
 r1 +2 (a1 )
 φ̄
 r1 +2 (a1 )

..

.

φr1 +r2 (a1 )
φ̄r1 +r2 (a1 )

φ1 (an )
φ2 (an ) 

..


.

φr1 (an ) 

φr1 +1 (an ) 

φ̄r1 +1 (an )  .
φr1 +2 (an ) 

φ̄r1 +2 (an ) 


..

.

φr1 +r2 (a2 ) · · · φr1 +r2 (an )
φ̄r1 +r2 (a2 ) · · · φ̄r1 +r2 (an )
φ1 (a2 )
φ2 (a2 )
..
.
φr1 (a2 )
φr1 +1 (a2 )
φ̄r1 +1 (a2 )
φr1 +2 (a2 )
φ̄r1 +2 (a2 )
..
.
···
···
..
.
···
···
···
···
···
..
.
L’hypothèse que det(M1 ) = 0 entraı̂ne donc que det(M2 ) = 0. Mais les nombres complexes φ(aj )
avec φ ∈ Φ sont algébriques, et vivent en fait donc dans une extension finie de Q qui peut être
vue comme un Q-espace vectoriel. Il s’ensuit que les colonnes de M2 sont Q-liées. Puisque φ1 , par
exemple, est injectif, on en tire que (a1 , a2 , . . . , an ) est une famille Q-liée, en contradiction avec
l’hypothèse qu’il s’agit d’une Z-base de ZL .
(9.2.2) Corollaire. Φ(L) est dense dans E.
En effet, en reprenant
les notations de la démonstration du théorème, tout élément de L
P
étant des rationnels. D’autre part, d’après le théorème, tout
s’écrit sous la forme ni=1 λi ai , les λi P
élément x de E s’écrit sous la forme ni=1 ui Φ(ai ), les ui étant des réels. Afin de rappocher x par
des éléments de Φ(Λ), il suffit de rapprocher des ui par des rationnels λi .
(9.3) On reprend les notations de (9.2). Le fait que Φ(ZL ) soit un réseau dans un espace vectoriel a des conséquences importantes de finitude que nous allons maintenant expliquer. Rappelons
pour cela deux propriétés importantes d’un réseau Λ dans un R-espace vectoriel V de dimension
finie : (i ) Toute partie bornée de V ne contient qu’un nombre fini d’éléments de Λ et (ii ) Le
quotient V /Λ est compact. En outre, Λ étant un groupe abélien libre de type fini, il ne contient
qu’un nombre fini de sous-groupes d’un indice donné.
(9.3.1) Tout idéal non nul de ZL est un sous-groupe d’indice fini dans ZL .
En effet, si I 6= {0} est un idéal de ZL , on sait que I contient un entier non-nul m. Par
conséquent, mZL ⊆ I. Mais ZL étant un Z-module libre de rang n, mZL est un sous-groupe
d’indice fini mn . Donc I est d’indice fini.
(9.3.2) Soit P 6= {0} un idéal premier de ZL et soit p l’unique nombre premier appartenant à
P . Alors ZL /P est un corps fini de cardinal pf , où f = f (P |pZ, L/Q) est le degré résiduel de P .
En effet, P étant d’indice fini dans ZL , ZL /P est un ensemble fini. Or, P est un idéal maximal
et, par conséquent, ZL /P est un corps. Puisque le corps résiduel de pZ est le corps Fp à p éléments
et ZL /P est une extension de Fp de degré f , on conclut que ZL /P a pf éléments.
(9.3.3) Soient I, J deux idéaux non-nuls de ZL et soit i(I) l’indice de I dans ZL . Alors
i(IJ) = i(I)i(J).
Preuve. On a IJ ⊆ I ⊆ J. Il suffit de construire un isomorphisme de ZL -modules ZL /J →
I/IJ. En décomposant J comme produit d’idéaux premiers, on voit qu’il suffit de traiter le cas
où J est un idéal premier P . Alors I/IP est un ZL -module qui est annulé par P . Par conséquent,
66
I/IP est un ZL /P -espace vectoriel qui est de dimension finie car I est engendré par un nombre fini
d’éléments (une Z-base de I engendre I également en tant que ZL -module). Il est de dimension
au moins un, car I 6= IP . Pour voir qu’il est de dimension au plus un, on considère un sousespace vectoriel W de I/IP . L’image réciproque de W par l’homomorphisme canonique de ZL modules I → I/IP et donc un sous-ZL -module de I contenant IP , soit un idéal H de ZL vérifiant
I ⊇ H ⊇ IP . Par conséquent, il existe un idéal Q tel que H = IQ et ZL ⊇ Q ⊇ P . Or, l’idéal P
est maximal ce qui entraı̂ne que Q = ZL ou Q = P . On en tire que W = I/IP ou que W = {0}
et donc que I/IP n’a aucun sous-espace vectoriel autre que {0} et lui-même, ce qui implique qu’il
est de dimension au plus un.
(9.3.4) Théorème. Soit I 6= {0} un idéal entier de l’anneau des entiers ZL du corps des
nombres L. Alors I est d’indice fini dans ZL , l’indice étant égal à NL/Q (I).
Preuve. Comme d’habitude, on confond l’idéal NL/Q de Z avec son unique générateur positif.
Nous savons déjà (9.3.1) que I est d’indice fini. D’après (9.3.3), il suffit de traiter le cas où I est
un idéal premier P . Mais, dans ce cas, NL/Q (P ) est, par définition, l’idéal pf Z, où pZ = P ∩ Z et
f est le degré résiduel de P sur pZ. Le résultat découle alors de (9.3.2).
