
REPRÉSENTATION DES VISAGES
AU NIVEAU DE RÉGIONS CORTICALES
A l’encontre des représentations portées par les neurones individuels, la
représentation des visages a aussi été étudiée sur de larges régions corticales.
Il est établi que certaines régions du cerveau comme le sulcus temporal supé-
rieur (Hoffman & Haxby, 2000) et le gyrus fusiforme (Kanwisher, McDermott, &
Chun, 1997) sont activées sélectivement en imagerie par résonance magné-
tique fonctionnelle (IRMf) lorsqu’un visage est présenté au sujet (voir Chapitre
4). L’existence de ces régions sélectives aux visages implique un regroupe-
ment des neurones répondant aux visages dans un rayon limité – sans ce
regroupement la sélectivité serait invisible à la résolution spatiale de l’IRMf qui
collecte l’activité de centaines de milliers de neurones adjacents au sein de
chaque voxel.
Il a été montré de manière répétée que la région des visages dans le gyrus
fusiforme (nommée l’aire fusiforme des visages ou FFA) est activée préférentielle-
ment par les images de visages, par rapport à d’autres objets (Baker, Hutchison,
& Kanwisher, 2007; Grill-Spector, Sayres, & Ress, 2006; Kanwisher
et al.
, 1997).
Cette région hautement spécifique se retrouve approximativement au même
endroit chez tous les sujets normaux, et peut être définie par des pics distincts
dans les profils d’activation (Spiridon, Fischl, & Kanwisher, 2006). Des régions
similaires ont également été trouvées chez le singe macaque par l’IRMf (Tsao,
Freiwald, Knutsen, Mandeville, & Tootell, 2003); comme mentionné plus haut, une
large proportion des neurones de cette région étaient sélectivement activés par les
images de visages (Tsao
et al.
, 2006). La FFA humaine semble participer à l’en-
codage des aspects invariables de l’information faciale, comme l’identité ou le
genre du visage (George
et al.
, 1999; Sergent, Ohta, & MacDonald, 1992). Les
aspects changeants, tels que la direction du regard, auraient tendance à réduire
l’ampleur des réponses de la FFA, mais sembleraient à la place activer le STS
(Haxby, Hoffman, & Gobbini, 2000; Hoffman & Haxby, 2000).
La nature de la représentation mise en jeu dans la FFA a donné lieu à un
débat vigoureux. D’un côté, Kanwisher a proposé que les réponses fortement
sélectives de la FFA indiquaient qu’il s’agit d’un module local, spécialisé dans
le traitement des visages (Kanwisher
et al.
, 1997; Spiridon & Kanwisher, 2002).
Sa position a récemment été renforcée par les résultats de Tsao et ses col-
lègues (discutés ci-dessus) montrant l’existence de neurones extrêmement
sélectifs dans cette « région des visages » (Tsao
et al.
, 2006). Le fait que ces
neurones ne répondent pas à d’autres stimuli suggère qu’ils ne peuvent pas
jouer un rôle important dans la représentation d’autres catégories d’objets.
Contrairement à cette vue « locale », Haxby et ses collègues ont proposé que
la FFA ferait en fait partie d’un réseau distribué de représentation (Haxby
et al.
,
2001). Selon eux, les faibles réponses de la FFA pour les objets non visages
indiquent que de la FFA participerait au codage neuronal de ces catégories
d’objets. Inversement, les visages seraient représentés non seulement par les
réponses élevées dans la FFA, mais aussi par les réponses plus faibles obser-
vées en dehors de la FFA. Ainsi, différentes catégories d’objets seraient enco-
dées par des motifs d’activation distribués, gradués et superposés, s’étendant
sur de larges régions de la voie visuelle ventrale.
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Le codage neuronal des visages
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