Une économie de production de masse - Hachette

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1
Chapitre L-ES-S
Une économie
de production de masse
Point du programme
L-ES « Partie I. L’âge industriel et sa civilisation du milieu
du XIXe siècle à 1939.
1. Transformations économiques, sociales et idéologiques de l’âge
industriel, en Europe et en Amérique du Nord.
Le phénomène majeur est la croissance économique. On présente
le processus d’industrialisation et les transformations économiques
et sociales qui lui sont liées. Il s’agit de saisir les évolutions et les
ruptures majeures sur près d’un siècle et non d’examiner le détail de la
conjoncture. »
S « Partie I. L’âge industriel en Europe et en Amérique du Nord du
milieu du XIXe siècle à 1939.
1. Industrialisation et croissance.
2. La société de l’âge industriel.
Le phénomène majeur est la croissance économique. On présente
le processus d’industrialisation et les transformations scientifiques,
techniques, économiques, sociales et idéologiques qui lui sont liées. Dans
tous les cas, il s’agit de saisir les évolutions et les ruptures majeures. »
Logique du chapitre
À partir du XIXe siècle, l’industrie devient le moteur de la croissance et
transforme profondément l’économie des sociétés occidentales.
Le premier dossier met en évidence l’importance des innovations
techniques et scientifiques à travers l’exemple des moyens de transports, qui
se perfectionnent, se diversifient et se démocratisent progressivement.
La leçon 1 montre la continuité du processus d’industrialisation depuis la
Révolution industrielle, grâce à l’enchaînement des innovations.
La leçon 2 présente un acteur majeur de l’industrialisation, la grande
entreprise, qui se transforme et s’agrandit pour accroître la production.
Les documents mettent en évidence les stratégies mises en œuvre par les
entreprises pour s’agrandir.
La leçon 3 décrit les irrégularités de la croissance économique dans
l’espace et dans le temps, et leurs conséquences.
Point historiographique
L’histoire de l’industrialisation se caractérise par des interactions entre
les aspects économique, technique, scientifique, géographique, mais aussi
culturel, artistique et social.
Une économie de production de masse
L’histoire économique des États occidentaux depuis le XIXe siècle a
suscité différentes interprétations. Les premières explications remontent
à Marx et Engels (1845) ; puis l’historien anglais Arnold Toynbee propose
une « Lecture sur la Révolution industrielle » en 1883, à destination des
futurs administrateurs des Indes britanniques. Dans les années 1950,
l’économiste Rostow définit la notion de « décollage industriel » (take off) :
la production prend son essor, marquant le début de la « Révolution
industrielle ». Cette expression est aujourd’hui contestée car la Révolution
industrielle est difficile à dater précisément et parce qu’elle met l’accent sur
l’idée d’une rupture nette et définitive. Les historiens privilégient plutôt
l’idée d’une continuité dans l’évolution économique.
Certains, comme François Caron, s’inspirent des travaux de l’économiste
Schumpeter qui insiste sur le rôle des innovations : les progrès techniques
permettraient l’apparition d’innovations « en grappes » qui seraient à
l’origine des phases de croissance.
Bibliographie
Histoire économique et sociale
– P. Bairoch, Victoires et déboires. Histoire économique et sociale du monde
du XVIe siècle à nos jours, t. 2 et 3, Folio-Gallimard, 1997.
– É. Bussiere, P. Griset, Ch. Bouneau, J.-P. Williot, Industrialisation
et sociétés en Europe occidentale 1880-1970, A. Colin, 1998.
– F. Caron, « Qu’est-ce qu’une révolution industrielle ? », Sciences
humaines n°120, octobre 2001.
– P. Léon, Histoire économique et sociale du monde, vol. IV :
La Domination du capitalisme 1840-1914, vol. V : Guerres et crises
1914-1947, A. Colin, 1978.
– P. Richet, L’Âge du vert, Découvertes, Gallimard, 2000.
– J.-P. Rioux, La Révolution industrielle, coll. Point Histoire, Le Seuil, 1989
(1re éd., 1971).
– P. Verley, La Révolution industrielle, Folio-Gallimard, 1997.
– P. Verley, La Première Révolution industrielle (1750-1880), A. Colin, 1999.
– D. Woronoff, Histoire de l’industrie en France du XVIe siècle à nos jours,
Le Seuil, 1994.
Transformations du travail et évolution technique
– A. Beltran, P. Griset, Histoire des techniques aux XIXe et XXe siècles,
A. Colin, 1990.
– A. Dewerpe, Le Monde du travail en France 1800-1950, A. Colin, 1996.
Pages 12-13
D’une économie artisanale… à une
économie de production de masse
Un marchand ambulant.
Dès le milieu du XIXe siècle, de nouvelles formes
de distribution à grande échelle apparaissent
en Europe occidentale (les grands magasins
comme Le Bon Marché). L’entrée dans l’ère de
la consommation, la concurrence accrue entre
les marchés et les difficultés économiques de
l’entre-deux-guerres obligent les entreprises à
moderniser leurs pratiques commerciales. Les
industriels se dotent de services des ventes,
développent la publicité, des emballages
personnalisés et de nouvelles méthodes de
vente, souvent importées des États-Unis.
Les marchands ambulants ne disparaissent
que progressivement et partiellement : ils se
maintiennent dans certains secteurs et certains
espaces (le camion du crémier ou du boulanger
dans les campagnes…).
De nouveaux biens de consommation.
Le document illustre parfaitement la société
de consommation déjà bien avancée aux ÉtatsUnis. Mais la confrontation des deux images
montre davantage le passage d’une économie à
une autre et invite les élèves à s’interroger sur
les facteurs qui le rendent possible. Il y a bien sûr
le crédit, la publicité, les nouvelles techniques,
la hausse du niveau de vie… mais au-delà, une
nouvelle culture économique et industrielle. La
concentration industrielle s’est accompagné
d’une redéfinition de l’organigramme type
des entreprises industrielles : pour reprendre
la thèse de l’économiste Schandler, on passe
d’une structure centralisée et organisée en
départements fonctionnels (forme en U) à
une structure multi-divisionnelle comportant
un état-major central et un certain nombre
de divisions spécialisées chacune dans un
produit. Pour Schandler, c’est ainsi que naît
l’entreprise moderne qui tire sa force de sa
capacité à coordonner des activités sur une
grande échelle et à prévoir l’avenir (lancer de
nouveaux produits comme ici pour entretenir
la croissance), donc à avoir une stratégie qui
inclut le marketing, le service après-vente, la
vente à crédit. Mais cela induit un changement
de structure plus souple, car chaque division
s’occupe d’un produit et donc d’une stratégie
particulière en totale autonomie d’une part,
et d’autre part, chaque division ou usine est
dégagée des tâche financières, de gestion et
de management qui sont centralisés dans
la maison mère. Parallèlement, après avoir
privilégié la sous-consommation, les industriels
prennent conscience au XXe siècle de l’intérêt
de favoriser la consommation (le fordisme).
C’est surtout Gerald Swope, président de
General Electric en 1922, qui invente la notion
de « salaire culturel » au début des années
1920 et théorise la pratique de Ford, c’est-àdire l’idée que le salaire doit pouvoir laisser une
marge suffisante pour profiter de la vie (dans le
sens ici de consommer), pourvoir à l’éducation
et à sa santé. Alfred Sloan, directeur de General
Motors en 1923, dont Frigidaire est une filiale,
lance l’idée que la consommation de masse doit
proposer une gamme diversifiée à la fois en
fonction des budgets, mais aussi renouveler les
modèles (comme on le voit sur l’image pour ce
qui est des réfrigérateurs) par des combinaisons
d’éléments de base standardisés et cette
gamme de produits est le miroir des espoirs
d’ascension social. Il réorganise également
General Motors suivant des cibles de marchés
et, pour reprendre les expressions du magazine
Fortune, on peut distinguer Chevrolet pour la
« populace » ; Pontiac pour les « pauvres mais
fiers », la petite classe moyenne ; Oldsmobile
pour les « discrètement aisés » ; Buick pour les
« battants » ; et Cadillac pour les « riches ».