(9.3.5) Corollaire. Soit m ≥ 1 un entier. Alors ZL ne contient qu’un nombre fini d’idéaux I
tels que NL/Q (I) = m.
En effet, un groupe abélien libre de rang donné ne contenant qu’un nombre fini de sous-groupe
d’indice donné, on déduit que (9.3.1) que ZL ne contient qu’un nombre fini d’idéaux d’indice donné.
Le corollaire est alors une conséquence de (9.3.4).
(9.4) Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler un résultat bien connu de Minkowski, qui
sera au coeur des résultats démontrés dans les paragraphes qui suivent.
(9.4.1) Théorème. Soit V est espace euclidien de dimension n ≥ 1, soit Λ un réseau dans V
et soit S ⊆ V un ensemble compact, convexe et symétrique par rapport à l’origine. Si 2n Vol(Λ) ≤
µ(S), alors S contient un point de Λ différent de 0.
Ici, µ désigne la mesure de Lebesgue sur
PnV , normalisée de telle façon qu’un hypercube
unité (c’est-à-dire un ensemble de la forme { i=1 ti ei | 0 ≤ ti ≤ 1 pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n}},
(e1 , e2 , . . . , en ) étant une base orthonormée de V ) soit de mesure 1. Si Λ est un réseau, le volume de Λ (ou plus correctement son covolume), noté Vol(Λ), est la mesure
Pd’un parallélépipède
fondamental associé à Λ, c’est-à-dire un ensemble de la forme ΠΛ = { ni=1 ti xi | 0 ≤ ti ≤
1 pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n}}, (x1 , x2 , . . . , xn ) étant une base de Λ.
(9.5) Revenons désormais aux notations introduites dans les paragraphes précédents. En particulier, r1 et 2r2 désignentQrespectivement le nombre de plongements réels et complexes de L
et E le R-espace vectoriel φ∈Φ Kφ , où Φ est comme dans le (9.1.2). On considère
désormais E
P
comme un espace euclidien, dont le produit scalaire est défini par hx, yi = φ∈Φ <(xφ yφ ) lorsque
x = (xφ ), y = (yφ ).
On note DL le discriminant de ZL (voir (e8.2)). Il s’agit d’un entier non nul.
(9.5.1) Soit I un idéal fractionnaire de ZL . Alors Vol(Φ(I)) = 2−r2 NL/Q (I)|DL |1/2 .
Preuve. Si m ∈ N∗ , alors Vol(Φ(mI)) = mn Vol(Φ(I) et NL/Q (mI) = mn NL/Q (I). Quitte à
multiplier par un entier naturel qui est un dénominateur commun de I, on peut supposer que
I est un idéal entier de ZL . D’après (9.3.4), NL/Q (I) est alors égal à l’indice de I dans ZL ,
ce qui implique que Vol(Φ(I)) = NL/Q (I) Vol(Φ(ZL )). Pour conclure, il suffit donc de voir que
Vol(Φ(I)) = 2−r2 |DL |1/2 .
67
Pour cela, on note (a1 , a2 , . . . , an ) une Z-base de ZL et on reprend la notation de la démonstration de (9.2.1). Par définition, on a Vol(ZL ) = | det(M1 )|. Or, det(M1 ) = (−1)r2 2−r2 det(M2 ).
Enfin, t M2 M2 est la matrice M (a1 , a2 , . . . , an ) de (e8.1) dont le déterminant est, selon la définition
même du discriminant, égal à DL . Puisque det(t M2 ) = det(M2 ), le résultat en découle aussitôt. (9.5.2) Proposition. Soit I un idéal fractionnaire de ZL . Alors I contient un élément non-nul
a tel que | NL/Q (a)| ≤ 2r2 π −r2 NL/Q (I)|DL |1/2 .
Preuve. Soit t ∈ R×
+ et soit St l’ensemble {x = (xφ ) ∈ E | |xφ | ≤ t pour tout φ ∈ Φ}. Alors
St est le produit de r1 intervalles de longueur 2t et de r2 disques de rayon t. Par conséquent,
µ(St ) = (2t)r1 (πt2 )r2 = 2r1 π r2 tn et il est clair que St est compact, convexe et symétrique par
rapport à l’origine. D’après le théorème de Minkowski (9.4.1), St contient un élément non nul de
Φ(a) dès que t est aussi grand pour que 2r1 π r2 tn ≥ 2n Vol(Φ(I)) = 2n−r2 NL/Q (I)|DL |1/2 . La plus
petite valeur de t avec cette propriété vérifie tn = 2r2 π −r2 NL/Q (I)|DL |1/2 . On a alors
Y
1/n
1 X
| NL/Q (a)|1/n = φ(a) ≤
|φ(a)| ≤ t,
n
φ:L→C
φ:L→C
en utilisant l’inégalité entre les moyennes arithmétique et géométrique et le fait p
que |φ(a)| ≤ t
n
r2 −r2
pour tout plongement φ : L → C. Il s’ensuit que | NL/Q (a)| ≤ t = 2 π NL/Q (I) |DL |.
(9.5.3) Ce résultat montre qu’il existe une constante CL > 0 telle que, tout idéal fractionnaire
I 6= {0} de L contienne un élément a 6= 0 vérifiant |NL/Q (a)| ≤ CL NL/Q (I). L’existence d’une
telle constante peut être établie sans utiliser le théorème (9.4.1), mais la valeur obtenue sera plus
grande et inadéquate pour certaines applications (notamment le corollaire (9.5.5) ci dessous). Par
contre, on peut améliorer la valeur de CL proposée par la proposition (9.5.2) en remplaçant St par
l’ensemble
(
X
1 si φ est réel,
S̃t = {x = (xφ ) ∈ E |
δφ |xφ | ≤ nt},
δφ =
2 sinon.
