
TRAITÉ DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX, ARISTOTE
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§ 13. II n'est donc pas possible de diviser les classes d'animaux par ces caractères; et aucun
des organes destinés à la marche ne suffiraient à expliquer la cause de leurs différences. Tout
ce qu'on peut dire, c'est que les animaux dont la nature est plus parfaite et qui représentent un
principe plus pur, sont vivipares, et qu'aucun animal n'est [30] vivipare en lui-même, s'il ne
reçoit l'air et s'il ne respire. Les plus parfaits sont ceux qui, de nature, sont plus chauds et plus
humides, et qui ne sont pas terreux.
§ 14. C'est le poumon qui détermine la chaleur naturelle, dans tous les animaux où cet organe
est plein de sang. En général, les animaux qui ont un poumon sont plus chauds que ceux qui
n'en ont pas; et même parmi ceux qui ont un poumon, les plus chauds sont ceux dont le
poumon n'est, ni spongieux, ni visqueux, ni peu sanguin, mais, au contraire, plein de sang
[733b] et mou.
§ 15. De même que le jeune peut être complet, tandis que l'œuf est incomplet ainsi que la
larve, de même il est dans l'ordre de la Nature que l'être complet vienne d'un être plus complet
que lui. Les animaux qui sont plus chauds parce qu'ils ont un poumon, et qui sont d'une nature
plus sèche, ou bien qui sont plus froids et plus humides [5], tantôt font un œuf complet quand
ils sont ovipares; et tantôt, après avoir fait un œuf, ils sont vivipares en eux-mêmes. Ainsi, les
oiseaux et les animaux à écailles pourraient produire des êtres complets à cause de leur
chaleur; mais ils sont ovipares à cause de leur sécheresse.
§ 16. Quant aux sélaciens, comme ils sont moins chauds que les oiseaux et plus humides
qu'eux, ils participent des deux organisations; ils produisent en eux-mêmes un œuf, et [10]
ensuite un être vivant, faisant un œuf, parce qu'ils sont froids, et un être vivant parce qu'ils
sont humides. C'est que l'humide est plein de vie, et que le sec est de beaucoup ce qu'il y a de
plus éloigné de l'être animé. Or, comme ils n'ont ni ailes, ni carapaces, ni écailles, qui sont les
marques d'une nature plus sèche et plus terreuse, ils font un œuf qui est mou.
§ 17. Mais le terreux ne flotte pas plus à la surface [15] dans l'œuf qu'il n'y flotte dans l'animal
lui-même; et c'est là ce qui fait que ces animaux produisent en eux-mêmes un œuf ; car si
l'œuf, n'ayant rien qui le protège, allait au dehors, il y périrait. Mais les animaux plus froids et
plus secs produisent un œuf qui est incomplet, et qui a une pellicule dure, parce que ces
animaux sont terreux. Cet œuf, tout incomplet qu'il est, peut subsister sain et sauf, parce que
son enveloppe est assez ferme pour le protéger.
§ 18. [20] Les poissons qui ont des écailles et les crustacés, qui sont terreux, font aussi des
œufs revêtus d'une peau assez résistante. Les mollusques, dont le corps est naturellement
visqueux, font réussir les œufs qu'ils répandent de la manière suivante, c'est-à-dire, en versant
en abondance sur la ponte une liqueur visqueuse.
§ 19. Quant aux insectes, ils sont tous larvipares [25] ; et comme ils n'ont pas de sang, ils font
leurs larves au dehors. Cependant, les animaux exsangues ne font pas tous des larves sans
exception. On remarque beaucoup de variétés entre eux et des uns aux autres, selon qu'ils font
des larves, ou selon que l'œuf qu'ils pondent est incomplet, comme le font aussi les poissons,
les animaux à carapaces, les crustacés et les mollusques. [30] Pour ceux-ci, les œufs sont
produits sous forme de larves, et ils se développent et croissent au dehors; pour les autres, les
larves prennent plus tard la forme d'œufs. Dans ce qui va suivre, nous expliquerons comment
se passent tous ces phénomènes.