le programme en pdf - Orchestre Philharmonique Royal de Liège

DIMANCHE 25 MAI 2014 HOMMAGE À PIERRE FROIDEBISE [PROGRAMME 29]
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HOMMAGE À
PIERRE FROIDEBISE
DIMANCHE 25 MAI 2014 – 16H
PIERRE FROIDEBISE, Berceuse (extraite des Trois Pièces, 1933) w env. 4’
OLIVIER MESSIAEN (1908-1992), Diptyque (1930) w env. 12’
Essai sur la vie terrestre et l’éternité bienheureuse
PIERRE FROIDEBISE, Diptyque (1936) w env. 8’
1. Méditation
2. Louanges (Toccata)
ALAIN PÉRIER (1937), Tombeau de Pierre Froidebise (1986) w env. 9’
Pour commémorer le 25e anniversaire de sa mort
1. Prélude
2. Canon à la quinte
3. Variation en Ostinato
4. Ricercare
5. Double
6. Musette
7. Canon à la quarte
8. Variation en miroir
9. Postlude
JOSEPH JONGEN (1873-1953),
Prière (extraite des Quatre Pièces op. 37, 1910) w env. 9’
PAUL DE MALEINGREAU (1887-1956),
Toccata (extraite de la Suite op. 14, 1918) w env. 11’
PIERRE FROIDEBISE, Sonatine (1939) w env. 8’
1. Choral varié (in memoriam Scheidt) (Larghetto – Andantino – Andantino)
2. Cantilène (in memoriam Vierne)
3. Capriccio (in memoriam Buxtehude)
CHARLES TOURNEMIRE (1870-1939),
Fresque symphonique sacrée n° 2 op. 76 (1939) w env. 10’
Carolyn Shuster-Fournier, orgue
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PIERRE FROIDEBISE doit sa formation
d’organiste à l’abbé Camille Jacquemin,
disciple de Vincent d’Indy, et à Paul
de Maleingreau, professeur au Conservatoire
Royal de Bruxelles. Le premier le dota d’une
formation dans la tradition franckiste et le
mit en relation avec Joseph Bonnet et surtout
Charles Tournemire qui exerça sur lui une
grande influence. Le second l’initia à la
musique ancienne, éveilla son sens critique
vis-à-vis de la facture d’orgues et lui fit
partager son amour de l’art et de la littérature.
L’enseignement de Maleingreau, homme de
grande culture, était probablement unique en
son genre au sein de l’orgue belge des années
1930 et 1940. Plusieurs de ses élèves furent
les pionniers de la musique ancienne dans ce
pays.
TITULAIRE d’un Second Grand Prix de Rome
belge (1943), Pierre Froidebise a exercé dans
son sens le plus large le métier d’organiste.
Interprète, improvisateur, organiste liturgique
fervent, compositeur, chercheur. Il fut
titulaire des orgues de l’église Saint-Jacques,
maître de Chapelle au Grand Séminaire de
Liège et professeur d’harmonie pratique au
Conservatoire Royal de Liège.
SES COMPOSITIONS DE JEUNESSE (1933-1939)
sont marquées par l’atmosphère franckiste de
sa première école d’orgue. La Sonatine écrite
l’année où il obtient son Premier Prix d’orgue
au Conservatoire de Bruxelles fait montre
d’une écriture plus ferme et plus déliée. Le
Petit Livre d’orgue en style ancien écrit en 1957
à la demande de quelques amis procède d’une
autre démarche, celle de prouver que, même
fermement engagé dans le sérialisme, il n’en
garde pas moins une parfaite connaissance
des styles du passé.
CEPENDANT C’EST AVEC LA PUBLICATION de
son Anthologie des Primitifs à la Renaissance
que Froidebise marquera le monde de l’orgue.