Pages 14-15
CARTES
L’économie mondialisée
1 La hiérarchie économique en 1914
2
La crise mondiale
Il s’agit de deux cartes construites à partir de la
projection à compensation régionale de Bertin
(1953). Cette projection polaire modifiée permet
de limiter les distorsions dans l’hémisphère
nord.
Questions
1. À l’échelle mondiale, les États-Unis sont
devenus la première puissance économique
(32 % de la production industrielle mondiale).
Une économie de production de masse
On peut néanmoins remarquer la faiblesse des
investissements américains à l’étranger (7,5 %).
En 1914, les États-Unis sont encore débiteurs
de l’Europe. L’Allemagne a pris la première
place européenne avec 14,8 % de la production
industrielle (forte concentration industrielle).
Elle a distancé la Grande-Bretagne et la France
dont les structures économiques vieillissent.
On voit également émerger une nouvelle
puissance économique : le Japon qui connaît
des taux de croissance spectaculaires depuis
son ouverture économique (révolution Meiji).
2. En 1914, l’Europe reste au centre de l’économie mondiale. Elle englobe les principaux
pôles de l’investissement. La Grande-Bretagne
à elle seule réalise presque la moitié des
investissements à l’étranger et elle est au
centre du système commercial et financier
du monde ; elle est suivie par la France
(investissements en Russie, dans l’Empire
ottoman, dans les Balkans) et l’Allemagne.
L’Europe détient, en 1914, 60 % du stock d’or
mondial dans un système monétaire fondé
sur l’étalon or (Gold standard). L’impérialisme
européen se manifeste aussi par la possession
d’immenses empires coloniaux qui s’étendent
en Asie et en Afrique.
3. La carte montre l’organisation des flux
financiers et commerciaux de l’Europe vers
l’Afrique et l’Asie et le Pacifique et des ÉtatsUnis vers l’Amérique du Sud. Ces flux favorisent
l’émergence des « pays neufs » qui connaissent
une croissance économique rapide (Australie,
Canada, etc.).
4. La solidarité commerciale et financière
qui lie les économies capitalistes explique
en partie la diffusion de la crise de 1929 à
l’échelle mondiale. La crise trouve son origine
dans le krach de la bourse de Wall Street. Elle
amplifie la crise de surproduction agricole dont
souffraient déjà les États-Unis et les « pays
neufs » et entraîne une crise industrielle
majeure. Les marchés sont encombrés et le
commerce mondial se contracte. Les pays
dont le développement économique dépend
en grande partie des exportations (Amérique
latine, Afrique) s’enfoncent dans la dépression.
Par ailleurs, on assiste à un reflux des capitaux
américains placés en Europe (notamment en
Allemagne et en Autriche). Tout le système
économique mondial est atteint. En réponse au
marasme, certains pays choisissent l’autarcie
(Italie fasciste et Allemagne nazie), d’autres
optent pour le repli sur leur empire colonial.
C’est le cas de la France et de la GrandeBretagne (Commonwealth).
Pages 16-17
CARTES
L’industrialisation de l’Europe
3 La diffusion de l’industrie en Europe
au XIXe siècle
Questions
1. L’industrie européenne naît en GrandeBretagne. À la fin du XVIIIe siècle, l’Angleterre
a connu une mutation profonde et rapide de
ses structures économiques. On a pu alors
parler de Révolution industrielle. Ailleurs,
l’industrialisation a été plus lente. Elle s’est
d’abord diffusée en Belgique, en France et en
Suisse dans le premier tiers du XIXe siècle.
La deuxième vague d’expansion (1840-1860)
a touché les territoires allemands et le
Danemark. Après 1860, le nord de l’Italie et la
Suède s’industrialisent.
2. À la fin du XIXe siècle, l’Europe du Nord-Ouest
s’est industrialisée alors que les régions Sud et
Est sont restées à dominante rurale.
4 L’Europe industrielle
dans les années 1930
Questions
1. Sur la carte de l’Europe industrielle des
années 1930, de nouvelles régions industrielles
sont apparues : en Espagne, la Catalogne, la
Galice et la région autour de Madrid ; en URSS,
le Donbass, la région autour de Kiev.
2. Les principales régions industrielles sont
situées en Angleterre, dans le nord de la France
et en Lorraine, dans la Ruhr, en Saxe et dans
le nord de l’Italie. On peut noter, par ailleurs,
le développement du réseau de chemin de fer
dont le maillage s’étend sur toute l’Europe.
Les principales places boursières sont Londres
et Paris. Le cœur économique de l’Europe se
situe donc au nord-ouest où se concentrent les
régions industrielles, les places boursières et
les principales métropoles.
3. La seconde industrialisation repose sur deux
nouvelles énergies : l’électricité visible sur la
carte (développement de l’hydro-électricité
dans les Alpes) et le pétrole (puits en Asie
centrale).
Pages 18-19
DOSSIER
Quels transports
pour une économie moderne ?
Ce dossier met en évidence le développement,
la diversification et la modernisation constante
des moyens de transports. Cette « révolution des
transports » permet une intensification des flux
de marchandises, de personnes, d’informations,
indispensables à l’industrialisation. La croissance des échanges impose de disposer
d’un ensemble de communications à quatre
niveaux au moins : à l’intérieur des grandes
agglomérations (tramway, métro, bus), au
niveau national (routes et chemins de fer
surtout), continental et mondial (voies fluviales,
routes maritimes, chemin de fer puis avion).
On assiste à une transformation des échelles
de temps : des trajets toujours plus longs
sont parcourus en une durée toujours plus
réduite. Parallèlement, les coûts de transports
baissent, permettant une diversification et
un éloignement des approvisionnements.
L’interdépendance des économies s’accentue
et les firmes multinationales se développent.
1 L’extension des réseaux ferrés
En Angleterre, la première ligne (19 km) est
ouverte en 1821 ; dès 1838 la locomotive North
Star construite par Stephenson tire un train de
80 tonnes à 50 km/h ; et en 1840 apparaissent
les premières voitures spécialement conçues
pour les voyageurs, largement inspirées des
diligences. Le chemin de fer se perfectionne
constamment au fil de l’industrialisation,
devenant à la fois plus fiable, plus rapide et
plus confortable.
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les
réseaux de chemin de fer se densifient considérablement dans les pays occidentaux qui
s’industrialisent. En 1879, le ministre français
des Travaux publics, Freycinet, lance un
programme d’aménagement de 3 000 km de
lignes secondaires : la longueur totale des
chemins de fer passe de 24 000 km en 1881 à
41 000 en 1911. Cette croissance rapide répond
aux besoins de la population plus nombreuse
et surtout aux mouvements migratoires
interrégionaux, générés par l’industrialisation.
Au lendemain du premier conflit mondial, les
réseaux ferroviaires ont atteint leur maximum,
parfois même un suréquipement qui pose le
problème de leur rentabilité économique. Les
constructions de lignes s’arrêtent et durant
les années 1930, des services et des lignes
sont supprimés. Mais c’est après la Seconde
Guerre mondiale que la place du chemin de fer
se rétracte vraiment, subissant la concurrence
de la route.
Le document montre clairement que la
principale période d’expansion du chemin de
fer se situe entre 1870 et 1913 : le maillage
ferroviaire se densifie alors considérablement
pour répondre aux besoins des populations
et des industries. On voit également que le
développement des chemins de fer est plus
précoce aux États-Unis, au Royaume-Uni, en
Allemagne et en France.
2 Le port de Bruxelles
Le transport des personnes, mais aussi des
marchandises et des matières premières
impose des infrastructures toujours plus
puissantes. Dès le début du XXe siècle, le Rhin
est aménagé grâce à de multiples ports en
eau profonde et grâce à des canaux : il permet
notamment de relier les régions intérieures,
en particulier la Rhur industrielle, aux grands
ensembles industrialo-portuaires tels que
Anvers ou Rotterdam.
Au XIXe siècle, grâce à un réseau de canaux
très développés, Bruxelles devient le point de
rencontre entre les produits du nord de l’Europe
et d’Amérique (bois, produits manufacturés,
agricoles…), et ceux du sud du pays (charbon,
pierres…). À la fin du XIXe siècle, on ressent
donc la nécessité d’entreprendre de grands
travaux pour élargir et approfondir un canal
afin de construire une véritable voie maritime et
un port de mer à Bruxelles : jusqu’aux années
1930 au moins, ces infrastructures seront
régulièrement complétées et étendues.
