DOSSIER alimentation des lignes à grande vitesse en Belgique par

DOSSIER
alimentation des lignes à grande
vitesse en Belgique
par Daniel NYSSENS, TUC RAIL (Tractebel)
Mots-clés :
Ferroviaire,
Traction
électrique,
Alimentation,
Lignes à
grande
vitesse.
La mise en place des lignes à grande
vitesse en Belgique a imposé la révision
de la tension d'alimentation destinée
à la traction électrique.
INTRODUCTION
Le présent article a pour objet de décrire de façon suc-
cincte les principales caractéristiques des installations fixes
de traction de la ligne à grande vitesse (LGV) belge -
300 kmlh.
L'électrification de la ligne construite en site neuf se
caractérise par une technologie particulière et profondé-
ment différente de celle utilisée jusqu'à présent par la
SNCB pour ses lignes classiques. Il s'agit en effet de la
mise en place d'un système d'alimentation sous 25 kV
alternatif par opposition au système 3 kV en courant conti-
nu habituellement utilisé en Belgique.
PRINCIPES
Choix du système 25 kV
La puissance importante installée dans les rames TGV
(rame Eurostar : 12 MW- double rame Thalys : 17,6 MW)
et le trafic intense sur la ligne, nécessitaient une autre dis-
tribution de l'énergie de traction que le 3 kV-DC.
Depuis la deuxième guerre mondiale, deux systèmes à
courant alternatif introduisant la " moyenne haute tension "
dans la traction électrique, se sont développés en Europe, le
15 kV 16 111 Hz, et le 25 kV/50 Hz.
L'évolution des techniques de commande et de motorisa-
tion dans le domaine de la traction ferroviaire a conduit ce
dernier système à une utilisation plus universelle que le
premier.
Le choix de la tension de 25 kV/50 Hz était donc tout
indiqué pour le TGV en Belgique.
Toutefois, compte tenu du développement important du
réseau belge en 3 kV-DC, le fait d'opter pour un système
incompatible avec le réseau actuel ne paraissait pas évident
tant pour des raisons de standardisation que pour des pro-
blèmes techniques dus à l'influence du courant alternatif sur
les équipements de signalisation et de télécommunication.
L'importante puissance électrique nécessaire à la
traction des trains TGV en Belgique et la densité
du trafic ont nécessité le remplacement de l'ali-
mentation 3 kV DC par du 25 kV AC.
La caténaire est alimentée en 25kV AC par rap-
port au rail ; une alimentation de câble en 25 kV
AC en opposition de phase avec la caténaire, par-
court toute la ligne. Des postes autotransforma-
teurs sont installés tous les 10 km.
La caténaire développée est conçue avec des élé-
ments spécifiques adaptés aux vitesses élevées.
Because of increased power consumption by high-
speed trains and high traffic density on the Belgian
network, the former 3 kV DC systems have been
replaced by a new 25 kV AC supply.
The catenary voltage is at 25 kV AC with reference
to the rail and a second line fed with 25 kV AC in
antiphase with the catenary voltage runs alongside
the track. Autotransformers are fitted every 10 km.
The catenary system includes special components
to withstand the high-speed traffic.
En outre, le fournisseur de courant est peu disposé à ali-
menter en monophasé les puissances importantes imposées
par le trafic TGV très dense.
Principe de l'alimentation 2 x 25 kV/50 Hz
Schéma cle principe
La distribution de l'énergie de traction sur la ligne se fait
par un réseau 2 x 25kV (fig. 1) :
- la caténaire est alimentée en 25 kV par rapport au rail ;
- une alimentation de câble, alimentée en 25 kV, en opposi-
tion de phase avec la caténaire, parcourt toute la ligne.
Des postes autotransformateurs sont répartis le long de la
ligne et à des interdistances régulières de +/- 10 km, pour
assurer la distribution 2x25 kV.
REE
N'9
Ot.b,c 1998. 39
L'ÉLECTRICITÉ DANS LE FERROVIAIRE
SECTEUR 1
Ic=I caténaire caténaire
SECTEUR 2 1. Distribution de l'énergie
de traction.
1
[T
50 k] V
25 kV
25 kV
50 kV I=courant
machine
: TL
Rail
If=I feeder
transformateur
Feeder
autotransfo 1 autotransfo 2
Dans ce schéma le rail sert de troisième conducteur. Il
joue toujours le rôle de circuit de retour, mais n'en a plus
l'exclusivité comme indiqué ci-après.
En effet ce schéma réalise une distribution de l'énergie
sous 50 kV sur une grande partie du trajet.