Ce double recueil, accompagné de trois
disques enregistrés à l’orgue aujourd’hui
disparu du Petit Séminaire de Saint-Trond,
sera salué comme un événement et couronné
par un Grand Prix du Disque (1960). Comme
le signale lui-même Froidebise dans son
Avertissement daté de mai 1957 : « Cette
anthologie […] ne s’adresse ni aux historiens
ni aux musicologues. Elle est essentiellement
pratique. […] Nous avons longtemps hésité
avant de présenter une édition interprétée de
ces pièces d’orgue. Cette musique est en fait
peu connue et peu jouée. D’autre part, on sait
que les textes musicaux de cette époque ne
doivent pas être joués littéralement. La version
que nous proposons ici n’est qu’une possibilité
parmi d’autres ; du moins résulte-t-elle d’une
longue fréquentation et d’une longue étude de
ce premier grand siècle de l’orgue. »
PAR LA SUITE, le succès de ce premier
enregistrement le conduira à réaliser plusieurs
albums pour le Club français du disque,
consacrés aux diverses écoles européennes.
Parmi ceux-ci, son enregistrement de chorals
de J.S. Bach à l’orgue d’Alkmaar (NL) lui
vaudra un second Grand Prix du Disque, à
titre posthume (1964).
FROIDEBISE PUBLIE aussi pour la revue Orgue
& Liturgie des introductions aux restitutions
musicologiques des maîtres espagnols Juan
Bermudo (1960) et Tomás de Santa María
(1961) ainsi que 13 pièces de Thomas Babou
extraites d’un manuscrit de la bibliothèque
du Conservatoire de Liège. Il réalise
aussi, à la demande de Norbert Dufourcq,
l’ornementation des parties centrales des
Offertoires des deux Messes de François
Couperin.
DANS LE DOMAINE DE LA FACTURE D’ORGUES, il
s’inscrit avec son ami Jean Van de Cauter dans
le courant du retour à l’orgue mécanique
et de la recherche de l’orgue baroque. Il
transmettra ses idées en la matière à son
dernier élève, Hubert Schoonbroodt, et lui
dédiera sa dernière publication par ces mots :
« Aux avant-postes d’un même combat ».
IL SERAIT TOUTEFOIS RÉDUCTEUR de ne
voir en Froidebise qu’un organiste. Son
inlassable curiosité intellectuelle le portait
vers de nombreux autres domaines. D’esprit
ouvert, de goûts éclectiques, il s’intéressa à
l’esthétique, à la littérature orientale, au chant
grégorien, et surtout à la musique d’avant-
garde. D’abord influencé par Stravinsky
puis par Anton Webern, Froidebise devint
un dodécaphoniste convaincu et entretint
des relations personnelles avec Messiaen,
Leibowitz et Boulez. Son action, conjuguée à
celle d’André Souris, fut décisive sur le plan
de la diffusion en Belgique de la Seconde
École de Vienne. Sa maison était un véritable
foyer intellectuel où se côtoyaient de nombreux
disciples accueillis en amis : « Presque jamais
il ne donnait de rendez-vous. Mais à n’importe
quelle heure du jour ou de la nuit, chacun
pouvait entrer dans sa maison, toujours
ouverte, y manger, y dormir ou flâner dans
l’immense bibliothèque. Et quand il devait
s’absenter pour de longs voyages, il laissait
sa clef sur sa porte… » (A. Souris, cité par
Ph. Dewonck).
SON ŒUVRE CULMINE avec la cantate Stèle
pour Sei Shonagon créée en 1958, à l’occasion
de l’Exposition universelle de Bruxelles.
Son action fut déterminante sur la jeune
génération. Parmi ses élèves réputés qui
reconnaissent son influence, citons Célestin
Deliège et Henri Pousseur.