3 Le développement
des transports intra-urbains
Dès la première moitié du XIXe siècle,
l’extension des grandes villes en Europe
occidentale entraîne le développement de
transports intra-urbains. À Paris, en 1828,
Une économie de production de masse
est créée l’Entreprise Générale des Omnibus
(voitures à impériale tractées par des chevaux)
qui exploite un réseau de 10 lignes d’omnibus
avec succès. D’autres compagnies d’omnibus
se développent à Paris, comme dans les autres
grandes villes de France et d’Europe (1832 au
Havre, 1837 à Lyon, vers 1840 à Marseille…). En
1855, le baron Haussmann décide de fusionner
les compagnies d’omnibus de Paris en une
seule, la Compagnie Générale des Omnibus
(CGO) qui obtient le monopole pour 30 ans :
en 1856, cette compagnie exploite 25 lignes,
sillonnées par 503 omnibus, tractés par près
de 6 700 chevaux.
Le mauvais état des chaussées a imposé l’idée
d’un autre type de transport, roulant sur des
rails : le tramway. Le premier, tracté par des
chevaux, est mis en service en 1832 à New York,
sous le nom de « Street car ». Le tramway se
perfectionne ensuite et son usage se répand :
en France, il s’implante à Paris en 1853 sous le
nom de « Chemin de fer américain ». D’autres
villes d’Europe l’adoptent : Londres en 1862,
Berlin et Vienne en 1865…. Au début des années
1890, la plupart des villes d’Europe sont
desservies par le tramway hippomobile. C’est
à ce moment là qu’est mis au point le tramway
électrique qui se généralise assez vite. Parallèlement apparaît le métro : la première ligne
française est inaugurée à Paris en 1900, mais dès
1863 à Londres. Enfin le tramway est délaissé
un peu partout au profit de la route : la ville de
Paris l’abandonne officiellement en 1932, avant
d’y revenir plusieurs décennies après…
4 Une démocratisation de l’automobile…
L’automobile dans les années 1930 n’est pas
encore un produit de consommation de masse :
elle reste un objet réservé aux privilégiés et
reflète un statut social. Mais son usage s’étend
peu à peu, à partir des années 1930, notamment
avec la création de petites voitures populaires
peu chères comme la Volkswagen allemande,
la 2CV de Citroën (commercialisée seulement
après la Seconde Guerre mondiale), ou encore
la Fiat 500 Topolino (petite souris) en Italie.
Créée en 1936 par l’ingénieur italien Dante
Giacosa, le Topolino est une des premières
automobiles de grande série. Conçue pour
accueillir deux personnes, peu encombrante
mais maniable, la Topolino est très soignée sur
le plan aérodynamique et ne consomme que 5
litres aux cent kilomètres à 60 km/h. Elle est
également fabriquée en France sous le nom de
« Simca Cinq ».
5 ... à laquelle participent
de grands groupes
Construite à partir de 1908 par les
établissements Ford de Detroit, aux États-Unis,
la Ford T est la première voiture construite en
série, à la chaîne, toujours de couleur noire. De
forme très simple, c’est une voiture utilitaire et
destinée à un public large : la standardisation
de sa production permet de la commercialiser
à un prix accessible à beaucoup.
6 Les débuts du transport aérien
Un des plus vieux aérodromes du monde, le
Bourget, au nord de Paris, se transforme à la fin
des années 1920 et au début des années 1930
en aéroport. Suivant l’exemple de Londres et
de Berlin-Templehof, Paris se dote d’un équipement digne de son renom international :
le président de la République l’inaugure le 12
novembre 1937.
Questions
1. La principale période d’expansion des
chemins de fer est 1870-1913. Ensuite, les
territoires sont déjà bien équipés, les lignes
sont complétées, prolongées.
2. Les chemins de fer se sont d’abord
développés aux États-Unis, au Royaume-Uni,
en Allemagne, puis en France et en Belgique.
Cela s’explique, pour certains, par une
industrialisation précoce et, pour d’autres, par
la nécessité de maîtriser un territoire vaste
(États-Unis) ou à unifier (Allemagne).
3. Les chemins de fer sont sûrs, rapides,
permettent de parcourir de grandes distances et
offrent une grande capacité pour accueillir des
voyageurs ou transporter des marchandises, y
compris des pondéreux.
4. Les infrastructures décrites sont très
imposantes : trois bassins très vastes, des
infrastructures pour les relier à des réseaux
de transports, des hangars pour stocker les
produits, des grues… L’ensemble occupe de
grands espaces.
5. Les activités présentes autour du port sont
le transport de marchandises par voie fluviale
et par réseau ferré, la commercialisation du
bois, du kaolin, du sel…
6. D’après ce texte, le transport maritime
et fluvial permet surtout l’importation de
pondéreux, de matières premières brutes
souvent à faible valeur ajoutée : ces moyens
de transport sont économiques et permettent
d’acheminer des quantités très importantes,
mais ils sont lents.
7. Cette image présente une vaste avenue dans
une ville moderne, qui draine une population
dense, jalonnée par différents commerces.
Cette avenue est traversée par des tramways
qui transportent beaucoup de voyageurs, dans
les deux sens.
8. Le tramway facilite la circulation des gens
à l’intérieur des grandes agglomérations,
notamment dans les centres où se concentrent
des activités économiques, sociales et culturelles qui attirent beaucoup de gens.
9. L’automobile se développe surtout à partir
des années 1920 d’abord en France, en GrandeBretagne puis en Allemagne, un peu moins en
Italie.
10. Cette photographie présente des rangées
de Ford T, à perte de vue, dans un hangar
de l’usine de Detroit. Elle met en évidence la
production de masse et la standardisation car
ces automobiles sont construites en très grande
quantité et reproduisent un seul modèle.
11. En 1937, les clients de l’avion sont peu
nombreux, « une centaine de passagers », car
ce moyen de transport est encore « onéreux ».
Bilan. Durant cette période, les transports
se sont diversifiés et leurs réseaux se
sont largement développés, à différentes
échelles (intra-urbaine, régionale, nationale,
continentale, internationale). Leurs performances techniques se sont améliorées,
progressivement, et leur coût s’est abaissé.
Pages 20-23
LEÇON 1
L’industrialisation : un processus
long et continu
La poursuite du processus d’industrialisation
permet le développement des produits de
la Révolution industrielle (doc. 2 et 6) et
s’appuie sur des innovations (doc. 2, 6, 7, 8).
L’industrie devient alors le principal moteur de
la croissance économique et emploie de plus
en plus d’actifs, au détriment de l’agriculture
(doc. 1, 3). L’essor industriel nécessite aussi
l’extension des moyens de transport (dossier
p. 18-19, doc. 5) et de nouvelles techniques de
communication et de vente (doc. 7, 8, 9).
1 La hiérarchie des puissances
industrielles
2 Des piliers de l’industrialisation
allemande
3 Les bouleversements dans
la répartition de la population active
4 L’explosion du tertiaire
Les employés du tertiaire constituent un
groupe hétérogène qui s’accroît continûment
à partir des années 1880 (doc. 3). Rémunérés
le plus souvent par un traitement mensuel
(contrairement aux ouvriers), les employés
sont apparus pour répondre aux besoins des
banques, des assurances, du commerce et,
à l’intérieur des grandes entreprises, ils sont
chargés de la comptabilité, de l’archivage, plus
généralement du domaine des « écritures ».
La croissance de cette catégorie socioprofessionnelle s’accélère ensuite à partir des
années 1920, avec la mise en place de l’OST
(bureaux des méthodes) et avec la concentration
des entreprises, les fusions, holdings… qui
s’appuient sur un appareil administratif plus
important. La croissance du tertiaire sera plus
rapide encore à partir des années 1950.
Si l’univers du bureau se distingue de l’usine,
à partir des années 1920, il en reproduit
les contraintes et adapte ses méthodes. Le
document montre un alignement d’employées
qui met en évidence une organisation rationnelle
des opérations, sous le regard attentif d’un
homme qui semble les superviser. Néanmoins,
l’univers des employés reste porteur d’un
espoir de promotion sociale. Le recrutement
n’y privilégie pas les diplômés, l’avancement se
fait souvent à l’ancienneté et à la compétence.
