FICHE À DÉTACHER
La Lettre du Pharmacologue Vol. 26 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012 | 135
fiche
technique
Sous la responsabilité de ses auteurs
n° 2
Randomisation selon le schéma de Zelen
L
e consentement postrandomisation, ou randomisation selon
le schéma de Zelen, a été proposé par Marvin Zelen qui lui
a consacré une publication initiale dans le
New England
Journal of Medicine
en 1979
(1).
Bien qu’ancienne, cette métho-
dologie reste peu utilisée, et seuls 58essais ont été recensés
en 2006
(2).
Un récent regain d’intérêt semble cependant être
constaté, dans un contexte médical où la préférence exprimée
par le patient prend de plus en plus d’importance. Nous allons
voir ici à quoi correspond ce type de plan expérimental, et quels
sont ses avantages et ses limites.
Description d’un schéma de Zelen
Rappelons en quelques mots le plan classique d’une étude
randomisée évaluant 2traitements
(figure1)
. L’investigateur
présente au patient l’étude pour laquelle il sollicite sa parti-
cipation, lui remet la notice d’information et le formulaire de
consentement. Si le patient refuse d’y participer, il reçoit la
prise en charge habituelle (le traitement standard) ; il n’est
pas inclus dans l’étude et les données qui le concernent n’y
seront donc pas utilisées. S’il accepte, il recevra soit le traite-
ment expérimental, soit le traitement standard, selon la liste
de randomisation. L’analyse portera sur les patients inclus dans
l’étude, c’est-à-dire les patients randomisés. Afin de respecter
la randomisation jusqu’à la fin de l’étude, selon le principe de
l’analyse en intention de traitement (ITT), tous les patients
randomisés seront inclus dans l’analyse finale, quelle que soit
la façon dont ils auront été traités.
Une étude randomisée selon un schéma de Zelen consiste à
allouer le traitement aux patients selon une liste de randomi-
sation préétablie, et ce avant leur consentement (en anglais
randomized consent design trial ou prerandomization consent
design
)
[figure2, p.136]
. Aucun consentement ne sera
demandé aux patients du bras standard, contrairement à ceux du
bras expérimental. Si les patients acceptent, ils recevront le trai-
tement expérimental, s’ils refusent, ils recevront le traitement
habituel.
Le schéma présenté dans la
figure2, p.136
, correspond à ce
type de plan avec consentement simple, c’est-à-dire demandé
S. Laporte*, M. Cucherat**
* Unité de recherche clinique, pharmacologie et innovation, hôpital Nord, CHU de Saint-
Étienne ; EA3065, université Jean-Monnet, Saint-Étienne.
** UMR CNR 5558, faculté de médecine Lyon-Laennec, Lyon.
Figure 1. Plan classique d’une étude randomisée comparant 2 traitements.
Inclus dans l’analyse
Consentement demandé
avant la randomisation
pour l’étude
Consentement donné
Traitement
standard
Non inclus
Consentement refusé
Randomisation
Traitement
expérimental
Traitement
standard
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136 | La Lettre du Pharmacologue Vol. 26 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012
fiche technique n° 2
dans un seul groupe
(3,4)
; les patients du bras standard ne
sont pas forcément informés de l’existence d’un groupe expé-
rimental, voire même de l’existence de l’étude.
Les arguments
en faveur du schéma deZelen
L’intérêt majeur avancé avec ce type de plan expérimental est
de gagner en recrutement. En effet, certains médecins n’aiment
pas demander leur consentement aux patients pour les essais
randomisés et refusent donc de participer en tant de médecins
investigateurs. De plus, ils n’ont plus l’incertitude du traitement
liée à la randomisation pour discuter avec leurs patients.
La randomisation selon le schéma de Zelen permet aussi d’éviter
les situations dans lesquelles le consentement entraîne un stress
majeur lié au tirage au sort (en particulier pour les essais en
pédiatrie). Les patients n’ont plus la sensation d’être traités par
tirage au sort, ils adhèrent mieux au bras expérimental, et donc
à l’étude. La préférence du patient pour l’un des 2traitements
est ainsi prise en compte. Cet argument est plus ou moins solide
dans le sens où le consentement du patient dépend de la façon
dont il est demandé. L’investigateur doit être convaincu de la
nécessité d’évaluation de la nouveauté, même si celle-ci paraît
d’emblée attractive.
Enfin, si le traitement expérimental semble très séduisant
par rapport au traitement standard, ce type de plan évite au
patient la déception d’être alloué dans le groupe standard,
comme ce serait le cas avec un essai randomisé classique
(traitement à domicile versus traitement à l’hôpital, prise
orale au lieu d’un traitement par voiei.v., massage à domicile
versus prise en charge habituelle dans les douleurs lombaires
chroniques, etc.). La faisabilité du recrutement sera indiscutable
s’il existe une forte préférence pour l’un des traitements de
la part des patients.
Les contraintes de ce type de plan
expérimental
Plusieurs exemples d’études avec randomisation selon le
schéma de Zelen sont disponibles dans la littérature. La
plupart sont utilisés dans des circonstances inappropriées
(5)
.
En fait, les contraintes de ce type de plan sont souvent
méconnues.
