Systèmes de particules Davide Mancusi 7 décembre 2009 1 Particules indiscernables Quand notre système consiste en plusieurs particules, il faut s'interroger sur le propriété de symétrie de la fonction d'onde par rapport à l'échange de particules. Par exemple, soient ξ1 = (~r1 , σ1 ) et ξ2 = (~r2 , σ2 ) les coordonnées de position et spin de deux particules de la même nature (deux électrons, par exemple) et considérons une fonction d'onde de la forme ψ(ξ1 , ξ2 ) = φa (ξ1 )φb (ξ2 ) ; ici φa,b sont des fonctions d'onde arbitraires de particule unique. Cette fonction d'onde n'a pas une symétrie dénie par rapport à l'échange de particules : si on applique l'opérateur d'échange P12 , on obtient def P12 ψ(ξ1 , ξ2 ) = ψ(ξ2 , ξ1 ) = φa (ξ2 )φb (ξ1 ) 6= ψ(ξ1 , ξ2 ). Cependant, les particules microscopiques doivent être considérées comme indiscernables. L'échange des coordonnées de deux particules dans la fonction d'onde ne peut pas inuer sur le résultat de n'importe quelle mesure. Les fonctions d'onde ψ(ξ1 , ξ2 ) et ψ(ξ2 , ξ1 ) doivent représenter la même réalité physique : elle doivent donc être égales à un facteur de phase près : ψ(ξ1 , ξ2 ) = eıθ ψ(ξ2 , ξ1 ). On remarque que si on applique deux fois l'opérateur d'échange on revient à la même fonction d'onde : 2 P12 ψ(ξ1 , ξ2 ) = P12 ψ(ξ2 , ξ1 ) = ψ(ξ1 , ξ2 ). Le carré du facteur de phase doit donc être égal à 1, et par conséquence le facteur de phase est ±1. La fonction d'onde doit donc être soit symétrique, P12 ψ(ξ1 , ξ2 ) = ψ(ξ2 , ξ1 ), soit antisymétrique P12 ψ(ξ1 , ξ2 ) = −ψ(ξ2 , ξ1 ), vis à vis de l'échange de deux particules. Des particules dont la fonction d'onde est symétrique s'appellent bosons ; des particules dont la fonction d'onde est antisymétrique s'appellent fermions. La théorie quantique des champs, c'est à dire la théorie qui décrit le comportement des particules élémentaires, a produit un résultat vaguement mystérieux, 1 le théorème spin-statistique, qui met en relation la statistique d'une particule (c'est à dire la symétrie de la fonction d'onde sous échange de particules identiques) à son spin. Les particules de spin entier sont des bosons (fonction d'onde symétrique), tandis que les particules de spin demi-entier sont des fermions. Exemples de fermions : l'électron, le proton, le neutron. Exemples de bosons : le photon, l'atome d'hydrogène. 1.1 Symétrisation de la fonction d'onde Comment construire une fonction d'onde symétrique à partir de fonctions d'onde de particule unique ? Pour deux bosons, il sut de symétriser la fonction d'onde : ψ+ (ξ1 , ξ2 ) = N+ [φa (ξ1 )φb (ξ2 ) + φa (ξ2 )φb (ξ1 )] , où N+ est un facteur de normalisation1 . Dans le cas de deux fermions, la fonction d'onde symétrisée est ψ− (ξ1 , ξ2 ) = N− [φa (ξ1 )φb (ξ2 ) − φa (ξ2 )φb (ξ1 )] , (1) Exercice 1 Vérier que les fonctions d'onde ψ± sont respectivement symétrique et antisymétrique vis à vis de l'échange des particules 1 et 2. 