Il s’agit ici d’une compagnie d’assurance. Les
premières polices d’assurance-vie furent
lancées le 17 novembre 1879. Quarante
ans plus tard, vers 1920, Metropolitan et
les autres compagnies, comme Prudential,
comptaient plus de 46 millions de clients. On
notera que tous les employés sont WASP !
Si la naissance des cols blancs est une
transformation sociale importante, elle ne
fait donc pas disparaître certaines inégalités.
Il en va ainsi de la possibilité d’ascension
Une économie de production de masse
sociale au sein du tertiaire, où il faut distinguer
les sort des hommes et des femmes. À partir
de 1915, la Metropolitan lance une politique
de formation interne. Les hommes étaient
formés par les soins de la direction du
département des actuaires (les employés
des compagnies d’assurance qui calculent
les montants des polices d’assurés en
fonction des risques). Le but était de les
préparer aux examens variés de la Société
des Actuaires. Les hommes pouvaient donc
envisager une carrière. En revanche, les
femmes, qui sont pourtant majoritaires dans
l’entreprise, sont cantonnées aux activités
de simples employées (standardistes,
chargées du classement des fiches…) et la
seule promotion possible est de devenir
sténographe : elle passait alors de 9 $ par
mois à 11 $ par mois ! Cela correspond à
toute l’organisation de l’entreprise qui sépare
hommes et femmes (sauf pour le travail). Au
sein d’un même service, les femmes faisaient
les tâches subordonnées aux hommes par
la division du travail : ainsi au service des
audits, les hommes vérifiaient les dossiers
des candidats à l’assurance-vie, les femmes
se contentaient de dispatcher ensuite les
dossiers vers les services appropriés. Les
femmes avaient une cantine séparée. Dans les
grands bureaux sans cloisons, les hommes
avaient un bureau personnel, les femmes
travaillaient sur des tables communes.
Quand en 1914, les employés purent utiliser
le téléphone au sein de l’entreprise, c’était
réservé aux hommes.
Questions
1. Tandis que la Grande-Bretagne et la France
voient leur part dans la production mondiale
baisser, l’Allemagne connaît une progression
spectaculaire jusqu’en 1914, puis une
stagnation. La Russie/URSS connaît, elle, une
forte croissance dans les années 1930, mais
part de beaucoup plus bas.
2. La part de l’Allemagne s’accroît aussi, mais
elle recule à partir des années 1920 et 1930
(conséquences de la Première Guerre mondiale
puis de la crise de 1929). Enfin, la Russie, puis
l’URSS développe ses industries, de façon
spectaculaire dans les années 1930 (priorité
dans la planification sous Staline). Au contraire,
la part de la Grande-Bretagne ne cesse de
régresser, ainsi que celle de la France qui se
10
stabilise néanmoins à partir des années 1910.
3. Entre 1870 et 1937, un reclassement des
puissances industrielles s’est opéré : en 1937,
Les États-Unis se sont affirmés comme la
première puissance industrielle mondiale, très
loin devant ses concurrents, suivis de l’URSS,
puis de l’Allemagne.
4. Les trois productions augmentent de la
fin du XIXe siècle à 1939, avec un accident en
1919 pour la production d’acide sulfurique
et de fonte brute. Ce creux s’explique par les
conséquences de la Première Guerre mondiale
qui a déstabilisé l’économie allemande. Ces
productions reprennent ensuite leur essor dans
les années 1920. L’électricité, sans doute parce
qu’elle n’était pas aussi développée au même
moment, ne semble pas avoir été affectée par
la guerre.
5. Ces trois productions se développent
pendant la seconde industrialisation, à partir
des années 1880. La chimie et la fonte brute
suivent une évolution parallèle : par exemple,
de 1889 à 1909, les deux productions doublent.
Ensuite, la production d’acide augmente un
peu plus vite. L’électricité, pilier de cette
phase de l’industrialisation, se développe plus
rapidement passant de 0,5 gigaWatts/heure en
1909 à 30 gigaWatts/heure en 1929.
6. Le secteur d’activité le plus important au
milieu du XIXe siècle est le secteur primaire. En
1930, il est devancé par le secteur tertiaire.
7. Cette évolution s’explique par l’essor des
services qui répondent aux besoins des
entreprises (assurances, téléphone, comptabilité, etc.) et des services publics.
8. Le secteur tertiaire favorise le travail féminin.
Cependant, les femmes restent cantonnées
à des tâches subalternes, encadrées par des
hommes.
Page 22
Une grande diversité d’innovations
5 L’automobile, symbole de liberté
Conscients de la nécessité d’élargir leurs
marchés, les constructeurs d’automobiles
s’appuient d’abord sur la presse, puis sur
les salons de l’automobile pour développer
la « réclame ». Citroën se montrera particulièrement novateur, organisant par exemple la
Croisière noire d’Alger à Tananarive en 1924.
6 Une révolution dans la sidérurugie
Henry Bessemer (1813-1898) est un ingénieur
anglais qui, en 1856, après trois ans de
recherches, met au point une nouvelle méthode
de production de l’acier : il insuffle un violent
courant d’air dans un convertisseur contenant
de la fonte liquide, réduisant le carbone.
Cette méthode est à la fois plus rapide et
beaucoup moins chère. Quelques années
plus tard, d’autres innovations vont s’inspirer
de la méthode Bessemer, comme le procédé
Siemens-Martin, très largement adopté, car
plus facile à contrôler, à partir de 1894 en
Grande-Bretagne et de 1925 en Allemagne. En
1875, le procédé Thomas permet d’exploiter les
minerais phosphoreux comme ceux de Lorraine.
Ce texte montre l’importance des innovations
dans le processus d’industrialisation, mais
aussi le scepticisme qui accompagne parfois
ces avancées technologiques.
les distances en offrant une communication
immédiate, par-delà les distances.
3. Le système Bessemer permet d’employer
de la fonte brute et non un produit transformé,
le fer en barre, qui coûte plus cher (375 à 500
francs la tonne contre 75 francs pour la fonte
brute) ; il permet une conversion plus rapide
car il n’emploie aucun combustible (« 25 à 30
minutes au lieu de 10 jours et 10 nuits ») ; il
permet de produire une plus grande quantité
(5 à 6 tonnes en une opération au lieu de petits
lingots de 18 à 22,5 kg) ; enfin le convertisseur
Bessemer est dix fois plus économique car
l’acier en barres produit coûte 150 francs la
tonne au lieu de 1 500.
4. Bessemer explique que son innovation a été
accueillie avec « la plus grande incrédulité et la
plus grande méfiance ». En effet, les industriels
n’ont pas adopté le procédé, ne pouvant croire
à un progrès technique si spectaculaire.
7 Une nouvelle façon de communiquer
Le télégraphe électrique se développe dès le
début du XIXe siècle, permettant la mise en
place de télécommunications sur de longues
distances. Le 14 février 1876, Graham Bell
dépose le premier brevet de téléphone (mais
depuis 2002, l’inventeur officiel est Antonio
Meucci, qui a déposé son brevet plus tôt, en
1871). Puis, Thomas A. Edison joue un rôle
décisif en augmentant la capacité du téléphone,
ce qui permet de créer un vrai réseau. En 1878,
le premier standard téléphonique est installé
dans le Connecticut. Au début du XXe siècle, le
téléphone s’est déjà largement développé dans
les bureaux comme dans les domiciles où il
apparaît comme un signe de modernité.
Questions
1. Il s’agit de deux publicités qui s’adressent à
un large public : le document 5 est paru dans un
journal et le document 7 est une carte postale.
Mais le décor et les vêtements des personnes
représentées, auxquelles les consommateurs
sont censés s’identifier, suggèrent que ces
publicités s’adressent plutôt à un public aisé.
De fait, l’automobile comme le téléphone sont
encore réservés à des clients privilégiés au
début du XXe siècle.