Répartition des courants
La figure 1, qui représente un train au milieu du deuxiè-
me secteur de la ligne, permet de mieux appréhender le fait
que le transport de l'énergie se fait (partiellement) sous
50 kV.
La répartition des courants peut être obtenue en rempla-
çant les autotransformateurs par des transformateurs à
enroulements séparés (théorie des transformateurs).
On obtient alors le schéma de la figure 2, dans lequel les
circuits de retour associés à chaque transformateur sont
représentés séparément.
La répartition des courants s'en déduit aisément.
L'impédance des connexions longitudinales (caténaire,
feeder, rail) étant supposée négligeable, et les autotransfor-
mateurs étant supposés parfaits, on obtient la répartition
des courants telle que l'indique la figure 3.
Les points importants à noter sont les suivants :
- Dans les secteurs situés entre la source et le train, le
transport de l'énergie se fait entre caténaire et alimentation
de câble, c'est-à-dire sous 50 kV. Les chutes de tension
sont ainsi de 50 % inférieures à celles obtenues avec une
distribution 25 kV. Le rayon d'action des sous-stations de
traction peut donc être augmenté.
- Les pertes dans les lignes sont quatre fois plus faibles que
celles enrégistrées avec une distribution 25 kV/50 Hz.
- Le courant dans le rail est nul dans les secteurs non par-
courus, ce qui permet d'éviter la présence de courants
vagabonds et de limiter les perturbations dans les circuits
de voie.
Toutefois dans la pratique, il est évident que l'effet de
ces avantages dépend directement du nombre de postes
avec autotransformateurs en ligne.
Si l'interdistance entre eux devient trop grande, la distri-
bution 50 kV ne s'appliquera qu'à une fraction de l'énergie
totale transportée.
Il faut souligner que la présence de l'alimentation de
câble en opposition de phase avec la caténaire produit un
affaiblissement du champ électromagnétique par rapport à
la distribution 1 x 25 kV monophasée.
APPLICATION À LA LGV, BRANCHE OUEST
Schéma simplifié de la ligne
La branche ouest a une longueur de 71 km en site propre
entre la frontière française et Lembeek (Hal).
'/4 1 CATENAIRE
50 kV
C
Ë
l
125 kV'/4 1 '/2 1 111 Vl
25 kV'/4 1
VII FEEDER
2. Répartition des courants
avec circuits de retour
associés à chaque
transformateur représentés
séparément.
REE
9
Octob,c 1998
L'otimentotion des lignes à grande vitesse en Belgique
1/21- CATENAIRE 3/41
Il
25
] 2 5
1 rail = 0
VII
il vi V2 1
<-- 1/4 1 3. Répartition
des courants.
2f
'/4 1 3 1
v, f -/ I 1
If= V21 FEEDER
SECTEUR 1
Vd
V4
SECTEUR 2
Le raccordement de la sous-station sur une ligne
Electrabel de 150 kV située à mi-distance de la ligne LGV,
à Huissignies-Chièvres, permet d'alimenter toute la ligne
au départ de ce seul point d'injection.
En examinant le schéma de principe qui est donné en
figure 4, on peut faire les remarques suivantes :
- Une zone de transition est prévue à Lembeek, entre le
25 kV/50 Hz et le 3 kV-DC. De part et d'autre de cette
zone on procède au changement de pantographe (25 kV/50
Hz par 3 kV-DC ou inversément).
- A noter que le changement de type de caténaire n'entraî-
ne pas de modification de la hauteur du fil de contact.
- La zone de transition comprend un tronçon de caténaire
(+/- 100 m) mise à la terre, appelée zone neutre.
- Les postes AT se trouvent à une interdistance de +/- 10
km.
- Une zone de séparation de phases est située au droit de la
sous-station de traction, les deux voies vers Bruxelles étant
alimentées par des phases différentes de celles vers la
France. En effet, afin de répartir les courants sur les
phases, la LGV a été divisée en deux tronçons alimentées
par deux phases différentes du réseau Electrabel.
Au passage de cette zone, il n'y a pas de consigne
d'abaissement du pantographe, seul le courant machine
doit être coupé, la zone de séparation de phases se trouvant
à un potentiel flottant.
- Une autre zone de séparation de phases est située près de
la frontière française, la sous-station de traction
SNCF de la Flamengerie prend le relais.
La sous-station de Chièvres
La sous-station de Chièvres étant l'unique point
d'alimentation de la ligne, celle-ci a été conçue de manière
à assurer un maximum de fiabilité du système.
