Chapitre 9 : Les étapes de la construction de l`Europe monétaire

Chapitre 9 : Les étapes de la construction de l’Europe monétaire
Que dit le Traité de Rome en matière monétaire ? Pas de propos très détaillés. Ce qui est
mentionné, c’est l’ambition de créer une aire régionale de changes fixes : les monnaies seraient
liées entre elles de manière fixe. Toute l’histoire monétaire de l’Europe repose sur la recherche de
stabilité des taux de change (éviter les fluctuations des monnaies). Cette recherche commence à
se concrétiser dans les années 70 (de 57 à 70 on a privilégié l’économie réelle). La recherche se
poursuit encore.
I. L’expérience du serpent monétaire (1972)
1972 : crise du SMI accélère la recherche ; accords de Bretton Woods déstabilisés.
A) Les rapports Barre (1969) et Werner (1971)
Poussée inflationniste en France qui a inquiété la Communauté Européenne. Barre suggère
qu’il est temps que l’Europe coopère en matière monétaire. Werner : description de la
réalisation d’une union économique et monétaire avec une seule monnaie et une seule
banque centrale.
B) L’instauration du serpent monétaire
Le serpent monétaire = les monnaies européennes sont liées 2 à 2. Les taux de change
peuvent varier dans des marges de fluctuations évaluées à +/- 2,5%. Dans le même temps, il y
avait pour chaque monnaie européenne une marge de fluctuation vis-à-vis du dollar (+/-
2,25%) = liaison entre les monnaies européennes entre elles et une contrainte entre les
monnaies et le dollar = le serpent dans le tunnel.
+ 2,5 %
En 1973, on lève la contrainte par rapport au dollar -> les pays européens décident de laisser
flotter leur monnaie par rapport au dollar => serpent hors du tunnel. Ça a fonctionné jusqu’en
1978. Entre 1973 et 1978, un certain nombre de pays ont eu des difficultés à maintenir cette
contrainte et des monnaies qualifiées de faibles vont devoir en sortir : livre sterling, franc…
=> la coopération monétaire via ce serpent est réduite à une zone Mark (Benelux, RFA,
Danemark) => échec 1978. Les pays dont la monnaie était faible avaient du mal à intervenir
sur le marché des changes.
Serpent monétaire : intervention des banques centrales se faisait de manière asymétrique : la
banque centrale d’une monnaie faible intervenait et pas l’autre. Ex : Franc déprécié par
rapport au Deutschemark -> banque centrale française intervient (offre des devises) mais
Bundesbank n’intervient pas).
II. Le système monétaire européen (1979)
Toujours le même principe : coopération pour stabilité monétaire en Europe.
A) Composantes de ce SME :
1) Les monnaies européennes vont être rattachées à une monnaie : l’écu (ou ECU). C’est une
monnaie atypique (ne remplit pas toutes les fonctions d’une monnaie). Ecu = panier de
monnaie des pays-membres -> numéraire du SME ? Valeur de l’écu en une monnaie : on part
-
2,5
%
2,25%
$
du poids, on prend les taux de change des monnaies les unes par rapport aux autres. Ex :
valeur de l’écu en franc français : on part du taux de change des différentes monnaies en
franc français, on les additionne en les affectant de leur poids. => 2 valeurs de l’écu : une
valeur officielle (définie à partir des taux de change bilatéraux fixés dans le SME) et une
valeur quotidienne de l’écu (se calcule à partir des taux de change observés
quotidiennement dans le marché des changes).
Emission de l’écu public (= officiel) par le FECOM -> intervient sur le marché des changes
pour maintenir une marge de fluctuation. Cette émission d’écu public dépendait des
réserves des pays => on transforme les réserves des banques centrales en écus. L’écu ne
circulait qu’entre les banques centrales et sur le marché des changes. Il ne permettait pas
de régler les transactions entre agents privés (ex : entreprises). Pour cela s’est développé
un marché privé de l’écu : les entreprises qui avaient un besoin de financement ont
contribué au développement d’actifs financiers libellés dans cette monnaie. Pourquoi c’est
intéressant ? Comme la monnaie est un panier, le risque du taux de change est moindre. La
particularité de cette monnaie est qu’elle n’est pas émise par une banque centrale (≠ euro).
L’écu privé est une monnaie incomplète. Elle a une fonction d’unité de compte, de réserve
de valeur…mais n’est pas créée par un système hiérarchisé.
2) Le canisme de change : changes fixes et ajustables. Des parités officielles sont finies
(taux de change fixes définies par rapport à l’écu). Comme chacune des monnaie avait une
parité fixe par rapport à l’écu, deux monnaies européennes étaient aussi en parité fixe
entre elles = cours bilatéraux. A quelles contraintes étaient soumis les pays européens ?