2. L’automobile accélère les déplacements
et offre une souplesse plus grande dans les
déplacements. Le téléphone réduit aussi
Page 23
Vers une diffusion de plus en plus
large des produits manufacturés
8 Les expositions universelles,
vitrines de l’industrialisation
Les expositions universelles témoignent des
progrès de l’industrialisation. La première se
tient à Londres en 1851, puis cinq se tiendront
à Paris en 1855, 1867, 1878, 1889 et 1900. Ces
expositions se présentent comme des vitrines
technologiques, mais aussi comme des témoins
de l’évolution des échanges commerciaux,
de l’expansion coloniale et du développement
des arts. Des concours sont organisés afin
de récompenser les meilleures innovations.
Chaque pays dispose d’un pavillon qui lui
permet de mettre en évidence la modernité
de sa société et de son économie : en 1889,
l’Exposition universelle de Paris est l’occasion
de célébrer le centenaire de la République
et la virtuosité de la France en matière de
construction métallique à travers la Tour
Eiffel.
9 L’essor des grands magasins
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le petit
commerce domine : les prix s’y fixent « à la tête
Une économie de production de masse
11
du client », le choix est limité et la concurrence
quasiment absente. Le développement des
transports qui favorise l’essor du commerce, la
croissance et la diversification de la production
industrielle, l’apparition de la publicité et
les travaux d’urbanisme d’Haussmann vont
favoriser l’apparition des grands magasins.
Aristide Boucicaut, qui a inspiré Au bonheur
des dames, est né dans l’Orme en 1810 d’un
père qui tenait une petite boutique à Bellême,
et mort en 1877. Vendeur puis chef de rayon
à Paris, il fonde le Bon Marché en 1852 (avec
l’aide de Paul Videau) et rachète toutes les
parts en 1863. Avec sa femme (1816-1887), il
en fait le premier grand magasin. À l’époque,
il employait douze personnes, comptait quatre
rayons et réalisait un chiffre d’affaires d’environ
450 000 francs. Il a inventé les notions de
libre accès pour le consommateur, le prix fixe
déterminé par étiquetage qui élimine le besoin
de marchander, un assortiment très étendu,
le principe des rayons, des bonnes affaires
à dénicher, des soldes, une politique de bas
prix assise sur une marge de profit réduite et
une forte rotation des marchandises, et même
la possibilité de retourner et d’échanger la
marchandise insatisfaisante ; et il publie en
1865 un catalogue de vente par correspondance
moderne (mais il n’a pas inventé à proprement
parler cet outil qui existe depuis le XVIIe siècle).
Il laisse à sa mort un capital de 44 millions de
francs : c’est le prototype du self made man, le
nouveau modèle dominant de la société à partir
du Second Empire.
Le succès du Bon Marché fait des émules en
France, mais aussi en Europe et en Amérique
du Nord. À Paris, se créent successivement Les
Magasins du Louvre (1855), Le Bazar de l’Hôtel
de Ville (BHV, 1856), Le Printemps (1865), La
Samaritaine (1869), Les Galeries Lafayette
(1895). De plus, ces magasins adoptent
une architecture innovante, employant des
poutrelles métalliques, des verrières, du
ciment.
Questions
1. Il s’agit du phonographe, inventé par Edison,
qui permet d’enregistrer la parole puis de la
restituer.
2. Le modèle est exposé et la possibilité est
offerte au public de l’essayer : l’essai remporte
un franc succès comme en témoigne le
document.
12
3. Une exposition universelle permet de faire
connaître les innovations à un public très
large.
4. Les grands magasins ont des stocks
importants, proposent des marchandises diversifiées et renouvelées, à un prix fixe et bas (« au
prix de la marchandise de camelote »).
Pages 24-27
LEÇON 2
L’âge d’or de la grande entreprise
Les entreprises s’adaptent à l’industrialisation
en agrandissant leurs bâtiments (doc. 4),
en diversifiant leur production (doc. 5) et en
adoptant de nouvelles méthodes de travail
(doc. 6, 7, 8). Pour cela, elles font appel à de
nouvelles sources de financement comme les
bourses et les banques.
1 Les usines Ford à Detroit
Cette photographie de 1938 des usines Ford à
Detroit montre la taille croissante des bâtiments
industriels et l’évolution de leur forme et de
leurs matériaux. Les usines doivent s’adapter
au travail à la chaîne. Les bâtiments s’allongent,
deviennent rectangulaires pour s’adapter à
la mise en ligne des machines et former une
chaîne de production. Ils se spécialisent aussi :
certains sont destinés à la production, d’autres
au stockage des produits finis ou des matières
premières, etc. Enfin les bâtiments industriels
sont désormais construits avec des métaux, ce
qui permet d’installer de larges baies vitrées
qui laissent passer davantage de lumière et
d’économiser l’éclairage électrique.
2 La concentration en France
Le développement des grandes usines à la fin
du XIXe siècle ne fait pas disparaître les petits
établissements industriels ou les emplois
à domicile, même au Royaume-Uni ou en
Allemagne : la taille moyenne des établissements industriels britanniques n’excède pas
20 personnes en 1900. Néanmoins, les concentrations, les fusions, etc. et la concurrence de
plus en plus large tendent à accroître la taille
des entreprises. Le document met cependant
en évidence le poids toujours lourd des petites
entreprises en France.
3 La naissance de la grande entreprise
Ce texte est rédigé par Paul Lafargue (18421911), socialiste français, disciple de Proudhon
puis de Karl Marx dont il épousa la fille, Laura.
Membre de la Ire Internationale, il participa
à la Commune de Paris, puis fonda le Parti
ouvrier français (1880), avec Jules Guesde.
Député de Lille (1885-1894), il fut l’auteur de
nombreux textes politiques et économiques,
dont un pamphlet, Le Droit à la paresse (1880),
et Le Matérialisme économique de Karl Marx
(1884)…
Questions
1. Nous pouvons distinguer trois plans.
Au premier plan, des véhicules utilitaires
témoignent de l’activité des usines. Au second
plan, une foule d’ouvriers avancent en file
vers les usines : la taille de l’entreprise et
l’organisation scientifique du travail imposent
un personnel nombreux. Au troisième plan,
de grands bâtiments industriels mettent en
évidence l’importance de l’activité industrielle
de ce site.
2. La forme des bâtiments diffère en fonction de
l’utilisation des lieux : les unités de production
sont allongées pour accueillir les chaînes de
production en ligne, alors que les bâtiments
de stockage sont moins longs. Les rails de
chemin de fer montrent que le site importe
ses matériaux par voie ferrée : une partie de la
production peut également être exportée par la
même voie.
3. Durant la période considérée, ce sont les
petites entreprises qui dominent très largement
en France (plus de 80 %). Mais leur part baisse
progressivement.
4. Même si leur part reste très modeste, ce
sont les entreprises de plus 500 salariés
qui augmentent le plus : de 1896 à 1936,
leur nombre a été multiplié par plus de 257.
Les entreprises de 51 à 500 salariés ont été
multipliées par 3,3.
5. Une société anonyme est une société dont
le capital est divisé en « titres de propriété »,
c’est-à-dire en actions.
6. Pour Paul Lafargue, ce sont les chemins de fer
qui ont donné naissance aux sociétés anonymes
car ils nécessitaient des investissements qui
n’étaient plus à la portée d’une personne ou
d’une famille : il fallait donc recourir à des
fonds récoltés très largement.
Page 26
La grande entreprise
4 La grande usine intégrée
L’aciérie Krupp a été fondée en 1811 à Essen,
dans le bassin de la Ruhr (land de Rhénanie
du Nord-Westphalie). Très vite, l’entreprise
familiale a développé et diversifié ses activités.
En 1845, elle employait 122 ouvriers ; en
1912, elle en dénombrait 70 000. Dès la fin
du XIXe siècle, le site industriel de Essen
regroupe des aciéries, mais aussi une usine
construisant des machines outils, des forges,
des lignes de chemin de fer… ainsi que divers
bâtiments destinés au personnel : économat,
casinos, écoles, bibliothèques, hôpital, asile de
vieillards…
5 Un exemple de concentration
L’auteur de ce texte, Victor Cambon, est un
ingénieur français, auteur de plusieurs études
sur l’économie allemande. Dans ce document,
il raconte la croissance de la grande entreprise
sidérurgique allemande Thyssen, grâce à
une stratégie de concentration verticale et
horizontale.
