PRIER AVEC THERESE D’AVILA
ORIENTER SON COEUR
Construire le château
Considérer notre âme comme un château fait tout entier d’un seul diamant ou d’un très clair cristal,
où il y a beaucoup de chambres, de même qu’il y a beaucoup de demeures au ciel. Car à bien y
songer, mes sœurs, l’âme du juste n’est rien d’autre qu’un paradis où Il dit trouver ses délices.
Donc, comment vous représentez-vous la chambre où un Roi si puissant, si sage, si pur, si empli de
tous les biens, se délecte ? Je ne vois rien qu’on puisse comparer à la grande beauté d’une âme et à
sa vaste capacité.(…)
Considérons donc que ce château a, comme je l’ai dit, nombre de demeures, les unes en haut, les
autres en bas, les autres sur les côtés ; et au centre, au milieu de toutes, se trouve la principale, où se
passent les choses les plus secrètes entre Dieu et l’âme.(…)
Donc, pour revenir à notre bel et délicieux château, nous devons voir comment nous pourrons y
pénétrer. J’ai l’air de dire une sottise : puisque ce château est l’âme, il est clair qu’elle n’a pas à y
pénétrer, puisqu’il est elle-même ; tout comme il semblerait insensé de dire à quelqu’un d’entrer
dans une pièce où il serait déjà. Mais vous devez comprendre qu’il y a bien des manières différentes
d’y être ; de nombreuses âmes sont sur le chemin de ronde du château, où se tiennent ceux qui le
gardent, peu leur importe de pénétrer l’intérieur, elles ne savent pas ce qu’on trouve en un lieu si
précieux, ni qui l’habite, ni les salles qu’il comporte. Vous avez sans doute déjà vu certains livres
d’oraison conseiller à l’âme d’entrer en elle-même ; or, c’est précisément ce dont il s’agit. (…)
Car autant que je puis le comprendre, la porte d’entrée de ce château est l’oraison et la
considération ; je ne dis pas mentale plutôt que vocale, car pour qu’il ait oraison, il doit y avoir
considération. Celle qui ne considère pas à qui elle parle, et ce qu’elle demande, et qui est celle qui
demande, et à qui, je n’appelle pas cela faire oraison, pour beaucoup qu’elle remue les lèvres.
Le Château intérieur, Premières demeures, ch.I
Dieu en nous
Essayez de réaliser qu'il y a au-dedans de vous un palais d'un prix infini, tout bâti d'or et de pierres
précieuses, digne, enfin, d'un si grand Seigneur, et croyez, car c'est la vérité, que vous pouvez
beaucoup pour que l'édifice soit d'un prix très élevé : y a-t-il plus bel édifice qu'une âme pure et
pleine de vertus ? Plus celles-ci sont grandes, plus les pierres resplendissent. Enfin, songez que dans
ce palais habite ce grand Roi qui a daigné être votre Père, et qu'il se tient sur un trône du plus haut
prix : votre cœur. /…/ Mais quoi de plus merveilleux que de voir celui qui remplirait mille mondes
de sa grandeur s'enfermer dans une si petite chose ! C'est ainsi qu'il a voulu demeurer dans le ventre
de sa Très Sainte Mère, Comme il est le Seigneur, il porte en lui la liberté, et comme il nous aime, il
se fait à notre mesure. Quand une âme commence dans cette voie, il ne se fait pas connaître, de peur
qu'elle ne se trouble en se voyant si petite pour contenir quelque chose de si grand, mais, petit à
petit, tout doucement, il élargit cette âme à la mesure de ce qu'il met en elle. C'est pourquoi je dis
qu'il porte en lui la liberté, car il a le pouvoir d'agrandir ce palais."
