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Léom Wsâræs
Le fondateur de l'économie néoclassique
ans sa monumentaleHis-
toire de I'analyse écono-
mique, l'économiste
autrichien Joseph Schumpeter (cf
p.60) considérait Marie Esprit
Léon Walras (1834-1910) cornme
le plus grand de tous les écono-
mistes. Une reconnaissance
extraordinaire pour un êcono-
miste dont la contribution est en
fait plus mêthodologque que fon-
damentalement thêorique.
L'histoire commence en l87l
quand William Stanley Jevonsx en
Grande-Bretagne et Carl Menger*
en Autriche dêcrivent, chacun de
leur côté, comment les valeurs
marchandes des biens dêpendent
des évaluations subjectives qu'en
font les consommateurs. Ils uti-
lisent pour cela les concepts de
raretê et d'utilité, fondant ce que
l'gn appelle la « théorie de la
valeur marglnale » : c'est en effet
l'utilité marginale d'un bien - soit
l'utilité de l'unitê ou de la quantité
utilisée d'un bien - et non celle de
son stock qü détermine savaleur
de marchê, c'est-à-dire le prix que
le consommateur est prêt à payer
pour l'obtenir.
Avant eux, les êconomistes clas-
siques (c[ p.8) expliquaient les
prix des biens par leurs cotrts de
production. Cette approche posait
problème puisqu'elle n'expliquait
pas la divergence qui pouvait exis-
ter entre les prix souhaités par les
producteurs et cerx effectivement
payês par les consommateurs.
Autrement dit, les êconomistes
classiques étaient incapables d'ex-
pliquer l'occurrence des pertes.
Jevons se distinguait de Menger
par sa volonté de faire de l?cono-
mie une science comparable à la
physique, à savoir mathématisée.
Mais sa démonstration se limitait
au cas d'un êquilibre entre lbffre+
et la demandex de deux biens.
Quatre ans plus tard, le Français
Walras va plus loin en trouvant
une solution d'équilibre général
pour plusieurs biens, ce qu'il
dêmontre dans son livre phare,
Eléments d'êconomie politique pure.
Il conforte ainsi, en leur donnant
une base mathématique, les thèses
de Smith (c[ p.28) et de Say (c[
p. 38), à savoir qu'en l'absence de
monopoles* comme de monop-
sonesf Ie marché assure une allo-
cation efficace des ressources
quand les individus ont une infor-
mation parfaite sur les prix et les
'quantitês disponibles des biens.
UN [-{ERITAËI IÜNTE.s I'T
Ainsi ddmontrê, le principe de la
maximisation (ou de la minimisa-
tion) des recettes (ou des coûts)
par des agents rationnels et com-
plètement informés deviendra
l'un des fondements de ce qubn
appelle aujourd'hui l'êconomie
néoclassique. Et Walras apparaîtra
corrune son fondateur. À U aife-
rence deJevons, en effet, il va faire
école. Son disciple Vilfredo Pareto
(1848-1923) hérite de sa chaire à
l'université de Lausanne et aura
une influence majeure en Italie, Il
va consolider le système walrasien
par une analyse du biert-être
social qui fait toujours partie inté-
grante de l'êcole néoclassique.
Tout comme ses disciples, Walras
fut pourtant largement ignoré à
son époque, les économistes poli-
tiques alors dominants considé-
rant comme trop abstrait son
exposé très mathématisé.
Ce n'est qu'avec lalé$timationde
la planification économique, dans
les années 1930, que son héritage
fut redécouvert et s'imposa
comme le mainstreom économique
qu'il est encore de nos jours,
même s'il est de plus en plus
contesté. Dans un vrai marché en
effet, les agents ne disposent pas
d'une information complète, d'où
un déséquilibre entre offre et
demande qui exige l'intervention
de l'État pour le corriger et rendre
le marchê effectivement parfait.
John Hicks (c[ p. 58), Oskar tange
(1904-1965), Maurice Allais+ et
Paul Samuelsonx essaieront par la
suite d?largir le système walrasien
en donnant unrôle plus ou moins
correcteur à I'État, mais sans le
remettre en cause.
Aujourd'hui, les bases de ce cou-
rant d'économie d'inspiration néo-
walrasienne, en particulier les
hypothèses de rationalité parfaite
et d'information complète, sont, à
raison, remises en cause. Ces
erreurs avaient êté évitées par Carl
Menger dont le raisorurement reste
d'actualité. Ses agents sont créatifü
imparfaits et incomplètement
informés, ce qui rend toute idêe
d'êquilibre général superflue. r
Gabrlel A. Giménez Roche, chercheur
associé à l'lnstitut économique
Molinari et professeur associé au Groupe ESC
Troyes (Champagne).
44 I Le Point Références I Pensée économique