6 Le taylorisme dans l’usine Berliet
L’Américain Frederick Winslow Taylor est
d’abord ouvrier dans la sidérurgie avant de
devenir ingénieur, puis économiste. Au début
du XXe siècle, il met au point une « organisation
scientifique du travail » qui implique une
spécialisation des ouvriers et la suppression
des gestes inutiles par la mise en place du
travail à la chaîne. Cette théorie est appliquée
dès les années 1910 dans certaines usines,
mais se développe surtout en France dans
les années 1920 et 1930, comme en témoigne
l’auteur de ce texte.
Une économie de production de masse
13
Question
Étapes de la concentration verticale de l’entreprise Thyssen
1910
Mines de fer
amont
1910
Hauts fourneaux
1884
Fonderie
rachats, créations
ou prises de participation
1871
Société Thyssen et Cie :
forges (70 ouvriers) + laminoirs
aval
Banque rhénane
de Mülhein
Entre 1871 et 1884
Fabrique de tuyaux soudés
1884
Fabrique de machines
Page 27
Le fordisme
7 La division des tâches
8 Une critique de la gestion chez Ford
L.-F. Céline (1894-1961), l’écrivain français le
plus largement diffusé dans le monde (après
M. Proust), a participé à la Première Guerre
mondiale, dont il sort décoré de la médaille
militaire puis de la Croix de guerre. Il achève
ensuite ses études de médecine, ainsi qu’une
thèse de doctorat, La Vie et l’Œuvre de Ignace
Philippe Semmelwais (1924), considérée comme sa première œuvre littéraire. Employé
14
1881 Ateliers de
galvanisation du zinc
Création des ports
d’Alsum et Swelgen
par la SDN en qualité de médecin, il effectue
plusieurs voyages en Afrique et aux États-Unis
où il visite les usines Ford de Detroit. C’est
sur les expériences accumulées durant cette
période que Céline s’appuie pour écrire Voyage
au bout de la nuit (1932), couronné du prix
Renaudot, dans lequel il évoque notamment
sa visite aux usines Ford. Son témoignage est
pour lui l’occasion de dénoncer le taylorisme,
ce système qui « broie les individus, les réduit à
la misère, et nie même leur humanité ».
Questions
1. Il s’agit d’une entreprise automobile, Citröen.
2. Les vêtements et l’attitude des personnages
permettent de distinguer différents emplois :
ouvriers travaillant sur la chaîne, outils en
main, contremaîtres ou membres du bureau
des études en blouse, ingénieurs ou personnel
de direction en costume.
3. Cette gestion de la production s’appuie
sur une division des tâches pour accroître
la productivité du travail et augmenter la
production, tout en réduisant les coûts.
4. Deux aspects mis en évidence par l’image
sont soulignés par Céline : « le travail réduit à
quelques gestes », c’est-à-dire la division du
travail, et sa conséquence : les gestes « répétés
devant une machine ».
5. Il s’agit du taylorisme, c’est-à-dire l’organisation scientifique du travail.
6. « N’importe qui peut remplacer n’importe
quel ouvrier » car la main-d’œuvre est
peu qualifiée mais très spécialisée, donc
interchangeable. La production est donc
continue, plus importante et moins chère car
les ouvriers sont plus productifs.
7. Le travail est répétitif, réduit à « quelques
gestes », inintéressant. De plus, Ford ayant décidé
de rétribuer davantage ses ouvriers, ceux-ci sont
« résignés », ne cherchent pas un autre travail
ailleurs où ils seraient moins bien payés.
Pages 28-31
LEÇON 3
Une industrialisation inégale
dans l’espace et dans le temps
Le processus d’industrialisation est ponctué
par des crises économiques (doc. 5 à 8) qui
entraînent une intervention croissante des
États (doc. 4 et doc. 9 à 11) et la mise en place
de mesures protectionnistes (doc. 3) pour
protéger les entreprises de la concurrence
étrangère.
1 L’évolution du taux de croissance du PIB
2 L’industrialisation inégale de l’Italie
L’Italie illustre le cas d’un jeune État dont
l’industrialisation reste très contrastée et très
concentrée au nord du pays, en particulier
dans le triangle industriel Ligurie-PiémontLombardie. En effet, le sud de l’Italie, appelé
Mezzogiorno, se distingue du reste de la
péninsule par son caractère profondément
rural, son niveau de vie très faible alors que
la population a conservé un taux de crois-
sance important : dès la fin du XIXe siècle,
le Mezzogiorno est un foyer d’émigration
important. De plus, l’agriculture reste très
traditionnelle, extensive, et dominée par les
latifundias : peu compétitive, elle ne permet
pas de dégager les capitaux nécessaires à
l’industrialisation. Dès le début du XXe siècle,
cette région a bénéficié de « lois spéciales »
pour développer les bases d’une modernisation
agricole et favoriser l’industrialisation dans
quelques espaces : aménagements portuaires
et industriels, instituts de formation technique, incitations fiscales, construction d’infrastructures de transport… Ces efforts sont
ensuite entravés par la guerre, la crise
économique, la politique mise en œuvre par
l’État fasciste (surtout favorable au Nord) : à
la veille de Seconde Guerre mondiale, l’espace
industriel italien reste très déséquilibré au
profit du triangle industriel au Nord.
3 Le retour au protectionnisme en France
Depuis la signature du traité de commerce
avec l’Angleterre, la France était entrée dans
la voie du libre-échange. En 1871, une clause
du traité de Francfort oblige la France à
appliquer à l’Empire allemand le tarif douanier
de la « nation la plus favorisée », considérée
par certains comme un « Sedan industriel ».
Frappée par la concurrence étrangère et par
la dépression économique, la France revient au
protectionnisme, sous la pression notamment
d’une coalition d’industriels des régions
productrices de métallurgie et de textile (Nord
et Lorraine), dirigée au parlement par le député
des Vosges, rapporteur général du budget des
douanes, l’avocat Jules Méline (1838-1925).
La loi votée en janvier 1892 met en place un
système uniforme de droits, prévoyant des tarifs
minimum et maximum qui encadraient les
négociations du gouvernement avec l’étranger.
4 Le rôle grandissant de l’État
Questions
1. De 1820 à 1870, les États-Unis ont le plus fort
PIB, puis l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
2. De 1870 à 1913, deux États seulement
voient leur taux de croissance s’infléchir,
assez faiblement : les États-Unis et la GrandeBretagne. Mais de 1913 à 1950, la baisse du
taux de croissance affecte tous les États, qui
Une économie de production de masse
15
pâtissent des deux guerres mondiales et de la
crise économique de 1929.
3. Les États-Unis et l’Angleterre semblent
touchés les premiers par la crise. Si tous les
pays connaissent une chute importante de
leur croissance, elle est plus spectaculaire en
Allemagne, mais plus étalée en France et en
Grande-Bretagne.
4. La région la plus riche est le Nord-Ouest et
la moins riche le Sud.
5. Ces écarts tendent à se creuser au fil du
temps : le PIB s’accroît régulièrement dans le
Nord-Ouest, il diminue sensiblement au NordEst, mais il chute plus clairement dans le Sud.
6. Ce texte est un discours prononcé à la
Chambre des députés par Jules Méline,
député des Vosges, le 11 mai 1891. L’auteur
veut convaincre les parlementaires d’adopter
des mesures protectionnistes afin de protéger
les entreprises françaises de la concurrence
étrangère.
7. La France doit changer ses tarifs car les
autres nations industrielles ont augmenté les
leurs, réduisant les exportations françaises :
si la France n’augmente pas ses tarifs
douaniers à l’instar de ses concurrents, les
produits étrangers continueront à affluer
et à concurrencer les produits français sur
le marché intérieur, alors que les marchés
extérieurs restent fermés. L’abandon du libreéchange a donc pour conséquence de réduire
les échanges internationaux puisque tous les
États industriels ferment leurs marchés à la
concurrence étrangère.
8. Le fret a baissé de 60 à 80 % grâce au
développement des moyens de transport tels
que le chemin de fer et le bateau à vapeur qui
ont réduit les distances et les coûts.