Le chemin de perfection XXVIII,9-11 texte Escorial, numérotation Valladolid
Aimer
Je veux absolument que vous sachiez que pour beaucoup avancer sur ce chemin et monter aux
Demeures que nous désirons atteindre, il ne s’agit pas de beaucoup penser, mais de beaucoup
aimer ; donc, tout ce qui vous incitera à aimer davantage, faites-le. Nous ne savons peut-être pas ce
que c’est qu’aimer, je n’en serais pas très étonnée ; or il ne s’agit pas de goûter le plus grand plaisir,
mais d’avoir la plus forte détermination de désirer toujours contenter Dieu, de chercher, autant que
possible, à ne pas l’offenser, de le prier de faire toujours progresser l’honneur et la gloire de son
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Fils, et grandir l’Église Catholique. Telles sont les marques de l’amour, mais ne croyez pas qu’il
s’agisse de ne pas penser à autre chose, et que si vous êtes un peu distraite, tout est perdu.
Chemin de la perfection XXXIII
Regarder le Christ
Pour prier comme il faut, vous devez /…/ trouver une compagnie. Mais quelle meilleure compagnie
que celle du Maître lui-même qui vous a enseigné la prière que vous allez réciter ? Imaginez que le
Seigneur est tout prés de vous, et regardez avec quel amour et avec quelle humilité il vous instruit.
Croyez-moi, faites tout votre possible pour ne jamais vous séparer d'un si bon ami. Si vous vous
habituez à le garder près de vous, et s'il voit que vous le faites avec amour et que vous vous efforcez
de le contenter, vous ne pourrez plus, comme on dit, vous en débarrasser. Il ne vous manquera
jamais, il vous aidera dans toutes vos difficultés, il sera partout avec vous. Pensez-vous que ce soit
peu de chose que d'avoir un tel ami à vos côtés ? /…/ Je ne vous demande pas de penser à lui, ni de
forger quantité de concepts ou de tirer de votre esprit. Je ne vous demande que de le regarder. Qui
peut vous empêcher de tourner les yeux de l'âme, ne serait-ce qu'un instant si vous ne pouvez
davantage, vers lui ?
Le chemin de perfection XXVI,1-3 texte Escorial, numérotation Valladolid
PRATIQUER LORAISON
La méditation
Lui parler avec confiance
Nous pouvons par la pensée nous mettre en présence du Christ, nous embraser peu à peu du plus
grand amour pour sa Sainte Humanité, lui tenir toujours compagnie, lui parler, lui recommander nos
besoins, nous plaindre à lui dans nos peines, nous réjouir avec lui dans les consolations, nous garder
de l'oublier dans la prospérité. Ne cherchons point à lui faire de beaux discours. Parlons-lui
simplement pour lui exprimer nos désirs et nos besoins. C'est là une méthode excellente et elle nous
fait avancer en très peu de temps. Celui qui s'étudie à vivre dans cette précieuse compagnie, qui
cherche à en retirer les plus grands avantages, et y puise un amour sincère pour ce Maître, auquel
nous sommes redevables de tant de bienfaits, celui-là, je l'affirme, est avancé dans la voie de
l'oraison. Nous ne devons donc pas, comme je l'ai dit déjà, nous affliger, si la dévotion sensible
vient à nous manquer. Remercions plutôt le Seigneur, qui, malgré les imperfections de nos œuvres,
entretient en nous le désir de lui plaire. Cette méthode d'oraison, qui consiste à se tenir dans la
compagnie du Sauveur, est un moyen très sûr pour faire des progrès.
Autobiographie, chapitre XII,2
Laisser parler son cœur
Revenant donc à ceux qui se servent du discours (la méditation), je leur recommande de ne pas
l'employer tout le temps de l'oraison. Comme cet exercice est très méritoire plein de délices, il leur
semble qu'il ne doit y avoir pour eux ni dimanche, ni un seul instant exempt de travail, sans quoi, ils
s'imaginent aussitôt qu'ils perdent leur temps. Pour moi, je regarde cette perte de temps comme un
gain très précieux. Qu'ils se tiennent donc, ainsi que je l'ai dit, en présence de Notre Seigneur, sans
fatiguer leur entendement. Qu'ils lui parlent et mettent leur joie à se trouver avec lui. Qu'ils ne se
préoccupent point de composer des discours, mais lui exposent simplement les nécessités de leur
âme et les motifs qu'il aurait de ne pas 1es souffrir devant lui. On doit s'appliquer tantôt à 1'une
tantôt à l'autre de ces considérations, pour ne point fatiguer l'âme en lui donnant toujours la même
nourriture. Ces aliments sont pleins de saveur et très utiles. Quand on s'y habitue, on y prend goût et
on y puise cette forte substance qui donne la vie à l'âme et lui procure les plus précieux avantages.
