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Création théâtrale
adaptation et jeu chorégraphie
Alexandre Bernhardt
Lucie Lataste
dramaturgie
Nicolas Bernhardt
création lumières
Stéphane Rouaud
musique originale
Marc Lobjoit
Bruno Kuchalski
Contact: [email protected]
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« Tout s'entremêlait, s'unissait, se pénétrait de mille façons. Et toutes les voix, toutes les aspirations, toutes les convoitises, toutes les souffrances, tous les plaisirs, tout le bien, tout le mal, tout cela ensemble, c'était le monde. Tout ce mélange, c'était le fleuve des destinées accomplies, c'était la musique de la vie. »
Hermann Hesse, Siddhartha 2
Sommaire
Le projet artistique
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Origine et évolution de Siddhartha
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Argument et Forme
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La danse des signes
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L'équipe de création
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Alexandre Bernhardt, metteur en scène et acteur
Lucie Lataste, chorégraphie Nicolas Bernhardt, dramaturgie
Marc Lobjoit et Bruno Kuchalski, musique originale
Presse et photographies
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Article Le clou dans la planche
Article 20 minutes
Article Culture.blog31
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Projet artistique par Alexandre Bernhardt
Sur les flancs de l'Himalaya, à Dharamsala, la capitale du Tibet en exil, en Inde, j'ai découvert Hermann Hesse avec la lecture du Jeu des Perles de Verre, et, parallèlement, j'étudiais les quatre vérités du Bouddha. Dans le roman comme dans ma vie, l'utopie de l'enseignement parfait était confrontée à la réalité doctrinaire. Ces deux pôles s'attirent et se repoussent en nous. Et c'est en lisant Siddhartha que j'ai vraiment senti résonner en moi la possibilité de s'affranchir de ce conflit.
Si je souhaite adapter Siddhartha sur scène aujourd'hui c'est pour partager avec le plus grand nombre cette vision.
Siddhartha est un roman qui traite de l'affranchissement d'un homme avec son moi. C'est le voyage d'un héro en quête d'absolu dans les multiples vies que lui propose sa culture. Cette histoire particulière a un écho universel. Notre défi dans cette adaptation sera autant de faire voyager le spectateur dans un conte de l'inde du VI ème siècle que de lui permettre de s'approprier le propos. Il s'agit donc d'intégrer la narration dans notre culture, la rendre possible n'importe où. La scène se doit donc d'être vide ou d'incarner le vide, comme cette chaise posée là qui attend quelqu'un. La pièce se doit d'être un monologue car il place l'homme à la fois face à sa propre solitude et à l'ensemble du monde. Nous avons alors devant nous la force et la vulnérabilité de ce qu'il y a de plus fondamental en chacun de nous. Voilà pourquoi l'adaptation scénique de Siddhartha sera racontée­vécue par un acteur­conteur. Trois styles prédominent dans l'écriture de Hermann Hesse. La narration, où les éléments sont mis en place, les dialogues, où les personnages prennent vie, et les envolées lyriques, où Siddhartha est transcendé par ce qu'il vit. Chaque style a une oralité différente, chaque style sera partagé différemment : la narration verra le rapprochement entre le public et le conteur créant une connivence ; les dialogues verront l'apparition de personnages archétypaux et enfin les envolées placeront la salle dans un état second, une abstraction dansée, pour ouvrir une brèche poétique, sublimée, dans les méandres de l'esprit de Siddhartha. La révélation de Siddhartha est symbolisée par l'écoute du fleuve, dont le son permet d'entrer en contact avec l'éternel retour des choses. Le fleuve, lieu de passage d'une rive à l'autre, est aussi le symbole de l'unité, étant toujours fleuve à sa source comme à son embouchure. Ainsi, dans Siddhartha le fleuve est bien plus qu'un lieu, c'est un appel. Nous chercherons le design sonore de cet élément pour en représenter toutes ses facettes. Les variations ondulatoires combinées aux rythmiques électroniques actuelles composeront la musique originale de cette pièce. Mon ambition est de réveiller les consciences dans un spectacle divertissant. L'oeuvre de Hermann Hesse est un bijou littéraire. Ce texte, d'une structure dramaturgique impeccable, aux précisions historiques et symboliques avérées, renferme une caractéristique rare: il est nécessaire. Il soulève des questions essentielles. Chacun y trouve des pistes, l'univers des possibles grandit, et l'on rêve de s'aventurer sur d'autres sentiers. Chacun emportera avec lui ses propres images, ses propres liens, gardant pour lui la vision d'un homme qui danse, pense, jouit, souffre, crève et renaît avec pour unique but celui d'être libre.