ANNE FROIDEBISE & ÉRIC MAIRLOT
(DANS ORGUES EN WALLONIE ET À BRUXELLES,
BROCHURE DU 14e CONGRÈS DE LA FÉDÉRATION
FRANCOPHONE DES AMIS DE L’ORGUE, 1997, PP. 110-111)
Personnalité phare de la vie musicale liégeoise, Pierre Froidebise
aurait eu 100 ans le 15 mai 2014. Organiste du grand séminaire
et de l’église Saint-Jacques de Liège, pionnier de la redécouverte
des « secrets » de la musique ancienne, mais aussi passionné de création
contemporaine, Pierre Froidebise a marqué son époque. Carolyn Shuster-
Fournier, organiste américaine établie à Paris (église de la Trinité), lui rend
hommage avec ses œuvres et celles de ses maîtres et modèles.
HOMMAGE À PIERRE FROIDEBISE
(15 MAI 1914 - 28 OCTOBRE 1962)
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EN PARRALLÈLE à ses cours avec l’abbé
Jacquemin, Pierre Froidebise entre au
Conservatoire de Namur en 1934, où il
travaille notamment avec le directeur René
Barbier. Deux ans plus tard, il poursuit sa
formation au Conservatoire de Bruxelles avec
Paul de Maleingreau pour l’orgue, Raymond
Moulaert, Joseph Jongen et Jean Absil pour
le contrepoint et la fugue. Il prend aussi des
cours privés de composition avec Paul Gilson.
FROIDEBISE A LE MÊME ÂGE que Messiaen
lorsqu’il signe à son tour un Diptyque. La
première pièce, Méditation, d’allure franckiste,
porte en exergue un verset de saint Jean : « Je
vous laisse ma paix, je vous donne ma paix ; je
ne la donne pas comme le monde. Que votre
cœur ne se trouble point et ne s’effraie point ».
Elle repose elle-même sur une structure
ABA dans laquelle la reprise du thème, sur
un jeu d’anche, est suivie d’une coda sur la
Voix céleste. Louanges, la toccata qui suit,
s’inspire de saint Luc : « Lorsqu’il fut près de
la descente du Mont des Oliviers, toute la foule
transportée de joie, se mit à louer Dieu à haute
voix pour toutes les merveilles qu’ils avaient
vues ». C’est une page puissante en sextolets
déliés, entrecoupés d’accords massifs et
exclamatifs. La fin, notée Largo avec grandeur,
s’appuie sur un trille continu.
ÉRIC MAIRLOT
EN 1932, Pierre Froidebise n’a que 18 ans
lorsqu’apparaissent les premiers signes
de la maladie qui aura raison de lui 30 ans
plus tard. Contraint à une convalescence de
deux ans — au cours de laquelle son père
pharmacien est naturellement associé de
près —, il compose ses premières œuvres.
Extraite des Trois Pièces de 1933, la Berceuse
est une œuvre de jeunesse dédiée à sa nièce
Anne Ottelet, née en 1932, fille de sa sœur
Jeanne Froidebise. Elle a probablement été
inspirée par l’orgue neuf de son village natal
Ohey (situé entre Huy et Namur), inauguré
en 1930 dans l’église qui n’avait jusque-là
qu’un harmonium. C’est le moment où, rentré
chez ses parents après ses humanités en
internat au Collège Bellevue de Dinant, Pierre
Froidebise prend la décision d’entamer des
études musicales et reçoit, au Séminaire
de Floreffe, un premier enseignement de
l’abbé Camille Jacquemin. Ancien élève de
Vincent d’Indy à la Schola Cantorum de Paris,
Jacquemin invite à Floreffe des organistes
prestigieux comme Joseph Bonnet et Charles
Tournemire, qui mettent le jeune homme
en contact avec la musique ancienne et le
répertoire contemporain. La Berceuse baigne
ainsi dans une atmosphère post-franckiste.