φ∈Φ
Un calcul (e9.3) montre que
n n r1 π r 2 n
2
t
µ(S̃t ) =
n!
2
et on vérifie aussitôt que S̃t est compact, convexe et symétrique par rapport à l’origine. D’après le
théorème de Minkowski, S̃t contient un élément non nul a de I dès que µ(St ) ≥ 2n−r2 NL/Q (I)|DL |1/2
et la plus petite valeur de t pour laquelle cette inégalité devient vraie vérifie alors
n! 4 r2
n
t = n
NL/Q (I)|DL |1/2 .
n π
En raisonnant à l’aide de l’inégalité entre les moyennes arithmétique et géométrique comme dans
la preuve de (9.5.2), on voit que | NL/Q (a)| ≤ tn . On obtient alors le résultat suivant.
(9.5.4) Théorème. Tout idéal fractionnaire I 6= {0} contient un élément non nul a vérifiant
n! 4 r2
NL/Q (I)|DL |1/2 .
| NL/Q (a)| ≤ n
n π
(9.5.5) Corollaire. Soit L un corps de nombres. Si L 6= Q, alors |DL | > 1.
Preuve. On applique
le théorème avec I = ZL . Il existe alors a ∈ ZL , a 6= 0, vérifiant
n! 4 r2
1/2
| NL/Q (a)| ≤ nn π |DL | . Par construction, a est un entier algébrique non nul, ce qui imr
plique que NL/Q (a) est un entier non nul. Par conséquent, 1 ≤ | NL/Q (a)|, d’où 1 ≤ nn!n π4 2 |DL |1/2
68
n 2 π
nn 2 π 2r2
2r2
.
Puisque
L
=
6
Q,
on
a
n
>
1
et
un
calcul
montre
alors
que
puis |DL | ≥ nn!
)
) > 1.
4
n!
4
Remarquons qu’on pourrait utiliser (9.5.2) à la place du théorème lorsque r2 > 0. Par ailleurs,
ce corollaire est important vu le fait (non démontré dans ce cours) qu’un nombre premier p est
ramifié dans L si et seulement si p divise DL . On en tire notamment qu’il n’y a pas de corps
de nombres partout non ramifié sur Q. (Par contre, il existe des extensions de corps de nombres
partout non ramifiée ; un exemple est indiqué dans (e8.5).)
(9.6) On continue d’utiliser les notations des paragraphes précédents, en notant CL une
constante strictement positive telle que tout idéal fractionnaire I 6= {0} de L contienne un élément
a 6= 0 vérifiant | NL/Q (a)| ≤ CL NL/Q (I). On note Cl(ZL ) le groupe des classes (8.10) de ZL
(souvent appelé abusivement groupe des classes de L). Notre but principal ici est de montrer que
Cl(ZL ) est un groupe fini et de montrer que les résultats qui viennent d’être démontrés permet de
le déterminer, au moins dans quelques cas simples.
(9.6.1) Proposition. Soit c ∈ Cl(ZL ). Alors c contient un idéal entier I vérifiant NL/Q (I) ≤
CL .
Preuve. Soit J un idéal appartenant à c−1 . Alors J contient un élément a 6= 0 vérifiant
| NL/Q (a)| ≤ CL NL/Q (J). Puisque aZL ⊆ J, il existe un idéal entier I tel que IJ = aZL ; il est
clair alors que I ∈ c−1 . Par conséquent,
NL/Q (I) NL/Q (J) = NL/Q (IJ) = NL/Q (aZL ) = | NL/Q (a)| ≤ CL NL/Q (J)
ce qui permet de conclure car NL/Q (J) > 0.
(9.6.2) Corollaire. Le groupe de classes Cl(ZL ) est fini.
Preuve. C’est une conséquence immédiate de (9.6.1) et de (9.3.5).
(9.6.3) Dans des cas simples, on peut utiliser la proposition pour déterminer Cl(ZL ). Supposons par exemple que L est un corps quadratique imaginaire (n = 2, r1 = 0, r2 = 1). D’après
(9.5.4) et (9.6.1), toute classe d’idéaux contient un représentant I qui vérifie NL/Q (I) ≤ π2 |DL |1/2 .
Ici, le membre droit est < 2 lorsque |DL | ≤ 9. On en tire que si |DL | ≤ 9, alors toute classe
contient un idéal entier de norme 1. Or, le seul idéal entier de norme 1 est ZL lui-même, qui est
principal. On en tire alors que Cl(ZL ) est le groupe trivial, ce qui signifie, en vertu de (8.10),
que ZL est un anneau principal. D’après (e6.2),
les discriminants
concernés
sont DL = −3, −4,
√
√
√
−7 et −8, qui correspondent aux corps Q( −3), Q(i), Q( −7) et Q( −2). (On reprend ici une
notation quelque peu rebarbative mais
√ qui s’est désormais encroûtée dans les habitudes : si d 6= 0,
1 est un entier sans facteur carré, Q( d) désigne un corps de nombres isomorphe à Q[x]/(x2 − d),
qui est réel ou imaginaire selon que d > 0 ou d < 0.)
Le premier cas non traité est celui où DL = −11. Lorsque DL ∈ {−11, −15, −19, −20}, on
trouve que toute classe contient un idéal entier √
de norme 1 ou 2. On se réfère à la question (iii ) de
(e8.2). Lorsque DL = −20, c’est-à-dire L = Q( −5), une Z-base de ZL est donnée par (1, a), où
a2 = −5. On a NL/Q (λ + aµ) = λ2 + 5µ2 et l’équation NL/Q (λ + aµ) = 2 n’a pas de solution avec
(λ, µ) ∈ Z2 . Il n’y a donc pas d’idéal principal (entier) de norme 2. Par contre, il y a bien un idéal de
norme 2. En effet, comme 2 divise DL , 2 est ramifié dans L (voir (e6.2)), et donc la factorisation de
2ZL est de la forme P 2 , avec P un idéal premier. Alors (NL/Q (P ))2 = NL/Q (P 2 ) = NL/Q (2ZL ) = 4
et donc NL/Q (P ) = 2 car la norme d’un idéal est toujours positive. On en tire que P est l’unique
idéal de norme 2 de ZL . Par conséquent, Cl(ZL ) est un groupe cyclique d’ordre deux.