2 Exemple : fonction d'onde de deux particules indiscernables Considérons deux particules identiques dans un potentiel unidimensionnel externe et supposons que l'interaction entre les particules soit négligeable. L'hamiltonien du système est donc la somme des deux hamiltoniens de particule unique : H = H1 + H2 = p2 p21 + V (x1 ) + 2 + V (x2 ) . |2m {z } |2m {z } H1 Soient H2 φn (x) les fonctions d'onde propres de l'hamiltonien H1 ou H2 . Puisque il n'y a pas de terme d'interaction entre les deux particules, des fonctions d'onde de la forme ψn1 n2 (x1 , x2 ) = φn1 (x1 )φn2 (x2 ) sont des fonctions propres pour l'hamiltonien H. Pour le vérier, il sut d'ob- server que Hψn1 n2 (x1 , x2 ) = [H1 + H2 ]φn1 (x1 )φn2 (x2 ) = [H1 φn1 (x1 )] φn2 (x2 ) + [H2 φn2 (x2 )] φn1 (x1 ) = En1 φn1 (x1 )φn2 (x2 ) + En2 φn1 (x1 )φn2 (x2 ) = [En1 + En2 ] φn1 (x1 )φn2 (x2 ) = [En1 + En2 ] ψn1 n2 (x1 , x2 ), 1 Si φ a et φb sont orthogonales, √ N+ = 1/ 2. 2 parce que l'opérateur Hi agit seulement sur les coordonnées ψn1 n2 (x1 , x2 ) 2 intégrable sur R . vérier que les fonctions fonctions de carré xi . Il est facile de sont aussi une base pour l'espace des Comme on a déjà observé ci-dessus, des fonctions de la forme de ψn1 n2 (x1 , x2 ) n'ont pas en général une symétrie dénie par rapport à l'échange des deux particules. Si les particules sont discernables, cela ne pose aucun problème. Si elles sont indiscernables, il faut symétriser ou antisymétriser la fonction d'onde. 2.1 Symétrisation de la fonction d'onde 2.1.1 Bosons Comme exemple pour les bosons, on choisit deux particules de spin zéro. La fonction d'onde doit donc être symétrisée : ψn+1 n2 (x1 , x2 ) 2.1.2 ( √ [φn1 (x1 )φn2 (x2 ) + φn1 (x2 )φn2 (x1 )] / 2 n1 6= n2 = φn1 (x1 )φn1 (x2 ) n1 = n2 . Fermions Pour les fermions, considérons deux particules de spin 1/2. Les fonctions d'onde de particule unique doivent être légèrement modiées pour tenir compte du dégrée de liberté de spin. La fonction propre de particule unique est maintenant identiée par deux nombres quantiques : le nombre quantique principal n, H , et def Sz = ~σz /2 : qui identie la valeur propre de identie la valeur propre de le nombre quantique de spin s, qui Sz χs = sχs . Ici χs est un spineur à deux composantes. Les valeurs propres possibles de sont seulement deux, c'est à dire ±~/2, s et les spineurs correspondants sont évidemment 1 χ = |↑i = 0 0 χ↓ = |↓i = 1 ↑ La fonction d'onde de particule unique porte donc deux indices n et s et a la forme φsn (x) = φn (x)χs . Passons à la fonction d'onde totale. Il est clair que si les deux particules ont les mêmes nombres quantiques n1 = n2 = n et s1 = s2 = s, on ne peut pas construire une fonction d'onde antisymétrique. Par conséquence, il faut au moins que s1 6= s2 ou n1 6= n2 . Si c'est le cas, la fonction d'onde antisymétrisée est donc donnée par l'expression suivante : 1 ψn−1 n2 s1 s2 (x1 , x2 ) = √ [φn1 (x1 )χs1 φn2 (x2 )χs2 − φn1 (x2 )χs2 φn2 (x1 )χs1 ] . 2 3 2.2 Exemple : oscillateur harmonique Supposons que le potentiel externe V (x) soit un potentiel harmonique : H = H1 + H2 = 1 p2 1 p21 + mω 2 x21 + 2 + mω 2 x22 . 2m 2 2m 2 | {z } | {z } H1 Les états propres φn (x) H2 sont alors les états de l'oscillateur harmonique. En particulier, les deux premiers états sont s x2 exp − 2 2σ σ π s 2 x2 √ x exp − 2 , φ1 (x) = 2σ σ3 π φ0 (x) = avec 1 √ σ 2 = ~/mω . 