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Origine et évolution de Siddhartha
« J'ai su dès l'âge de 13 ans que je voulais devenir écrivain ou rien du tout. » Hermann Hesse
Hermann Hesse est considéré comme un " auteur en crise " qui, en écrivant, se soumettait à la torture de l'autoanalyse, toujours en quête de sa propre et véritable identité. La maison de ses parents et son éducation ont autant imprégné sa personnalité que son œuvre littéraire. C'est la Mission protestante de Bâle en Inde qui a réuni à Calw, une petite ville de forêt noire, les membres souabes (Gundert) et baltes (Hesse) de sa famille. Le monde dans lequel Hesse est né se caractérise par son côté à la fois étriqué et ouvert : d'un côté la rigueur intègre du piétisme de sa ville natale et de la maison paternelle, de l'autre l'ouverture au monde et la grande culture de ses parents et grands­parents. A deux reprises dans sa vie, l'état psychique de Hesse atteignit un point dramatique. La découverte de la psychanalyse chez le docteur Jose Bernhard Lang, un collaborateur de C. G. Jung, qui l'aida à réfléchir aux conflits de sa jeunesse, constitua un tournant important dans la vie de Hermann Hesse. « Toutes choses, même la plus banale, touchaient le même point en moi, d'un léger et incessant coup de marteau. Elles contribuaient toutes à me débarrasser de mes peaux, à briser mes coquilles d'œuf, et à chaque fois ma tête en sortait un peu plus haut, un peu plus libre, jusqu'à ce que mon oiseau jaune fît sortir une tête de rapace de la coquille brisée du monde. »
En 1919, Hesse écrit dans une lettre : « Je suis persuadé depuis longtemps que l'esprit européen en est à son déclin et a besoin de retourner à ses sources asiatiques. J'ai vénéré Bouddha durant des années et j'ai lu la littérature indienne dès ma toute première jeunesse. Par la suite, je me suis senti plus proche de Lao Tseu et des autres Chinois. Mon voyage en Inde n'a été qu'un petit complément et une illustration de ces pensées et de ces études. » Le véritable fruit de ce voyage fut son récit paru en 1922, Siddharta.
Hesse croyait en « une religion en dehors, au milieu et au­delà des confessions, qui soit indestructible. » Il resta d'ailleurs toujours sceptique à l'égard des dogmes et des doctrines. « Je crois que toutes les religions se valent. Il n'y en a aucune grâce à laquelle on ne puisse devenir un sage, et aucune que l'on ne puisse pratiquer comme une stupide idolâtrie. »
En 1946, Hermann Hesse reçoit le prix Nobel de littérature. Il faudra attendre que Siddhartha soit publié aux États­Unis pour la première fois en 1951 pour que ce roman connaisse une influence mondiale, surtout au cours des années 60, lorsque, comme il l'avait préssenti, le retour aux sources asiatiques inspirait l'occident. Tout en ayant les qualités d'un livre de référence sur nombre de questions spirituelles, ce qui frappe dans ce roman c'est son aspect romantique. Siddhartha est un voyage, tout autant intérieur qu'extérieur. Il nous renvoie à nos choix, à nos espérances les plus folles comme les plus modestes. On s'identifie alors, non pas au brahmane, mais à l'homme qui veut tout simplement devenir meilleur. Siddhartha est un roman universel.
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Argument
Siddhartha, le fils de brahmane, qui se sait destiné à devenir un grand sage, ne se satisfait pas de la doctrine de ses pairs. Il quitte son père avec son ami Govinda pour suivre l'enseignement ascétique des Samanas mais il trouve l'ivresse de leur rigueur comparable à celle que procurerai la boisson ou le sexe. Toujours en quête de délivrance et suivi par son ami, il part, sceptique, à la rencontre de Gotama, le Bouddha, dont on dit qu'il est très sage. La sainteté du Bouddha est tellement éblouissante que Govinda décide de prendre refuge auprès de lui. Siddhartha, lui, est alors inspiré, non pour embrasser la doctrine de Gotama, mais pour, au contraire, comme le Sublime, ne s'en remettre qu'à lui­
même.