9. Les dépenses publiques s’accroissent de
1880 à 1913 dans tous les pays occidentaux,
sauf en France où la progression commence à
partir de la Première Guerre mondiale. Dans
tous ces États, l’augmentation des dépenses
publiques s’accélère jusqu’à plus que doubler
dans les années 1920-1930.
10. Cette évolution signifie que les États
interviennent davantage dans les sociétés
occidentales, en particulier dans l’économie.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les États
s’efforçaient de ne prendre en charge que le
minimum (police, armée, justice…) : dès la fin
du XIXe siècle, la Grande Dépression encourage
certains États à intervenir davantage dans la
16
vie économique pour soutenir les salariés et
les entreprises en crise. À partir des années
1930, les États se lancent dans des politiques
sociales et de relance économique inspirées par
Keynes, ce qui explique la hausse spectaculaire
des dépenses publiques.
Page 30
L’impact de la dépression
des années 1930 sur l’économie
et la société
5 La chute des prix
6 Le recul de la production industrielle
(en %)
7 La baisse des exportations
8 File d’attente pour la soupe populaire
à New York
Face à l’augmentation du chômage et des
tensions sociales, les États occidentaux adoptent
des mesures sociales d’urgence. En France,
des communes créent des fonds municipaux
de chômage pouvant accorder des secours (9 à
10 francs par jour), mais il faut attendre les
accords de Matignon (7 juin 1936) pour que
l’État mette en place une politique d’envergure.
En Grande-Bretagne, l’allocation chômage qui
existe déjà est limitée à 26 semaines, mais son
montant reste limité jusqu’en 1934.
Questions
1. Faute de demande, les prix chutent (avant
même le krach boursier) et la production
baisse, ce qui accroît le chômage. D’après le
tableau, la baisse de la production semble plus
importante en France et aux États-Unis, car
ces deux pays ne sont pas parvenus à redresser
leur économie en 1938, contrairement, par
exemple, à l’Allemagne où la politique de
réarmement menée par Hitler a contribué à
relancer la production.
2. Le document 1 montre bien que ce sont
d’abord les États-Unis puis l’Allemagne qui ont
été davantage frappés.
3. La crise entraîne une hausse très importante du chômage (en 1932, le taux de chômage
dépasse 20 % aux États-Unis, 15 % en
Allemagne) et une paupérisation due à la
chute des revenus : cette misère se traduit
par le développement des secours tels que la
distribution de soupe populaire.
4. La gravité et la singularité de cette crise
tiennent à son amplitude : toute l’économie est
touchée très fortement, dans le monde entier.
Page 31
Les États luttent contre la crise
9 Les grands travaux
Aux États-Unis, dans le cadre du New Deal, est
créé, le 31 mars 1933, le « Civilian Conservation
Corps » (« C.C.C. A Young Man’s Opportunity for
Work Play Study & Health »), un programme qui
prévoyait l’embauche de plusieurs centaines
de milliers de chômeurs à la construction de
barrages hydrauliques, ponts, à l’entretien des
routes ou à des travaux de reboisement.
10 Roosevelt lance le New Deal
Franklin Roosevelt (1882-1945) se lance
dans la politique en 1904 : il est élu sénateur
démocrate de l’État de New York, avant de
devenir secrétaire adjoint à la Marine (19131920). En 1928, il est élu gouverneur de l’État
de New York où il se distingue par son énergie
à combattre la dépression économique. Élu
Président en 1933, il s’entoure d’un groupe de
conseillers politiques et économiques (le brain
trust) et met en place le New Deal (« nouvelle
donne »), inspiré des théories de Keynes, pour
surmonter la dépression.
John Maynard Keynes (1883-1946) préconise
une intervention accrue des États dans
l’économie pour relancer la demande :
l’augmentation des salaires, la mise en place
d’allocations chômage et la politique de
grands travaux doivent relancer la production
en soutenant la consommation. Le coût des
interventions de l’État doit être compensé, à
terme, par les revenus fiscaux provenant des
entreprises et des particuliers. Cette politique
constitue une rupture importante. Depuis
la fin du XIXe siècle, les États occidentaux
intervenaient peu à peu dans l’économie en
introduisant des législations sociales. Mais face
à la crise de 1929, l’État n’est plus simplement
un gendarme et il devient aussi un régulateur
de l’économie.
Dans le cadre du New Deal, le contrôle sur les
banques est renforcé (Banking Act, juin 1933),
les administrations fédérales embauchent
des chômeurs pour entreprendre des grands
travaux d’équipement, la politique monétaire
encourage l’inflation pour stopper la chute
des prix et alléger les dettes, des subventions
sont versées aux agriculteurs pour réduire leur
production. Le résultat est mitigé : l’économie
se redresse, mais une nouvelle récession
se produit en 1937. Les commandes des
démocraties en guerre permettront de sortir
de la dépression.
11 Quelques mesures du New Deal
Avec l’AAA (12 mai 1933), l’objectif est d’obtenir
une amélioration rapide de la situation que ne
semble pas permettre à elle seule la politique
monétaire (inflation). Il faut aussi réduire les
stocks et la production pour relever les prix.
On organise alors le financement fédéral de
la limitation de la production pour soutenir
les cours, d’abord en finançant en 1933 une
destruction d’une partie des récoltes (la récolte
a été excellente !) puis, à partir de 1934, par
le biais du versement d’une indemnité aux
agriculteurs qui réduisent volontairement
(planification souple) les surfaces cultivées
en blé, coton et maïs (gel des terres) et la
production de lait et de viande de porc. L’AAA
inclut aussi l’amendement Thomas autorisant
le Président à pratiquer l’inflation et à dévaluer
la monnaie. Ces mesures sont complétées le
16 juin 1933 par le Farm Credit Act (création
de caisses de crédit agricole contrôlées par le
Trésor et assurant des avances à taux d’intérêt
très bas) et le 21 avril 1934 par le Bankhead Act
(les réductions de terres cultivées deviennent
obligatoires si la majorité des exploitants
d’une région le décide par referendum). Les
agriculteurs sont donc désormais protégés et
assistés par l’État, mais fortement dépendants
de l’État. Il encadre et subventionne la production pour la limiter. L’État offre également
aux fermiers qui sont libres de refuser, de se
charger de la commercialisation. Dans ce cas, le
Secrétariat à l’agriculture achète la production
à prix garanti, verse des primes pour livraison
inférieure aux quantités prévues, stocke et se
charge ensuite de vendre. Le fermier n’est plus
qu’un producteur chargé de fournir les quantités
Une économie de production de masse
17
convenues et la commercialisation est devenue
une affaire de l’État. Les fonds nécessaires pour
ces diverses interventions ne sont pas financés
par déficit budgétaire, mais par une taxe à la
transformation des produits agricoles, payée par
les industries agro-alimentaires et répercutée
en définitive sur le consommateur. Ces mesures
sont plus favorables aux grandes exploitations
qu’aux petites, car les plus grandes peuvent
amortir leurs frais de production même sur une
production plus faible, mais encore importante.
Les réductions de surfaces ne tiennent compte
ni de la rentabilité des exploitations ni de
la fertilité des sols. Le malthusianisme des
mesures est choquant alors qu’une partie des
Américains est mal nourrie. Enfin, les hausses
de prix profitent massivement à ceux qui ne
réduisent pas leur production, si bien qu’en 1934
on cherche à rendre les réductions obligatoires
par référendum…
Avec le NIRA, il s’agit d’une régulation
concertée de l’industrie grâce à la suspension
des lois anti-trust et à l’autorisation pour les
industriels d’adopter des Codes par branches
fixant des prix minima et des quotas de
production (ce qui limite la concurrence et
peut conduire à des stratégies de limitation de
l’offre). Les Codes doivent garantir la pleine
liberté syndicale (droit d’élire librement leurs
représentants et droit pour ces représentants
de négocier les conventions collectives,
protection des représentants syndicaux
contre d’éventuelles représailles patronales).
Un Code fédéral ramène aussi le temps de
travail à 36/38 heures selon les branches,
garantit un salaire minimum et supprime le
travail des enfants. Le NIRA inclut également
l’ouverture de 3,3 milliards de crédits pour des
travaux publics dans le cadre de la Public Work
Administration. Tout cela donne des résultats
inégaux. Les Codes, plus de 700, limitent la
concurrence et doivent discipliner le monde
des affaires. Mais cela n’a de sens que si la
rédaction des codes est contrôlée par l’État
capable de faire respecter l’intérêt général.