Autobiographie, chapitre XIII,11
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Méditer sur la vie du Christ
Nous méditons, je suppose, un mystère de la Passion, par exemple celui qui nous représente Notre
Seigneur à la colonne. L'entendement recherche les motifs qui lui feront comprendre quelles
grandes douleurs et quelle angoisses Sa Majesté endure dans un tel abandon. S'il est actif et enrichi
de connaissances, il déduira encore beaucoup d'autres considérations. Tel est le mode d'oraison par
lequel tous doivent commencer continuer et finir. Cette voie est excellente et très sûre jusqu'à ce
que le Seigneur nous élève à d'autres chose surnaturelles. Je dis que ce mode est pour nous. Bien
des âmes néanmoins trouveront plus de profit à méditer d'autres sujets que ceux de la Passion. S'il y
a beaucoup de demeures au ciel, il y a beaucoup de chemins pour y arriver. Certaines âmes profitent
en se considérant déjà en enfer. D'autre que la pensée de l'enfer attriste, profiteront davantage en se
considérant au ciel. Il y en a encore pour qui la pensée de la mort est très utile. Certaines personnes
qui ont une grande tendresse de cœur, se fatiguent beaucoup si elles méditent constamment la
Passion, mais elles trouveront du repos et du profit à considérer le pouvoir et la grandeur que Dieu
manifeste dans les créatures, l'amour qu'il a eu pour nous et qu'il fait resplendir en tous lieux. Ce
mode d'oraison est admirable, mais il faut revenir souvent à la Passion et à la vie de Notre Seigneur,
car c'est de là que nous sont venus et nous viennent tous les biens.
Autobiographie, chapitre XIII,12-13
Demeurer avec lui
Je reviens donc à ce que je disais sur le mystère de Notre Seigneur à la colonne. Il est bon de se
servir du raisonnement pendant quelques instants. Examinons ensuite les tourments que Notre
Seigneur endure et le motif pour lequel il les endure, la qualité de celui qui souffre et l'amour avec
lequel il souffre. N'allons pas toutefois nous fatiguer à poursuivre toujours ces considérations.
Faisons taire le raisonnement et demeurons près du Sauveur. Si nous le pouvons, occupons-nous à
considérer qu'il nous regarde, que nous lui tenons compagnie. Parlons-lui ; exposons-lui nos
suppliques ; humilions-nous ; réjouissons-nous avec lui, et souvenons-nous bien que nous ne
méritons pas d'être en sa présence. Quand une âme pourra produire ces actes, bien que ce soit au
commencement de l'oraison, elle en retirera un très grand profit. Ce genre d'oraison est en effet très
avantageux.
Autobiographie, chapitre XIII,22
Contemplation
Un don de Dieu
L'eau (de la contemplation) naît de la source même, qui est Dieu. Donc, comme Sa Majesté le veut
quand sa volonté est d'accorder une faveur surnaturelle, elle émane avec une quiétude immense et
paisible du plus intime de nous-même. Je ne sais où, ni comment il se fait que ce contentement et
cette délectation ne se ressentent pas dans le cœur comme les joies d'ici-bas, du moins au début, car
ils finissent par tout inonder. Cette eau se répand dans toutes les Demeures et toutes les puissances
et atteint enfin le corps. C'est pourquoi j'ai dit qu'elle commence en Dieu et finit en nous, car
vraiment, comme le verra quiconque l'éprouvera, l'homme extérieur tout entier jouit de ce plaisir et
de cette douceur. Tout en écrivant, je considérais tout à l'heure le verset que j'ai cité : " Tu as dila
mon cœur " (Ps. 118,32). Il ne me semble pourtant pas que cela prenne naissance dans le cœur, mais
en un point encore plus intérieur, comme en quelque chose de très profond. Je pense que ce doit être
le centre de l'âme, comme je l'ai compris depuis et le dirai pour finir, car vrai, je vois en nous des
mystères qui m'émerveillent souvent. Combien doit-il y en avoir d'autres ! Ô mon Seigneur et mon
Dieu, que vos grandeurs sont grandes ! Nous nous conduisons ici-bas comme de naïfs petits
bergers, nous croyons saisir quelque chose de vous, et ce doit être moins que rien, puisqu'il y a déjà
en nous-même de grands mystères que nous ne comprenons pas.
