
 
 
 Quel est le rôle du prix de vente dans les décisions des producteurs ? 
 
I) La pression concurrentielle impose au producteur le prix comme un paramètre exogène et décisif 
A) En concurrence parfaite, le niveau de la production est déterminé par celui du prix, le producteur se 
trouvant dans une situation de "price-taker" du fait de la pression concurrentielle. 
Le prix est ici une donnée (on peut rappeler  les conditions de la concurrence parfaite)  à partir de laquelle le 
producteur détermine le niveau de production. Comme il est un signal des préférences des consommateurs, il assure 
l'adéquation optimale de l'offre à la demande.  
NB : l'égalité entre coût marginal et prix n'engendre pas forcément un profit nul. 
Le prix apparaît comme une contrainte à long terme en concurrence parfaite, dans la mesure où par le jeu de 
l'entrée de concurrents sur le marché, la taille de l'entreprise est ramenée à l'échelle minimum efficace, avec un prix 
égal au coût marginal et au coût moyen, et donc un profit nul *. La théorie économique continue à se référer à ce 
cadre, en dépit de l'irréalisme de ses hypothèses. En effet, même si les marchés réels s'écartent pour la plupart de ces 
hypothèses, le jeu de la concurrence fait qu'ils s'en éloignent rarement de façon durable : l'imitation des innovations 
fragilise  les  situations  monopolistiques,  les  stratégies  d'entente  sont  instables,  la  politique  de  la  concurrence 
aménage  les  conditions  favorables  à  la  pression  concurrentielle.  Ce  cadre  se  présente  d'ailleurs  autant  comme 
normatif que positif.  
 
B) Cette pression à la baisse sur le prix résiste souvent aux imperfections de la concurrence. 
Le relâchement des hypothèses de la CP n'implique pas forcément le contrôle du prix par le(s) producteur(s). 
Ainsi, la différenciation du produit aboutit à la concurrence monopolistique, situation modélisée par Chamberlin 
comme proche du monopole à court terme, et de la CP à long terme *. Le modèle de la ville circulaire de Salop 
exhibe un mécanisme similaire : l'entrée sur le marché de concurrents attirés par les perspectives de profit réduit le 
segment de marché de chacun des producteurs, qui subissent alors simultanément une baisse des prix et du volume 
des ventes. L'analyse de l'oligopole s'est heurtée au paradoxe de Bertrand : on observe sur les marchés concrets que 
la concurrence se fait essentiellement par les prix, à la Bertrand, mais avec des profits positifs, ce qui théoriquement 
n'est possible que lorsque la concurrence se fait par les quantités, à la Cournot. Les hypothèses ad hoc permettant de 
résoudre ce paradoxe rendent compte d'une certaine viscosité du prix : les contraintes de capacité (Edgeworth) le 
font graviter  à l'intérieur  d'un intervalle, la  demande coudée  (Sweezy)  amoindrit  sa  réactivité aux  variations de 
l'offre et de la demande. Le prix apparaît donc encore ici comme le canal par lequel l'environnement détermine les 
décisions des producteurs.  
 
II) Sous certains conditions, le relâchement de cette pression fait du prix une variable endogène au 
programme de maximisation du producteur 
A) En monopole, le producteur est "price-maker", et peut même élaborer une stratégie de discrimination 
par les prix. 
Quand le producteur sert l'ensemble d'un marché, la courbe de demande à l'entreprise est identique à la courbe de 
demande au marché concurrentiel : le monopoleur peut alors arbitrer entre marge unitaire et volume des ventes. * 
Les situations de monopole se rencontrent dans la réalité (presque) aussi rarement que les situations perfaitement 
concurrentielles,  mais  ces  deux  cadres  d'analyse  fournissent  une  grille  d'analyse  des  marchés  concrets,  qui 
présentent en général simultanément des tendances monopolistiques et concurrentielles. La structure du marché n'est 
d'ailleurs pas le seul facteur permettant aux producteurs de manipuler le prix de vente : le paradoxe de Diamond 
établit ainsi qu'une situation concurrentielle peut s'y prêter dès lors que l'acquisition de l'information sur les prix par 
les  consommateurs  est  coûteuse.  Lorsqu'il  est,  même  partiellement,  dégagé  de  la  pression  concurrentielle,  le 
producteur décline son prix de vente en fonction des clients, de la quantité vendue ou du contexte. Poussée à son 
paroxysme, la discrimination par les prix transfère l'intégralité du gain à l'échange au producteur *. L'observation 
des  marchés  offre  de  nombreux  exemples  de  pratiques  en  ce  sens  :  politiques  tarifaires  dans  les  transports 
segmentant la clientèle, soldes, tarifs binômes des opérateurs téléphoniques ou des fournisseurs d'accès à internet, 
qui conduisent  parfois  le  producteur  à  privilégier des  forfaits  illimités,  selon  une logique  qui  ne  favorise qu'en 
apparence le consommateur, comme l'avait montré Oi à propos de Disneyland.  
 
B) Pour maintenir sa position dominante sur un segment de marché, le producteur articule la fixation du 
prix et la différenciation du produit.  
Les producteurs  ne sont  en  général  ni  complètement  soumis,  ni  complètement à  l'abri  de  la  concurrence. La 
manipulation du prix peut ainsi servir à évincer les concurrents (politique de prix prédateurs), ou à les éloigner :  la 
métaphore  de  représentation  du  marché  par  une  ville  linéaire,  à  la  Hotelling,  conduit  à  souligner  que  le 
positionnement sur un segment de marché et le prix peuvent être fixés de concert, de sorte à arbitrer entre une 
différenciation  maximale  permettant  d'augmenter  le  prix  et  la  marge  unitaire,  et  une  différenciation  minimale 
favorable à un gonflement des ventes.