2.2.1 Particules discernables Si les particules sont discernables, les états à deux particules sont simplement le produit direct des états à une particule. L'état fondamental est 2 x1 + x22 ψ00 (x1 , x2 ) = exp − . 2σ 2 σ π 1 √ (2) Le premier état excité est doublement dégénéré : les deux fonctions d'onde correspondantes sont √ 2 x1 + x22 2 √ x1 exp − ψ10 (x1 , x2 ) = φ1 (x1 )φ0 (x2 ) = 2 2σ 2 σ π √ 2 2 x1 + x22 ψ01 (x1 , x2 ) = φ0 (x1 )φ1 (x2 ) = 2 √ x2 exp − . 2σ 2 σ π 2.2.2 (3) (4) Bosons, spin 0 Si les particules sont des bosons de spin 0, il faut que la fonction d'onde totale soit symétrique. Pour l'état fondamental, le produit direct des orbitales à une particule est déjà symétrique. La fonction d'onde bosonique est donc la même que pour le cas des particules discernables : + ψ00 (x1 , x2 ) = ψ00 (x1 , x2 ) 2 1 x1 + x22 √ = exp − . 2σ 2 σ π (5) Le premier état excité, par contre, doit être symétrisé : 1 + ψ10 (x1 , x2 ) = √ [ψ10 (x1 , x2 ) + ψ01 (x1 , x2 )] 2 2 1 x1 + x22 √ = 2 (x1 + x2 ) exp − . 2σ 2 σ π 4 (6) 2.2.3 Fermions, spin 1/2 Si les particules sont des fermions de spin 1/2, la fonction d'onde totale doit être antisymétrique. Pour l'état fondamental, puisque les particules ont les mêmes nombres quantiques principaux, il faut que les nombres quantiques de spin soient diérents. On a donc obligatoirement s1 = −s2 . La fonction d'onde de l'état fondamental peut alors être antisymétrisée pour obtenir 1 − ψ00↑↓ (x1 , x2 ) = ψ00 (x1 , x2 ) √ |↑i |↓i − |↓i |↑i 2 2 1 x1 + x22 |↑i |↓i − |↓i |↑i . = √ exp − 2 2σ σ 2π (7) Le premier état excité doit être construit à partir d'une orbitale du type φ0 (x) et une du type φ1 (x). Il y a quatre combinaisons possibles pour les états de spin : 1. Les deux spins sont up. La fonction d'onde est 1 − ψ10↑↑ (x1 , x2 ) = √ [ψ10 (x1 , x2 ) − ψ01 (x1 , x2 )] |↑i |↑i 2 2 x1 + x22 1 = 2 √ (x1 − x2 ) exp − |↑i |↑i . 2σ 2 σ π (8) 2. Les deux spins sont down. La fonction d'onde est 1 − ψ10↓↓ (x1 , x2 ) = √ [ψ10 (x1 , x2 ) − ψ01 (x1 , x2 )] |↓i |↓i 2 2 1 x1 + x22 √ |↓i |↓i . = 2 (x1 − x2 ) exp − 2σ 2 σ π (9) 3. Le spin de la particule dans l'orbitale 1 est up et le spin de l'autre est down. La fonction d'onde est 1 − ψ10↑↓ (x1 , x2 ) = √ [ψ10 (x1 , x2 ) |↑i |↓i − ψ01 (x1 , x2 ) |↓i |↑i] 2 2 1 x1 + x22 = 2 √ (x1 |↑i |↓i − x2 |↓i |↑i) exp − . 2σ 2 σ π (10) 4. Le spin de la particule dans l'orbitale 1 est down et le spin de l'autre est up. La fonction d'onde est 1 − ψ10↓↑ (x1 , x2 ) = √ [ψ10 (x1 , x2 ) |↓i |↑i − ψ01 (x1 , x2 ) |↑i |↓i] 2 2 1 x1 + x22 = 2 √ (x1 |↓i |↑i − x2 |↑i |↓i) exp − . 2σ 2 σ π 2.3 Distance relative entre les particules Au lieu de considérer les variables masse (11) X et la distance relative y x1 et x2 , dénies comme x1 + x2 2 def Y = x1 − x2 . def X = 5 on peut utiliser le centre de La transformation inverse est Y 2 Y x2 = X − . 2 x1 = X + 2.3.1 Particules discernables En termes de ces variables, l'état fondamental de deux particules discernables (Éq. (2)) est X 2 + Y 2 /4 . exp − ψ00 (X, Y ) = σ2 σ π 1 √ On peut obtenir une distribution de probabilité pour ψ00 intégrant le module carré de Y (la distance relative) en sur toutes les valeurs de X : ∞ Z dX|ψ00 (X, Y )|2 Z ∞ 1 2X 2 + Y 2 /2 = 2 dX exp − σ π −∞ σ2 2 Y 1 = √ exp − 2 . 