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Simone RINZLER – Université Paris Ouest Nanterre –
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VLALG401 POLY ANNALES L2 & L3 EXEMPLES ac INTRO CONC 04.doc – 5/15
1- CORRIGÉ QUESTION DE COURS 1.- (en français): (programme L3 S5 VLALG501)
A - Pragmatique :
Les extraits en italiques sont tirés de la traduction française du livre de Grice :
Maxime de quantité :
Que votre contribution contienne autant d’information qu’il est requis (pour les visées
conjoncturelles de l’échange)
Que votre contribution ne contienne pas plus d’information qu’il n’est requis.
Maxime de qualité :
Que votre contribution soit véridique, i.e.
- N’affirmez pas ce que vous croyez être faux.
- N’affirmez pas ce pour quoi vous manquez de preuves.
Maxime de relation :
Parlez à propos [be relevant].
Maxime de modalité (manner) :
Soyez clair [perspicuous] i.e.
Évitez de vous exprimer avec obscurité.
Évitez d’être ambigu.
Soyez bref (ne soyez pas plus prolixe qu’il n’est nécessaire).
Soyez méthodique. (Grice, 1975, trad. franç. 1979, pp. 61-62)
Pistes de réflexion :
Ce texte représentant une scène de ménage entre Spicer et Annette est une
illustration du principe de coopération de Grice mis à mal dans un dialogue où les deux
locuteurs ne pratiquent pas la coopération telle que Grice l’a décrite. La situation conjugale
étant mauvaise, il y a tout lieu de penser que la mauvaise foi est plus probable que la
coopération entre les deux interlocuteurs qui ne savent plus se parler. Contexte : situation
conjugale tendue. Le mari, Spicer, consulte une « thérapeute-astrologue » qui est aussi, on
l’apprend au cours du texte, une personne qu’il rencontre pour des raisons bien peu
thérapeutiques ou professionnelles, puisque sa thérapeute « New Age » est en fait, surtout
devenue sa maîtresse. Annette, l’épouse de Spicer, est enceinte. Trop docile, facilement
influençable par le discours, elle se laisse manipuler par les arguments de son mari.
Cependant, elle sent confusément que son mari ne lui dit pas tout. Spicer ne respecte pas la
maxime de quantité (rétention d’information), ni la maxime de modalité (il n’est pas clair, ses
propos sont volontairement ambigus. S’il est bref (ses propos sont lapidaires), c’est plus pour
violer la maxime de quantité que pour se conformer à ma maxime de modalité. Comme
Annette se rend compte que le couple qu’elle forme avec Spicer ne traverse pas une période
harmonieuse, la situation l’énerve et elle tend donc à ne pas respecter la maxime de
relation : elle ne parle pas « à propos » son discours n’est pas « relevant » et comme elle se
retrouve dans la situation d’accuser sans preuve, elle ne respecte finalement qu’assez peu la
maxime de qualité.
B - Fonctions du langage :
Les extraits en italiques sont tirés du livre de Marina Yaguello qui résume brièvement
les fonctions du langage décrites par Roman Jakobson :
Six fonctions essentielles du langage :
Au locuteur s’associe la fonction expressive (émotive)
A l’interlocuteur, la fonction d’incitation
2
(interpellation, ordre)
2
Cette fonction est appelée fonction conative par Jakobson. Le terme vient du latin et signifie « faire
un effort » (cf. conatus).
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Au référent, la fonction référentielle (information)
Au contact, la fonction phatique, (communication, contact social)
Au code, la fonction métalinguistique (analyse du code)
Au message, la fonction poétique (jeu, plaisir du texte)
Un énoncé ne correspond pas forcément à une seule fonction. Le plus souvent,
plusieurs fonctions se recoupent. La classification se fonde alors sur la fonction dominante.