Livré à lui­même, de l'autre côté du fleuve, il entreprend fièrement la conquète de la belle courtisane Kamala. L'enseignement de l'amour nécessitant de l'argent, Siddhartha, le pauvre Samana, se transforme avec une facilité déconcertante en commerçant avec l'aide du riche Kamaswani. Mais le Sansara aura raison de son estime pour lui­même à mesure que les années passent, que les richesses s'accumulent, que sa vie s'étiole dans le jeu, la boisson et la débauche. Ecoeuré, il quitte le monde matérialiste pour se donner la mort au bord du fleuve. Sur le point de se jeter à l'eau, au plus profond de son âme, un son le retient, le son originel : Om. Il décide alors d'apprendre du fleuve, lieu de sa transformation et de sa révélation, en devenant passeur aux côtés de Vasudeva celui qui savait écouter mieux que personne. Mais le hasard voulu que Kamala vint mourir dans ses bras en lui donnant, à éduquer, son propre fils. Ce dernier, ne voulant pas partager la vie de son père, s'enfuit, plongeant Siddhartha dans un profond désarroi. Et c'est l'écoute du chant des mille voix, des mille vies, de l'Om du fleuve qui libéra définitivement Siddhartha. Bien des années plus tard, le vieux Bouddhiste Govinda part à la rencontre d'un passeur sur le fleuve dont on dit qu'il est très sage. Et c'est ainsi que Govinda pu être ébloui par le rayonnement de la sainteté de Siddhartha.
Chaque génération ne peut être elle­même qu'en se révoltant contre celle qui l'a précédée. Siddhartha, comme toute l'oeuvre de Hermann Hesse traite de l'affranchissement de l'homme avec son moi. C'est un roman d'éducation, de recherche de sa propre voie, c'est un roman d'initiation. Sur fond de révolte contre les doctrines établies de l'Inde du VIème siècle, en passant par la corruption qu'exerce le monde matériel, Siddhartha raconte le parcours d'un homme en quête de sa destinée. Dans ce XXIème siècle qui, selon Malraux, sera spirituel ou ne sera pas, ce même siècle qui voit la gestion vaincre l'idéologie, on peut diagnostiquer un flou existentiel chez nombre d'entre nous. C'est ainsi que Siddhartha s'inscrit plus que jamais dans notre époque. Le rejet de la culture doctrinaire de nos ancêtres fait apparaître un consumérisme qui inspire le dégout. Où est donc ce lieu, le seul capable de développer notre singularité ? Où est­il notre fleuve, celui que choisit Siddhartha à la fin de sa vie pour s'accomplir en tant que simple passeur ? Par quels chemins doit­on passer pour atteindre ce je­ne­sais­quoi qui appelle pourtant chacun d'entre nous ?
Forme
Nous vivrons les questions que proposent le texte. L'adaptation du roman sera une expérimentation d'une nouvelle forme d'identification. Les aspects à mettre en avant sont le caractère romantique de l'oeuvre et son aspect mythologique. Ainsi, Siddhartha n'aura pas de forme, il ne sera pas représenté physiquement. Ses actions seront contées par un conteur, il existera à travers les personnages secondaires (Siddhartha n'a à chaque fois qu'un seul interlocuteur) et nous ouvrirons une porte vers son monde intérieur. Sa forme sera celle que lui donnera le spectateur, ses enjeux seront alors ceux du spectateur. Nous aurons donc un référent, le conteur, notre complice dans l'observation des actions du héros. Nous aurons des interlocuteurs féériques, icônes que nous connaissons tous : le père, l'ami fidèle, le commerçant, la tentatrice ou encore le vieux sage, qui recevront les dires de Siddhartha. Et nous aurons enfin un esprit en mouvement, celui de Siddhartha. Ces passages intérieurs seront créés, en accord avec le dramaturge qui cadrera l'aspect symbolique, en prenant appui sur la méthode de création : l'alchimie­corps­texte. Cette méthode est un outil qui fait apparaître des formes allant du conteur simplement habité au danseur engagé physiquement d'où jaillit de son souffle toute la puissance d'un texte. L'alchimie corps­texte permettra de sublimer le verbe dans un mouvement sensible et esthétique et de créer chez le spectateur une vision personnelle de l'experience spirituelle que propose Herman Hesse.
