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REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
économique bien plus que de la volonté d’imposer ses
valeurs au reste du monde.
Les manchettes faisant état des efforts de la Chine pour
absorber des entreprises étrangères ont beau abonder, la
Chine ne fait pas grand-chose en ce sens, compte tenu de
la taille de son économie, et les investissements intérieurs
directs des étrangers sont en réalité beaucoup plus
substantiels (figure 3)2.
Contrairement aux inquiétudes des marchés obligataires, il
est improbable que la Chine se départisse massivement de
ses avoirs énormes en valeurs du Trésor vu qu’ils servent à
déverser l’excédent de son compte courant, ce qui maintient
le renminbi à un niveau concurrentiel et procure une
destination liquide et sécuritaire aux fonds chinois.
2 Cependant, une part démesurée des acquisitions de sociétés étrangères par la
Chine est le fait de sociétés d’État, ce qui, il faut l’admettre, rend ces acquisitions
un peu moins inoffensives.
Nota : Le PIB est établi en fonction de la pondération selon la PPA.
Sources : FMI, Haver Analytics, RBC GMA
d’ici à 20181. Cet éventuel honneur n’est d’ailleurs qu’une
simple formalité pour la Chine, car son apport à la croissance
économique mondiale – qui est sans conteste la mesure la
plus révélatrice de sa performance – est non seulement le plus
important pour l’économie mondiale, mais aussi pas moins du
triple de celui des États-Unis (figure 2).
Ce poids grandissant suscite de vives inquiétudes aux
États-Unis et ailleurs dans le monde industrialisé. Toutefois,
ces appréhensions sont largement injustifiées pour plusieurs
raisons.
Premièrement, le titre de première puissance mondiale n’est
pas automatiquement attribué au pays qui possède l’économie
dominante. En dépit de la suprématie économique de la Chine,
le Chinois moyen gagne moins du cinquième du revenu de
l’Américain moyen. Ce facteur a également de l’importance.
Deuxièmement, le leadership mondial dépend également de
facteurs non économiques tels que la profondeur des marchés
financiers, la puissance militaire et le rayonnement culturel.
Or, les États-Unis conservent une bonne longueur d’avance sur
tous les plans.
Troisièmement, même si la Chine s’impose un jour en tant
que première puissance mondiale, compte tenu de ces divers
paramètres, il se pourrait que ce titre ne soit pas ce qu’il est
censé être. L’histoire nous a appris que le pays dominant – quel
qu’il soit – assume traditionnellement des coûts militaires
considérables en sa qualité de « police de la planète » et sert
fréquemment de paratonnerre à la colère internationale. Qui
plus est, le fait de posséder la monnaie de réserve du monde
encourage le surendettement.
Quatrièmement, du point de vue des États-Unis, le fait d’être
déchu du titre de première puissance mondiale – si distante
cette éventualité soit-elle – ne serait peut-être pas si fâcheux.
D’abord, les États-Unis seraient délestés d’un grand nombre
des fardeaux évoqués dans le paragraphe précédent. Le dernier
pays dépossédé de ce titre – le Royaume-Uni après la Deuxième
Guerre mondiale – ne s’est pas écroulé, loin s’en faut. En fait, ce
pays jouit d’un niveau de prospérité qui n’est pas si différent de
celui des États-Unis et d’une influence internationale supérieure
à sa part de la population mondiale.
Cinquièmement, la probabilité de mesures malveillantes de la
part de la Chine semble faible :
Ce pays a une longue tradition de passivité sur la scène
internationale et, bien qu’il soit incontestablement en train
de devenir plus actif, ses motivations relèvent de la sphère
1 Ce calcul repose sur le taux de change assurant la parité des pouvoirs d’achat
(PPA), qui intègre le volume de la production d’un pays par rapport à celui
d’un autre pays. L’autre option – soit l’utilisation du taux de change courant –
donnerait un PIB un peu moins élevé.
Figure 2 : La Chine est le moteur de la croissance mondiale
0
4
8
12
16
20
24
28
32
1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012
Part de la croissance du PIB
mondial (%)
Chine États-Unis La Chine représente
maintenant 31 % de la
croissance mondiale
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
6
7
Allemagne
Investissement direct étranger en %
du PIB
Entrées moins sorties
Sorties
Entrées
Sorties
Japon
R.-U. É.-U. Canada Chine
Figure 3 : La Chine n’est pas sur le point de conquérir la planète
Nota : Moyenne des investissements directs étrangers en % du PIB de 2007 à
2011. Sources : Banque mondiale, Haver Analytics, RBC GMA