En particulier, il est rare, sauf dans quelques tentatives poétiques extrêmes comme le
lettrisme ou la poésie phonique, qui ramènent le langage au stade de la manière sonore
pure, que le message soit dénué de toute valeur référentielle, même si celle-ci est tout à fait
secondaire comme dans le jeu de mots, les comptines, etc. De même, quand je dis « aïe »,
je fais bien appel à la fonction expressive, mais en même temps, j’informe mon entourage
que j’ai mal (fonction référentielle). Quand je vante la valeur d’un produit (publicité), je
cherche à informer mais aussi à rendre le message percutant ou amusant (fonction
poétique), tout en essayant d’induire un comportement (fonction d’incitation). Le problème
est donc de hiérarchiser plutôt que de séparer les fonctions. (Marina YAGUELLO, (1981) :
Alice au Pays du Langage – Pour comprendre la linguistique, chapitre premier : A quoi sert
le langage ?, Éditions du Seuil, Paris, p. 20.)
Pistes de réflexion :
De la part de Spicer, les fonctions du langage de Jakobson sont (elles aussi) mises à
mal. La fonction émotive est mise en sommeil (le choix du passif lui permet de ne pas
personnaliser sa prise de parole) de même que la fonction conative (nous y reviendrons). Il
ne cherche pas à inciter directement sa femme à faire quelque chose en lui ordonnant quoi
que ce soit. La fonction référentielle n’a que peu d’objet puisque Spicer tend à ne pas
donner à sa femme les informations nécessaires à une bonne communication. Ceci implique
donc, que la fonction phatique ne marche pas vraiment bien, ce qui est le propre d’une
conversation dont les rouages sont grippés. S’il y a bien une forme de jeu métalinguistique
(fonction métalinguistique), ce dernier n’est pas explicite : Spicer recourt au passif pour ne
pas dire que son thérapeute est une thérapeute et qu’elle est sa maîtresse. Mais ce n’est
pas lui qui fait le commentaire métalinguistique sur la manière de faire passer le message ou
l’information retenue le plus longtemps possible. Enfin, la fonction poétique (ou fonction
ludique) du langage n’est pas à l’œuvre, sauf si l’on voulait soutenir qu’il peut y avoir dans
certains couples dysfonctionnels le plaisir de la dispute, qui serait un moyen de maintenir
une forme de fonction phatique. Ce n’est cependant pas le cas de ce roman où il est très
clair que le mari cherche à se débarrasser de sa femme sans en prendre lui-même la
responsabilité du point de vue langagier en la poussant à être à l’origine de la dispute et de
la séparation qui devrait en résulter. Le dialogue, envisagé sous cet angle, peut donc être
considéré comme ayant alors une forme de fonction conative (ou incitative) implicite. Si
Spicer ne donne pas d’ordre à Annette, son comportement peu coopératif (voir supra
question A) a cependant pour fonction pragmatique d’inciter Annette à se mettre en colère et
à paraître être elle-même à l’origine de la rupture. La fonction conative ou incitative n’est pas
directe, mais détournée par le caractère biaisé du dialogue dans lequel la coopération n’est
pas de mise (Cf. supra encore, question A).
Questions A et B : Pour aller plus loin dans la réflexion :
Sur l’antithèse du principe de coopération qui est à l’œuvre ici et la rétention de la
fonction phatique, voir Lecercle Jean-Jacques (1994) : Philosophy of Nonsense – The
Intuitions of Victorian Nonsense Literature, Routledge, London and New York, chapitre « The
Pragmatics of Nonsense », et plus particulièrement les pages 78 à 81 où sont énoncées les
quatre maximes du Principe de lutte/d’agôn The Principle of Struggle (PS) ainsi que la
fonction contre-phatique (« ‘counter-phatic’ function’ »). Ce sont ces maximes et cette
fonction que suit Spicer, sur le modèle de la conversation d’Alice avec Tweedledum et
Tweedledee dans le chapitre 4 de Through the Looking-Glass : « Dialogues are almost
always antagonistic » (81).