Tout d’abord, afin de respecter le principe de la randomi-
sation permettant de garantir l’absence de biais de sélection,
comme pour tout essai randomisé, l’analyse doit être réalisée
en intention de traitement. Elle doit donc inclure tous les
patients randomisés, que l’allocation aléatoire des traitements
ait ou non été respectée. Cela signifie que, quel que soit le
traitement reçu après la randomisation, le patient sera analysé
dans le bras expérimental selon le principe de l’ITT. Ce qui est
gagné en vitesse de recrutement peut donc être perdu par
la dilution de l’effet et par la perte de puissance statistique
si les refus du traitement expérimental sont nombreux. Si on
anticipe par exemple que 15 % des patients vont refuser de
donner leur consentement pour le traitement expérimental,
il faut multiplier par2 le nombre de sujets nécessaire, et on
risque malgré tout de ne plus avoir d’effet. Avec ce type de
schéma, il est donc important que la proportion de patients
refusant le traitement expérimental soit très faible. Enfin,
l’analyse per protocole est inappropriée, car fortement exposée
au biais de sélection.
La seconde contrainte est qu’il est nécessaire de collecter
les données même chez les patients qui refusent de donner
leur consentement. Il faut donc informer les patients du bras
témoin que des données les concernant vont être utilisées à
des fins d’étude. Sinon, aucune information ne sera disponible
et le principe de l’ITT ne sera pas respecté.
Ce type de plan ne permet pas le double aveugle et impose
donc une évaluation à l’aveugle (PROBE) pour limiter le biais
d’évaluation. Un potentiel biais de suivi peut donc entacher
ce type d’étude.
Ce type de plan peut être soumis à ce que l’on appelle
en psychologie sociale l’effet Hawthorne, lorsqu’il s’agit de
comparer un groupe de sujets informés de leur participation
à une expérience à un groupe de sujets qui ne le sont pas
(6)
.
Les sujets d’une étude modifient leur comportement naturel
par le simple fait de savoir qu’ils participent à une étude et
qu’ils sont sous observation. L’effet Hawthorne a fait l’objet
d’une étude spécifique ayant inclus 2groupes de patients
à la veille d’une opération du genou : les patients qui ont
été informés qu’ils allaient être inclus dans un essai scienti-
fique se sentaient d’une manière générale plus vite mieux et
présentaient nettement moins de douleurs postopératoires
que ceux auxquels on n’avait rien dit
(7)
. Pour parer à ce
problème, il faut recourir à un schéma de Zelen, avec double
consentement
(figure3)
.
Enfin, comme les patients du bras standard ne sont pas
forcément informés de l’existence d’un groupe expérimental,
voire même de celle de l’étude, les contraintes de celle-ci ne
Figure 2. Plan d’une étude randomisée selon un schéma de Zelen – consen-
tement simple.
Inclus dans l’analyse
Consentement demandé
pour le traitement
expérimental
Traitement standard
Randomisation
Traitement expérimental
Traitement
expérimental
Traitement
standard
Consentement
donné
Consentement
refusé
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doivent pas engendrer de modifications de la prise en charge
habituelle en termes d’investigations cliniques ou de visites
supplémentaires. Là encore, si la participation à l’étude nécessite
une modification des visites habituelles, il faut recourir à un
schéma de Zelen avec un double consentement.
À ce jour, un débat reste ouvert quant à ce type de plan : est-il
éthique de randomiser un patient dans une étude sans lui
demander son consentement ? En d’autres termes, l’absence
d’information complète est-elle recevable étant donné la loi
de bioéthique ? Certains comités de protection des personnes
ne sont pas séduits par cette approche, d’autres au contraire
n’y sont pas opposés.
En conclusion, il ne s’agit pas d’un plan d’étude miracle et il
est difficile de montrer dans quels cas il s’est avéré efficace.
Enpratique, compte tenu de ces contraintes, ce schéma de
Zelen est rarement retenu.
Figure 3. Plan d’une étude randomisée selon un schéma de Zelen – double
consentement.
Inclus dans l’analyse
Consentement demandé
pour le traitement
expérimental
Consentement demandé
pour le traitement
standard
Traitement standard
Randomisation
Traitement expérimental
Traitement
expérimental
Traitement
expérimental
Traitement
standard
Traitement
standard
Consentement
donné
Consentement
donné
Consentement
refusé
Consentement
refusé
1. Zelen M. A new design for randomized clinical trials.
N Engl J Med 1979;300:1242-5.
2. Adamson J, Cockayne S, Puffer S, Torgerson DJ. Review
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3. Zelen M. Randomized consent designs for clinical trials:
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4. Homer CS. Using the Zelen design in randomized
controlled trials: debates and controversies. J Adv Nurs
2002;38:200-7.
5. Schellings R, Kessels AG, Ter Riet G, Knottnerus JA,
Sturmans F. Randomized consent designs in randomized
controlled trials: systematic literature search. Contemp
Clin Trials 2006;27:320-32.
6. Torgerson DJ, Roland M. What is Zelen’s design? BMJ
1998;316:606.
7. De Amici D, Klersy C, Ramajoli F, Brustia L, Politi P.
Impact of the Hawthorne effect in a longitudinal
clinical study: the case of anesthesia. Control Clin Trials
2000;21:103-14.
Références bibliographiques
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