ANNE FROIDEBISE
MESSIAEN
DIPTYQUE
(1930)
« Comme organiste
liturgique, Froidebise se
fait vite remarquer par
son talent et le répertoire
inhabituel qu’il présente
aux fidèles, qui mêle
la musique ancienne
aux œuvres modernes
(Dupré, Tournemire,
Messiaen…). »
(Thierry Levaux)
NÉ SIX ANS AVANT FROIDEBISE,
Olivier Messiaen (1908-1914) n’a pas
22 ans lorsqu’il signe sa deuxième œuvre
pour orgue : le Diptyque, dont le sous-titre
explicite le propos : Essai sur la vie terrestre
et l’éternité bienheureuse. Tandis qu’un
premier volet « avec ses douloureuses
reptations chromatiques, nous plonge dans les
incessantes tribulations de la vie terrestre,
le tournoiement d’une agitation perpétuelle »
(Gilles Cantagrel), le second volet offre une
vision extatique de lAu-delà, un avant-goût
de la félicité éternelle et de la rencontre
avec Dieu promise au chrétien. Le thème
principal du premier volet y revient cette fois
dans un climat de paix totale, dans un tempo
extrêmement lent, où le temps semble s’être
arrêté. Sur un fond de Voix céleste (main
gauche), la main droite évolue de plus en plus
haut pour atteindre très progressivement
l’extrême aigu du clavier. En 1940-1941,
Messiaen transcrira en captivité ce volet
pour piano et violon, pour former le tableau
« Louange à l’Immortalité de Jésus », ultime
mouvement de son Quatuor pour la fin du
temps.
ALAIN PÉRIER, né à Liège en 1937, fut subjugué
dès l’enfance par les improvisations volcaniques
de Pierre Froidebise, jeune organiste-
compositeur qui lui prodiguait alors des leçons
de piano en lui épargnant les poncifs du genre.
Plus tard, il continua ses études musicales
auprès de Madame Honegger à l’École
normale de Musique de Paris puis suivit la
filière traditionnelle des cours du Conservatoire
Supérieur de cette ville en y décrochant
quelques diplômes dont un Premier Prix de
philosophie de la musique dans la classe
d’Olivier Messiaen. Appelé à la radiodiffusion
française pour une brève interview, il y restera
pendant 40 ans : rédacteur pour la DAEC
(Coopération), puis producteur de France
Musique, il y deviendra, et pour longtemps,
collaborateur spécialisé chargé des relations
avec le CDMC (Centre de Documentation de
la Musique Contemporaine). Hormis diverses
compositions, on lui doit bon nombre de textes
ainsi qu’une biographie de Messiaen, parue
en 1979 aux éditions du Seuil dans la collection
Solfèges, et couronnée par le Prix de l’Office
chrétien du Livre.
SON TOMBEAU DE PIERRE FROIDEBISE, destiné
à commémorer le 25e anniversaire de la mort
du compositeur et dédié à sa fille Anne, fut
créé en 1989 par Jacques Taddéi aux grandes
orgues de la Basilique Sainte-Clotilde à Paris,
dans le cadre d’un récital organisé par Radio
France. Ému par le départ d’un musicien si
vivant et trop tôt disparu, Alain Périer a placé,
en exergue de la partition, ce verset du Livre de
la Sagesse (IV, 7) : « Mais le juste, lors même
qu’il meurt avant l’âge, trouve le repos… ». Se
souvenant encore des musiques renaissantes
que Froidebise lui avait fait découvrir à sa
tribune de l’église Saint-Jacques, il s’y est
inspiré de principes de l’époque dans un
contexte revisité comme le résume sa brève
préface : « Ce tombeau, d’esprit baroque, est
toutefois conçu à l’aide d’artifices, archaïques
ou non, dont on peut librement disposer
aujourd’hui ». À ce propos, Messiaen lui écrivit
l’avoir lu la avec attention, tout en précisant :
« C’est en effet, pour la forme variation et les
canons, d’un esprit classique, mais le langage
très chromatique est bien moderne et c’est
très bien écrit pour l’orgue ».
JÉRÔME LATIL
FROIDEBISE DIPTYQUE (1936)
PÉRIER TOMBEAU DE PIERRE FROIDEBISE (1986)
u Pierre Froidebise et Charles Tournemire (archives familiales).
