HOMMAGE À PIERRE FROIDEBISE 1 € DIMANCHE 25 MAI 2014 – 16H OLIVIER MESSIAEN (1908-1992), Diptyque (1930) w env. 12’ Essai sur la vie terrestre et l’éternité bienheureuse PIERRE FROIDEBISE, Diptyque (1936) w env. 8’ 1.Méditation 2. Louanges (Toccata) ALAIN PÉRIER (1937), Tombeau de Pierre Froidebise (1986) w env. 9’ Pour commémorer le 25e anniversaire de sa mort 1.Prélude 2. Canon à la quinte 3. Variation en Ostinato 4.Ricercare 5.Double 6.Musette 7. Canon à la quarte 8. Variation en miroir 9.Postlude JOSEPH JONGEN (1873-1953), Prière (extraite des Quatre Pièces op. 37, 1910) w env. 9’ PAUL DE MALEINGREAU (1887-1956), Toccata (extraite de la Suite op. 14, 1918) w env. 11’ PIERRE FROIDEBISE, Sonatine (1939) w env. 8’ 1.Choral varié (in memoriam Scheidt) (Larghetto – Andantino – Andantino) 2. Cantilène (in memoriam Vierne) 3. Capriccio (in memoriam Buxtehude) CHARLES TOURNEMIRE (1870-1939), Fresque symphonique sacrée n° 2 op. 76 (1939) w env. 10’ Carolyn Shuster-Fournier, orgue DIMANCHE 25 MAI 2014 HOMMAGE À PIERRE FROIDEBISE [PROGRAMME 29] PIERRE FROIDEBISE, Berceuse (extraite des Trois Pièces, 1933) w env. 4’ P ersonnalité phare de la vie musicale liégeoise, Pierre Froidebise DANS LE DOMAINE DE LA FACTURE D’ORGUES, il aurait eu 100 ans le 15 mai 2014. Organiste du grand séminaire s’inscrit avec son ami Jean Van de Cauter dans le courant du retour à l’orgue mécanique et de la recherche de l’orgue baroque. Il transmettra ses idées en la matière à son dernier élève, Hubert Schoonbroodt, et lui dédiera sa dernière publication par ces mots : « Aux avant-postes d’un même combat ». et de l’église Saint-Jacques de Liège, pionnier de la redécouverte des « secrets » de la musique ancienne, mais aussi passionné de création contemporaine, Pierre Froidebise a marqué son époque. Carolyn ShusterFournier, organiste américaine établie à Paris (église de la Trinité), lui rend hommage avec ses œuvres et celles de ses maîtres et modèles. HOMMAGE À PIERRE FROIDEBISE (15 MAI 1914 - 28 OCTOBRE 1962) PIERRE FROIDEBISE doit sa formation d’organiste à l’abbé Camille Jacquemin, disciple de Vincent d’Indy, et à Paul de Maleingreau, professeur au Conservatoire Royal de Bruxelles. Le premier le dota d’une formation dans la tradition franckiste et le mit en relation avec Joseph Bonnet et surtout Charles Tournemire qui exerça sur lui une grande influence. Le second l’initia à la musique ancienne, éveilla son sens critique vis-à-vis de la facture d’orgues et lui fit partager son amour de l’art et de la littérature. L’enseignement de Maleingreau, homme de grande culture, était probablement unique en son genre au sein de l’orgue belge des années 1930 et 1940. Plusieurs de ses élèves furent les pionniers de la musique ancienne dans ce pays. TITULAIRE d’un Second Grand Prix de Rome belge (1943), Pierre Froidebise a exercé dans son sens le plus large le métier d’organiste. Interprète, improvisateur, organiste liturgique fervent, compositeur, chercheur. Il fut titulaire des orgues de l’église Saint-Jacques, maître de Chapelle au Grand Séminaire de Liège et professeur d’harmonie pratique au Conservatoire Royal de Liège. SES COMPOSITIONS DE JEUNESSE (1933-1939) sont marquées par l’atmosphère franckiste de sa première école d’orgue. La Sonatine écrite 2 l’année où il obtient son Premier Prix d’orgue au Conservatoire de Bruxelles fait montre d’une écriture plus ferme et plus déliée. Le Petit Livre d’orgue en style ancien écrit en 1957 à la demande de quelques amis procède d’une autre démarche, celle de prouver que, même fermement engagé dans le sérialisme, il n’en garde pas moins une parfaite connaissance des styles du passé. CEPENDANT C’EST AVEC LA PUBLICATION de son Anthologie des Primitifs à la Renaissance que Froidebise marquera le monde de l’orgue. Ce double recueil, accompagné de trois disques enregistrés