2σ σ 2π f00 (Y ) = −∞ Le premier état excité est dégénéré. Si on choisit l'Éq. (3), on trouve √ 2 Y X 2 + Y 2 /4 √ X+ exp − . ψ10 (x1 , x2 ) = 2 2 σ2 σ π La distribution pour Z Y est ∞ f10 (Y ) = dX|ψ10 (X, Y )|2 −∞ 2 2e−Y /2σ = σ4 π 2 Z ∞ 2 −2X 2 /σ 2 X e −∞ Y2 dX + 4 Z ∞ e −2X 2 /σ 2 dX −∞ 2 2 r π 2e−Y /2σ σ σ2 + Y 2 4 σ π 32 Y2 1 √ σ 2 + Y 2 exp − 2 . = 2σ 2σ 3 2π = Exercice 2 pour Y . 2.3.2 Vérier que la fonction d'onde (4) conduit à la même distribution Bosons, spin 0 Pour les bosons de spin 0, l'état fondamental (Éq. (5)) est le même que dans le cas des particules discernables (Éq. (2)). Par conséquence, la distribution pour Y sera aussi la même : + f00 (Y Y2 1 ) = √ exp − 2 . 2σ σ 2π 6 Le premier état excité est (Éq. (6)) + ψ10 (X, Y La distribution pour Y 1 X 2 + Y 2 /4 √ )= 2 . 2X exp − σ2 σ π (12) est + f10 (Y ) = Z ∞ −∞ + dX|ψ10 (X, Y )|2 2 4e−Y /2σ = σ4 π 2 Z ∞ X 2 e−2X 2 /σ 2 dX −∞ 2 2 r 4e−Y /2σ π 3 σ σ4 π 32 1 Y2 = √ exp − 2 . 2σ σ 2π = 2.3.3 Fermions, spin 1/2 L'état fondamental de deux fermions de spin 1/2 est (Éq. (7)) − ψ00↑↓ (X, Y 1 X 2 + Y 2 /4 )= √ exp − |↑i |↓i − |↓i |↑i . 2 σ σ 2π Le produit scalaire de − ψ00 avec elle-même est, par dénition, Z Z 2X 2 +Y 2 /2 1 − σ2 dY dXe h↑| h↓| − h↓| h↑| |↑i |↓i − |↓i |↑i 2σ 2 π Z Z 2X 2 +Y 2 /2 1 dY dXe− σ2 = 2 σ π Z Z 2X 2 +Y 2 /2 1 − σ2 = dY dXe . σ2 π | {z } − − ψ00 ψ00 = − f00↑↓ (Y ) Dans le dernier passage, on peut interpréter l'intégrande en tribution de probabilité − f00↑↓ (Y ). dY comme la dis- Puisque l'intégrale est la même que pour le cas des particules discernables, la distribution est aussi la même : − f00↑↓ (Y 1 Y2 ) = √ exp − 2 . 2σ σ 2π Il y a quatre états excités à deux fermions. Prenons par exemple l'état (8) : − ψ10↑↑ (X, Y 1 X 2 + Y 2 /4 ) = 2 √ Y exp − |↑i |↑i . σ2 σ π 7 On identie la distribution de probabilité Z − f10↑↑ (Y ) : Z D E 2X 2 +Y 2 /2 1 − − dY dX Y 2 e− σ2 h↑| h↑| |↓i |↓i ψ10↑↑ ψ10↑↑ = 4 σ π Z Z 2X 2 +Y 2 /2 1 dY dX Y 2 e− σ2 = 4 σ π Z Z 2X 2 +Y 2 /2 1 = dY 4 . dX Y 2 e− σ2 σ π | {z } − f10↑↑ (Y ) L'intégrale donne − f10↑↑ (Y Exercice 3 )= σ3 1 √ Y2 Y exp − 2 . 2σ 2π 2 Vérier que − − f10↓↓ (Y ) = f10↑↑ (Y ). − ψ10↑↓ (10) s'écrit 2 2 2 Y Y 1 − √ |↑i |↓i − X − |↓i |↑i e−(X +Y /4)/σ . X+ ψ10↑↓ (X, Y ) = 2 2 2 σ π Finalement, l'état On écrit le produit scalaire Z Z D E 2X 2 +Y 2 /2 1 − − ψ10↑↓ ψ10↑↓ = 4 dY dX e− σ2 σ π h i Y Y · X+ h↑| h↓| − X − h↓| h↑| 2 2 h i Y Y · X+ |↑i |↓i − X − |↓i |↑i 2 2 " 2 2 # Z Z 2X 2 +Y 2 /2 1 Y Y − 2 σ = 4 dY dX e X+ + X− σ π 2 2 Z Z 2 2 2 2X +Y /2 1 Y = dY 4 dX e− σ2 . 2X 2 + σ π 2 | {z } − f10↑↓ (Y ) L'intégrale donne − f10↑↓ (Y ) = Exercice 4 1 √ 2σ 3 Y2 σ 2 + Y 2 exp − 2 . 2σ 2π Vérier que − − f10↓↑ (Y ) = f10↑↓ (Y ). 2.4 Conclusion Les distributions pour la distance relative dépendent de la nature des particules. La Fig. 1 montre une comparaison parmi les distributions pour des particules discernables, des bosons et des fermions, pour le premier état excité. On voit que les bosons ont une tendance à rester ensemble, tandis que les fermions préfère s'éloigner l'un de l'autre. 8 bosons fermions discernables Fig. 1 Distributions de probabilité pour la distance relative entre deux parti- cules discernables, deux bosons ou deux fermions. 9