Lorsque DL ∈ {−11, −19}, on voit en appliquant (e6.2) (et (8.8.1)) que 2 est inert dans L.
Cela implique que ZL ne contient pas d’idéal de norme 2. On en tire que Cl(ZL ) est le groupe
trivial.
69
Lorsque DL = −15, (e6.2) prévoit que 2 est décomposé : il existe deux idéaux premiers
distincts P1 , P2 tels que 2ZL = P1 P2 . Puisque P1 , P2 6= ZL , on a NL/Q (P1 ), NL/Q (P2 ) 6= 1. Comme
NL/Q (P1 P2 ) = NL/Q (2ZL ) = 4, on en tire que NL/Q (P1 ) = NL/Q (P2 ) = 2. Il existe donc deux
idéaux premiers distincts de norme 2 dont le produit est un idéal principal. Si donc c désigne la
classe de P1 dans Cl(ZL ), alors P2 appartient à c−1 . On en tire que Cl(ZL ) est d’ordre au plus 3,
les éléments possibles étant la classe triviale et les classes c et c−1 . Il reste à établir les coı̈ncidences
) est une Z-base
éventuelles entre ces trois classes. Soit a ∈ ZL tel que a2 = −15. Alors (1, 1+a
2
2
2
1+a
1+a
1−a
2
2
de ZL est NL/Q (λ + µ 2 ) = (λ + µ 2 )(λ + µ 2 ) = λ + λµ + 4µ = λ + µ2 + 15 µ4 pour
tout (λ, µ) ∈ Z2 . On en déduit aussitôt que ZL ne contient aucun élément de norme 2 et, par
conséquent, que les idéaux P1 et P2 ne sont pas principaux. Il s’ensuit que les classes c et c−1
sont non triviales. Enfin, il faut déterminer si c = c−1 ou non, ce qui équivaut à déterminer si c2
est trivial, ou encore si P12 (ou P22 ) est principal. Puisque P1 , P2 sont les seuls idéaux de norme
2, P12 , P1 P2 et P22 sont les seuls idéaux de norme 4. Les éléments 1±a
de ZL sont de norme 4 et
2
1−a −1
1+a
−7+a
ne sont pas associés (car, par exemple, 2
= 8 n’appartient pas à ZL ). De même,
2
ZL et 1−a
ZL sont égaux à P12 et à P22
ils ne sont pas associés à 2. Par conséquent, les idéaux 1+a
2
2
2
(à permutation éventuelle des indices près). On conclut que c est la classe triviale et donc que
Cl(ZL ) est cyclique d’ordre deux.
(9.7) Rappelons que si A est un anneau, alors A× désigne son groupe d’éléments inversibles.
La tradition veut que lorsque ZL est l’anneau des entiers d’un corps de nombres L, les éléments
de Z×
L sont appelés les unités de ZL (ou de L). Les paragraphes suivantes sont consacrés à l’étude
de la structure de Z×
L . Puisque le groupe des unités de Z est {±1}, l’énoncé suivant est un cas
particulier de (8.2.4).
(9.7.1) Soit a ∈ ZL . Pour que a soit une unité, il faut et il suffit que NL/Q (a) = ±1.
On utilisera souvent le résultat suivant, appelé parfois lemme de Kronecker.
(9.7.2) Proposition. Soit a un entier algébrique dont tous les conjugués sont de valeur absolue
1. Alors a est une racine de l’unité.
Preuve. On note L un corps de nombres contenant a. Par hypothèse, a ∈ ZL et |φ(a)| = 1
pour tout plongement φ de L dans C. Si donc m ≥ 1 est un entier, am vérifie les même conditions.
Les coefficients de Cam sont des entiers relatifs, fonctions symétriques élémentaires en les |φ(am )|
avec φ parcourant l’ensemble des plongements de L dans C. Il n’y a donc qu’un nombre fini de
possibilités pour les coefficients des polynômes Cam et, par conséquent, il existe une infinité de m
pour lesquels le polynôme Cam est le même. Pour ces valeurs de m, le polynômes minimal Mam est
également indépendent de m. Puisqu’un polynôme n’a qu’un nombre fini de racines, il existe m1 ,
m2 avec m2 > m1 et un conjugué a0 de a tel que a0m1 = a0m2 . Il s’ensuit que am1 = am2 . Puisque
|φ(a)| = 1, on a a 6= 0, et donc am2 −m1 = 1.
(9.7.3) Proposition. Le groupe µ(L) est racines de l’unité contenu dans L est un groupe fini
et cyclique.
Preuve. Il suffit de montrer que µ(L) est fini, le résultat général que tout sous-groupe fini du
groupe multiplicatif d’un corps commutatif est cyclique permettant alors de conclure. Par ailleurs
une racine de l’unité appartient à ZL . Soit alors P2 un idéal premier de ZL divisant 2. Le corps
résiduel ZL /P2 est alors de caractéristique 2, et le noyau de l’homomorphisme µ(L) → (ZL /P2 )×
induit par l’homomorphisme canonique ZL → ZL /P2 est formé de racines de l’unité d’ordre une
puissance de 2, d’après (1.7.1). De même, si P3 désigne un idéal premier divisant 3, le noyau de
l’homomorphisme analogue µ(L) → (ZL /P3 )× est formé de racines de l’unité d’ordre une puissance
70
de 3. Il s’ensuit que l’homomorphisme produit µ(L) → (ZL /P2 )× ×(ZL /P3 )× est injectif. Les corps
résiduels de ZL étant des corps finis, on voit que (ZL /P2 )× × (ZL /P3 )× est fini. Par conséquent,
µ(L) est fini.