à l’orgue aujourd’hui disparu du Petit Séminaire de Saint-Trond, sera salué comme un événement et couronné par un Grand Prix du Disque (1960). Comme le signale lui-même Froidebise dans son Avertissement daté de mai 1957 : « Cette anthologie […] ne s’adresse ni aux historiens ni aux musicologues. Elle est essentiellement pratique. […] Nous avons longtemps hésité avant de présenter une édition interprétée de ces pièces d’orgue. Cette musique est en fait peu connue et peu jouée. D’autre part, on sait que les textes musicaux de cette époque ne doivent pas être joués littéralement. La version que nous proposons ici n’est qu’une possibilité parmi d’autres ; du moins résulte-t-elle d’une longue fréquentation et d’une longue étude de ce premier grand siècle de l’orgue. » PAR LA SUITE, le succès de ce premier enregistrement le conduira à réaliser plusieurs albums pour le Club français du disque, consacrés aux diverses écoles européennes. Parmi ceux-ci, son enregistrement de chorals de J.S. Bach à l’orgue d’Alkmaar (NL) lui vaudra un second Grand Prix du Disque, à titre posthume (1964). FROIDEBISE PUBLIE aussi pour la revue Orgue & Liturgie des introductions aux restitutions musicologiques des maîtres espagnols Juan Bermudo (1960) et Tomás de Santa María (1961) ainsi que 13 pièces de Thomas Babou extraites d’un manuscrit de la bibliothèque du Conservatoire de Liège. Il réalise aussi, à la demande de Norbert Dufourcq, l’ornementation des parties centrales des Offertoires des deux Messes de François Couperin. IL SERAIT TOUTEFOIS RÉDUCTEUR de ne voir en Froidebise qu’un organiste. Son inlassable curiosité intellectuelle le portait vers de nombreux autres domaines. D’esprit ouvert, de goûts éclectiques, il s’intéressa à l’esthétique, à la littérature orientale, au chant grégorien, et surtout à la musique d’avantgarde. D’abord influencé par Stravinsky puis par Anton Webern, Froidebise devint un dodécaphoniste convaincu et entretint des relations personnelles avec Messiaen, Leibowitz et Boulez. Son action, conjuguée à celle d’André Souris, fut décisive sur le plan de la diffusion en Belgique de la Seconde École de Vienne. Sa maison était un véritable foyer intellectuel où se côtoyaient de nombreux disciples accueillis en amis : « Presque jamais il ne donnait de rendez-vous. Mais à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, chacun pouvait entrer dans sa maison, toujours ouverte, y manger, y dormir ou flâner dans l’immense bibliothèque. Et quand il devait s’absenter pour de longs voyages, il laissait sa clef sur sa porte… » (A. Souris, cité par Ph. Dewonck). SON ŒUVRE CULMINE avec la cantate Stèle pour Sei Shonagon créée en 1958, à l’occasion de l’Exposition universelle de Bruxelles. Son action fut déterminante sur la jeune génération. Parmi ses élèves réputés qui reconnaissent son influence, citons Célestin Deliège et Henri Pousseur. ANNE FROIDEBISE & ÉRIC MAIRLOT (DANS ORGUES EN WALLONIE ET À BRUXELLES, BROCHURE DU 14e CONGRÈS DE LA FÉDÉRATION FRANCOPHONE DES AMIS DE L’ORGUE, 1997, PP. 110-111) 3 MESSIAEN DIPTYQUE (1930) « Comme organiste liturgique, Froidebise se fait vite remarquer par son talent et le répertoire inhabituel qu’il présente aux fidèles, qui mêle la musique ancienne aux œuvres modernes (Dupré, Tournemire, Messiaen…). » (Thierry Levaux) FROIDEBISE BERCEUSE (1933) EN 1932, Pierre Froidebise n’a que 18 ans NÉ SIX ANS AVANT FROIDEBISE, lorsqu’apparaissent les premiers signes de la maladie qui aura raison de lui 30 ans plus tard. Contraint à une convalescence de deux ans — au cours de laquelle son père pharmacien est naturellement associé de près —, il compose ses premières œuvres. Extraite des Trois Pièces de 1933, la Berceuse est une œuvre de jeunesse dédiée à sa nièce Anne Ottelet, née en 1932, fille de sa sœur Jeanne Froidebise. Elle a probablement