2
Algorithme de traitement de la douleur neuropathique
La physiopathologie
Selon la définition proposée en 2007 par le
forum sur la douleur neuropathique de l’Inter-
national Association for the Study of Pain, la
douleur neuropathique est une douleur secon-
daire à un trouble ou à une maladie affectant le
système somatosensoriel (Treede et coll.). Elle
peut être d’origine centrale, périphérique
(mononeuropathie ou polyneuropathie) ou
mixte (tableau I).
Les symptômes varient grandement d’un sujet
à l’autre. La douleur peut être spontanée, c’est-
à-dire qu’elle se manifeste d’elle-même, sans sti-
mulus, ou évoquée, soit le plus souvent provo-
quée ou exacerbée par le toucher, le frottement
ou le contact avec le froid ou le chaud (allody-
nie). La douleur spontanée est parfois continue
(sensation de brûlure, d’étau ou de compres-
sion), parfois intermittente (sensation de
décharge électrique ou de coup de couteau).
La douleur neuropathique peut également être
accompagnée d’hypoesthésies, de paresthésies
(fourmillements, picotements et démangeai-
sons) et de signes cliniques témoignant d’une
atteinte neurologique.
La neurophysiologie des douleurs
neuropathiques
La neuropathie périphérique
Les afférences nociceptives primaires sont nor-
malement activées par des stimuli potentiel-
lement dommageables pour les tissus ainsi que
par différents médiateurs neurochimiques de
l’inflammation. Cette activation est transmise
au niveau spinal aux neurones de deuxième
ordre qui transmettent le message nociceptif
aux centres supérieurs. En présence de certai-
nes affections, comme dans le cas des neuro-
pathies périphériques, l’activation nociceptive
est persistante ou répétitive, ce qui induit une
intensification progressive de la douleur, un
phénomène de sommation temporelle. Sur le
plan neurophysiologique, il s’agit d’un phéno-
mène de wind-up qui correspond à l’augmen-
tation de l’activité neuronale périphérique des
fibres C lors d’une stimulation soutenue ou
répétée. Cette amplification de la réponse péri-
phérique est normalement passagère, mais elle
peut induire une sensibilisation spinale qui
persiste même après la fin de la stimulation
périphérique. Le traitement rapide de la dou-
leur est donc impératif afin d’éviter la sensibi-
lisation centrale.
La sensibilisation centrale
La sensibilisation spinale se définit par une aug-
mentation de l’excitabilité et des décharges
spontanées des neurones des cornes postérieu-
res de la moelle, un élargissement des champs
récepteurs et une augmentation des réponses
provoquées par la stimulation des fibres de petit
calibre, normalement responsables de la trans-
mission de la douleur (hyperalgésie), et de grand
calibre, normalement responsables de la trans-
mission des sensations non douloureuses (allo-
dynie). Sur le plan neurochimique, l’activation
nociceptive spinale dépend essentiellement de
l’activation postsynaptique des récepteurs
AMPA par le glutamate, le principal neurotrans-
metteur excitateur du SNC. Toutefois, en pré-
sence d’une sensibilisation spinale, les récepteurs
NMDA seraient aussi activés par la libération
soutenue de glutamate, et les récepteurs NK1,
par la libération additionnelle de substance P.
Ces mécanismes physiologiques et neurochimi-
ques de sensibilisation spinale pourraient entraî-
ner une modification de l’organisation des cir-
cuits spinaux et contribuer au développement
ainsi qu’au maintien de la douleur chronique. Il
est important de souligner qu’une douleur per-
sistante peut aussi engendrer des sensibilisations
centrales supraspinales.
Le dysfonctionnement
des systèmes inhibiteurs
Il ne fait plus aucun doute que la perception de
la douleur dépend de l’intégration de mécanis-
mes endogènes excitateurs et inhibiteurs. L’ab-
sence de douleur peut donc résulter d’une
absence de nociception ou de l’activation des
systèmes inhibiteurs. Il en va de même pour les
douleurs neuropathiques. Ces dernières peuvent
s’expliquer par une hyperactivité centrale,
comme dans le cas de la sensibilisation spinale,
mais également par une absence ou un déficit
des systèmes inhibiteurs endogènes qui ne fil-
trent plus les afférences et laissent place à l’hy-
peralgésie et à l’allodynie. Il est donc important
de comprendre ces mécanismes excitateurs et
inhibiteurs pour élaborer des stratégies théra-
peutiques.
Le rôle des différentes structures du tronc
cérébral dans la modulation de la douleur à la
suite de stimulations nociceptives est docu-
menté depuis plusieurs années. Le concept du
contrôle inhibiteur diffus nociceptif (CIDN)
a été proposé à la fin des années 1970 (Le Bars
et coll. 1979). Ce modèle s’appuie sur une
observation selon laquelle la stimulation noci-
ceptive localisée peut induire une hypoalgésie
généralisée du reste du corps (soit une analgé-
sie par contre-irritation). Dans le modèle du
CIDN, Le Bars et coll. ont émis l’hypothèse
voulant que la stimulation nociceptive, en plus
de conduire l’information nociceptive vers les
centres supérieurs par la voie spinothalamique,
envoie des afférences vers différents centres du
tronc cérébral, dont la substance grise péri-
aqueducale (SGPA) et les noyaux du raphé
(NR). Ces centres transmettent à leur tour des
efférences inhibitrices sérotoninergiques et
noradrénergiques vers les interneurones enké-
phalinergiques des différents niveaux spinaux
et produisent ainsi une inhibition diffuse.
INTRODUCTION
Origine périphérique
Mononeuropathies
n Infectieuse (zona)
n Tic (névralgie) du trijumeau
n Compression nerveuse et inflammation
(radiculopathie et syndrome du canal
carpien)
n Traumatique (section d’un nerf,
postopératoire)
Polyneuropathies
n Métabolique (diabète, hypothyroïdie et
urémie)
n Médicamenteuse (certains agents
antinéoplasiques, isoniazide et certains
agents anti-VIH)
n Toxique (alcool)
n Infectieuse (VIH)
n Déficience en vitamines
n Héréditaire
n Autres : vasculite, etc.
Origine centrale
n AVC (90 % des cas)
n Sclérose en plaques
n Section ou compression de la moelle
(traumatique, tumorale, etc.)
n Autres : épilepsie, syringomyélie,
maladie de Parkinson, etc.
Origine mixte
(centrale et périphérique)
n Syndrome de douleur régionale
complexe
n Membre fantôme
n Syndrome de la queue de cheval
Tableau I :
Exemples selon l’étiologie
de tableaux cliniques causant
des douleurs neuropathiques