La pièce se décompose en trois actes délimités par le fleuve : d'un côté du fleuve, une vie de sainteté, de doctrines et de recherche d'absolu, de l'autre la rencontre de la volupté, de la cupidité et de la débauche et enfin sur le fleuve, le passage à l'accomplissement. Trois styles, trois rythmes d'élocution et de gestuelle sont donc à trouver. Hermann Hesse encadre le deuxième acte avec les thématiques du rêve, du cauchemar et du réveil après un long sommeil. Ces thèmes nous offrent une piste pour le choix des styles : autour d'un voyage à la fois physique et spirituel nous mettrons en avant le conflit entre rêve et réalité. Notre réalité correspondant au cauchemar de Siddhartha, notre rêve à sa réalité. La musique accompagnera l'acteur dans ces changements de tons, le tout avec des variations ondulatoires évoquant le fleuve. Cette dernière aura pour ambition de créer un décor sonore.
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La danse des signes par Lucie Lataste
Après avoir signé sa première choragraphie avec six sourds dans une adaptation de Boris Vian en danse des signes, Lucie Lataste se lance ici dans un travail d'envergure : transposer les envolées lyriques d'un Prix Nobel de llittérature dans la danse du comédien Alexandre Bernhardt.
Le théâtre et la danse ont ceci de commun qu'ils expriment. Ils exhument. Ils transportent.
Qu'ils mettent en scène ou en corps, qu'ils mettent en jeu ou en mouvement, théâtre et danse font bouger le vivant et l'invitent à sortir de lui­même pour raconter ce qui l'anime.
Le théâtre dansé découle de cet alliage entre mots et mouvements. La danse, posée sur un texte, porte tout autre chose qu'un simple mouvement rythmé et chorégraphié : elle devient sens, symbole, elle incarne les émotions, les transcende.
La danse des signes est l'alliage de la danse et des signes, qu'ils soient directement sortis de la langue des signes française ou inspirés par l'imaginaire iconographique du danseur. Cette danse est toujours liée à un texte, à du sens, à un chant, une musique, un support sensible. Elle décuple donc ce support en le transposant dans le mouvement. Les yeux, les expressions du visage, les configurations des mains et du buste, l'alignement des jambes, des pieds, des bras, tout détail est sujet de précision et fait sens. Ce sens, loin d'être répertorié dans une encyclopédie, est propore à la sensibilité de chaque acteur­danseur, qui donne libre cours à son imagination et à l'improvisation, à partir de la matière brute reliant le texte – le chant, la poésie, ou l'image ­ et les signes.
Ce travail est né des recherches que j'ai effectuées en travaillant en parallèle dans une compagnie de théâtre dansé internationale – Teatrodanza Tiziana Arnaboldi, Ascona, Suisse – et avec les comédiens sourds de l'International Visual Theater – IVT Paris.
Ma pratique de l'improvisation en danse basée sur une longue expérience du jeu théâtral m'a permis d'appréhender le mouvement comme quelque chose qui se vit de l'intérieur plutôt que comme forme esthétique. Le mouvement vécu, qui mène le danseur à parcourir des émotions au même titre que l'acteur, influe sur la qualité du mouvement qui devient, loin des prouesses techniques du ballet, un moment de vie physiquement éprouvé, lié au rythme du coeur, de la respiration, lié au regard et aux intentions du danseur­acteur. Cette danse ne peut se passer de l'appui de texte littéraires forts, qui porte alors le danseur­
acteur à chercher par tous les moyens la transposition physique d'émotions complexes, dans une danse qui abtrait en même temps qu'elle rend sensible. Elle s'adresse à nos intuitions imaginaires.
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L'équipe de création
Alexandre Bernhardt, adaptation, mise en scène et jeu
Au Conservatoire de Saint Germain­en­Laye, Alexandre Bernhardt obtient une médaille d’or en théâtre moderne. Il approche par ailleurs les fondements mathématiques de la linguistique en étudiant la formalisation du discours. Il s’initie également, en tant que comédien, à la poésie visuelle. Sa passion pour la mise en scène naît lors d’un stage à la London Academy of Music and Dramatic Art. Parmi ses mises en scène, se distinguent Beaucoup de bruit pour rien de William Shakespeare, Monsieur Malaussène au théâtre de Daniel Pennac joué plus de cent fois. Comme comédien il manie les émotions dans Variations énigmatiques, le verbe dans Sourd, et alors?, et son corps est en travail dans les chantiers d'alchimie corps­texte auprès de Fabio Ezechiele Sforzini depuis 2006.
