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La prévention, ce sont aussi des évaluations, des bilans de santé pour repérer des fragilités
particulières. Si les normes de référence, si les finalités ne sont pas assez claires, les pratiques
et les pronostics qui s’ensuivent font peser sur les enfants les risques d’un étiquetage
dangereux. Même si de grandes précautions sont prises, il ne faut pas méconnaître ce que
Maurice Titran appelait « les effets de révélation » : les évaluations mettent en évidence,
objectivent, des différences très importantes entre enfants dès l’école maternelle ; le
glissement du constat de différences au diagnostic de difficultés, totalement abusif dans la
majorité des cas, est rarement évité.
Les attentes sociales
Pour certaines familles, l’école maternelle est d’abord un lieu de garde gratuit, dont la valeur
éducative est reconnue certes, mais le premier service perçu dans l’école est l’accueil. C’est
d’ailleurs ce que de nombreux pays nous envient. Pour beaucoup d’autres parents, c’est une
chance pour leur(s) enfant(s) car ils ont intégré toute l’importance d’une scolarisation
préalable, préparatoire au sens premier, aux apprentissages formels et systématiques de
l’école élémentaire.
Pour d’autres familles qui se placent d’emblée dans la compétition scolaire et qui préparent
leur(s) petit(s) à cette compétition très tôt, l’école maternelle constitue une étape que l’on peut
réduire, condenser pour gagner du temps qui sera réinvesti plus tard, d’autant que les enfants
concernés, le plus souvent, s’expriment bien, connaissent beaucoup de choses, parfois ont
commencé à lire… Comme l’explique de manière forte argumentée D. Marcelli1, l’enfant
devient le juge de la bonne parentalité, et la réussite scolaire est la première occasion de
mesure.
Ce danger pour un certain nombre d’enfants devient aussi un danger pour l’école maternelle ;
des parents attendent des preuves que leur enfant travaille à l’école et l’école peut en donner.
Les fichiers, qui envahissent certaines classes, en sont la marque. Cette pratique n’est le plus
souvent pas plus éducative et pas moins occupationnelle que d’autres formes plus
habituellement dénoncées comme telles (jeux, activités libres, etc.).
Sous cet ensemble de pressions, l’école maternelle, si l’on n’y prend garde, est menacée
d’hyperactivité.
3-2 – Des interrogations
Elles portent sur la pédagogie à développer en maternelle et sur les critères de qualité et
d’efficacité au travers desquels on « juge » cette école.
Des doutes sur les formes pédagogiques propres à l’école maternelle
Du fait de ce que l’on vient d’expliquer, par un mouvement symétrique à celui qui avait fait
changer de format pédagogique dans les années 1960 / 1970, on peut basculer sans précaution
vers un nouveau modèle qui serait celui de la « productivité ».
Pour raisonner sur ce qu’il est utile d’adapter sans renier ce qui a fait l’intérêt de l’école
maternelle depuis presque un demi-siècle, il convient de prendre en compte deux éléments :
- un fait objectif : les enfants suivent assidûment trois ou quatre années de scolarité
maternelle. C’est de fait devenu un cursus aussi long que celui du lycée ou du collège.
Il faut se soucier de l’aménager pour bien profiter de cette durée, en installant des
exigences progressives, en créant des situations d’apprentissage adaptées à la maturité
1MARCELLI D., L’enfant, chef de la famille. A. Michel, 2003. Chapitre L’enfant roi, p. 158.