Or, l’administration étant sans expérience
pour le faire, ils sont rédigés sous l’égide du
Big Business qui fait prévaloir ses intérêts et
ils sont aussitôt dénoncés par les PME comme
des carcans étouffant. Par ailleurs, le NIRA
visait à augmenter les prix, les salaires, donc le
pouvoir d’achat et, par la diminution du temps
de travail à réduire le chômage. Les résultats du
18
NIRA sont économiquement très contestables.
Les salaires autres que ceux des catégories les
plus défavorisées ont augmenté moins vite que
les prix : les prix augmentent de 10 %, mais
du fait de la réduction du temps de travail, les
salaires hebdomadaires n’augmentent que de
4 % si bien que le pouvoir d’achat est réduit
de 5 à 6 % ! Il y a donc une contraction de la
demande qui est loin d’être compensée par le
développement des travaux publics. Alors que
l’indice de la production industrielle était passé
de 54 à 91 entre mars et juillet 1933 grâce à
la dépréciation du dollar, il retombe à 65 en
novembre 1933 (indice 100 en 1928).
Peu efficace pour contrôler le Big Business qui
a en réalité contrôlé la rédaction des Codes,
économiquement contestable, le NIRA vaut
surtout pour ses contenus sociaux ! Cette
politique d’intervention de l’État se heurte
à l’hostilité radicale de la fraction la plus
conservatrice du patronat relayée par la Cour
suprême, mais un certain nombre d’acquis se
révèlent durables.
Le Social Security Act reconnaît pour la
première fois les droits sociaux des individus.
Avec l’instauration d’une assurance vieillesse
(financée à parts égales par l’employeur et le
salarié) et d’une assurance chômage (financée
par l’employeur). Elle ne couvre toutefois que
les salariés de l’industrie et exclut les Noirs.
D’autre part, des subventions fédérales sont
versées aux États pour l’assistance médicale
et publique aux indigents, infirmes et enfants
à charge. Il s’agit là d’une politique clairement
social-démocrate, complétée par d’autres
mesures sociales telle la création de la Federal
Housing Administration en 1934 pour contrôler
le marché du logement et garantir les prêts
hypothécaires.
Questions
1. Les mesures qu’il propose sont l’embauche
de chômeurs et une politique de grands travaux
(prise en charge des moyens de communication
et de transport…), l’augmentation des prix
agricoles pour augmenter le pouvoir d’achat
des agriculteurs et accroître la demande.
2. L’État doit donc intervenir dans l’économie
pour corriger les conséquences des crises et
rétablir l’équilibre économique.
Pages 32-33
VERS LE BAC : Étude d’un ensemble documentaire
Comment apparaît la grande
entreprise dans la seconde
industrialisation ?
1re partie
1. Pour accroître sa production et rester
compétitif, l’entrepreneur se tient informé
des innovations, en se rendant à l’Exposition
universelle de Paris (1878), et achète les
machines les plus récentes pour son usine
(doc. 1 : métiers tricoteurs). Ensuite il renouvelle régulièrement ses machines pour rester
performant. Parallèlement, l’entrepreneur
agrandit sa structure de production et augmente
le nombre de ses salariés, ce qui lui permet de
produire plus.
2. La taille des bâtiments industriels s’accroît :
dans le document 1, M. Jaussaud passe progressivement du travail à domicile à une usine
employant 200 ouvriers. Le document 4 met en
évidence la taille des machines qui imposent
des bâtiments plus vastes. De plus, la forme
des bâtiments doit également évoluer : la mise
en ligne du travail entraîne un allongement
des ateliers de production. Le document 4
illustre aussi l’évolution des techniques de
construction : on aperçoit des verrières au
dernier plan, des poutrelles métalliques au
plafond, et des piliers très probablement en
béton. L’architecture industrielle connaît donc
d’importantes transformations pour s’adapter
aux besoins de l’industrie.
3. Le document 2 souligne le rôle des banques
dans le financement des entreprises. En effet,
à partir des années 1860, les entreprises
recourent de plus en plus aux prêts consentis
par les banques qui se développent alors.
Certaines choisissent de se transformer en
SA. Pour accroître leur capital : mais elles y
perdent, en partie, leur indépendance.
4. La société Schlumberger se développe en
étendant ses activités de prospection de pétrole
partout dans le monde, étendant sans cesse
ses marchés.
2e partie
Plan
– La grande entreprise s’appuie sur des
innovations : l’industrialisation s’appuie sur de
nouveaux produits diversifiés, qui se perfectionnent sans cesse.
– La grande entreprise étend sans cesse
ses marchés : grâce à la « révolution des
transports et des communications », le marché
s’étend toujours plus loin et devient mondial.
De plus, les entreprises suscitent de nouveaux
besoins, grâce à la publicité qui s’appuie sur
des supports de plus en plus diversifiés, et aux
expositions universelles.
– Pour accroître ses capacités de production,
l’entreprise se transforme en se concentrant
verticalement et/ou horizontalement. Elle
finance ces transformations en recourant aux
prêts des banques ou en devant une société
anonyme. De plus, la grande entreprise adopte
de nouvelles méthodes de production fondées
sur le taylorisme. Ses bâtiments s’adaptent
en devenant plus grands et en utilisant de
nouveaux matériaux tels que le métal, le verre
et le béton.
Page 34
VERS LE BAC : Explication d’un document
Témoignage d’une femme à l’usine
en 1928
1. Plusieurs éléments sont caractéristiques
de la seconde industrialisation : l’utilisation de
machines et surtout l’application du taylorisme :
travail morcelé, rationalisé, la présence d’une
chaîne de production…
2. L’usine Panhard applique très largement
le taylorisme. Le travail est divisé en gestes
simples, exécuté sur des machines, et mis
en ligne : l’auteur souligne qu’elle doit rester
debout, sans changer de place. Les tâches
sont clairement séparées : les ouvriers sont
chargés de la production, des contremaîtres
les surveillent, et le travail de conception,
qui n’est pas évoqué dans ce témoignage, est
réalisé ailleurs, par des ingénieurs, dans un
bureau d’étude. L’auteur souligne à plusieurs
reprises la volonté d’accroître la productivité
du travail : « m’indiquant parfois un geste plus
rationnel à faire ou une manière plus rapide de
travailler ».
3. Les conditions de travail sont rigoureuses.
Une discipline très « stricte » est appliquée : les
ouvriers sont constamment sous surveillance,
ils ne peuvent pas « s’asseoir », ni « causer entre
Une économie de production de masse
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eux ». De plus, le travail est pénible du fait des
« bruits des machines », de la saleté des lieux
(huile), du manque d’aération. Le travail est
également dangereux du fait de l’omniprésence
des « courroies, roues, engrenages » sur les
machines qui ne sont pas protégées. Enfin les
journées de travail sont longues (9 heures trois
quart, y compris le samedi matin ce qui fait
53 heures par semaine). Les locaux sont non
seulement sales mais anciens : cependant, les
salariés disposent ici d’un réfectoire aménagé.
4. Le fordisme n’est pas encore mis en place
dans cette entreprise : les salaires sont réduits
au minimum, « calculés au boni », avec un
taux de base dérisoire auxquel s’ajoute un
pourcentage dépendant du nombre de pièces
réalisées (donc de la productivité du travail
de chacun). Durant la même période, aux
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États-Unis, Ford a développé dans ses usines
une politique de salaires élevés qui incite
ses ouvriers à rester, évitant ainsi le turnover. Mais cette politique ne se généralisera
qu’après la Seconde Guerre mondiale en
Europe occidentale.
5. Dans cet extrait, les critiques portent surtout
sur la discipline et sur les conditions de travail.
La discipline est très détaillée pour souligner
son caractère très strict : les ouvriers n’ont pas
la liberté de s’exprimer, ni de se déplacer, tous
leurs gestes sont surveillés en permanence.
La dureté des conditions de travail est
également mise en évidence : les locaux sont
sales, bruyants, dangereux. En revanche, la
compression des salaires et le morcellement
des tâches, devenues répétitives, sans intérêt,
ne sont pas mis en exergue.
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