(9.8) Afin de pousser plus loin l’étude du groupe des unités, on a besoin d’introduire un
analogue logarithmique de l’espace E utilisé dans l’étude du groupe des classes. Soit L un corps
de nombres avec r1 longements réels et 2r2 plongements complexes.
Q On fixe un ensemble de
plongements Φ comme auparavant et on note E le R espace vectoriel φ∈Φ Rφ , où Rφ est une copie
de R indexée par φ. On pose δφ = 1 ou 2 selon que φ soir réel ou complexe. Alors E est de dimension
r1 + r2 et on a l’application logarithme Λ : E ∗ → E qui transforme x = (xφ )φ∈Φ en l’élément
Λ(x) = (δφ log(|xφ |))φ∈Φ . Ici, E ∗ désigne le groupe multiplicatif des éléments x = (xφ )φ∈Φ ∈ E
vérifiant xφ 6= 0 pour tout φ ∈ Φ, la multiplication étant effectuée coordonnée par coordonnée. En
composant Λ avec la restriction de Φ à L× , on obtient un homomorphisme du groupe L× vers le
groupe additif de E. Si a ∈ L× , on écrira généralement Λ(a)P
à la place de Λ(Φ(a)).
Pour tout t ∈ R, on note Ht l’hyperplan affine {y ∈ E | φ∈Φ yφ = t} de E. On remarque que
H0 est un sous-espace vectoriel de E.
(9.8.1) Soit a ∈ L× et soit m ∈ Q×
+ . Alors NL/Q (a) = ±m si et seulement si Λ(a) ∈ Hlog m .
Q
C’est une conséquence immédiate de la formule NL/Q (a) = φ:L→C φ(a).
×
En particulier, Λ(ZL ) ⊆ H0 .
Notre but est de démontrer les théorème suivant.
(9.9) Théorème L’homomorphisme Λ : L× → E induit une suite exacte
Λ
1 −−−→ µ(L) −−−→ Z×
L −−−→ Ω −−−→ 0,
×
où Ω est un réseau de H0 . Par conséquent, ZL est un groupe abélien de type fini, de rang r1 +r2 −1.
Démonstration. On déduit de (9.7.2) que si a ∈ Z×
L vérifie Λ(a) = 0, alors a ∈ µ(L).
×
L’étape suivante est de montrer que Ω = Λ(ZL ) est un sous-groupe discret de H0 . D’après la
théorie générale des sous-groupes discrets d’un R-espace vectoriel de dimension finie, ce sera une
conséquence du résultat suivant, où Z∗L désigne ZL dépourvu de 0.
(9.9.1) Il existe un voisinage U de 0 dans E tel que Λ(Z∗L ) ∩ U = {0}.
Pour le démontrer, on note, quelque soit le réel δ > 0, Kδ la boule fermée {y ∈ E | |yφ | ≤
δ pour tout φ ∈ Φ}. Il suffit de voir que si δ est suffisament petit, Λ−1 (Kδ ) ne contient aucun
élément de Z∗L autre que les éléments de µ(L). Or, Λ−1 (Kδ ) est la couronne compacte {x ∈ E |
e−δ ≤ |xφ | ≤ eδ } de E, et un compact ne recontre un réseau qu’en un nombre fini de points. Quitte
à diminuer δ, on peut donc supposer que Λ−1 (Kδ ) ne contienne que des éléments a de Φ(ZL ) qui
vérifient |φ(a)| = 1 pour tout φ ∈ Φ. D’après (9.7.2), on a alors Λ−1 (Kδ ) ∩ Φ(ZL ) = µ(L) ce qui
entraı̂ne que Kδ ∩ Λ(Z∗L ) = {0}.
(9.9.2) Il en résulte que Ω est un sous-groupe discret de H0 , et donc un groupe abélien libre
de rang au plus dimR (H0 ) = r1 + r2 − 1. On en tire que Z×
L est un groupe abélien de type fini,
isomorphe au produit du groupe cyclique µ(L) et d’un groupe abélien libre de rang r au plus égal
à r1 + r2 − 1. Pour achever la démonstration de (9.9), il faut donc montrer que r = r1 + r2 − 1, ce
qui nécessite un peu de préparation.
(9.9.3) Proposition. Soit φ0 ∈ Φ. Il existe une constante C > 0, ne dépendant que de L,
telle que pour tout élément non nul a de ZL , on peut trouver un second élément non nul b de ZL
vérifiant les propriétés
| NL/Q (b)| ≤ C
71
et
|φ(b)| < |φ(a)|
pour tout φ ∈ Φ, φ 6= φ0 .
Preuve. On choisit pour chaque élément φ de Φ une constante cφ > 0 et on considère l’ensemble
1/δ
X = {x = (xφ )φ∈Φ ∈ E | |xφ | ≤ cφ φ }. Il est
Q clair que X est compact, convexe et symétrique par
rapport à l’origine, et que µ(X) = 2r1 π r2 φ∈Φ cφ . Par conséquent, X contient un élément non
Q
Q
nul b de Φ(ZL ) dès que 2r1 π r2 φ∈Φ cφ ≥ 2n Vol(Φ(ZL ))
= 2n−r2 |DL |1/2 , soit dès que φ∈Φ cφ ≥
Q
r
2 r2
|DL |1/2 . On peut donc supposer que φ∈Φ cφ = π2 2 |DL |1/2 puis prendre pour C cette valeur
π
commune. Alors
Y
Y 1/δ
| NL/Q (b)| =
|φ(b)|δφ ≤
(cφ φ )δφ = C.