été inspirée par l’orgue neuf de son village natal Ohey (situé entre Huy et Namur), inauguré en 1930 dans l’église qui n’avait jusque-là qu’un harmonium. C’est le moment où, rentré chez ses parents après ses humanités en internat au Collège Bellevue de Dinant, Pierre Froidebise prend la décision d’entamer des études musicales et reçoit, au Séminaire de Floreffe, un premier enseignement de l’abbé Camille Jacquemin. Ancien élève de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum de Paris, Jacquemin invite à Floreffe des organistes prestigieux comme Joseph Bonnet et Charles Tournemire, qui mettent le jeune homme en contact avec la musique ancienne et le répertoire contemporain. La Berceuse baigne ainsi dans une atmosphère post-franckiste. Olivier Messiaen (1908-1914) n’a pas 22 ans lorsqu’il signe sa deuxième œuvre pour orgue : le Diptyque, dont le sous-titre explicite le propos : Essai sur la vie terrestre et l’éternité bienheureuse. Tandis qu’un premier volet « avec ses douloureuses reptations chromatiques, nous plonge dans les incessantes tribulations de la vie terrestre, le tournoiement d’une agitation perpétuelle » (Gilles Cantagrel), le second volet offre une vision extatique de l’Au-delà, un avant-goût de la félicité éternelle et de la rencontre avec Dieu promise au chrétien. Le thème principal du premier volet y revient cette fois dans un climat de paix totale, dans un tempo extrêmement lent, où le temps semble s’être arrêté. Sur un fond de Voix céleste (main gauche), la main droite évolue de plus en plus haut pour atteindre très progressivement l’extrême aigu du clavier. En 1940-1941, Messiaen transcrira en captivité ce volet pour piano et violon, pour former le tableau « Louange à l’Immortalité de Jésus », ultime mouvement de son Quatuor pour la fin du temps. ANNE FROIDEBISE 4 u Pierre Froidebise et Charles Tournemire (archives familiales). FROIDEBISE DIPTYQUE (1936) EN PARRALLÈLE à ses cours avec l’abbé Jacquemin, Pierre Froidebise entre au Conservatoire de Namur en 1934, où il travaille notamment avec le directeur René Barbier. Deux ans plus tard, il poursuit sa formation au Conservatoire de Bruxelles avec Paul de Maleingreau pour l’orgue, Raymond Moulaert, Joseph Jongen et Jean Absil pour le contrepoint et la fugue. Il prend aussi des cours privés de composition avec Paul Gilson. FROIDEBISE A LE MÊME ÂGE que Messiaen lorsqu’il signe à son tour un Diptyque. La première pièce, Méditation, d’allure franckiste, porte en exergue un verset de saint Jean : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix ; je ne la donne pas comme le monde. Que votre cœur ne se trouble point et ne s’effraie point ». Elle repose elle-même sur une structure ABA dans laquelle la reprise du thème, sur un jeu d’anche, est suivie d’une coda sur la Voix céleste. Louanges, la toccata qui suit, s’inspire de saint Luc : « Lorsqu’il fut près de la descente du Mont des Oliviers, toute la foule transportée de joie, se mit à louer Dieu à haute voix pour toutes les merveilles qu’ils avaient vues ». C’est une page puissante en sextolets déliés, entrecoupés d’accords massifs et exclamatifs. La fin, notée Largo avec grandeur, s’appuie sur un trille continu. ÉRIC MAIRLOT PÉRIER TOMBEAU DE PIERRE FROIDEBISE (1986) ALAIN PÉRIER, né à Liège en 1937, fut subjugué SON TOMBEAU DE PIERRE FROIDEBISE, destiné dès l’enfance par les improvisations volcaniques de Pierre Froidebise, jeune organistecompositeur qui lui prodiguait alors des leçons de piano en lui épargnant les poncifs du genre. Plus tard, il continua ses études musicales auprès de Madame Honegger à l’École normale de Musique de Paris puis suivit la filière traditionnelle des cours du Conservatoire Supérieur de cette ville en y décrochant quelques diplômes dont un Premier Prix de philosophie de la musique dans la classe d’Olivier