FROIDEBISE
BERCEUSE (1933)
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FROIDEBISE SONATINE (1939)
JONGEN
PRIÈRE (1910)
BRILLANT ÉLÈVE du Conservatoire de Liège,
Joseph Jongen (1873-1953) obtient en 1896
— au terme d’un concours joué sur l’orgue
Schyven de la Salle Philharmonique — un
Diplôme Supérieur d’orgue avec acclamation
du jury. Titulaire du grand orgue Clerinx de
l’église Saint-Jacques dès 1894, il obtient
un Grand Prix de Rome belge en 1897 pour
sa Cantate « Comala », distinction rare qui lui
permet de parfaire sa formation à Berlin,
Vienne, Rome et Paris. En 1903, il est nommé
professeur d’harmonie au Conservatoire de
Liège, puis en 1920, professeur de fugue au
Conservatoire de Bruxelles. Il occupera cette
fonction durant cinq ans, avant d’accéder au
poste de directeur de l’établissement.
LA PRIÈRE OP. 37 N° 3 fait partie d’un recueil
de Quatre Pièces composées en décembre 1910
et janvier 1911. Elle est dédiée à Anna Boch
(1848-1936), artiste peintre impressionniste
et mécène belge originaire du Hainaut,
apparentée à la famille Villeroy & Boch.
Les trois premières pièces du recueil furent
créées en 1912 sur l’orgue Walcker (53 jeux, 3
claviers) construit pour l’Exposition de 1910 à
Bruxelles, puis déménagé en 1911 au Cercle
artistique et Littéraire, 5 rue de la Loi. Comme
son titre le laisse présager, il s’agit d’une
pièce méditative, évoluant sur la Voix céleste,
puis les fonds de huit pieds, à peine éclaircis
par le Hautbois et quelques jeux de quatre
pieds. Comme souvent chez Jongen, l’écriture
fait appel à plusieurs reprises au canon, ici
entre soprano et ténor.
MALEINGREAU
TOCCATA (1918)
NÉ EN FRANCE, à
Trélon-en-Thiérache,
Paul de Maleingreau
(1887-1956) se
détourne du droit
pour embrasser une
carrière de musicien.
Au Conservatoire
de Bruxelles, il
étudie l’orgue
avec Alphonse
Desmet (disciple
de Jacques-Nicolas
Lemmens) et les
cours d’écriture
avec Edgar Tinel, directeur. Il parfait sa
formation de compositeur en privé auprès
de Paul Gilson. En 1921-1922, il joue à
Bruxelles l’intégrale de l’œuvre pour orgue
de J.S. Bach. En 1929, il succède à Alphonse
Desmet comme professeur d’orgue, cherchant
notamment à ouvrir l’esprit de ses étudiants
à la musique ancienne. Parmi ses élèves,
citons également Charles Koenig et Robert
Kohnen, clavecinistes réputés. Sa production,
qui comporte plus d’une centaine d’opus,
s’adresse surtout à l’orgue, la musique
religieuse et la musique de chambre.
DATÉE DU 23 JANVIER 1918 et publiée l’année
suivante chez Durand, la Suite op. 14 comporte
quatre mouvements. La Toccata conclusive,
notée Majestueux, est une pièce d’envergure
qui s’ouvre aux mains à l’unisson, sur le
tutti de l’orgue. Traversée de grands traits
aboutissant à des accords, elle se poursuit
par un passage impressionnant en double
pédale, puis un autre où le pédalier tient
un rôle soliste. La fin, notée Beaucoup plus
lent, consacre le retour des thèmes des
mouvements précédents, selon une forme
cyclique chère à l’auteur. L’œuvre s’achève
pianissimo.