φ∈Φ
φ∈Φ
1/δ
Si on suppose en plus que cφ < |φ(a)| pour tout φ 6= φ0 , alors |φ(b)| < |φ(a)| pour tout φ 6= φ0 ,
d’où la proposition.
(9.9.4) Corollaire. Soit φ0 ∈ Φ. Il existe u ∈ Z×
L vérifiant |φ(u)| < 1 pour tout φ ∈ Φ, φ 6= φ0 .
Preuve. En utilisant la proposition, on définit une suite d’éléments (ak )k≥0 de ZL \ {0} de la
manière suivante. Tout d’abord, on choisit pour a0 un élément quelconque de ZL \ {0}. Ensuite, si
k ≥ 1 et si ak−1 est déjà choisi, on choisit en appliquant la proposition avec a = ak−1 , un élément
ak vérifiant | NL/Q (ak )| ≤ C et |φ(ak )| < |φ(ak−1 )| quelque soit φ 6= φ0 . Or, on sait qu’il n’y a
qu’un nombre fini d’idéaux de ZL de norme ≤ C (9.3.5). On en tire qu’il existe deux indices k < `
tels que ak ZL = a` ZL , ce qui signifie que ak et a` sont des éléments associés. Il suffit alors que
prendre u = a` /ak .
(9.9.5) Ce corollaire nous permet de conclure la démonstration du théorème (9.9). Pour tout
θ ∈ Φ, on choisit un élément uθ de Z×
L vérifiant |uθ | < 1 pour tout θ 6= φ. Nous allons montrer
que {uθ | θ ∈ Φ} engendre un groupe de rang r1 + r2 − 1. Pour cela, il suffit de montrer que
{Λ(uθ )}θ∈Φ engendre
le sous-espace H0 de E, qui est de dimension r1 + r2 − 1. Or, puisque 1 =
Q
| NL/Q (uθ )| = φ∈Φ |φ(uθ )|δφ , on voit que |θ(uθ )| > 1. Par conséquent, (Λ(uθ ))φ < 0 lorsque φ 6= θ
et (Λ(uθ ))θ > 0. Pour conclure il suffit donc de remarquer que si M = (mij ) est une matrice carrée
réelle
Pd de taille d ≥ 1 vérifiant : (a) mii > 0 pour tout i, (b) mij < 0 pour tout i, j avec j 6= i et (c)
i=1 mij = 0 pour tout j, alors M est de rang d − 1. Pour le voir, il suffit de voir que la matrice
M 0 obtenue à partir de M en supprimant la dernière ligne et la dernière colonne est inversible.
Or, on déduit ce fait du résultat suivant :
(9.9.6)
P Soit A = (mij ) une matrice carrée réelle ou complexe de taille n. On suppose que
|mjj | > i6=j |mij | pour tout j ∈ {1, 2, . . . , n}. Alors A est inversible.
Démonstration. On raison par l’absurde. Si A n’est pas inversible il existe (x1 , x2 , . . . , xn ) =
x 6= 0 tel que xA = 0. Soit j un indice tel que |xj | ≥ |xi | quelque soit i. Alors le j-ème terme de
xA est
X
(xA)j = mjj xj +
mij xi
i6=j
et donc
|(xA)j | ≥ |mjj xj | −
X
X
|mij xi | ≥ |mjj | −
|mij | |xj | > 0,
i6=j
i6=j
une contradiction.
EXERCICES
72
(e9.1) Soit L un corps de nombres de degré n tel que L/Q soit une extension galoisienne.
(i ) Montrer que L est soit totalement réel (r1 (L) = n) soit totalement imaginaire (r1 (L) = 0).
(Vérifier que le sous-corps φ(L) de C ne dépend pas du plongement de φ : L → C.)
(ii ) En déduire que si a est un élément primitif de L/Q, alors les conjugués de a dans C sont soit
tous réels soit tous non réels.
(e9.2) Soit L un corps de nombres. Montrer (sans utiliser le théorème de Minkowski (9.4.1)) qu’il
existe une constante CL > 0, ne dépendant que de L, telle que tout idéal fractionnaire I contienne un
élément a 6= 0 vérifiant | NL/Q (a)| ≤ CL NL/Q (I). (En multipliant par un dénominateur commun, on peut
supposer que I soit un idéal entier. Soit alors (a1 , a2 , . . . , an ) une Z-base de ZL et
P soit M l’entier tel
que M n ≤ NL/Q (I) < (M + 1)n . En appliquant le principe du tiroir aux éléments ni=1 mi ai de ZL , où
n
Y X
0 ≤ mi ≤ M pour tout i ∈ {1, 2, . . . , n}, montrer que CL =
|φ(ai )| convient.)
φ:L→C
i=1
(e9.3) Soit S̃t l’ensemble défini au (9.5.3). Le but de cet exercice est de justifier la formule µ(S̃t ) =
énoncé dans le texte. La question ne dépend que de (r1 , r2 ) et non du corps L lui-même.
On écrit alors µr1 ,r2 (t) à la place de µ(S̃t ).
(i ) Expliquer pourquoi µr1 ,r2 (t) = tn µr1 ,r2 (1).
2
(ii ) Montrer que si r1 ≥ 1, alors µr1 ,r2 (1) = r1 +2r
µr1 −1,r2 (1). En déduire que
2
nn r1 π r2 n
t
n! 2
2
µr1 ,r2 (1) =
(iii ) Montrer que µ0,r2 (1) =
2r 1
µ0,r2 (1).
