L'économie de marché libre est l'économie dans laquelle les producteurs et les
consommateurs décident eux-mêmes de ce qu'ils vont offrir et demander, sans interférence
(mais non sans un rôle essentiel) de l'Etat dans cette décision de
produire
et de consommer.
L'initiative y est libre et personnelle. Elle vient du bas (non du haut) et de la périphérie (non
du centre). L'économie
de
marché libre est
un
modèle
de
responsabilité "remontante" et non
"descendante". Elle répond au principe dit de subsidiarité.
Elle reflète la réalité
de
la plus grande partie des économies occidentales, mais non de
leur totalité. En effet ces économies sont souvent caractérisées par une structure de production
plus ou moins publique et à ce titre qualifiées "d'économies mixtes", même si le modèle de
l'économie mixte ne semble plus faire recette nulle part.
Les économies réelles occidentales sont plus ou moins proches du modèle de
l'économie de marché libre. Sa logique doit, quoiqu'il en soit, être expliquée
de
manière pure.
On verra qu'une telle approche est globalement réaliste, et que son intérêt majeur consiste, en
marquant une situation limite, à donner une clé d'interprétation pour tous les types
d'économie.
Pour subtiles qu'elles puissent paraître, ces remarques sont inévitables si l'on veut lever
d'emblée l'ambiguïté propre au terme "économie de marché", qui pourrait peser sur tous les
développements ultérieurs et qui pèse d'ailleurs sur les conceptions des dirigeants des pays
d'économies centralisées. Débarrassé de son ambiguïté initiale, le concept d'économie de
marché, entendu comme économie de marché libre, peut désormais être défini.
Il reste la question, abordée par Maurice Allais, de savoir si l'on doit parler d'économie de
marché (libre) ou d'économie de marchés (libres). Maurice Allais, Prix Nobel
1991
qui a apporté
une large contribution aux réflexions sur la transition vers l'économie de marché dans les pays de
l'est, a expliqué dans
un
ouvrage récent pourquoi
il
dit : "économie de marchés avec un s et non
pas économie de marché sans s : tant sur le plan de l'analyse théorique que sur celui de l'économie
appliquée, la distinction est tout à fait essentielle. En fait beaucoup de théoriciens de l'est pensent
que la seule condition de la réalisation d'une économie efficace est d'instituer un système unique
de prix, supposé implicitement par l'expression "économie de marché".
En fait la réalisation d'un système unique de prix n'est ni possible, ni même souhaitable.
Ce qui fondamentalement est essentiel, c'est que dans
la
recherche de tous les surplus réalisables,
soient assurées toutes les incitations à l'efficacité que seule peut susciter une économie libérale,
décentralisée, et fondée sur
la
propriété privée". (voir Erreurs et Impasses de
la
construction
européenne, Clément Juglar, 1992, note
15,
p.I05). En intégrant
le
point de vue de Maurice Allais
qui souligne à quel point "la libération des prix" est loin d'être une mesure suffisante ou
primordiale dans la restauration des économies des pays de l'est, notamment par rapport à
l'ensemble des fondements juridiques préalables nécessaires,
il
nous paraît préférable de garder
l'expression l'économie de marché sans s pour tenir compte, au delà de la judicieuse distinction, du
phénomène fondamental de l'économie monétaire où la monnaie, pouvoir d'achat généralisé, crée
une solidarité d'ensemble de tous les marchés, grâce à l'arbitrage permanent des divers marchés
par les consommateurs, qui orientent souverainement leurs bulletins de vote monétaires vers tel
marché plutôt que vers tel autre. Cene solidarité organique des marchés entretenue par l'arbitrage
monétaire permet de dire que les marchés forment ensemble une sorte de grand marché auquel
équivaut l'économie de marché et sur lequel les demandeurs offrent de
la
monnaie pour demander
des biens et services tandis que les offreurs demandent
de
la
monnaie pour offrir des biens et
services. Tel est d'ailleurs
le
seul légitime fondement de l'approche macro-économique (voir à ce
sujet, L'ordre social de Jacques Rueff, chapitre VI, Principes des variations du niveau général des
prix en monnaie, 2ème Edit, Librairie de Médicis, 1948, p.20
1).
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