CHARLES TOURNEMIRE (1870-1939) doit sa
formation d’organiste et de compositeur
à ses études au Conservatoire de Paris
auprès de Franck et de Widor. Premier Prix
d’interprétation à 21 ans, il succède à Pierné
en qualité de titulaire des grandes orgues de la
Basilique Sainte-Clotilde. Il s’y rend très vite
célèbre par des improvisations qui marquèrent
les esprits. Aussi servira-t-il d’exemple aux
organistes en herbe qui, tel le jeune Froidebise,
choisiront de se perfectionner auprès de lui en
dépit de son caractère tranchant. Compositeur,
il nous lègue une production foisonnante :
de nombreuses pages de musique de
chambre, des poèmes symphoniques et
lyriques, pas moins de huit vastes symphonies
pour orchestre, et j’en passe. Mais c’est à
son instrument d’élection qu’il a consacré
l’essentiel. L’Orgue mystique, formé de 51
offices pour les fêtes dominicales, y tient une
place prépondérante. À l’encontre de ses pairs,
pour la plupart tenants du post-romantisme,
il a puisé aux sources du plain-chant, de ses
neumes et de ses mélismes, les ferments
d’un art régénéré, assoupli, aux teintes
incomparables.
SA FRESQUE SYMPHONIQUE SACRÉE N° 2,
qu’il devait créer à Sainte-Clotilde en 1939
pour lAssociation des Amis de l’Orgue, lui a
été inspirée par le gothique flamboyant de
la Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. Il y
paraphrase le chant grégorien de la Pentecôte
Veni Sancte Spiritus et l’auréole de couleurs
chatoyantes. Sur ses intentions, il s’est expliqué
en ces termes : « La Révélation suprême à lui
dans les cieux. Un carillon étincelant exprime
l’allégresse d’innombrables créatures, évoque
la venue des Langues de Feu. Le Miracle alors
s’accomplit. Un thème majestueux domine les
joies des âmes humaines : c’est la majesté
du Verbe ; puis, une Symphonie pénétrante :
l’insondable mystère de lAmour ». Ce chant
du cygne serein, tendre, puissant, ne laisse
aucunement transparaître l’inquiétude du
compositeur que son état de santé préoccupait
alors. Peu après, il décèdera, noyé dans des
circonstances restées mystérieuses ; toutefois,
d’aucuns présument qu’il aurait été frappé
d’amnésie. La foi chrétienne indéfectible de
ce créateur exigeant, omniprésente dans ses
ouvrages, l’aura tellement pénétré qu’un jour,
catégorique, il décréta : « Toute musique qui n’a
pas pour base la gloire de Dieu est inutile » !
ALAIN PÉRIER
« AU CONSERVATOIRE DE BRUXELLES,
Froidebise se lie aussi à plusieurs futures
personnalités de la vie musicale belge, dont
les pianistes Robert Leuridan et Marcelle
Mercenier, le compositeur et organiste
Jean Van de Cauter et le violoniste Arthur
Grumiaux, pour qui il écrit en 1938 une Sonate
pour violon et piano. En 1939, il obtient un
Premier Prix d’orgue. » (Thierry Levaux)
SELON ÉDOUARD SENNY, la Sonatine de 1939,
« révèle une maîtrise peu commune chez un
compositeur de 25 ans, une écriture beaucoup
plus moderne, déliée, solide et rigoureuse ».
Marquée par le néo-classicisme ambiant, la
Sonatine laisse aussi transparaître le souci de
Froidebise d’indiquer une articulation variée,
libérée de la traditionnelle opposition legato-
staccato. Chacun des trois mouvements est
conçu en hommage à des maîtres du passé : le
Choral varié (à la mémoire de Samuel Scheidt),
la Cantilène (à la mémoire de Louis Vierne) et
le Capriccio (à la mémoire de Buxtehude).