(r1 + 2r2 )(r1 − 1 + 2r2 ) · · · (1 + 2r2 )
π
2(2s)(2s−1) µ0,r2 −1 (1)
si r2 ≥ 1. Conclure.
(e9.4) Soit L un corps quadratique réel, de discriminant DL > 0.
√
√
√
(i √
) Montrer que si DL < 16, alors Cl(ZL ) est trivial. En déduire que si L = Q( 2), Q( 3), Q( 5)
ou Q( 13), alors ZL est un anneau principal.
(ii ) On suppose que 16 ≤ DL < 36. Montrer que ZL est encore un anneau principal. (Vérifier que
tout élément de Cl(ZL ) contient un idéal de norme 1 ou 2. Montrer que lorsque DL ≡ 5 (mod 8), ZL ne
possède pas d’idéal de norme 2. Dans les autres cas, exhiber un élément a vérifiant soit NL/Q (a) = 2 soit
NL/Q (a) = −2.)
√
(iii ) Montrer que lorsque L = Q( 10), Cl(ZL ) est d’ordre deux. (Toute classe contient un idéal de
norme au plus 3. Les factorisations de 2ZL et de 3ZL sont respectivement 2ZL = P22 et 3ZL = P3 P30 avec
NL/Q (P2 ) = 2 et NL/Q (P3 ) = NL/Q (P30 ) = 3. Vérifier que les équations
λ2 − 10µ2 = ±2 et λ2 − 10µ2 = ±3
√
2
2
n’ont pas de solution (λ, µ) ∈ Z et remarquer que NL/Q (2 ± 10) = −6. En déduire que P2 , P3 et P30
ne sont pas principaux alors que P22 , P2 P3 et P2 P30 le sont.)
√
(e9.5) Montrer que le groupe des classes de Q( −23) est cyclique d’ordre 3.
(e9.6) On note L un corps quadratic réel, L = Q(a) où a2 = D, D > 1 étant un entier sans facteur
carré. On note R le sous-anneau {λ + µa | (λ, µ) ∈ Z2 } de ZL .
(i ) En utilisant le théorème (9.9), montrer que Z×
L est engendré par −1 et un élément ε d’ordre infini.
(ii ) En déduire que lorsque D ≡ 2 ou 3 (mod 4), l’équation de Pell λ2 − Dµ2 = 1 possède une
solution (λ, µ) ∈ Z2 avec µ 6= 0.
(iii ) Montrer que si D ≡ 3 (mod 4), l’équation λ2 − Dµ2 = −1 ne possède pas de solutions en entiers
(λ, µ). (Utiliser les congruences (mod 4).)
×
×
(iv ) Montrer que si D ≡ 1 (mod 8) alors Z×
L = R et que si D ≡ 5 (mod 8) alors R est d’indice 1
×
2
2
ou 3 dans ZL . En déduire que si D ≡ 1 (mod 4) alors l’équation de Pell λ − Dµ = 1 admet une solution
(λ, µ) avec µ 6= 0.
(v ) Soit p un nombre premier tel que p ≡ 1 (mod 4). Montrer que l’équation diophantienne λ2 −pµ2 =
−1 admet une solution (λ, µ) ∈ Z2 . (Montrer d’abord que si u ∈ R× et si NL/Q (u) = 1, alors soit u soit
−u est le carré d’un élément v de R. En déduire que NL/Q (v) ∈ {±1} puis expliquer comment choisir u
de telle façon que NL/Q (v) = −1.)
Remarque. Lorsque D ≡ 1 et D n’est pas premier ou lorsque D ≡ 2 (mod 4) nous ne connaissons
pas de critère simple en fonction de D permettant de déterminer si oui ou non l’équation λ2 − Dµ2 = −1
possède une solution en entiers.
73
(e9.7) (i ) Montrer que les seules solutions (x, y) ∈ Z2 de l’équation y 2 = x3 − 2 sont (3, ±5).
(Soit (x, y) soit une solution. Montrer d’abord que x et y sont impairs. Ensuite, travailler dans le corps
L = Q(a), où a2 = −2. Écrire (y + a)(y − a) = x3 . Montrer que y + a est le cube d’un élément m + na,
où (m, n) ∈ Z2 , de ZL . En déduire que n ∈ {±1}.)
(ii ) Montrer que l’équation y 2 = x3 −6 n’a pas de solution en entiers. (Utiliser dans le corps L = Q(a),
où a2 = −6, en appliquant la même stratégie que dans la question (i ). On rappelle que Cl(ZL ) est d’ordre
deux. En déduire que (y + a)ZL est le cube d’un idéal principal .)
(iii ) Généraliser le résultat de la question (i ) : soit D > 0 un entier divisible par 6 et sans facteur
carré. On suppose que le groupe des classes Cl(ZL ) du corps L = Q(a) soit d’ordre premier à 3. Alors
l’équation y 2 = x3 − D n’a pas de solution en entiers.
(iv ) Montrer que y 2 = x3 − 5 n’a pas de solution en entiers.
(v ) Étudier l’équation y 2 = x5 − 7 en s’inspirant de la méthode des questions qui précèdent.
(e9.8) Soit L un corps de nombres et soit I 6= {0} un idéal de ZL . Montrer que le sous-groupe
×
{u ∈ Z×
L | u − 1 ∈ I} est d’indice fini dans ZL . (Considérer l’homomorphisme canonique ZL → ZL /I et
utiliser le fait que ZL /I est un anneau fini.)
(e9.9) Soit L un corps de nombres. Un ordre dans L est un sous-anneau (unitaire comme toujours)
de ZL dont le corps de fractions est L.
(i ) Vérifier que si L 6= Q, alors L contient toujours un ordre différent de ZL . (Étudier le sous-anneau
engendré par mZL , m > 1 un entier convenable.)
