Les rendez-vous du CHEAr – Ministère de la Défense – DGA
Gouverner pour l’homme ? Comment s’occuper du bien-être du peuple tout en enrichissant le pays ?
Gouverner par l’homme ? Comment être éthique sans être moralisateur ? Comment être loyal sans succomber à
une allégeance aveugle et imbécile à l’autorité ? Inversement, comment le souverain peut-il détenir un tel
pouvoir sans se laisser corrompre ?
CONFUCIANISME ET CHINE CONTEMPORAINE
Avant d’observer le résultat du confucianisme en action aujourd’hui, encore faut-il se mettre d’accord sur
l’influence du confucianisme sur la Chine contemporaine. Or, celle-ci reste controversée. Pour certains, le
confucianisme s’étant effacé au profit du maoïsme ou de la globalisation ne serait plus pertinent ; pour d’autres,
dont je suis, il serait encore très présent.
U
NE SEDIMENTATION DES CULTURES
La culture chinoise est en réalité le fruit d’une sédimentation des cultures, même si chacun reste tenté de lire la
culture chinoise au travers du seul filtre de son expérience. Traiter de pays aussi complexes demande une
certaine intégrité intellectuelle et une capacité à appréhender les multiples facettes d’une même réalité. Zuo jing
guan tian, suivons cet adage chinois selon lequel « il ne faut pas faire comme cette grenouille qui, du fond de
son puits, pense que le ciel est partout de la couleur qu’elle entrevoit de là où elle regarde ».
Quant au confucianisme aujourd’hui, c’est à mon avis l’un des éléments clefs de compréhension de la culture
chinoise. La question à se poser est celle de l’influence de 60 ans de communisme (1921 : création du parti
communiste ; 1949, fondation de la république populaire de Chine) et de 30 ans d’ouverture (1978 : lancement
de la politique d’ouverture) sur une culture plurimillénaire.
Voici une photo prise récemment, photo où l’on voit se dérouler toute l’histoire de la Chine : le portrait de Jiang
Zemin pour la dimension politique (il n’a pas été retiré bien que Hu Jintao soit déjà au pouvoir) ; la jeune
génération qui porte une casquette américaine ; le portrait de l’ancêtre ; le bureaucrate céleste de la dynastie
Qin ; la génération ayant traversé tous les grands épisodes de la Chine du
XX
e siècle. Il est très difficile pour un
Occidental cartésien d’imaginer qu’un Chinois puisse faire cohabiter autant d’éléments antinomiques sans
difficultés particulières.
Selon moi, le confucianisme perdure aujourd’hui encore (comme nous Français sommes judéo-chrétiens, gréco-
romains, héritiers des Lumières, du contrat social ou de la Révolution, bien que citoyens du monde engagés
dans la globalisation), bien qu’à des degrés différents. Ceux qui, par exemple, travaillent avec des Chinois
d’outre-mer, en Chine du Sud, avec des entreprises familiales la ressentiront. Mais chez L’Oréal ou McKinsey à
Shanghai, vous rencontrerez l’ordre global américanisé. À Pékin, en investissant dans un joint-venture avec une
entreprise d’État, vous observerez l’évolution de la Chine communiste, etc.
Au préalable, j’insisterai donc sur la pluralité chinoise. Même si je dis moi-même "les Chinois", c’est un abus de
langage. N’avez-vous, par exemple, jamais superposé les cartes de Chine, d’Europe et d’une partie de
l’Afrique ? Vous auriez réalisé que parler "des Chinois" revient à réunir sous un même vocable Africains du
Nord, habitants de Francfort, de Biarritz ou de Moscou.
L’
IMPACT SOCIETAL DU CONFUCIANISME
Ceci étant dit, je propose de résumer ainsi les quelques grandes lignes de l’influence du confucianisme sur la
société chinoise, sans vocation d’exhaustivité.
La dimension humaine occupe une place importante. Le cœur, le sentiment jouent un rôle essentiel. Même si
nous convergeons, tous, vers des valeurs communes, ce qui différencie les Chinois relève sans aucun doute de
l’ordre des priorités. Soit, (1) la loi, (2) la raison et (3) le sentiment : le monde anglo-saxon privilégiera la loi,
tandis que, pour les Chinois, la dimension affect est prioritaire. Selon Napoléon, le cœur d’un chef d’État doit
être dans sa tête. À l’inverse, pour Mencius, philosophie confucéen, le cœur est l’organe de la pensée.
- 4 -