Lucie Lataste, chorégraphie
Bercée par le théâtre et la danse dés l’âge de huit ans, elle termine ses études avec un DEA de philosophie autour du travail de Peter Brook. En parallèle, elle suit une formation d’acteur sur les techniques de Grotowski et d’improvisation. Elle découvre la langue des signes en 1993 et met en place les prémisses de la danse des signes. En 2005 elle rencontre en suisse le Teatrodanza T. Arnaboldi, où elle mêle travail dansé, travail graphique et d'assistante. En 2007 après des stages à l'IVT auprès d'Emmanuelle Laborit, elle crée la danse des signes dans le spectacle Play Back autour de l’univers visuel de Samuel Beckett, puis dans le solo Vol Migrateur. Sa dernière création met en scène 6 danseurs sourds d'après Boris Vian : Les survivants. Elle rencontre Alexandre Bernhardt au cours d'un travail de poésie visuelle au TNT auprès du comédien sourd de l'IVT Olivier Schetrit.
Nicolas Bernhardt, dramaturgie
Formé en audiovisuel à tous ses métiers à L'Institut International de l'Image et du Son, il se spécialise dans l'étude et l'écriture du scénario à l'université de New York. Plus de dix ans de recherches personnelles autour des traditions philosophiques orientales et occidentales lui donnent une expertise en symbolisme religieux et mythologique. Ses voyages, notament dans le cadre d'écriture de guides, lui permettent d'approfondir ces connaissances. Aujourd'hui formateur à la lecture de l'image, consulté par de nombreux artistes et écrivains, sa participation permet de cadrer rythmiquement, stylistiquement et iconographiquement le projet. Marc Lobjoit et Bruno Kuchalski, musique originale
C'est sur des bancs de montages que les deux musiciens se rencontrent. Leurs affinités musicales les poussent à fonder un groupe de rock indépendant, Pronto. Marc Lobjoit, après des études à l'Institut International de l'Image et du Son, se forme au CNAM au développement informatique pour maîtriser les algorythmes de conception sonore, tout en étant batteur pour des groupes indépendants. Bruno Kuchalski, pianiste de formation, est compositeur pour l’illustration sonore d'expositions plastiques. L'un explosif et l'autre implosif, ils placent l'auditeur hors du temps.
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Presse
Inaccessible nirvâna
Article Le clou dans la planche/Publié le 05 Février 2011 Chaque âge a ses modes. L'adolescent un peu grandet d'il y a vingt­cinq ou trente ans (voire plus) devait ainsi, s'il ne voulait pas passer pour le dernier des benêts, avoir lu Le seigneur des anneaux de Tolkien et Demian d'Hermann Hesse (encore que ce Clou­ci lui ait préféré Le jeu des perles de verre). Le besoin d'émerveillement, les fantasmes d'héroïsme et la soif d'accomplissement satisfaits en quatre tomes, version livre de poche... Le temps, les modes passent et si Tolkien n'a rien perdu de son pouvoir de fascination, le Prix Nobel allemand de littérature, lui, semble avoir pris un coup de vieux – le lyrisme post­romantique n'est plus dans l'air de nos temps. Il en est pourtant encore quelques­uns pour emprunter ses chemins initiatiques, explorer avec lui les méandres de l'inconscient archétypal. Ainsi Lucie Lataste et Alexandre Bernhardt, qui créent Siddharta au Théâtre du Pavé.