(ii ) Soit R un ordre de L. Montrer que R contient un idéal non nul de ZL . En déduire que le groupe
additif R est d’indice fini dans ZL .
(iii ) En déduire que le groupe multiplicatif R× est d’indice fini dans Z×
L . (Utiliser (e9.8).)
(e9.10) Soit R un sous-anneau de L dont le corps de fractions est L.
(i ) Montrer que si Φ(R) est un sous-groupe discret de l’espace vectoriel E défini au (9.1.2), alors
φ(R) est un réseau.
(ii ) En déduire que R est un ordre dans L et, en particulier, que R ⊆ ZL .
(e9.11) Soit D ∈
/ {0, ±1} un entier qui n’est pas un cube. On note L le corps Q(a), où a3 = D.
(i ) Déterminer les nombres r1 et r2 associés à L. En déduire la structure du groupe Z×
L.
(ii ) Vérifier que si (λ, µ, ν) ∈ Q3 , alors NL/Q (λ + µa + νa2 ) = λ3 + Dµ3 + D2 ν 3 − 3λµν.
(iii ) En déduire que l’équation λ3 + Dµ3 + D2 ν 3 − 3λµν = 1 a une infinité de solutions (λ, µ, ν) ∈ Z3 .
(Appliquer l’exercice (e9.9).)
(e9.12) Soit L un corps de nombres. On note n = [L : Q].
(i ) Soit p un nombre premier. Montrer que ZL contient au plus n idéaux (entiers) de norme p.
(Considérer la factorisation en idéaux premiers de pZL .)
(ii ) Soit p un nombre premier et soit r ≥ 1 un entier. Montrer que ZL contient au plus n+r−1
r
idéaux de norme pr . Vérifier l’inégalité n+r−1
≤ (n + 1)r , et en déduire que ZL contient au plus (n + 1)r
r
idéaux de norme pr .
Si m ≥ 1 est un entier, on note Nm (ou Nm (L)), le nombre d’idéaux de ZL de norme m.
(iii ) Montrer que
entre eux, alors Nm1 m2 = Nm1 Nm2 .
Q si m1 et m2 ont deux entiers naturels premiers
P
(iv ) Soit m = p pordp (m) un entier naturel. Montrer que p ordp (m) ≤ log2 (m), où log2 (m) désigne
le logarithme de m en base 2 (c’est-à-dire m = 2log2 (m) ).
(v ) En déduire que Nm ≤ (n + 1)log2 m = mlog2 (n+1) quelque soit l’entier m ≥ 1.
(vi ) Conclure que si t > 0, le nombre d’idéaux de L de norme au plus t est majoré par
X
m≤t
Nm ≤
(t + 1)log2 (n+1)+1
.
log2 (n + 1) + 1
(vii ) Déduire de ce qui précède ainsi que de (9.6.1) que si CL > 0 est une constante ayant la propriété
que tout idéal I non-nul de L contienne un élément non-nul a tel que | NL/Q (a)| ≤ CL NL/Q (I), alors
(CL + 1)log2 (n+1)+1
# Cl(ZL ) ≤
.
log2 (n + 1) + 1
74
Remarque. On peut démontrer un résultat plus précis que celui de la question (vi ), à savoir que le
nombre d’idéaux de L de norme au plus t > 0 est équivalent à κ(L)t, où κ(L) > 0 est une constante
dépendant du corps L.
(e9.13) Soit a un élément d’une extension de Q. On dit que a est totalement réel a est algébrique
sur Q et si tout conjugué de a dans C est réel (c’est-à-dire si toutes les racines complexes du polynôme
minimal de a sont réelles). L’extension algébrique de Q est dit totalement réel si tous ses éléments sont
totalement réel.
Fixons une clôture algébrique Q de Q.
(i ) Montrer que l’ensemble des éléments totalement réels de Q forment un sous-corps Qtr de Q.
Montrer que l’extension Qtr /Q est galoisienne (c’est-à-dire que si a ∈ Qtr , alors le polynôme minimal de
a se décompose en facteurs linéaires dans Qtr ).
L’élément totalement réel a (d’une extension de Q) est dit totalement positif si tous ses conjugués
réels sont strictement positifs (c’est-à-dire que toutes les racines réelles du polynôme minimal de a sont
strictement positives).
(ii ) Montrer qu’un élément a de Qtr est strictement positif si et seulement s’il existe b ∈ Qtr vérifiant
2
b = a.
Soit L une extension algébrique de Q. On dit que L est un corps à multiplications complexes
(ou corps CM) si L est une extension quadratique totalement imaginaire d’un corps totalement réel.
(iii ) Soit F un corps totalement réel et soit L une extension quadratique de F . Montrer que pour
que L soit un corps CM il faut et il suffit qu’il existe un élément a de L tel que L = F (a), a2 appartient
à F et −a2 est totalement positif.
On note i un élément de Q vérifiant i2 = −1 et on pose Qcm = Qtr (i). On note σ l’élément non trivial
de Gal(Qcm /Qtr ).
(iv ) Soit a ∈ Q. On suppose que a2 ∈ Qtr et que −a2 soit totalement positif. Montrer que Qtr (a) =
cm
Q .
(v ) Montrer que tout sous-corps totalement réel ou CM de Q est contenu dans Qcm et que tout
sous-corps de Qcm est soit totalement réel soit un corps CM. (Afin de montrer que qu’un sous-corps L
de Qcm qui n’est pas totalement réel est un corps CM, on peut considérer le sous-corps de L fixé par σ.)
(vi ) En déduire que la clôture galoisienne d’un corps de nombres qui est un corps CM est un corps
CM.
Références bibliographiques
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