Le château intérieur, quatrièmes Demeures, chapitre II,4-5
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Une dilatation du cœur
Pour en revenir au verset (" Tu as dilaté mon cœur "), s'il peut éclairer, ce me semble, ce que j'écris
ici, c'est à propos de cette dilatation, car il apparaît que lorsque cette eau céleste commence à couler
de la source dont je parle au plus profond de nous, on dirait que tout notre intérieur se dilate et
s'élargit, et on ne saurait exprimer tout le bien qui en résulte. L'âme elle-même ne peut comprendre
ce qui lui est donné. Elle respire un parfum, disons-le maintenant, comme s'il y avait dans cette
profondeur intérieure un brasero sur lequel on jetterait des parfums embaumés : on ne voit pas la
braise, on ne sait où elle est, mais sa chaleur et la fumée odorante pénètrent l'âme tout entière, et
même, comme je l'ai dit, le corps en a fort souvent sa part. Attention, comprenez-moi, on ne sent
pas de chaleur, on ne respire pas une odeur, c'est chose plus délicate que ces choses-là, mais cela
peut vous aider à comprendre, et les personnes qui n'en ont pas l'expérience sauront que cela se
produit vraiment ainsi, qu'on le comprend plus clairement que je ne l'exprime. Ce n'est pas un de
ces cas où l'on puisse se faire illusion, puisque nos plus grands efforts ne pourraient rien obtenir.
Cela même nous prouve que ça n'est pas d'un métal courant, mais l'or infiniment pur de la sagesse
divine.
Le château intérieur, quatrièmes Demeures, chapitre II,6
RESUME : LORAISON DAPRES THERESE D’AVILA
Dieu nous propose son amitié, cette relation d’amitié s’entretient, l’oraison est ce rendez-vous
d’amour avec l’Ami. Le guide et le maître sur ce chemin est le Christ Jésus.
Définition : l’oraison est une prière silencieuse par laquelle nous nous tenons en relation avec
Dieu grâce à un travail de notre intelligence ou de notre imagination (méditation) ou dans une
attitude d’attention simple et aimante à sa présence en nous (contemplation).1
Trois formes :
La prière vocale : des prières récitées
L’oraison mentale : par l’attention portée aux paroles prononcées et la méditation.
La méditation est un travail de notre intelligence ou de notre imagination, elle utilise notre pensée,
nos efforts, elle est « raisonnable ». Notre regard est davantage porté sur nous que sur le Christ.
Attitude plutôt active.
Cf. textes : nous mettre en présence du Christ, « nous embraser d’amour » pour son humanité, être
avec lui, demeurer avec lui, lui parler mais sans toujours « composer des discours », méditer à partir
d’un texte d’Évangile en cherchant à comprendre, à actualiser dans nos vies …
La contemplation : attention à la présence aimante de Dieu en nous. La contemplation est la
disponibilité à l’accueil de la grâce. Dieu donne et se donne, nous l’accueillons. Notre regard est
davantage porté sur le Christ que sur nous, nous nous décentrons. Attitude d’accueil et d’écoute,
attitude plutôt passive.
Cf. textes : la contemplation est un don de Dieu, Dieu dilate notre cœur pour y trouver place et nous
emplit de paix.
1 site Internet : www.carmel.asso.fr
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