Messiaen. Appelé à la radiodiffusion française pour une brève interview, il y restera pendant 40 ans : rédacteur pour la DAEC (Coopération), puis producteur de France Musique, il y deviendra, et pour longtemps, collaborateur spécialisé chargé des relations avec le CDMC (Centre de Documentation de la Musique Contemporaine). Hormis diverses compositions, on lui doit bon nombre de textes ainsi qu’une biographie de Messiaen, parue en 1979 aux éditions du Seuil dans la collection Solfèges, et couronnée par le Prix de l’Office chrétien du Livre. à commémorer le 25e anniversaire de la mort du compositeur et dédié à sa fille Anne, fut créé en 1989 par Jacques Taddéi aux grandes orgues de la Basilique Sainte-Clotilde à Paris, dans le cadre d’un récital organisé par Radio France. Ému par le départ d’un musicien si vivant et trop tôt disparu, Alain Périer a placé, en exergue de la partition, ce verset du Livre de la Sagesse (IV, 7) : « Mais le juste, lors même qu’il meurt avant l’âge, trouve le repos… ». Se souvenant encore des musiques renaissantes que Froidebise lui avait fait découvrir à sa tribune de l’église Saint-Jacques, il s’y est inspiré de principes de l’époque dans un contexte revisité comme le résume sa brève préface : « Ce tombeau, d’esprit baroque, est toutefois conçu à l’aide d’artifices, archaïques ou non, dont on peut librement disposer aujourd’hui ». À ce propos, Messiaen lui écrivit l’avoir lu la avec attention, tout en précisant : « C’est en effet, pour la forme variation et les canons, d’un esprit classique, mais le langage très chromatique est bien moderne et c’est très bien écrit pour l’orgue ». JÉRÔME LATIL 5 MALEINGREAU TOCCATA (1918) NÉ EN FRANCE, à JONGEN PRIÈRE (1910) BRILLANT ÉLÈVE du Conservatoire de Liège, Joseph Jongen (1873-1953) obtient en 1896 — au terme d’un concours joué sur l’orgue Schyven de la Salle Philharmonique — un Diplôme Supérieur d’orgue avec acclamation du jury. Titulaire du grand orgue Clerinx de l’église Saint-Jacques dès 1894, il obtient un Grand Prix de Rome belge en 1897 pour sa Cantate « Comala », distinction rare qui lui permet de parfaire sa formation à Berlin, Vienne, Rome et Paris. En 1903, il est nommé professeur d’harmonie au Conservatoire de Liège, puis en 1920, professeur de fugue au Conservatoire de Bruxelles. Il occupera cette fonction durant cinq ans, avant d’accéder au poste de directeur de l’établissement. LA PRIÈRE OP. 37 N° 3 fait partie d’un recueil de Quatre Pièces composées en décembre 1910 et janvier 1911. Elle est dédiée à Anna Boch (1848-1936), artiste peintre impressionniste et mécène belge originaire du Hainaut, apparentée à la famille Villeroy & Boch. Les trois premières pièces du recueil furent créées en 1912 sur l’orgue Walcker (53 jeux, 3 claviers) construit pour l’Exposition de 1910 à Bruxelles, puis déménagé en 1911 au Cercle artistique et Littéraire, 5 rue de la Loi. Comme son titre le laisse présager, il s’agit d’une pièce méditative, évoluant sur la Voix céleste, puis les fonds de huit pieds, à peine éclaircis par le Hautbois et quelques jeux de quatre pieds. Comme souvent chez Jongen, l’écriture fait appel à plusieurs reprises au canon, ici entre soprano et ténor. 6 Trélon-en-Thiérache, Paul de Maleingreau (1887-1956) se détourne du droit pour embrasser une carrière de musicien. Au Conservatoire de Bruxelles, il étudie l’orgue avec Alphonse Desmet (disciple de Jacques-Nicolas Lemmens) et les cours d’écriture avec Edgar Tinel, directeur. Il parfait sa formation de compositeur en privé auprès de Paul Gilson. En 1921-1922, il joue à Bruxelles l’intégrale de l’œuvre pour orgue de J.S. Bach. En 1929, il succède à Alphonse Desmet comme professeur d’orgue, cherchant notamment à ouvrir l’esprit de ses étudiants à la musique ancienne. Parmi ses élèves, citons également Charles Koenig et Robert