Le schéma unifilaire est donné en figure 5. A la partie
supérieure de ce schéma figurent les transformateurs dont
les disjoncteurs de protection sont installés dans le poste
150 kV du fournisseur.
Deux transformateurs de 60 MVA 150/2 x 25 kV
(ONAN) - 75 MVA par ventilation forcée (ONAF) - sur-
chargeables, alimentent respectivement les deux demi-
tronçons de caténaires, Chièvres - frontière française, et
Chièvres - Lembeek.
Un troisième transformateur -identique- sert de réserve.
Les transformateurs possèdent un système de réglage de
tension en charge, et sont conçus pour supporter des cou-
rants de court-circuit de 12 kA pendant 1 seconde.
Le contrôle de l'ensemble est assuré par un système
informatisé comprenant deux automates de manière à assu-
rer la continuité de fonctionnement en cas de défaillance
d'un des deux systèmes.
Les auxiliaires comprennent deux transformateurs
monophasés 25 kV/240 V ainsi qu'une double alimenta-
tion 110 VDC et 48 VDC redresseurs-batteries, permettant
d'assurer une continuité en cas de défaillance d'un des
redresseurs ou d'une des batteries.
En outre, une alimentation de secours basse tension
séparée de l'alimentation du poste est prévue par le distri-
buteur.
utre AT de phase If r-
1 --Il --- A-.- : --
4. Schéma de principe
de la ligne.
3 kVcc- : ! - Lembeek rebecq
ç Bruxelles
AT = poste auto-transformateur
SST = sous-station de traction 25 kV
REE
N 9
Octobr 1998
L'ÉLECTRICITÉ DANS LE FERROVIAIRE
Problème du déséquilibre
Les transformateurs assurant l'alimentation opèrent sur
le principe d'une connexion en V afin de minimiser le
déséquilibre du réseau d'alimentation.
La répartition des phases a été faite en accord avec le
distributeur.
Les postes autotransformateurs
Chaque poste autotransformateur comprend 2 unités rac-
cordées en parallèle. Le schéma est donné à la figure 6.
Les interrupteurs de mise en parallele des voies possè-
dent un pouvoir de coupure supérieur au courant de court-
circuit maximum.
Des sectionneurs permettent d'isoler les autotransforma-
teurs après élimination du défaut par les interrupteurs de
voie et en back-up par les départs sous-station.
Le chauffage électrique des lames en cas de neige ou
verglas est assuré par des transformateurs alimentés par
l'alimentation de câble et situés à proximité des zones
concernées.
Commande centralisée
L'ensemble des installations d'alimentation des caté-
naires est surveillé en permanence à partir du " post répar-
titeur " de la traction électrique de la SNCB à Mons.
TR,4NSF01////I --IJJ//- TRANSIC) I ', TRAVSTD : I I',
M---y
Y
DJf1·r J J DJ/Cr J J DJfCr , Diside « unclm
SA3 SA2'
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I DJ4 I \I DJ3 DE 1\1 Dl- I I DJ I os·i. ?
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St.4 J SL3 JSL ? SLI sccc
I li/
J T4 j TZ I,rlerr : " n, ; r-
FEEDER
DJ4 DJ DJ2 DJ 1
SI,4 SL3 SL2 si- 1 L
CATENAIRE3 v `j,.. CATENAIREI I
. fFEOER C·.,-' " sY " , I
BAMNAIRF 1
e7 Il-
5. Schéma unifilaire de la sous-station de Chièvres.
câble porteur
Tableau 1. - Caractéristiques des caténaires.
EQUIPEMENT
nature CARACTERISTIQUES
Bronze
section 65 mm'
Fil de contact
tension mécanique
nature
14 kN
Cuivre-argent
Pendulage
section
tension mécanique
hauteur à la suspension
Type
150 mm'
20 kN
5,08 m
nature vertical, sans suspension Y
câble bronze
Alimentation de câble
section
nature
12 mm'
cable almelec
Câble de terre aérien
section
nature
288 mm2
câble almelec
Armement
section
typetype
nature
115 mm'
bras pivotants
aluminium (AI-Mg-SiO.5)
isolateurs fibre de verre+caoutch.silic
Supports
Fouilles
extrémités : AI-Mg-SiO.5
type -- -- -- -- --
nature
interdistance
type ---- -
diamètre
H - profil Euronorm
acier galvanisé
56 m en alignement
cylindrique
0,75 m
REE
.1. 9
Octobre 1998
L'alimentation des lignes à grande vitesse en Belgique
ATl
i sei '-1
sectinnneurs
w
AT2
çectionneurs
i
_____r
, interrunteurs
-1 -1 -------- ^---'1 -
1
6. Schéma d'un poste autotransformateur.
M CATÉNAIRE
Conception générale
La caténaire porte la désignation R300, caténaire régula-
risée pour 300 km/h. Elle est composée d'un câble porteur
en bronze de 65 mm'et d'un fil de contact en cuivre/
argent de 150 mnr'.