Parité fixe entre chaque monnaie, devaient intervenir pour respecter ces marges de
fluctuation. Les banques centrales devaient faire en sorte que le taux de change de
référence soit respecté. Les marges de fluctuation ont aussi évolué au cours du temps.
Les différentes marges de fluctuation
Après octobre
1990
Après septembre
1992
Depuis août
1993
Monnaies non
intégrées
4
2
2
2
Monnaies
intégrées
8
10
11
9
Marges 2,25%
7
8
8
0
Marges 6%
1
2
3
Marges 15%
9
Pour faire en sorte que les taux de change ne fluctuent pas trop, intervention obligatoire
symétrique. Quand il y a un problème entre la monnaie et l’écu, maintien du cours pivot ->
quelle banque centrale intervient et en quelle monnaie ? Ex : si le franc diminue par rapport
à l’écu, la banque centrale doit acheter des francs. Mais quelle monnaie du panier doit-elle
vendre en contrepartie ? => indication en regardant les taux de change bilatéraux : on
retenait les monnaies contraires : si le franc se déprécie, on prend une monnaie qui
s’apprécie…)
3) Des mécanismes de coopération et de crédit
Interventions symétriques des banques centrales
Lorsqu’une monnaie est attaquée, et donc qu’il faut obtenir des devises ; possibilités de
crédits entre BC ou possibilités de crédits auprès de la BC. Les opérations de crédits sont
toutes libellées en écu.
B) Le bilan du SME
Bilan dressé autour de 3 thèmes : la stabilité des changes, la désinflation et la question de
l’autonomie des politiques monétaires.
1) La stabilité des changes
Les fluctuations en Europe sont moins marquées qu’ailleurs. Chronologie SME (79 93) : 3
grandes parties :
- 1979 – 1986 : fréquents réalignements de parité, qui ne remettent pas en cause les
fondements mêmes du système => réajustement général des parités
- 1987 – 1992 : stabilité du système, aucun réalignement de parités, alors même qu’un certain
nombre de monnaies entrent dans les systèmes monétaires (peseta 1989, livre sterling 1990,
escudo 1992) -> contrainte à leur entrée = marge de fluctuation de 6%.
- 1992 – 1993 : période de turbulence (attaques spéculatives de l’automne 1992 et juillet 1993
à l’égard du franc. Les spéculateurs pensaient que la France allait valuer sa monnaie. La
Banque Centrale intervient mais va devoir être soutenue par la Bundesbank => pas de
dévaluation mais réforme du système monétaire (août 93). Elargissement des marges de
fluctuation à +/- 15% autour des cours pivots bilatéraux = régime de change quasi flottant.
Dernière période du SME (1993 98) est marquée par un resserrement progressif des
fourchettes de variation. 31/12/1998 : marge de fluctuation = environ 0,3%.
2) La stabilité des prix
La politique monétaire a un impact sur les biens : plus il y a de monnaie, plus l’agent
consomme => le prix augmente. Fort mouvement de désinflation depuis le début des années
80. 1979 : les taux d’inflation = de 24% pour le Portugal à 4% pour la Belgique (moyenne =
11,6%). En 1991 : moyenne = 5% et les taux vont de 2% pour le Danemark à 18% pour la Grèce.
Quel lien de causalité entre la réussite des politiques anti-inflationnistes et l’appartenance au
SME ? L’appartenance au SME => crédibilité des autorités publiques.
3) La question de l’autonomie des politiques monétaires
Fonctionnement du SME : le pays dominant (la RFA, monnaie forte) est au centre du SME. La
RFA fixait sa politique monétaire (restrictive à l’époque car le but était de lutter contre
l’inflation) et autres pays obligés de s’aligner même s’ils n’ont pas les mes problèmes
d’inflation que l’Allemagne. Cette asymétrie du système fait référence au principe « N-1 » =
lorsque N pays participent à un mécanisme de changes fixes, un pays peut décider de sa
politique monétaire de façon autonome, les N-1 autres doivent s’ajuster => exception à la
trilogie impossible = le triangle d’incompatibilité de Mundell = impossibilité d’avoir une
stabilité des changes, une politique monétaire autonome et une libre-circulation des
capitaux.
Politique monétaire autonome
Libre circulation des capitaux stabilité des changes
Le triangle d’incompatibilité de Mundell
Padoa – Schioppa (1987)
Pour Mundell, un pays ne peut pas bénéficier des ces trois aspects simultanément. Le seul cas
où les 3 sont possibles est pour le leader de la zone monétaire -> RFA dans le cas du SME.
Libre circulation des capitaux = possibilité pour les capitaux de se déplacer sans contrôle des
changes.
Stabilité des changes : limitation des fluctuations
Politique monétaire autonome : l’Etat peut gler ses taux d’intérêts, évolution de sa masse
monétaire et de ses taux d’intérêts en raison de ses objectifs économiques.
