6 7
FROIDEBISE SONATINE (1939)
JONGEN
PRIÈRE (1910)
BRILLANT ÉLÈVE du Conservatoire de Liège,
Joseph Jongen (1873-1953) obtient en 1896
— au terme d’un concours joué sur l’orgue
Schyven de la Salle Philharmonique — un
Diplôme Supérieur d’orgue avec acclamation
du jury. Titulaire du grand orgue Clerinx de
l’église Saint-Jacques dès 1894, il obtient
un Grand Prix de Rome belge en 1897 pour
sa Cantate « Comala », distinction rare qui lui
permet de parfaire sa formation à Berlin,
Vienne, Rome et Paris. En 1903, il est nommé
professeur d’harmonie au Conservatoire de
Liège, puis en 1920, professeur de fugue au
Conservatoire de Bruxelles. Il occupera cette
fonction durant cinq ans, avant d’accéder au
poste de directeur de l’établissement.
LA PRIÈRE OP. 37 N° 3 fait partie d’un recueil
de Quatre Pièces composées en décembre 1910
et janvier 1911. Elle est dédiée à Anna Boch
(1848-1936), artiste peintre impressionniste
et mécène belge originaire du Hainaut,
apparentée à la famille Villeroy & Boch.
Les trois premières pièces du recueil furent
créées en 1912 sur l’orgue Walcker (53 jeux, 3
claviers) construit pour l’Exposition de 1910 à
Bruxelles, puis déménagé en 1911 au Cercle
artistique et Littéraire, 5 rue de la Loi. Comme
son titre le laisse présager, il s’agit d’une
pièce méditative, évoluant sur la Voix céleste,
puis les fonds de huit pieds, à peine éclaircis
par le Hautbois et quelques jeux de quatre
pieds. Comme souvent chez Jongen, l’écriture
fait appel à plusieurs reprises au canon, ici
entre soprano et ténor.
MALEINGREAU
TOCCATA (1918)
NÉ EN FRANCE, à
Trélon-en-Thiérache,
Paul de Maleingreau
(1887-1956) se
détourne du droit
pour embrasser une
carrière de musicien.
Au Conservatoire
de Bruxelles, il
étudie l’orgue
avec Alphonse
Desmet (disciple
de Jacques-Nicolas
Lemmens) et les
cours d’écriture
avec Edgar Tinel, directeur. Il parfait sa
formation de compositeur en privé auprès
de Paul Gilson. En 1921-1922, il joue à
Bruxelles l’intégrale de l’œuvre pour orgue
de J.S. Bach. En 1929, il succède à Alphonse
Desmet comme professeur d’orgue, cherchant
notamment à ouvrir l’esprit de ses étudiants
à la musique ancienne. Parmi ses élèves,
citons également Charles Koenig et Robert
Kohnen, clavecinistes réputés. Sa production,
qui comporte plus d’une centaine d’opus,
s’adresse surtout à l’orgue, la musique
religieuse et la musique de chambre.
DATÉE DU 23 JANVIER 1918 et publiée l’année
suivante chez Durand, la Suite op. 14 comporte
quatre mouvements. La Toccata conclusive,
notée Majestueux, est une pièce d’envergure
qui s’ouvre aux mains à l’unisson, sur le
tutti de l’orgue. Traversée de grands traits
aboutissant à des accords, elle se poursuit
par un passage impressionnant en double
pédale, puis un autre où le pédalier tient
un rôle soliste. La fin, notée Beaucoup plus
lent, consacre le retour des thèmes des
mouvements précédents, selon une forme
cyclique chère à l’auteur. L’œuvre s’achève
pianissimo.
CHARLES TOURNEMIRE (1870-1939) doit sa
formation d’organiste et de compositeur
à ses études au Conservatoire de Paris
auprès de Franck et de Widor. Premier Prix
d’interprétation à 21 ans, il succède à Pierné
en qualité de titulaire des grandes orgues de la
Basilique Sainte-Clotilde. Il s’y rend très vite
célèbre par des improvisations qui marquèrent
les esprits. Aussi servira-t-il d’exemple aux
organistes en herbe qui, tel le jeune Froidebise,
choisiront de se perfectionner auprès de lui en
dépit de son caractère tranchant. Compositeur,
il nous lègue une production foisonnante :
de nombreuses pages de musique de
chambre, des poèmes symphoniques et
lyriques, pas moins de huit vastes symphonies
pour orchestre, et j’en passe. Mais c’est à
son instrument d’élection qu’il a consacré
l’essentiel. L’Orgue mystique, formé de 51
offices pour les fêtes dominicales, y tient une
place prépondérante. À l’encontre de ses pairs,
pour la plupart tenants du post-romantisme,
il a puisé aux sources du plain-chant, de ses
neumes et de ses mélismes, les ferments
d’un art régénéré, assoupli, aux teintes
incomparables.
SA FRESQUE SYMPHONIQUE SACRÉE N° 2,
qu’il devait créer à Sainte-Clotilde en 1939
pour l’Association des Amis de l’Orgue, lui a
été inspirée par le gothique flamboyant de
la Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. Il y
paraphrase le chant grégorien de la Pentecôte
Veni Sancte Spiritus et l’auréole de couleurs
chatoyantes. Sur ses intentions, il s’est expliqué
en ces termes : « La Révélation suprême à lui
dans les cieux. Un carillon étincelant exprime
l’allégresse d’innombrables créatures, évoque
la venue des Langues de Feu. Le Miracle alors
s’accomplit. Un thème majestueux domine les
joies des âmes humaines : c’est la majesté
du Verbe ; puis, une Symphonie pénétrante :
l’insondable mystère de l’Amour ». Ce chant
du cygne serein, tendre, puissant, ne laisse
aucunement transparaître l’inquiétude du
compositeur que son état de santé préoccupait
alors. Peu après, il décèdera, noyé dans des
circonstances restées mystérieuses ; toutefois,
d’aucuns présument qu’il aurait été frappé
d’amnésie. La foi chrétienne indéfectible de
ce créateur exigeant, omniprésente dans ses
ouvrages, l’aura tellement pénétré qu’un jour,
catégorique, il décréta : « Toute musique qui n’a
pas pour base la gloire de Dieu est inutile » !
ALAIN PÉRIER
« AU CONSERVATOIRE DE BRUXELLES,
Froidebise se lie aussi à plusieurs futures
personnalités de la vie musicale belge, dont
les pianistes Robert Leuridan et Marcelle
Mercenier, le compositeur et organiste
Jean Van de Cauter et le violoniste Arthur
Grumiaux, pour qui il écrit en 1938 une Sonate
pour violon et piano. En 1939, il obtient un
Premier Prix d’orgue. » (Thierry Levaux)
SELON ÉDOUARD SENNY, la Sonatine de 1939,
« révèle une maîtrise peu commune chez un
compositeur de 25 ans, une écriture beaucoup
plus moderne, déliée, solide et rigoureuse ».
Marquée par le néo-classicisme ambiant, la
Sonatine laisse aussi transparaître le souci de
Froidebise d’indiquer une articulation variée,
libérée de la traditionnelle opposition legato-
staccato. Chacun des trois mouvements est
conçu en hommage à des maîtres du passé : le
Choral varié (à la mémoire de Samuel Scheidt),
la Cantilène (à la mémoire de Louis Vierne) et
le Capriccio (à la mémoire de Buxtehude).
ÉRIC MAIRLOT
TOURNEMIRE
FRESQUE SYMPHONIQUE SACRÉE N° 2 (1939)