Une alimentation de câble est déroulée sur des consoles
en principe à l'extérieur des poteaux caténaires.
Elle est constituée d'un câble en almelec, suspendu au
point supérieur des poteaux ; sa section est électriquement
équivalente à la caténaire.
La caténaire est composée de sections mécaniquement
indépendantes d'environ 1000 m de longueur. Dans
chaque section le câble porteur et le fil de contact sont
maintenus à une tension mécanique constante -respective-
ment 14 et 20 kN- par des contrepoids fixés à leurs extré-
mités.
L'armement de la caténaire est constitué de consoles
pivotantes, elles-mêmes constituées de tubes, d'aluminium
fixés au poteau par l'intermédiaire d'isolateurs en matière
composite.
Le fil de contact est suspendu au câble porteur par des
pendules conducteurs ; au droit de chaque poteau une biel-
lette de rappel fixe le désaxement du fil.
Tous les éléments constitutifs de l'armement sont en
alliage d'aluminium ou en acier inoxydable de façon à évi-
ter tout problème de corrosion et à minimaliser l'interven-
tion des services de maintenance. Pour les mêmes raisons
les poteaux sont non seulement galvanisés à chaud, mais
aussi peints suivant un procédé spécial.
Caractéristiques du matériel
Les caractéristiques principales de la caténaire figurent
au tableau 1.
le captage à grande vitesse
La caténaire idéale, permettant un captage parfait, doit
être souple, sans points durs, et suffisamment tendue pour
limiter le relèvement au passage du pantographe.
feeder
caténaires
feeder
AT2 En effet chaque point dur rencontré
par le pantographe entraîne un décolle-
ment de celui-ci, ce qui provoque un
arc et donc un échauffement local sus-
ceptible d'endommager le fil de
contact.
Pour les mêmes raisons, la hauteur de
la caténaire par rapport au rail doit être
der la plus constante possible (5,08 m).
énaires Le dimensionnement des pendules
est d'une extrême importance pour la
qualité finale de la caténaire ; les cal-
culs comme la réalisation des travaux
ne peuvent donc admettre que des tolé-
rances de l'ordre du millimètre.
La position des pantographes sur les rames a également
une grande influence sur la qualité du captage.
En effet, quand deux rames Thalys sont accouplées, ou
avec chaque rame Eurostar, les deux pantographes se suc-
cèdent à 200 m ou 400 m de distance ; le deuxième panto-
graphe rencontre une caténaire déjà en oscillation après le
passage du premier pantographe, et a des difficultés à assu-
rer un captage satisfaisant.
Pour cette raison, on préconise d'augmenter la pression
statique du pantographe arrière du train.
1 1
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS
La tension d'alimentation de 2 x 25 kV a été choisie pour
l'alimentation de la traction électrique sur la LGV parce
qu'elle s'inscrit dans une technique standardisée et éprou-
vée pour la grande vitesse, et qu'elle présente un compro-
mis acceptable du point de vue des perturbations électro-
magnétiques.
Les équipements d'alimentation ont été réalisés de
manière à assurer une fiabilité très grande de l'ensemble.
La caténaire a été conçue dans le but d'obtenir le
meilleur captage possible.
L'armement a été étudié de manière à réduire l'entretien
en faisant notamment appel à des composants non corro-
dables.
11
1 1 L
Daniel NYSSENS, ingénieur industriel en électricité
(UT Charleroi), a commencé sa carrière de cheminot
comme ingénieur caténaire à la SNCZ (chemins de fer
zaïrois). Il a ensuite exercé les fonctions d'ingénieur
d'études spécialisé en transports ferroviaires, à la
société Tractebel, il a participé depuis 25 ans à de
nombreux projets ferroviaires et de métro, notamment
les métros de Bruxelles et de Manille (Philippines), la
ligne Kinshasa-Matadi, la ligne Jijel-Ramdane-Djamel
etc. Il est actuellement détaché auprès de la société
Tucrail (SNCB+Bureaux études privés) qui assure les
études et la réalisation du réseau TGV belge.
REE
N'9
Oct,,b, 1998
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