Kohnen, clavecinistes réputés. Sa production, qui comporte plus d’une centaine d’opus, s’adresse surtout à l’orgue, la musique religieuse et la musique de chambre. DATÉE DU 23 JANVIER 1918 et publiée l’année suivante chez Durand, la Suite op. 14 comporte quatre mouvements. La Toccata conclusive, notée Majestueux, est une pièce d’envergure qui s’ouvre aux mains à l’unisson, sur le tutti de l’orgue. Traversée de grands traits aboutissant à des accords, elle se poursuit par un passage impressionnant en double pédale, puis un autre où le pédalier tient un rôle soliste. La fin, notée Beaucoup plus lent, consacre le retour des thèmes des mouvements précédents, selon une forme cyclique chère à l’auteur. L’œuvre s’achève pianissimo. FROIDEBISE SONATINE (1939) « AU CONSERVATOIRE DE BRUXELLES, Froidebise se lie aussi à plusieurs futures personnalités de la vie musicale belge, dont les pianistes Robert Leuridan et Marcelle Mercenier, le compositeur et organiste Jean Van de Cauter et le violoniste Arthur Grumiaux, pour qui il écrit en 1938 une Sonate pour violon et piano. En 1939, il obtient un Premier Prix d’orgue. » (Thierry Levaux) SELON ÉDOUARD SENNY, la Sonatine de 1939, « révèle une maîtrise peu commune chez un compositeur de 25 ans, une écriture beaucoup plus moderne, déliée, solide et rigoureuse ». Marquée par le néo-classicisme ambiant, la Sonatine laisse aussi transparaître le souci de Froidebise d’indiquer une articulation variée, libérée de la traditionnelle opposition legatostaccato. Chacun des trois mouvements est conçu en hommage à des maîtres du passé : le Choral varié (à la mémoire de Samuel Scheidt), la Cantilène (à la mémoire de Louis Vierne) et le Capriccio (à la mémoire de Buxtehude). ÉRIC MAIRLOT TOURNEMIRE FRESQUE SYMPHONIQUE SACRÉE N° 2 (1939) CHARLES TOURNEMIRE (1870-1939) doit sa SA FRESQUE SYMPHONIQUE SACRÉE N° 2, formation d’organiste et de compositeur à ses études au Conservatoire de Paris auprès de Franck et de Widor. Premier Prix d’interprétation à 21 ans, il succède à Pierné en qualité de titulaire des grandes orgues de la Basilique Sainte-Clotilde. Il s’y rend très vite célèbre par des improvisations qui marquèrent les esprits. Aussi servira-t-il d’exemple aux organistes en herbe qui, tel le jeune Froidebise, choisiront de se perfectionner auprès de lui en dépit de son caractère tranchant. Compositeur, il nous lègue une production foisonnante : de nombreuses pages de musique de chambre, des poèmes symphoniques et lyriques, pas moins de huit vastes symphonies pour orchestre, et j’en passe. Mais c’est à son instrument d’élection qu’il a consacré l’essentiel. L’Orgue mystique, formé de 51 offices pour les fêtes dominicales, y tient une place prépondérante. À l’encontre de ses pairs, pour la plupart tenants du post-romantisme, il a puisé aux sources du plain-chant, de ses neumes et de ses mélismes, les ferments d’un art régénéré, assoupli, aux teintes incomparables. qu’il devait créer à Sainte-Clotilde en 1939 pour l’Association des Amis de l’Orgue, lui a été inspirée par le gothique flamboyant de la Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. Il y paraphrase le chant grégorien de la Pentecôte Veni Sancte Spiritus et l’auréole de couleurs chatoyantes. Sur ses intentions, il s’est expliqué en ces termes : « La Révélation suprême à lui dans les cieux. Un carillon étincelant exprime l’allégresse d’innombrables créatures, évoque la venue des Langues de Feu. Le Miracle alors s’accomplit. Un thème majestueux domine les joies des âmes humaines : c’est la majesté du Verbe ; puis, une Symphonie pénétrante : l’insondable mystère de l’Amour ». Ce chant du cygne serein, tendre, puissant, ne laisse aucunement transparaître l’inquiétude du compositeur que son état de santé préoccupait alors. Peu après, il décèdera, noyé dans des circonstances restées mystérieuses ; toutefois, d’aucuns présument qu’il aurait été frappé d’amnésie. La foi chrétienne indéfectible de ce créateur exigeant, omniprésente dans ses ouvrages, l’aura tellement pénétré qu’un jour, catégorique, il décréta : « Toute musique qui n’a pas pour base la gloire de Dieu est inutile » ! ALAIN PÉRIER 7 CAROLYN SHUSTERFOURNIER ORGUE PARCOURS. Organiste et musicologue francoaméricaine, Carolyn Shuster-Fournier naît à Columbia (Missouri) en 1956. Après des études de piano et de violon, elle se tourne vers l’orgue qu’elle étudie dès l’âge de 13 ans avec Gary Zwicky. D’autres professeurs l’aideront dans son cheminement : Gladys Christensen, Wolfgang Rübsam, Yuko Hayashi et Mireille Lagacé (clavecin). Après l’obtention d’un Bachelor of Music au Wheaton College, et d’un Master d’orgue au New England Conservatory de Boston, elle vient à Paris pour se perfectionner auprès de Marie-Claire Alain, Michel Chapuis, André Isoir et Jean Saint-Arroman. Elle suit les cours d’été de Bernard Lagacé, Luigi-Ferdinando Tagliavini et Francis Chapelet, et prend des cours privés avec André Fleury. Elle a reçu une Médaille d’Or et un Prix d’Excellence d’Orgue dans la classe de Marie-Claire Alain au Conservatoire de Rueil-Malmaison, et un Premier Prix d’orgue au Conservatoire de BoulogneBillancourt dans la classe d’André Isoir. Elle a également étudié l’improvisation avec Thierry Escaich, Pierre Pincemaille et André Isoir. EN MUSICOLOGIE, elle fut élève à la Sorbonne de Danièle Pistone, Catherine Massip et de François Lesure. En 1986, elle obtient une maîtrise en éducation musicale, mention très bien, à l’Université de Paris IV, et en 1991, le titre de docteur en musicologie de l’Université de Tours. Sa thèse sur les orgues profanes d’Aristide Cavaillé-Coll (au salon, au théâtre et au concert) a reçu les félicitations chaleureuses d’Olivier Messiaen. Ses écrits sont parus des deux côtés de l’Atlantique. 8 Elle a étudie également le chant grégorien auprès de Louis-Marie Vigne, l’ethnomusicologie avec Vida Chenoweth, la direction chorale avec Donald Teeters, la basse continue avec John Gibbons, la danse de la Renaissance avec Julia Sutton et la notation de la Renaissance avec Anne Hallmark. CARRIÈRE. Organiste jadis à la Cathédrale américaine de Paris, elle est nommée en 1989 titulaire de l’orgue de chœur CavailléColl de l’église de la Trinité, où elle crée les « Concerts du Jeudi ». Concertiste internationale, elle s’est produite sur des orgues historiques et dans des festivals prestigieux (Methuen, Bruxelles, Sion, Séville, Notre-Dame de Paris, Marmoutier, Festival Musica de Strasbourg, Sankt Jacobi de Hambourg). Elle a créé de nombreuses œuvres contemporaines, collaborant avec des compositeurs tels que Thierry Blondeau, Jacques Castérède, Jacques Chailley, Jacques Charpentier, Jean-Pierre Griveau, Hervé Lacombe, Jacques Lenot, Sébastien Maigne, Jean-Dominique Pasquet, Jacques Pichard ou Daniel Pinkham. ŒUVRES. Ses disques, Alexis Chauvet à l’orgue Clicquot-Cavaillé-Coll de la Cathédrale de Versailles et l’orgue John Abbey de l’église paroissiale de Marines (EMA) ; In Memoriam Marcel Dupré (1886-1972) sur l’orgue CavailléColl de St. Bernhard à Mayence et l’orgue Merklin-Schütz de l’Église réformée du SaintEsprit à Paris, avec le violoncelliste Julius Berger, pour Schott ; Une américaine à Paris à l’orgue Cavaillé-Coll de la Madeleine à Paris (Ligia Digital) et In Memoriam Nadia Boulanger (1887-1979) aux grandes orgues A. CavailléColl de Saint-Antoine-des-Quinze-Vingt à Paris, avec la participation de Magali Léger (Ligia Digital) ont été salués chaleureusement par la critique. Son livre Un siècle de vie musicale à l’église de la Trinité de Paris, de Théodore Salomé à Olivier Messiaen paraîtra prochainement dans la collection « L’Univers musical » chez L’Harmattan. www.shusterfournier.com