« Et c'était bien ainsi (...) que souriaient les êtres parfaits »
Comme son titre l'indique assez, Siddharta est sinon l'impossible biographie, du moins l'évocation romancée de la vie de Siddharta Gautama, fondateur du bouddhisme au VIe ou Ve siècle avant Jicé et, historiquement parlant, Bouddha lui­même. Hesse en a fait le prétexte à un roman d'initiation dans lequel la plénitude s'atteint par l'expérience des sens poussée jusqu'à l'épuisement du monde. Son Siddharta ? Un fils de brahmane dont l'existence connaîtra cinq étapes aux figures croisées. Sa vie de brahmane, d'abord, frustré par le sentiment de son incomplétude en dépit de sa beauté, de son intelligence, de l'affection de ceux qui l'entourent. Un ascète lorsqu'il suit avec son ami Govinda la voie exigeante des samanas, cherchant dans la douleur à s'abstraire de tout, ramenée par elle à la conscience la plus aiguë de son corps et de ses désirs. Trois ans plus tard un pèlerin, ses pas attachés à ceux de Gotama, saint homme dont la doctrine de détachement séduit Govinda sans enseigner à Siddharta le moyen d'atteindre l'illumination. Le chercheur s'égare alors dans la voie du samsara, troque la frugalité contre la richesse et ses plaisirs, abrutit sa chair dans l'abondance et les bras de la courtisane Kamala. Un long temps s'écoule avant que lui reviennent ses aspirations anciennes, qu'il fuie jusqu'au bord du fleuve où le passeur Vasudeva et l'écoulement des flots lui enseignent la beauté du monde. La mort de Kamala retrouvée, la haine de son fils sont ses dernière épreuves. Ayant enfin atteint le détachement, son chemin immobile croise une dernière fois celui de Govinda, à qui un baiser révèle la multiplicité des figures cachée derrière le sourire à peine dessiné de son ami. "Et c'était bien ainsi (...) que sourient les êtres parfaits."
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« Je vais toujours, sans aller nulle part »
On le voit, cette matière­là n'est pas facile à porter sur scène, d'autant moins malléable qu'elle est celle d'un pur roman, strictement narratif, distancié, aux dialogues rares. Alexandre Bernhardt a pourtant su lui donner une forme, la plus évidente et la mieux adaptée : celle du dit. Le personnage qui entre en scène n'a rien d'un brahmane. C'est un garçon de nos temps, un "djeun" que son sweater à la capuche tirée voue à l'anonymat – rien de plus qu'une silhouette sombre qui s'assied sur une chaise et lit. La figure du héros naît peu à peu de cette parole, incarnation lente accomplie au fil de dévoilements successifs, de variations de lumière, de changements de costume si bien liés qu'on y prend à peine garde, tout à l'écoute de ses mots. A l'écoute des gestes, pourrait­on dire sans trop craindre le paradoxe. Car Lucie Lataste, chorégraphe et interprète en langue des signes, y a mêlé cette "danse des signes" qui est sienne et à laquelle on cherchera en vain une traduction claire puisqu'elle n'y prétend pas. C'est une gestuelle souvent fugace, un détail rapidement évoqué d'un détour de la main, l'accent tonique d'une posture accolée à la parole. Parfois, un mouvement plus nettement chorégraphique mais à la signification toujours fuyante – l'image insaisissable d'un addendum métaphorique. Et presque rien d'autre que cela. Une chaise aux positions mouvantes, sur un plateau dont la nudité se voit peu à peu habitée, habillée des mues abandonnées du personnage. De belles lumières aux états cycliques, moins illustratives qu'inspiratrices d'ambiances. Une musique de cornes sourdes, les vibrations lointaines de l'ôm. Rien de plus. Le chafouin y dénichera sans doute un petit côté démonstratif, quoique mesuré, les traces d'un zèle de prosélyte. Ce Clou­ci y a trouvé de la sincérité et le juste écho du style ô combien lyrique d'Hermann Hesse, tempéré par le désir de l'épure ; ne regrettant, pour le coup, qu'une caractérisation des personnages secondaires frôlant la caricature malgré sa légèreté – simple effet de contraste en regard de la riche sobriété (sic) de l'ensemble. Le parti, en tout cas, laisse résonner le texte autant qu'il lui donne une matérialité, aussi abstraite soit­elle. Un pas ferme sur le chemin de l'inaccessible nirvâna... ||
Jacques­Olivier Badia
Alexandre Bernhardt, danseur­diseur sur les pas de Siddhartha
Extrait de l'article 20 minutes / Publié le 8 février 2011
Bien des gens ont lu au moins une oeuvre du prix Nobel allemand de littérature Hermann Hesse, dont les quêtes initiatiques et archétypales fascinent par leur intensité autant qu'elles furent critiquées pour leur lyrisme post­romantique. Comme bien d'autres, le comédien Alexandre Bernhardt et la chorégraphe Lucie Lataste ont ainsi été séduits par Siddhartha, biographie romancée du Bouddha dont ils donnent une vision partagée entre théâtre de parole et danse des signes, jusqu'à la fin de la semaine qu Théâtre du Pavé. Le comédien y déroule l'histoire de Siddhartha non par l'incarnation mais par une évocation narrative que rythment ses changements successifs d'aspect, l'interaction du texte avec une danse de signes aux limites du sens, un travail fouillé des lumières. Un exercice délicat, tant le mot y a de poids, réalisé avec autant de maîtrise que de sincérité. 10
Siddhartha bien vivant au théâtre du Pavé
Article blog.culture31.com/ Publié le vendredi 11 février 2011
Un homme à la recherche de lui­même qui finit par rencontrer le monde : Herman Hesse, auteur du Loup des Steppes et de Demian, est peut­être aussi célèbre pour son Siddhartha, qui offre au lecteur le parcours initiatique du personnage, interprétation du Bouddha. Bien plus qu'une porte d'entrée sur l'œuvre, la pièce en représentation au théâtre du Pavé (Toulouse) est un passage, une mise en réalité de son contenu. Une expérience, en somme.