ÉRIC MAIRLOT
TOURNEMIRE
FRESQUE SYMPHONIQUE SACRÉE N° 2 (1939)
8
PARCOURS. Organiste et musicologue franco-
américaine, Carolyn Shuster-Fournier naît
à Columbia (Missouri) en 1956. Après des
études de piano et de violon, elle se tourne
vers l’orgue qu’elle étudie dès l’âge de 13 ans
avec Gary Zwicky. D’autres professeurs
l’aideront dans son cheminement : Gladys
Christensen, Wolfgang Rübsam, Yuko Hayashi
et Mireille Lagacé (clavecin). Après l’obtention
d’un Bachelor of Music au Wheaton College,
et d’un Master d’orgue au New England
Conservatory de Boston, elle vient à Paris
pour se perfectionner auprès de Marie-Claire
Alain, Michel Chapuis, André Isoir et Jean
Saint-Arroman. Elle suit les cours d’été de
Bernard Lagacé, Luigi-Ferdinando Tagliavini
et Francis Chapelet, et prend des cours privés
avec André Fleury. Elle a reçu une Médaille
d’Or et un Prix d’Excellence d’Orgue dans la
classe de Marie-Claire Alain au Conservatoire
de Rueil-Malmaison, et un Premier Prix
d’orgue au Conservatoire de Boulogne-
Billancourt dans la classe d’André Isoir. Elle a
également étudié l’improvisation avec Thierry
Escaich, Pierre Pincemaille et André Isoir.
EN MUSICOLOGIE, elle fut élève à la Sorbonne
de Danièle Pistone, Catherine Massip et de
François Lesure. En 1986, elle obtient une
maîtrise en éducation musicale, mention
très bien, à l’Université de Paris IV, et en
1991, le titre de docteur en musicologie de
l’Université de Tours. Sa thèse sur les orgues
profanes d’Aristide Cavaillé-Coll (au salon, au
théâtre et au concert) a reçu les félicitations
chaleureuses d’Olivier Messiaen. Ses écrits
sont parus des deux côtés de lAtlantique.
Elle a étudie également le chant
grégorien auprès de Louis-Marie Vigne,
l’ethnomusicologie avec Vida Chenoweth, la
direction chorale avec Donald Teeters, la basse
continue avec John Gibbons, la danse de la
Renaissance avec Julia Sutton et la notation de
la Renaissance avec Anne Hallmark.
CARRIÈRE. Organiste jadis à la Cathédrale
américaine de Paris, elle est nommée en
1989 titulaire de lorgue de chœur Cavaillé-
Coll de l’église de la Trinité, où elle crée
les « Concerts du Jeudi ». Concertiste
internationale, elle s’est produite sur des
orgues historiques et dans des festivals
prestigieux (Methuen, Bruxelles, Sion,
Séville, Notre-Dame de Paris, Marmoutier,
Festival Musica de Strasbourg, Sankt Jacobi
de Hambourg). Elle a créé de nombreuses
œuvres contemporaines, collaborant avec
des compositeurs tels que Thierry Blondeau,
Jacques Castérède, Jacques Chailley, Jacques
Charpentier, Jean-Pierre Griveau, Hervé
Lacombe, Jacques Lenot, Sébastien Maigne,
Jean-Dominique Pasquet, Jacques Pichard ou
Daniel Pinkham.
ŒUVRES. Ses disques, Alexis Chauvet à l’orgue
Clicquot-Cavaillé-Coll de la Cathédrale de
Versailles et l’orgue John Abbey de l’église
paroissiale de Marines (EMA) ; In Memoriam
Marcel Dupré (1886-1972) sur l’orgue Cavaillé-
Coll de St. Bernhard à Mayence et l’orgue
Merklin-Schütz de l’Église réformée du Saint-
Esprit à Paris, avec le violoncelliste Julius
Berger, pour Schott ; Une américaine à Paris à
l’orgue Cavaillé-Coll de la Madeleine à Paris
(Ligia Digital) et In Memoriam Nadia Boulanger
(1887-1979) aux grandes orgues A. Cavaillé-
Coll de Saint-Antoine-des-Quinze-Vingt à
Paris, avec la participation de Magali Léger
(Ligia Digital) ont été salués chaleureusement
par la critique. Son livre Un siècle de vie
musicale à l’église de la Trinité de Paris, de
Théodore Salomé à Olivier Messiaen paraîtra
prochainement dans la collection « L’Univers
musical » chez L’Harmattan.
www.shusterfournier.com
CAROLYN
SHUSTER-
FOURNIER
ORGUE
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