Si le pays privilégie la stabilité des changes et la libre circulation des capitaux, il n’a plus la
maitrise de sa politique monétaire et de ses taux d’intérêts, car si le pays diminue ses taux
d’intérêts, cela entraîne une fuite des capitaux (rémunération des capitaux moindre), ce qui
va remettre en cause la stabilité des changes (les placer ailleurs, changer de pays) => plus de
maitrise de sa politique monétaire.
Si le pays privilégie la mobilité des capitaux et la politique monétaire autonome, il doit
adopter un régime de change flottant. Ex : s’il met en œuvre une politique monétaire
expansive en baissant ses taux d’intérêts, cela va entrainer une fuite de capitaux et donc la
dépréciation du change.
Si le pays privilégie la stabilité des changes et la politique monétaire autonome, il doit limiter
les mouvements par un contrôle des changes.
Pourquoi seul le pays leader peut-il avoir les 3 ? Car sa monnaie est forte, il n’a pas de
contrainte sur le taux de change.
En quoi y a-t-il incompatibilité ? Cette trilogie impossible s’observe au sein du SME. Une fois
que le pays dominant, en l’occurrence l’Allemagne, a choisi la politique monétaire, en
l’occurrence une politique monétaire restrictive, les autres pays avaient 3 choix possibles :
soit sortaient du SME, soit acceptaient la politique monétaire restrictive imposée par le pays
dominant, soit optaient pour une dévaluation.
=> Le SME a permis à l’Europe de devenir une zone de relative stabilité monétaire. Il a forcé
les économies à converger, notamment en matière d’inflation (convergence sans doute
responsable d’une partie de la montée du chômage). Le SME a empêché la conduite de
politiques monétaires indépendantes et en a forcé le rapprochement. Fin 90 : l’Europe subit
le coût de la réunification allemande => augmentation des taux d’intérêts réels en Europe =>
Allemagne = regain d’inflation, a surenchéri, les autres taux se sont alignés => début 90 taux
d’intérêts très élevés alors que la croissance s’étouffe. Financement de la réunification
allemande -> les pays européens y ont concouru, au prix d’une activité économique ralentie.
III. L’Union Economique et Monétaire
L’UEM est prévue par le Traité de Maastricht. Elle se finit par la mise en place de politiques
économiques convergentes => une monnaie unique émise par une banque centrale unique et
indépendante des Etats et une politique monétaire unique.
A) La mise en place de la monnaie unique
Le rapport Delors, 1989
Traité de Maastricht, processus de transition en 3 phases :
01/07/90 -> 31/12/93 : libéralisation des mouvements de capitaux ; les Etats devaient
rapprocher les évolutions économiques de leur pays, rendre leur banque centrale
indépendante.
01/01/94 -> 31/12/98 : création de l’institut monétaire européen, embryon de la BCE,
approfondissement de la convergence des résultats économiques. Critères à respecter :
o Taux de change : marges de fluctuation du SME à respecter, pas de dévaluation
o Taux d’inflation : taux pas trop élevé, ne doit pas dépasser de + de 1,5 point la
moyenne des 3 Etats membres qui ont les meilleurs résultats
o Les finances publiques. Déficit public = budget de l’Etat + des administrations
publiques. Ne doit pas dépasser 3% du PIB. Dette publique = somme des emprunts à
court, moyen et long terme. Ne doit pas dépasser 60% du PIB.
Pourquoi ces critères ? Idées :
- Coût de l’inflation > coûts du chômage => il faut combattre l’inflation (monétarisme)
- Critère des finances publiques limite rôle de l’Etat dans la régulation de la conjoncture
(orientation libérale)
01/01/99 : aurait pu être en 1997 mais trop peu d’Etats satisfaisaient les critères de
l’euro (qui a remplacé l’ECU, 1=1). 11 pays l’adoptent, appréciation des critères de
convergence relativement souple. 2001 : Grèce, 2009 : Slovaquie… Aujourd’hui 16 pays.
Les billets et pièces sont mis en circulation seulement au 01/01/2002
B) Les raisons de la monnaie unique
Avantages :
- Baisse des coûts de transaction (on élimine les coûts de conversion ; les entreprises n’ont
plus besoin de se couvrir contre le risque de change)
- C’est le complément naturel du marché unique
- Transparence des prix car plus facilement comparables, commercent avec des entreprises
des pays qui ont l’euro
- Meilleur prévision des prix
- L’euro peut devenir une monnaie de référence au niveau du SMI et constituer un des
piliers d’un éventuel nouveau SMI
Régime de changes flottants avec dollar et yen. Zone euro peut obtenir une autonomie
monétaire.
Inconvénients :
- Perte de souveraineté monétaire : une politique pour tous mais chacun garde sa politique
budgétaire
- Coût psychologique d’abandonner sa monnaie
- Coûts techniques
- Perte de seigneuriage (= émettre sa propre monnaie)
- Etats ne peuvent plus utiliser le taux de change pour des ajustements sur l’économie
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