Hermann Hesse, écrivain allemand puis suisse, témoin de deux guerres mondiales, est avant tout connu pour son goût du récit initiatique. C'est le cas pour Demian (incroyable texte écrit en trois semaines de frénésie, à la suite d'entretiens avec Carl Jung) ainsi que pour son roman le plus populaire, Le Loup des Steppes. Si ce sont là les trois seuls romans que j'ai lus de l'auteur, il semblerait tout de même que cette caractéristique marque également des œuvres plus tardives comme Le Jeu des Perles de Verre. Bref.
Jamais confiné à la religion, Siddhartha reste un texte spirituel, nourri de bouddhisme autant que de Nietzsche (grand admirateur de la pensée bouddhique Mahâyana) et de Carl Jung. Evocation de la doctrine du Juste milieu entre nihilisme et hédonisme, le parcours du personnage montre que la plénitude se trouve dans l'expérience des sens davantage que dans le renoncement au monde. Il faut être le monde. Et un personnage­clé du roman, le passeur, ramène non pas Siddhartha au monde mais plutôt le monde entier dans cet homme, que la quête perpétuelle a mené à vivre plusieurs vies en une seule. Figure, déjà, d'une forme de renaissance et preuve, surtout, que tout est impermanent.
Un rôle de passeur : voilà comment on pourrait aborder la pièce ici présentée, portée par un seul homme, Alexandre Bernhardt. Et quel poids... Si l'histoire conte la transcendance de Siddhartha, personnage central inspiré du Bouddha historique, le comédien, lui, interprète tous les protagonistes : son père, son meilleur ami Govinda, son amante, le sage Gautama et d'autres encore, dont le fameux passeur. Cet homme qui écoute le fleuve lui raconter le monde et offre la traversée en bac au héros joue un rôle central dans son initiation. Et c'est précisément à lui que s'apparente le comédien dans cette pièce de théâtre. En jouant tous les personnages, Alexandre Bernhard fait un peu de chacun des spectateurs un Siddhartha en puissance. Lui, sur scène, diffuse, transmet. Il nous conduit à écouter, à attendre, à être patient.
Le comédien évoque d'ailleurs son travail d'une manière assez similaire : comme si le livre, immense, était présent en arrière­plan et que son rôle à lui était de le diffuser, de transmettre son contenu. De le faire passer, en somme.
Tout autant que le fond et l'intention, la manière est elle aussi irréprochable. Au­delà de la performance physique (que cette pièce doit épuiser le comédien...), la mise en scène mêlant récit, jeux de lumière et d'espace et interprétations de personnages trouve écho dans le jeu du comédien, qui s'anime de déplacements qui font sens, de mouvements soigneusement chorégraphiés, de mimes évocateurs et, pour ajouter au caractère universel, de quelques éléments de langage des signes. Le message passe, le texte vit, le spectateur vit l'expérience. Tout comme, à n'en point douter, Hermann Hesse l'aurait souhaité. Et comme à la fin de chaque expérience initiatique, chacun en sort grandi.
Steve Bonet
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